21 juillet 2020

Une grande fille (2019) de Kantemir Balagov

Titre original : « Dylda »

Une grande fille (Dylda)Leningrad, 1945. Dans une ville éprouvée par trois années de siège, Iya, surnommée « la girafe » (1) du fait de sa grande taille, travaille dans un hôpital où sont soignés des anciens combattants blessés. Elle vit dans un appartement communautaire avec le petit Pashka, âgé de trois ans, qu’elle aime beaucoup. Bientôt, son amie, la rousse Masha, revient du front et elles se retrouvent…
Tesnota, le premier long métrage du jeune réalisateur russe Kantemir Balagov avait été très remarqué en 2017. Son deuxième, Une grande fille, l’a été tout autant. Le livre La guerre n’a pas un visage de femme de Svetlana Aleksievitch, lauréate du prix Nobel, a été sa principale source d’inspiration pour en écrire le scénario. Ses deux personnages principaux, Iya et Masha, sont au centre de cette histoire peu ordinaire, puissante, soutenue par des personnages secondaires auxquels Kantemir Balagov sait donner de l’épaisseur en peu de scènes. La forme est brillante avec ses plans-séquences et ses angles de vue peu communs. La durée de 2h10 finit par peser un peu trop, mais le jeune réalisateur crée l’intensité à partir de cette lenteur. C’est en tous cas un film vraiment remarquable.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Andrey Bykov, Konstantin Balakirev, Kseniya Kutepova
Voir la fiche du film et la filmographie de Kantemir Balagov sur le site IMDB.
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(1) Son surnom est en réalité « la grande perche » (Dylda en russe)

 Une grande fille (Dylda)Viktoria Miroshnichenko et Vasilisa Perelygina dans Une grande fille (Dylda) de Kantemir Balagov.

7 mars 2019

Tesnota, une vie à l’étroit (2017) de Kantemir Balagov

Titre original : « Tesnota »

Tesnota, une vie à l'étroitEn 1998, dans une ville du Caucase, Ilana travaille dans le garage de son père pour l’aider à joindre les deux bouts. Un soir, la famille juive et les amis se réunissent pour célébrer les fiançailles de son jeune frère David. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés. Bien que la famille soit très pauvre, une grosse rançon est réclamée…
Basé sur une histoire réelle, ce premier long métrage de Kantemir Balagov, jeune réalisateur russe de 27 ans, a été très remarqué au Festival de Cannes 2017. Comme l’indique le titre (Тесноtа, littéralement Étroitesse), le fond du propos est cette sensation d’être à l’étroit dans un carcan familial et ethnique. Ce carcan étouffe la jeune Ilana qui aspire à plus de liberté dans ses choix. L’antisémitisme pèse également très lourd. Kantemir Balagov fait preuve d’un indéniable talent pour trouver des solutions originales pour exprimer cette Тесноtа : des plans serrés, un cadre dans le cadre parfois réduit à moins d’un 1/10e de l’image, des cadrages étonnants parfois en très gros plan. On ressent avec force cette oppression, cet enfermement. De ce fait, on ne peut dire que la vision du film soit une partie de plaisir ; et les scènes de beuveries et la musique techno, un peu dures à supporter, n’arrangent rien… Mais à côté de cela, il a des moments de fulgurance comme on en voit rarement (1). C’est en tous cas un film qui ne laisse pas indifférent.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Darya Zhovnar, Atrem Cipin, Olga Dragunova
Voir la fiche du film et la filmographie de Kantemir Balagov sur le site IMDB.

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Remarques :
* L’histoire se déroule à Naltchik, ville du Caucase de plus de 200 000 habitants, proche de la Tchétchénie. La population est pour la moitié kabarde (musulmans sunnites pour la plupart). La communauté juive y est très peu nombreuse, moins de 1%. Kantemir Balagov précise en début de film qu’il est kabarde. Les Kabardes forment avec les Balkars (d’origine turque) la population titulaire de la Kabardino-Balkarie, république autonome de la Fédération de Russie.
* La vidéo d’exécution d’un soldat russe regardée par les jeunes kabardes alcoolisés est réelle (elle date de 1998 dans le proche Daghestan). Le réalisateur dit l’avoir récupérée lorsqu’il avait douze ou treize ans.

Tesnota
Darya Zhovnar (à l’arrière-plan : Olga Dragunova) dans Tesnota, une vie à l’étroit de Kantemir Balagov.

Tesnota

(1) Exemple de fulgurance de génie : à un moment de forte tension familiale entre la mère et son fils, Kantemir Balagov filme en très gros plan le cou (oui, le cou !) de la jeune Ilana qui a envie d’exploser, ce cou devient très expressif et finit par se tendre en une complainte presque animale soulignée par une musique évoquant un cri…