5 mars 2024

Annie Colère (2022) de Blandine Lenoir

Annie ColèreFévrier 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement, elle va trouver dans l’aide aux autres femmes et la bataille pour l’adoption de la loi sur l’avortement un nouveau sens à sa vie…
Annie Colère est film français co-écrit et réalisé par Blandine Lenoir. Ce récit est un hommage à l’action du MLAC dont la réalisatrice (née en 1973) dit n’avoir découvert l’existence que récemment. Elle dresse le portrait d’une femme qui va s’ouvrir une porte vers une nouvelle vie en s’impliquant dans ce collectif, avec le sentiment d’œuvrer pour une cause bénéfique à toutes les femmes. Le récit insiste sur l’entraide entre les femmes, sur l’importance de calmer les angoisses, sur la douceur des rapports. Le titre est un peu trompeur car cette femme n’est pas à proprement parler « en colère » (1). A noter une petite apparition de Delphine Seyrig dans l’une de ses interventions télévisées de l’époque. Un beau film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair, Rosemary Standley, Damien Chapelle
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Remarque :
• Deux documentaires sur le MLAC ont été réalisés par le passé : Histoires d’A (1973) durant la période d’activité de l’association et initialement interdit à la diffusion, et Regarde… elle a les yeux grand ouverts (1980) réalisé par Yann Le Masson.
• Rosemary Standley est la chanteuse du groupe Moriarty (ce qui explique sa si belle voix quand elle chante).

(1) En fait, c’est la réalisatrice qui est en colère. Dans le dossier de presse, elle dit être en colère contre « les gynécologues qui donnent des contraceptifs aux femmes sans leur parler de leurs corps ».

?, Zita Hanrot, Louise Labèque, Laure Calamy, Florence Muller et Rosemary Standley dans Annie Colère de Blandine Lenoir.

14 janvier 2023

L’événement (2021) de Audrey Diwan

L'événement1963 : Anne, une brillante étudiante d’origine modeste qui suit des études de lettres à l’université d’Angoulême, se retrouve enceinte à une époque où  la contraception était illégale et l’avortement passible de prison…
L’Événement est un film français réalisé par Audrey Diwan. Il s’agit de l’adaptation du roman autobiographique du même nom d’Annie Ernaux, paru en 2000. Ce récit nous replonge dans une époque qui semble aujourd’hui archaïque mais qui n’est pas si loin de nous. La réalisatrice n’a pas cherché à dramatiser mais plutôt à nous faire ressentir l’enfermement, les portes qui se ferment et les risques encourus. Audrey Diwan voulait « traiter ce suspense intime qui croît tout au long du récit. Les jours qui passent, l’horizon qui rétrécit et le corps comme une prison. » Elle y parvient parfaitement. Elle cadre Anne de très près, les autres personnages deviennent secondaires, hors de son histoire, étrangers à ce qu’elle vit. La jeune actrice franco-roumaine Anamaria Vartolomei fait une prestation remarquable. Lion d’or à la 78e édition de la Mostra de Venise.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luàna Bajrami, Pio Marmaï, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis
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L'événementAnamaria Vartolomei dans L’événement de Audrey Diwan.

25 août 2022

L’une chante l’autre pas (1977) de Agnès Varda

L'une chante l'autre pas1962. Pauline, étudiante de 17 ans, souhaite quitter sa famille pour devenir chanteuse. Intéressée par une exposition de photographies représentant des femmes qu’elle trouve trop tristes, elle reconnaît l’un des modèles, Suzanne, une ancienne voisine. Les deux femmes se retrouvent. Elles vont avoir des parcours très différents dans les quinze années qui suivent mais resteront amies…
L’une chante, l’autre pas est un film français écrit et réalisé par Agnès Varda. À travers un double portrait, elle nous offre une véritable chronique du féminisme et du droit des femmes sur deux décennies. Tout l’art de la réalisatrice est d’avoir réussi à tout mettre dans ces deux parcours : la clandestinité des avortements, les rapports hommes/femmes, l’amour, la femme et les enfants, … et ce, sans excès de militantisme, sans manichéisme et en parvenant à restituer cette aspiration à la liberté et à l’épanouissement qui a marqué les années soixante-dix. L’écriture d’Agnès Varda est une merveille d’équilibre et de richesse. Nous pouvons mesurer aujourd’hui que peu de films retracent aussi bien leur époque. La seule bizarrerie est l’épisode iranien (à l’époque sous le régime autoritaire du Chah d’Iran). Le côté musical a un peu vieilli mais une ou deux chansons restent très belles. Le film est ressorti en 2018 après une restauration méritée.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Thérèse Liotard, Valérie Mairesse, Ali Rafie, Jean-Pierre Pellegrin
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Remarque :
* La mère de Pauline est interprétée par Mona Mairesse, la mère de Valérie Mairesse. Le petit garçon (Zorro) du flutiste est joué par Matthieu Demy, le fils d’Agnès Varda alors âgé de quatre ans. Le film se termine sur une image de la fille de Suzanne à l’âge de 17 ans qui est interprétée par la fille aînée de la cinéaste, Rosalie Varda qui avait alors cet âge.

L'une chante l'autre pasThérèse Liotard et Valérie Mairesse dans L’une chante l’autre pas de Agnès Varda.

L'une chante l'autre pasL’une chante l’autre pas de Agnès Varda.

29 juillet 2020

Sibyl (2019) de Justine Triet

SibylAlors que Sibyl décide de stopper son activité de psychothérapeute pour écrire un roman, l’une de ses clientes, une actrice en plein désarroi, l’appelle à l’aide. D’abord réticente, elle accepte de s’occuper d’elle et, sans lui dire, en fait la principale source d’inspiration de son roman…
Après l’excellent Victoria, Justine Triet bâtit une nouvelle fois un film autour de Virginie Efira. L’actrice est de presque tous les plans et fait une belle prestation, n’allant trop loin qu’à de rares moments. L’histoire aurait pu être très forte mais tout est gâché par une construction perturbante : dès le début, la réalisatrice mêle maladroitement la réalité avec des scènes dont on ne sait s’il s’agit de flashback ou de scènes imaginées, ce qui déroute et donne une impression de fouillis incompréhensible. Les éclaircissements arrivent plus tard, tôt tard car notre intérêt s’est alors envolé. Certaines audaces de construction demandent une grande maitrise. Bizarrement, la critique ne semble pas avoir ressenti ce problème et a réservé un très bon accueil au film.
Elle: pas d'étoile
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider
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SibylVirginie Efira dans Sibyl de Justine Triet.

18 janvier 2015

Histoire de détective (1951) de William Wyler

Titre original : « Detective Story »

Histoire de détectiveUne journée ordinaire dans un commissariat de New York. Des habitants viennent porter plainte, d’autres sont ramenés par les policiers pour des délits très divers. Le détective MacLeod est l’un des piliers de la brigade, c’est un homme d’une grande intransigeance morale… Histoire de détective (Detective Story) est adapté d’une pièce à succès écrite par Sidney Kingsley dont William Wyler avait déjà adapté Dead End quatorze ans plus tôt. C’est un film très original par son sujet et par sa forme. Prendre comme sujet le travail quotidien des policiers était alors plutôt novateur. Le film prend même tout d’abord des allures de documentaire (on peut trouver que le film est plus proche du néoréalisme que du film noir) mais évolue peu à peu, sans que l’on n’y prenne garde, en un drame personnel assez puissant qui introduit un certain questionnement sur la rigueur morale, sous tendue d’une légère trame psychanalytique. Kirk Douglas a beaucoup de présence dans ce rôle d’anti-héros. La forme est elle aussi originale puisque tout le film (hormis quelques plans) se déroule dans un même lieu et se déroule en temps réel, sans ellipse : unité de temps et unité de lieu donc. William Wyler fait preuve de virtuosité de cadrage et de découpage, d’autant plus qu’il n’y a aucun temps mort, aucun relâchement dans la tension et aucun effet spectaculaire. Seule la fin est un peu trop appuyée mais cela n’empêche Detective Story d’être assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kirk Douglas, Eleanor Parker, William Bendix, Cathy O’Donnell, George Macready, Horace McMahon, Lee Grant
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Histoire de détective (1951) de William Wyler
Horace McMahon et Kirk Douglas dans Histoire de détective de William Wyler

Remarques :
* Detective Story a été nominé pour les Oscars dans quatre catégories (mais n’en a gagné aucun). A Cannes, c’est Lee Grant (la voleuse d’un sac à main) qui a reçu le prix de la meilleure actrice en 1952. Son rôle est certes assez mineur mais il est plus complexe qu’il ne paraît car c’est celui qui apporte une touche d’humour ; Lee Grant le tient parfaitement, souvent par des expressions de visage ou des petits gestes. Il s’agit de sa première apparition au cinéma. L’actrice ayant refusé de témoigner contre son mari Alan Manoff lors des auditions HUAC (House Un-American Activities Committee), Lee Grant sera sur liste noire et ne pourra pas tourner d’autres films avant quelques années.

* Le film eut beaucoup de problème avec la censure car le code Hays interdisait le sujet de l’avortement. Le terme « abortion » n’est ainsi jamais utilisé, le docteur inculpé est présenté comme faisant du « baby farming » (trafic de nouveau-nés) mais cela ne colle guère avec les dialogues (il est qualifié par exemple de boucher) et tout le monde a bien compris qu’il s’agissait d’avortement.

* Lee Grant (la voleuse d’un sac à main), Joseph Wiseman (l’un des deux cambrioleurs, celui qui coopère), Michael Strong (le coéquipier de Douglas) and Horace McMahon (le lieutenant) ont repris le rôle qu’ils tenaient sur les planches (où Ralph Bellamy tenait le rôle principal).

Lee Grant dans Histoire de détective (1951) de William Wyler
Lee Grant dans Histoire de détective de William Wyler

Kirk Douglas et Eleanor Parker dans Histoire de détective (1951) de William Wyler
Kirk Douglas et Eleanor Parker dans Histoire de détective de William Wyler (dans une des très rares scènes extérieures au commissariat)

3 décembre 2012

Crépuscule à Tokyo (1957) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Tôkyô boshoku »

Crépuscule à TokyoUn père vit seul avec ses deux filles depuis que sa femme l’a quitté vingt-cinq ans auparavant. L’aînée est mariée mais revient vivre chez son père avec son enfant après s’être disputé avec son mari. La plus jeune, toujours étudiante, est tombée amoureuse d’un garçon qui s’éloigne d’elle… Crépuscule à Tokyo voit Ozu faire une excursion dans le mélodrame. Nous retrouvons ici certains de ses thèmes récurrents, les conséquences du mariage arrangé, la place de la femme ou encore la difficulté de dialogues entre les générations, mais ils sont cette fois au service d’effets mélodramatiques que l’on peut juger trop appuyés ; c’est particulièrement manifeste lors du dénouement. Nous ne retrouvons pas ici cette profondeur dans les personnages à laquelle Ozu nous a habitués. L’ensemble est aussi inhabituellement noir. Beaucoup de commentateurs ont cru voir une réflexion sur la jeunesse mais cela parait difficilement être le cas. Toutefois, même s’il souffre de la comparaison avec ses autres films, Crépuscule à Tokyo ne manque de qualités, notamment dans sa forme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Setsuko Hara, Ineko Arima, Chishû Ryû, Isuzu Yamada, Teiji Takahashi, Haruko Sugimura
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