8 septembre 2023

L’écrivain (1985) de Wojciech Has

Titre original : Pismak

PismakDurant la Première Guerre mondiale en Pologne, un jeune journaliste plein d’ambitions littéraires, est emprisonné pour avoir publié un magazine satirique et anticlérical. Il doit y attendre que l’enquête établisse les charges d’accusation. En cellule, il rencontre un célèbre perceur de coffres-forts et un ancien moine taciturne accusé de meurtre. L’apprenti écrivain commence alors à construire une intrigue de roman à partir des histoires que racontent ses compagnons de cellule…
Pismak est un film polonais réalisé par Wojciech Has. Le film est l’adaptation d’un roman de Władysław Terlecki. Il a pour thème les affres de l’écriture et ses corollaires : la difficulté de séparer la réalité et l’imaginaire, la difficulté de définir une éthique de la littérature, la difficulté de donner un but à son écriture. Les dialogues sont d’une grande qualité et la richesse de l’ensemble séduit. Le réalisateur fait également des incursions sur le plan politique fustigeant principalement la bureaucratie et le manque d’humanisme du pouvoir tsariste. Hormis les scènes imaginées par le personnage (ou issues de son passé, on ne sait pas vraiment), toute l’histoire se déroule à l’intérieur de la prison qui ressemble en réalité à un ancien monastère : la cellule est étonnamment vaste et les acteurs semblent y évoluer comme sur une scène de théâtre. De ce fait, une certaine austérité se dégage de l’ensemble mais elle est travaillée et parfaitement sous contrôle : la forme est très belle avec comme toujours avec Wojciech Has cette superbe construction des plans à plusieurs niveaux de profondeur. Le film n’est, semble-t-il, jamais sorti en France.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Wojciech Wysocki, Gustaw Holoubek, Janusz Michalowski, Jan Peszek, Zdzislaw Wardejn, Gabriela Kownacka
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

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Pismak
Wojciech Wysocki et Jan Peszek dans Pismak de Wojciech Has
Gabriela Kownacka dans Pismak de Wojciech Has
Zdzislaw Wardejn et Jan Peszek dans Pismak de Wojciech Has

19 août 2017

While We’re Young (2014) de Noah Baumbach

While We're YoungLes quarantenaires Cornelia et Josh sont mariés et heureux en ménage. Josh s’échine à terminer le montage d’un documentaire sur un sujet assez hermétique. Ils font la rencontre d’un couple qui leur ressemble, en plus jeune, plus libre, plus créatif… Ecrit et réalisé par Noah Baumbach, While We Are Young (= tant que nous sommes jeunes) est, on l’aura compris, une comédie existentielle sur la crainte de vieillir et le désir de retrouver les émotions de sa jeunesse. Peut-on la rapprocher des films de Woody Allen comme beaucoup de critiques l’ont fait ? Oui, dans le sens où nous sommes dans le milieu intellectuel newyorkais et où les dialogues sont parfois brillants mais le fond du propos reste bien banal, reposant sur des clichés. Le réalisateur y mêle des réflexions sur l’évolution des technologies et sur l’éthique de la création mais, là aussi, sans dépasser le stade des lieux communs. Son héros est en prise avec une figure paternelle forte dont il refuse l’aide. Noah Baumbach étant lui-même quarantenaire et fils d’un romancier et critique de cinéma, on peut supposer que le propos du film rejoint ses propres préoccupations. While We Are Young n’est pas vraiment ennuyeux mais il n’est pas intéressant pour autant…
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Naomi Watts, Ben Stiller, Adam Driver, Amanda Seyfried
Voir la fiche du film et la filmographie de Noah Baumbach sur le site IMDB.
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While we are young
Amanda Seyfried, Adam Driver, Ben Stiller et Naomi Watts dans While We’re Young de Noah Baumbach.

24 septembre 2015

Camouflage (1977) de Krzysztof Zanussi

Titre original : « Barwy ochronne »

CamouflagePologne, années soixante-dix. Lors d’une université d’été, en marge d’un concours d’exposés de linguistique, un jeune professeur enthousiaste et idéaliste s’oppose à un de ses collègues plus âgés à propos des pressions et compromissions… Plutôt mal connu en France, le réalisateur polonais Krzysztof Zanussi est l’un des grands représentants de la nouvelle vague polonaise (« Nowa fala ») qui a débuté à la toute fin des années soixante. Il a écrit lui-même cette réflexion à la fois psychologique, philosophique et politique. Elle explore de nombreux sujets, notamment le conformisme et la corruption, et de façon plus générale, l’éthique. L’essentiel du film réside dans les discussions vives et acerbes de ces deux professeurs et si le début du film peut laisser craindre une situation plutôt manichéenne, la suite nous emmène dans des réflexions plus profondes : le personnage le plus riche est le professeur plus âgé, d’abord présenté comme arriviste et soumis aux autorités mais qui se montre ensuite bien plus complexe, manipulateur, rusé mais finalement extrêmement désillusionné comme en témoigne sa toute dernière phrase qui vient clore le film de façon assez noire. Les questions soulevées sont intéressantes et, si les sous-entendus politiques sont évidents (nous sommes là en pleine période de la Pologne communiste, trois ans avant la création-même de Solidarność), ces réflexions sur l’éthique de vie sont suffisamment générales pour s’appliquer en dehors de ce contexte si particulier (en remplaçant aujourd’hui le politique par l’économique par exemple). Les deux acteurs sont merveilleux. Camouflage est un film brillant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Piotr Garlicki, Zbigniew Zapasiewicz
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Camouflage de Zanussi
Zbigniew Zapasiewicz et Piotr Garlicki sont les deux professeurs du film de Krzysztof Zanussi Camouflage.

11 novembre 2014

Crimes et délits (1989) de Woody Allen

Titre original : « Crimes and Misdemeanors »

Crimes et délitsUn très respecté ophtalmologiste newyorkais est pressé par sa maitresse de quitter sa femme ce qu’il ne désire nullement. Par ailleurs, un réalisateur de documentaires sans le sou doit accepter la commande d’un film sur un producteur à succès… Dans la filmographie de Woody Allen, Crimes et délits esquisse un retour vers la comédie après deux films plus introspectifs, ou pourrait-on dire, bergmaniens (1). Mais s’il nous fait sourire parfois, le fond du propos est ici à la fois riche et profondément pessimiste. Il est riche car il traite de l’éthique, de la fonction de la religion, de Dieu, de la conscience. Il est pessimiste car les personnages intègres perdent tout et ceux sans aucune éthique gagnent sur toute la ligne. Woody Allen va encore plus loin dans son raisonnement en instillant le doute en nous : le personnage de la maîtresse (Angelica Houston) est une hystérique incontrôlable à tel point que nous en venons presque à souhaiter nous aussi son élimination. Il n’est donc pas question ici de manichéisme réducteur. La construction est habile, nous faisant suivre plusieurs histoires, et la façon de mêler drame et comédie est remarquable : ici, le comique ne vient pas, comme si souvent, soulager la tension ; non, il semble la renforcer, la dévoiler. Crimes et délits apparaît bien comme un film très riche, à classer parmi les tous meilleurs de Woody Allen. Il est peut-être l’un des plus complexes.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Woody Allen, Martin Landau, Anjelica Huston, Alan Alda, Mia Farrow, Sam Waterston
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Remarques :
* Woody Allen a affirmé que le personnage du philosophe n’est pas basé sur un philosophe précis. Il est interprété par le célèbre psychanalyste Martin Bergmann.

* Le personnage du producteur serait basé sur Larry Gelbart, scénariste de comédies qui a surtout écrit pour la télévision. Les citations « Comedy is tragedy plus time » (la comédie c’est de la tragédie avec du recul) et « If it bends, it’s funny; if it breaks, it’s not funny » (Si cela plie, c’est drôle ; si cela casse, ce n’est pas drôle) seraient de Larry Gelbart.

* Le directeur de la photographie n’est autre que Sven Nykvist, le chef opérateur préféré d’Ingmar Bergman.

Martin Landau et Woody Allen
Martin Landau et Woody Allen sur le tournage de Crimes et Délits.

(1) September (1987) et Another Woman (1988). Il faut toutefois noter que juste avant Crimes et Délits, Woody Allen a tourné le sketch Le Complot d’Oedipe intégré dans le film New York Stories (1989) dans un style de pure comédie.