17 septembre 2023

Harry Plotnick seul contre tous (1970) de Michael Roemer

Titre original : « The Plot Against Harry »

Harry Plotnick seul contre tous (The Plot Against Harry)Après un bref séjour en prison, l’escroc juif Harry Plotnick retrouve une situation qui a bien changé. Son petit, mais juteux, racket dans l’univers du jeu est menacé de toutes parts et il est surveillé de près par son officier de probation. Il tente de renouer avec sa famille qui ne le voit pas d’un bon œil…
Harry Plotnick seul contre tous est une comédie américaine écrite et réalisée par Michael Roemer, son deuxième long métrage. Le film n’a pas connu de sortie commerciale en 1970 (une semaine dans un cinéma de quartier tout au plus) car personne ne le trouvait drôle. Vingt ans plus tard, le réalisateur désirait de mettre tous ses films sur bande à l’intention de ses enfants. Constatant que le technicien riait beaucoup en effectuant le transfert, Michael Roemer décide de faire deux copies en 35 mm et de les soumettre aux festivals du film de New York et de Toronto. Les deux festivals acceptent le film, qui est ensuite distribué dans le commerce, en 1989, avec succès.
Cette « jewish comedy » est affectivement assez amusante par la nonchalance de son personnage principal qui engrange les déconvenues. Il est débordé, avec toujours un téléphone qui sonne même dans les endroits les plus incongrus. Sa famille, juive et très pratiquante, est haute en couleur, les fêtes juives sont pittoresques. La galerie de personnages donne au film tout son sel. Les acteurs sont des non professionnels. Le film mérite bien d’être découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Martin Priest, Ben Lang, Maxine Woods, Henry Nemo
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Martin Priest et Henry Nemo dans Harry Plotnick seul contre tous (The Plot Against Harry) de Michael Roemer.

26 août 2023

La Promesse de l’aube (2017) de Eric Barbier

La Promesse de l'aubeNina Kacew, jeune femme juive, actrice, et originaire de Russie, élève seule son jeune garçon, Roman, en Pologne. Elle imagine pour lui une carrière toute tracée d’écrivain et de diplomate, l’empêchant de se consacrer à la peinture où il montre pourtant quelque talent. Dynamique, travailleuse et douée en affaires, elle monte une petite entreprise de mode à la manière de la France, pays qu’elle admire…
La Promesse de l’aube est un film français coécrit et réalisé par Éric Barbier. Il s’agit de l’adaptation du roman autobiographique de Romain Gary paru en 1960, déjà porté à l’écran par Jules Dassin en 1970. Il met en scène les relations de l’écrivain avec sa mère ultra-possessive et dirigiste. Le récit suit assez fidèlement celui de l’écrivain. C’est un film au budget important, d’un beau classicisme, porté par une interprétation intense. Charlotte Gainsbourg est remarquable, dans le style « habité par son personnage », souvent au bord du surjeu sans jamais franchir la limite ; elle parvient parfaitement à exprimer le petit degré de folie de son personnage. Pierre Niney est tout aussi étonnant, avec ce mélange de fragilité et de force de caractère. Par son ampleur et son intensité, le film se montre réussi et assez passionnant. Hélas, le succès ne fut pas au rendez-vous.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Niney, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon, Jean-Pierre Darroussin, Catherine McCormack, Finnegan Oldfield
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La Promesse de l'aubePierre Niney dans La Promesse de l’aube de Eric Barbier.

Précédente adaptation :
La Promesse de l’aube de Jules Dassin (1970) avec Assi Dayan et Melina Mercouri.

1 mars 2020

Le Chat du rabbin (2011) de Joann Sfar et Antoine Delesvaux

Le Chat du rabbinAu début des années 1930, le chat d’un rabbin de la casbah d’Alger raconte sa vie et ses dialogues avec son maître. Le chat voit son paisible quotidien bouleversé le jour où il acquiert subitement le don de parole après avoir dévoré le perroquet de la maison. Le rabbin refusant de le laisser fréquenter davantage sa fille Zlabya que le chat aime profondément, l’animal demande à se convertir au judaïsme et de faire sa bar-mitsva…
Après avoir refusé plusieurs propositions, Joann Sfar a décidé d’adapter lui-même sa bande dessinée à succès en film d’animation. Un scénario original est alors écrit, mêlant des éléments des tomes 1, 2 et 5. L’histoire est amusante avec ce chat qui se lance dans des grandes discussions théologiques avec ses interlocuteurs humains le plus souvent un peu plus bornés que lui. L’ensemble est assez bavard, on peut reprocher une impression de tourner en rond. Le propos global est un message de tolérance qui prône la convergence des religions et l’aplanissement des différences. Le dessin, dans le style ligne claire, est plus épuré que celui de la bande dessinée. Un film assez plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: François Morel, Maurice Bénichou
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Le Chat du rabbinLe Chat du rabbin de Antoine Delesvaux et Joann Sfar.

Le Chat du rabbinLe Chat du rabbin de Antoine Delesvaux et Joann Sfar.

7 mars 2019

Tesnota, une vie à l’étroit (2017) de Kantemir Balagov

Titre original : « Tesnota »

Tesnota, une vie à l'étroitEn 1998, dans une ville du Caucase, Ilana travaille dans le garage de son père pour l’aider à joindre les deux bouts. Un soir, la famille juive et les amis se réunissent pour célébrer les fiançailles de son jeune frère David. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés. Bien que la famille soit très pauvre, une grosse rançon est réclamée…
Basé sur une histoire réelle, ce premier long métrage de Kantemir Balagov, jeune réalisateur russe de 27 ans, a été très remarqué au Festival de Cannes 2017. Comme l’indique le titre (Тесноtа, littéralement Étroitesse), le fond du propos est cette sensation d’être à l’étroit dans un carcan familial et ethnique. Ce carcan étouffe la jeune Ilana qui aspire à plus de liberté dans ses choix. L’antisémitisme pèse également très lourd. Kantemir Balagov fait preuve d’un indéniable talent pour trouver des solutions originales pour exprimer cette Тесноtа : des plans serrés, un cadre dans le cadre parfois réduit à moins d’un 1/10e de l’image, des cadrages étonnants parfois en très gros plan. On ressent avec force cette oppression, cet enfermement. De ce fait, on ne peut dire que la vision du film soit une partie de plaisir ; et les scènes de beuveries et la musique techno, un peu dures à supporter, n’arrangent rien… Mais à côté de cela, il a des moments de fulgurance comme on en voit rarement (1). C’est en tous cas un film qui ne laisse pas indifférent.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Darya Zhovnar, Atrem Cipin, Olga Dragunova
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Remarques :
* L’histoire se déroule à Naltchik, ville du Caucase de plus de 200 000 habitants, proche de la Tchétchénie. La population est pour la moitié kabarde (musulmans sunnites pour la plupart). La communauté juive y est très peu nombreuse, moins de 1%. Kantemir Balagov précise en début de film qu’il est kabarde. Les Kabardes forment avec les Balkars (d’origine turque) la population titulaire de la Kabardino-Balkarie, république autonome de la Fédération de Russie.
* La vidéo d’exécution d’un soldat russe regardée par les jeunes kabardes alcoolisés est réelle (elle date de 1998 dans le proche Daghestan). Le réalisateur dit l’avoir récupérée lorsqu’il avait douze ou treize ans.

Tesnota
Darya Zhovnar (à l’arrière-plan : Olga Dragunova) dans Tesnota, une vie à l’étroit de Kantemir Balagov.

Tesnota

(1) Exemple de fulgurance de génie : à un moment de forte tension familiale entre la mère et son fils, Kantemir Balagov filme en très gros plan le cou (oui, le cou !) de la jeune Ilana qui a envie d’exploser, ce cou devient très expressif et finit par se tendre en une complainte presque animale soulignée par une musique évoquant un cri…

7 octobre 2018

L’évasion de Baruch (1923) de Ewald André Dupont

Titre original : « Das alte Gesetz »

L'évasion de BaruchEn 1860, dans un village juif de Galicie, isolé à la frontière occidentale de l’empire russe, le jeune Baruch se découvre une passion pour le théâtre et rêve de partir à Vienne. Son père, rabbin rigoriste, refuse catégoriquement cette idée totalement contraire aux préceptes de la religion juive…
L’allemand Ewald André Dupont fut l’un des tous premiers critiques de cinéma allemands avant de devenir scénariste puis réalisateur en 1917. C’est avec L’évasion de Baruch qu’il se fera remarquer en 1923 (et aussi avec Variétés, deux ans plus tard). L’histoire est basée sur les mémoires d’Heinrich Laube (1806-1884), dramaturge et directeur de théâtre. Dans son premier tiers, L’évasion de Baruch décrit les coutumes et traditions juives orthodoxes, sans aucune caricature. Par l’ensemble de son film, le réalisateur, lui-même né dans une famille juive, vante les mérites de l’assimilation. L’histoire peut sembler assez classique à nos yeux modernes mais il s’en dégage une grande authenticité. La photographie de Theodor Sparkuhl est assez belle, subtile même : pas d’ombres marquées, la palette est pleine de nuances et de clairs-obscurs. Le film fut un très grand succès à sa sortie. (film muet)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henny Porten, Ernst Deutsch, Werner Krauss, Jakob Tiedtke
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L'évasion de Baruch
Margarete Schlegel et Ernst Deutsch dans L’évasion de Baruch de Ewald André Dupont.

Remarques :
* Le film a longtemps été visible de façon incomplète (sans les intertitres). Lors de la 68e Berlinale, la version restaurée de ce film a été présentée le 16 février 2018, en première mondiale, sous le contrôle de la Deutsche Kinemathek, et avec une musique nouvelle composée par Philippe Schoeller sur une commande de ZDF/ARTE et interprétée par l’Orchester Jakobsplatz München dirigé par Daniel Grossmann.

* La scène de l’audition est assez remarquable : E.A. Dupont nous montre non pas l’acteur-postulant mais les réactions du directeur alors qu’il boit une tasse de thé. C’est un procédé assez nouveau pour l’époque et qui fonctionne ici merveilleusement bien.

L'évasion de Baruch
Henny Porten et Ernst Deutsch dans L’évasion de Baruch de Ewald André Dupont.

7 janvier 2016

Ida (2013) de Pawel Pawlikowski

IdaDans la Pologne de 1961, une jeune orpheline, élevée dans un couvent catholique, est sur le point de prononcer ses voeux de religieuse. Pour qu’elle soit sûre de son engagement, la Mère Supérieure l’envoie rencontrer sa tante, seul membre connu de sa famille, qui lui parle de ses parents. Ensemble, elles vont chercher à découvrir ce qui leur est arrivé pendant la guerre… Après avoir signé quatre longs métrages en Angleterre, le polonais Pawel Pawlikowski est revenu dans son pays natal pour y réaliser Ida, un très beau film plein de délicatesse. Ces deux femmes sont très différentes, aux antipodes l’une de l’autre, et ce qu’elles vont découvrir sur le passé va avoir des répercussions tout aussi différentes sur elles (mais n’est ce pas les conséquences du même constat, celui de l’impossibilité de vivre ?) Le propos du réalisateur n’est pas de démontrer ou de dévoiler mais plutôt de nous faire pénétrer un univers pour, peut-être, provoquer la réflexion. Pawlikowski a filmé cela avec beaucoup de retenue, évitant tout pathos malgré la force des émotions, et aussi beaucoup d’esthétisme : l’image en noir et blanc est superbe, il n’y a pas ou très peu de mouvements de caméra et les cadrages sont parfaits, très photographiques. Cet esthétisme n’est jamais forcé, à aucun moment il ne paraît artificiel. Ida forme ainsi un très bel ensemble.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska
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Ida
Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska dans Ida de Pawel Pawlikowski

Ida

23 février 2015

Zelig (1983) de Woody Allen

ZeligLe film Zelig se présente comme un (faux) reportage sur un étrange phénomène qui est intervenu à la fin des années 20. Un homme du nom de Leonard Zelig est apparu en diverses circonstances en transformant son apparence et sa personnalité en fonction des personnes qu’il côtoyait : noir au milieu de noirs, parlant comme un docteur au milieu de docteurs. Un véritable homme-caméléon… Zelig est unique en son genre dans la filmographie de Woody Allen. La prouesse technique d’avoir recréé de toutes pièces des archives d’époque parfaitement crédibles a certainement fait passer au second plan le propos de Woody Allen sur le thème de l’identité et du rapport à autrui. Son homme-caméléon désire se fondre dans la masse pour être aimé et, ce faisant, il abandonne son libre-arbitre pour le suivisme ce qui le précipite dans les bras du fascisme. De plus, c’est le premier film où il évoque ouvertement l’antisémitisme, même si c’est de façon très humoristique. Il y a en effet beaucoup d’humour dans les textes mais cela va très vite et arrive sans crier gare. Zelig est bien plus qu’un film atypique.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Mia Farrow
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zelig de Woody Allen

Remarques :
* Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là, il n’y a que très peu d’incrustations animées dans Zelig (trois ou quatre d’après Woody Allen lui-même). Toutes les scènes ont en fait été recréées et tournées en utilisant du matériel d’époque, trafiquant l’obturateur pour avoir de belles sautes de film et rayant légèrement la pellicule à la main et lui faisant subir divers mauvais traitements. En revanche, il y a beaucoup d’incrustations sur photographie (tel l’exemple ci-dessus) faites à la main, au ciseau.

* Personnes réelles jouant leur propre rôle et interviewées dans les scènes actuelles : le psychanalyste Bruno Bettelheim, les écrivains Susan Sontag et Saul Bellow, le critique littéraire Irving Howe, l’historien John Morton Blum.

* Liste des personnes réelles apparaissant dans les images d’actualité (photos fixes ou animées) : Max Amann, Josephine Baker, Clara Bow, Fanny Brice, Wilhelm Brückner, James Cagney, Al Capone, Charlie Chaplin, Calvin Coolidge, Marion Davies, Sepp Dietrich, Joe DiMaggio, Marie Dressler, F. Scott Fitzgerald, Lou Gehrig, Joseph Goebbels, Hermann Göring, Harold ‘Red’ Grange, William Randolph Hearst, Rudolf Hess, Adolf Hitler, Bobby Jones, Robert Ley, Charles Lindbergh, Carole Lombard, Adolphe Menjou, Tom Mix, Pope Pius XI, Dolores del Río, Billy Rose, Babe Ruth, Julius Schaub, Gregor Strasser, Julius Streicher, Franz von Epp, Franz Pfeffer von Salomon, Jimmy Walker, and Claire Windsor (liste fournie par IMDB).

7 février 2015

Exodus (1960) de Otto Preminger

ExodusExodus raconte les évènements qui précèdent la fondation de l’état d’Israël en 1948, depuis l’odyssée du cargo éponyme rempli de réfugiés jusqu’au vote du partage de la Palestine à l’ONU… Adapté d’un roman fleuve de Leon Uris, Exodus a été conçu comme une vaste saga, avec de nombreux personnages et s’étalant sur plus de trois heures. Le scénariste Donald Trumbo a fait un beau travail d’écriture qui donne un bel équilibre entre romance et action politique, même si l’on peut regretter l’emploi de stéréotypes pour générer le lyrisme. Version romancée de faits historiques, Exodus (et notamment son degré d’objectivité) va être diversement apprécié selon le regard que l’on porte sur le conflit qui a suivi ces évènements. Si les sentiments mitigés et embarrassés des anglais sont bien représentés, si l’option de l’action violente est bien montrée comme source de dissensions parmi les juifs et comme futur héritage embarrassant, il faut bien reconnaître que le point de vue arabe n’est jamais montré. Cinématographiquement parlant, Exodus est réussi, bien maitrisé de bout en bout par son réalisateur. Les acteurs font tous une belle prestation, Sal Mineo étant particulièrement remarquable dans un rôle d’homme-enfant. La musique d’Ernest Gold fut oscarisée. Le succès et l’impact du film furent très importants.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Eva Marie Saint, Ralph Richardson, Lee J. Cobb, Sal Mineo, John Derek, Hugh Griffith, Gregory Ratoff, Jill Haworth, Marius Goring, Alexandra Stewart
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Lire une analyse plus complète sur le site DVDClassiks

Voir les livres sur Otto Preminger

Exodus d'Otto Preminger

Remarques :
* Dans ses mémoires, Otto Preminger raconte comment il a racheté les droits du roman de Leon Uris à la MGM en les convaincant qu’ils risquaient un boycott dans les pays arabes : « Moi, je peux me le permettre car je suis un producteur indépendant. » Une fois en possession des droits, Preminger commença à travailler au scénario avec l’auteur, mais peu satisfait des dialogues, écarta ce dernier pour embaucher Albert Maltz (rapidement jugé trop lent) puis Dalton Trumbo, tous deux alors sur la liste noire établie aux heures les plus sombres du maccarthysme. Preminger mit Donald Trumbo sous son vrai nom au générique, ce qui constituait une première et contribua grandement à la réhabilitation des talents mis sur liste noire qui devint ipso facto lettre morte.

* Autres films relatant les mêmes évènements :
Exodus (Il grido della terra) de l’italien Duilio Coletti (1949)
La Bataille des sables (Sword in the desert) de l’américain George Sherman (1949) avec Dana Andrews
deux films beaucoup moins connus et faits « à chaud ».

11 novembre 2014

Crimes et délits (1989) de Woody Allen

Titre original : « Crimes and Misdemeanors »

Crimes et délitsUn très respecté ophtalmologiste newyorkais est pressé par sa maitresse de quitter sa femme ce qu’il ne désire nullement. Par ailleurs, un réalisateur de documentaires sans le sou doit accepter la commande d’un film sur un producteur à succès… Dans la filmographie de Woody Allen, Crimes et délits esquisse un retour vers la comédie après deux films plus introspectifs, ou pourrait-on dire, bergmaniens (1). Mais s’il nous fait sourire parfois, le fond du propos est ici à la fois riche et profondément pessimiste. Il est riche car il traite de l’éthique, de la fonction de la religion, de Dieu, de la conscience. Il est pessimiste car les personnages intègres perdent tout et ceux sans aucune éthique gagnent sur toute la ligne. Woody Allen va encore plus loin dans son raisonnement en instillant le doute en nous : le personnage de la maîtresse (Angelica Houston) est une hystérique incontrôlable à tel point que nous en venons presque à souhaiter nous aussi son élimination. Il n’est donc pas question ici de manichéisme réducteur. La construction est habile, nous faisant suivre plusieurs histoires, et la façon de mêler drame et comédie est remarquable : ici, le comique ne vient pas, comme si souvent, soulager la tension ; non, il semble la renforcer, la dévoiler. Crimes et délits apparaît bien comme un film très riche, à classer parmi les tous meilleurs de Woody Allen. Il est peut-être l’un des plus complexes.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Martin Landau, Anjelica Huston, Alan Alda, Mia Farrow, Sam Waterston
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Remarques :
* Woody Allen a affirmé que le personnage du philosophe n’est pas basé sur un philosophe précis. Il est interprété par le célèbre psychanalyste Martin Bergmann.

* Le personnage du producteur serait basé sur Larry Gelbart, scénariste de comédies qui a surtout écrit pour la télévision. Les citations « Comedy is tragedy plus time » (la comédie c’est de la tragédie avec du recul) et « If it bends, it’s funny; if it breaks, it’s not funny » (Si cela plie, c’est drôle ; si cela casse, ce n’est pas drôle) seraient de Larry Gelbart.

* Le directeur de la photographie n’est autre que Sven Nykvist, le chef opérateur préféré d’Ingmar Bergman.

Martin Landau et Woody Allen
Martin Landau et Woody Allen sur le tournage de Crimes et Délits.

(1) September (1987) et Another Woman (1988). Il faut toutefois noter que juste avant Crimes et Délits, Woody Allen a tourné le sketch Le Complot d’Oedipe intégré dans le film New York Stories (1989) dans un style de pure comédie.

3 juillet 2014

Hannah Arendt (2012) de Margarethe von Trotta

Hannah ArendtEn 1961, la philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Alors qu’elle s’attendait à voir un monstre, elle est surprise de ne voir qu’un homme banal, un « falot », un homme « dépourvu de pensée ». Elle en tire un concept philosophique majeur sur la banalité du mal qui fait d’autant plus scandale que, dans le même texte, elle soulève la question des conseils juifs dans les déportations… Comment mettre en scène la pensée au cinéma est une question assez récurrente. La réalisatrice Margarethe von Trotta apporte ici une réponse convaincante, aidée il est vrai par une remarquable interprète, Barbara Sukowa. Loin du maniérisme agaçant des biopics et de ses effets, la cinéaste nous fait simplement accompagner Hannah Arendt dans sa réflexion et c’est cette démarche qui rend le film vraiment passionnant de bout en bout. Un bel exemple de la façon dont le cinéma peut ouvrir à la philosophie.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Barbara Sukowa, Janet McTeer, Julia Jentsch
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Remarque :
Le livre écrit par Hannah Arendt à la suite du procès d’Eichmann est Eichmann à Jérusalem – Rapport sur la banalité du mal (Viking Press, 1963 – Gallimard pour la traduction française).