21 mars 2014

Les neiges du Kilimandjaro (2011) de Robert Guédiguian

Les neiges du KilimandjaroDélégué syndical depuis toujours, Michel est licencié avec 19 autres personnes par un tirage au sort qu’il a lui-même institué. Grâce à sa femme, à sa famille et ses amis, il surmonte plutôt bien cette épreuve. Mais un soir, deux hommes masqués pénètrent chez eux, les frappent et les attachent pour s’enfuit avec leurs cartes de crédit… Robert Guédiguian met en relief le dilemme d’un homme qui a consacré toute sa vie aux autres et qui se retrouve confronté à une violence qu’il ne comprend pas. Pire, par son origine-même, elle remet en cause son engagement passé, ses choix de vie, sa satisfaction et sa bonne conscience. Cela se double d’un conflit de génération, ces syndicalistes de longue date ne comprennent pas une génération totalement désenchantée et sans repères. Guédiguian filme tout cela avec beaucoup d’humanisme et sans le dogmatisme qu’il a parfois montré, comme s’il partageait les interrogations et le désarroi de ses personnages. Malgré le sujet, son film est chaleureux, simple et sincère, foncièrement humaniste.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilyne Canto, Grégoire Leprince-Ringuet, Anaïs Demoustier
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Guédiguian sur le site IMDB.
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Remarques :
* Les Neiges du Kilimandjaro, surtout sa fin, est librement inspiré du poème humaniste de Victor Hugo Les Pauvres Gens (un pêcheur et sa femme recueillent les enfants de leur voisine qui vient de mourir dans le plus grand dénuement). Lire le poème
* Le film Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian n’a aucun lien avec le livre homonyme d’Ernest Hemingway.

11 décembre 2013

Les Misérables (1934) de Raymond Bernard

Partie 1 : « Une tempête sous un crâne » (1h50)
Partie 2 : « Les Thénardier » (1h25)
Partie 3 : « Liberté, liberté chérie… » (1h26)

Les misérablesAprès 19 ans de bagne pour avoir volé une miche de pain, le forçat Jean Valjean est libéré et part de Toulon pour rejoindre Pontarlier. Arrivé dans la ville de Digne, toutes les portes se referment devant lui et seul Monseigneur Myriel accepte de l’héberger pour la nuit… Le grand roman humaniste de Victor Hugo a été porté de multiples fois à l’écran mais les adaptations vraiment remarquables se comptent sur les doigts d’une main. L’ampleur du roman et le nombre de personnages rend en effet l’entreprise délicate. Les Misérables de François Bernard est assez souvent considérée comme étant la meilleure. Avec celle d’Henri Frescourt (muet, 1925), c’est aussi la plus complète et la plus fidèle. Elle a bénéficié d’un budget très important ce qui témoigne de la vitalité du cinéma français des années trente. Raymond Bernard a su trouver le ton juste, évitant de se laisser emporter par le souffle de l’oeuvre. Il ne tombe jamais dans l’excès ou dans la grandiloquence. Il a su aussi parfaitement choisir ses comédiens et les faire jouer avec mesure. Harry Baur est monumental dans le rôle de Jean Valjean mais sans éclipser les autres personnages ; tous les rôles sont remarquablement tenus. Les décors sont nombreux et soignés, la photographie est assez belle, très contrastée mais, sur le plan de la forme, ce qui surprend le plus est l’utilisation fréquente des cadrages obliques.Les misérablesLes misérables On peut certainement y voir là une certaine influence des expressionnistes allemands mais cela dénote aussi d’une belle inventivité et même d’une certaine audace. Dans le même ordre d’idées, les scènes de barricades en « caméra à l’épaule » (1) sont assez étonnantes. Les Misérables de Raymond Bernard est une très belle adaptation qui sait restituer l’ampleur et la force du roman de Victor Hugo.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Charles Vanel, Charles Dullin, Émile Genevois, Orane Demazis, Florelle, Josseline Gaël, Marguerite Moreno
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Remarques :
* Comme le dit très justement Jacques Lourcelles : « L’adaptation des Misérables de Raymond Bernard est un film d’honnête homme et d’humaniste. Il ne vise jamais plus haut que ce qu’il peut atteindre et atteint dès lors presque toujours son but. »
* A lire sur le site de la Cinémathèque, le compte-rendu de la première au Marignan par Max Mate dans le numéro de février 1934 de Ciné-Magazine (c’est à la page 14, soit la page 9 du PDF). Pathé-Natan avait organisé un dîner de presse de 1000 couverts avec trois orchestres!
Les misérables* Le film fut très longtemps exploité en deux parties ( 1 « Jean Valjean » et 2 « Cosette ») pour une durée totale de 3h20 au lieu des 4h40 initiales.
* La révolte populaire décrite par Victor Hugo est l’insurrection républicaine de 1832, tentative de renversement de la Monarchie de Juillet. Les obsèques sont celles du Général Lamarque, grande figure du parti républicain. Le roi Louis-Philippe n’abdiquera que 16 ans plus tard lors de la Révolution de 1848.
* Le personnage de Marius est, selon les propres dires de l’écrivain, inspiré de la vie de Victor Hugo lui-même.
* Principaux passages du livre absents de cette adaptation :
1. La bataille de Waterloo.
2. Les années où Jean Valjean et Cosette vivent au couvent du Petit Picpus.
3. L’évasion de prison de Thénardier et ses nouvelles tentatives d’assassinat et autres fourberies.

Les grandes adaptations du roman de Victor Hugo :
Les Misérables d’Albert Capellani (1912), en 2 films pour une durée totale de 2h20
Les Misérables d’Henri Frescourt (1925) en quatre parties (muet, 8h30)
Les Misérables de Raymond Bernard (1934) en trois parties (4h40)
Les Misérables (I Miserabili) de Riccardo Freda (Italie, 1948) en deux parties (3h10), sorti en France en version raccourcie en 1952 sous le titre L’évadé du bagne (1h50).

Autres adaptations (liste incomplète) :
Les Misérables de Richard Boleslawski (USA, 1935) avec Fredric March
Les Misérables (La Vie de Jean Valjean) de Lewis Milestone (USA, 1952) avec Michael Rennie
Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958) avec Jean Gabin et Bernard Blier
Les Misérables de Glenn Jordan (UK TV, 1978) avec Richard Jordan et Anthony Perkins
Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura et Michel Bouquet
Les Misérables de Claude Lelouch (1995) avec Jean-Paul Belmondo
Les Misérables de Bille August (USA, 1998) avec Liam Neeson et Uma Thurman
Les Misérables de Tom Hooper (USA, 2012) avec Hugh Jackman et Rusell Crowe

(1) Vu le poids des caméras, il était bien entendu impossible de mettre une caméra sur son épaule à cette époque…

23 octobre 2013

L’Intendant Sansho (1954) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Sanshô dayû »

L'intendant SanshoAu XIe siècle, le fils et la fille d’un gouverneur exilé pour ses idées humanistes sont vendus comme esclaves à un seigneur brutal et cruel… L’Intendant Sansho est adapté d’une légende populaire japonaise, plus précisément dans sa version écrite en 1915 par Ogai Mori. Nous sommes ici à une époque très ancienne où l’humanité n’est pas encore une valeur de société mais commence à poindre de façon individuelle : les prémices d’une longue transition. « L’homme qui est fermé à la pitié n’est pas humain, sois exigeant envers toi-même et généreux envers les autres », tel est le précepte que le père transmet à son jeune fils avant d’en être séparé. Le parcours des deux enfants sera difficile avant de pouvoir le mettre en pratique. Le récit de Mizoguchi est fort et prenant, toujours admirable de simplicité, sans excès de dramatisation, profondément humaniste. La scène finale est sans aucun doute la fin la plus forte et émouvante de toute la filmographie de Mizoguchi. Du grand cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Yoshiaki Hanayagi, Kyôko Kagawa, Eitarô Shindô
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Remarques :
* L’Intendant Sansho est l’un des rares films de Mizoguchi qui ne repose pas sur un personnage féminin central et fort.

* La dernière période de Mizoguchi (1950-1956) se partage entre films historiques et films se déroulant à l’époque contemporaine. Il faut garder à l’esprit que Rashômon de Kurosawa fut le premier film japonais à acquérir une renommée internationale (à la suite de son Lion d’Or en 1951) et le désir de faire des films d’époque était aussi celui de retrouver le succès de Rashômon. Ajoutons à cela que Mizoguchi, ayant tout de même débuté vingt ans avant Kurosawa, devait éprouver l’envie d’être reconnu en Occident comme le meilleur cinéaste japonais.

* L’Intendant Sansho remporta un Lion d’Argent au festival de Venise en 1954. Les trois autres films à recevoir cette récompense cette année-là furent La Strada de Fellini, Les Sept Samouraïs de Kurosawa et Sur les quais d’Elia Kazan… Un beau quartet ! On peut saluer la clairvoyance du jury (tout serait parfait si le film qui reçut la récompense suprême, le Lion d’Or, n’avait pas été le Roméo et Juliette de Renato Castellani, film qui a laissé une trace bien moindre…)

* Mizoguchi s’adressa d’abord à Fuji Yahiro pour écrire l’adaptation du texte d’Ogai Mori. Celui-ci étant essentiellement un récit pour enfants, Yahiro écrivit une adaptation dans le même esprit qui ne plût guère à Mizoguchi. Le cinéaste se tourna alors vers son fidèle Yoshikata Yoda.

5 mai 2013

Le Havre (2011) de Aki Kaurismäki

Le HavreUn ex-écrivain bohème s’est volontairement exilé au Havre où il est cireur de chaussures. Il vit dans un petit quartier avec sa femme. Il trouve sur son chemin un jeune garçon, immigré clandestin d’Afrique Noire recherché par la police… Le Havre est le premier film qu’Aki Kaurismäki tourne en français. C’est une histoire assez universelle et atemporelle qui met en valeur l’humanité et la solidarité. Aki Kaurismäki insuffle beaucoup d’humour dans son récit, ne serait-ce que par le jeu des acteurs, avec des intonations très policées qui donnent une certaine noblesse (et même une certaine grandeur) aux personnages. C’est un style qui peut bien évidemment surprendre mais il suffit de se laisser gagner par l’atmosphère, finalement assez proche d’un conte. Ce style permet d’ailleurs de s’écarter du réalisme qui n’est pas ici recherché. L’histoire étant atemporelle, Kaurismäki mêle les époques, modernisme et nostalgie des années soixante se côtoient. Et l’image est superbe, Kaurismäki n’a pas son pareil pour créer une palette de couleurs subtile, un brin désuète, et dont les grandes masses de couleur peuvent évoquer l’univers de la bande dessinée style ligne claire. Le résultat lui est propre, assez unique et très beau. Sur le fond, Le Havre n’a pas de solution toute faite à donner, il met seulement en valeur les notions humaines d’humanisme et de liberté.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin
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Remarques :
* Originaire du Havre, Little Bob interprète son propre rôle, ainsi qu’un morceau avec son groupe.
* On remarquera la présence de Pierre Etaix, en improbable docteur, et de Jean-Pierre Léaud en voisin dénonciateur.

24 janvier 2013

La Harpe de Birmanie (1956) de Kon Ichikawa

Titre original : « Biruma no tategoto »

La harpe de BirmanieEn 1945, au moment de la reddition du Japon, une division de l’armée japonaise se bat en Birmanie. Son commandant, passionné de musique et de chant, a pris l’habitude de faire chanter ses soldats. L’un d’entre eux, Mizushima, les accompagne avec une petite harpe. Au moment de la reddition, il est envoyé en mission pour convaincre des irréductibles de se rendre… Au départ un conte à épisodes pour enfants transformé en roman par Michio Takeyama, La harpe de Birmanie s’inscrit dans le courant des films humanistes et antimilitaristes des années cinquante au Japon. Kon Ichikawa met en relief la souffrance et l’horreur de la guerre mais, contrairement à ce que fera Kobayashi (dans La condition de l’homme), il ne s’attaque pas à l’armée mais montre les conséquences de la guerre, c’est à dire les morts inutiles. La musique est ici un langage universel qui fait ressortir l’humanité qui est en chacun, c’est un moyen pour rapprocher les êtres et les peuples comme en témoigne une étonnante scène où un combat est évité grâce au chant. La rédemption passe aussi par une certaine spiritualité, la philosophie bouddhiste tient une grande place dans cette histoire. La harpe de Birmanie est un grand film humanisme, un peu naïf certes, mais néanmoins très beau dans ses intentions.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rentarô Mikuni, Shôji Yasui, Taketoshi Naitô
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Remarque :
Kon Ichikawa a réalisé lui-même un remake de son propre film : Biruma no tategoto (1985), remake généralement jugé inférieur à l’original.

24 décembre 2012

La condition de l’homme (1959) de Masaki Kobayashi

Titre original : « Ningen no jôken »

La condition de l'hommeDe toute l’histoire du cinéma, La Condition de l’Homme de Masaki Kobayashi est le film le plus long ayant connu une large exploitation commerciale : trois parties de 3 heures chacune, 9 heures 40 de film en tout. S’il est plutôt mal connu en Occident, il est très populaire au Japon où il est régulièrement diffusé à la télévision. Adapté du roman autobiographique de Junpei Gomikawa (1), La Condition de l’Homme se déroule dans la Mandchourie colonisée pendant les trois dernières années de la Seconde Guerre mondiale. Cette période a vu la défaite du Japon, défaite dont le souvenir est toujours très présent dans les esprits quinze ans plus tard, au moment de la sortie du film. Nous suivons le jeune Kaji d’abord dans les mines de fer où il tente d’humaniser le traitement des ouvriers et prisonniers chinois, puis dans les rangs de l’armée. Souvent présenté comme antimilitariste, le film de Kobayashi dresse effectivement un portrait très dur de l’enseignement militaire (2) mais son propos va bien au-delà : il questionne sur ce qui forme la nature de l’Homme, dans le sens humaniste du terme (3), et s’interroge sur la compatibilité de ces conditions avec les valeurs fondamentales de la société japonaise. Il montre comment une société humaine peut générer un organisme inhumain. Le point de bascule est difficile à cerner : dans chacune des situations, Kaji est toujours à la fois oppresseur et opprimé. Pire encore : il ne peut cesser d’être oppresseur qu’en devenant lui-même opprimé. Dans sa forme, le film est superbement réalisé. Kobayashi a une approche très graphique de ses plans, créant souvent un cadre dans le cadre et utilisant beaucoup les lignes obliques, comme pour venir renforcer ce sentiment de voie difficile, hors des routes tracées. La Condition de l’Homme n’est pas sans longueur mais c’est un film assez remarquable, à la fois par la profondeur de son propos et par la qualité de sa réalisation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Michiyo Aratama, Chikage Awashima, Ineko Arima, Keiji Sada, Sô Yamamura, Seiji Miyaguchi, Eitarô Ozawa, Kôji Mitsui, Nobuo Nakamura, Yûsuke Kawazu, Chishû Ryû, Taketoshi Naitô
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Les trois parties de La condition de l’homme de Masaki Kobayashi :
1. Il n’y a pas de plus grand amour (1959) 208 minutes
2. Le chemin de l’éternité (1959) 181 minutes
3. La prière du soldat (1961) 190 minutes


La condition de l'homme: Il n'y a pas de plus grand amour La condition de l'homme: Le chemin de l'éternité La condition de l'homme: La prière du soldat


Précisions :
* La Condition de l’Homme de Kobayashi n’a aucun lien avec La Condition Humaine d’André Malraux.
* Située au nord-est de la Chine, la Mandchourie fut colonisée en 1931 par le Japon qui souhaitait mettre la main sur ses richesses en fer et en charbon. En 1940, quatre millions de colons japonais s’y étaient installés. La Mandchourie fut envahie par les russes en 1945 et fut intégrée à la Chine en 1949.


(1) Si La Condition de l’Homme est un roman autobiographique de Junpei Gomikawa, Masaki Kobayashi a déclaré avoir connu pendant la guerre les mêmes expériences que son héros Kaji.

(2) Sur ce point, il peut être intéressant de comparer la seconde partie de La Condition de l’Homme avec le  Full Metal Jacket que Kubrick tournera 20 ans plus tard. Les deux films ont des points communs en apparence mais, alors que Kubrick pointe du doigt l’enseignement militaire, Kobayashi s’en prend aux fondements de l’armée : s’appuyant sur des traditions et un code de l’honneur désuet, elle ne sait que générer des brimades au lieu de préparer des soldats. Au delà de l’armée, Kobayashi s’en prend plus à la société qui l’a engendrée. L’armée n’est ainsi qu’un révélateur car elle amplifie les défauts.

(3) Le titre du film est d’ailleurs très imprécis dans sa traduction : Ningen no jôken doit être compris comme « la condition qui permet à un individu de devenir un homme digne de ce nom ».

 

30 octobre 2012

Gare centrale (1958) de Youssef Chahine

Titre original : « Bab el hadid »

Gare centraleLa gare centrale du Caire abrite un petit monde de vendeurs et de porteurs. Un vendeur de journaux boiteux est amoureux fou d’une belle et provocante vendeuse à la sauvette de sodas… Gare centrale est l’un des films les plus intéressants de Youssef Chahine. Si la forme générale est celle du néo-réalisme à l’italienne, le film mêle brillamment plusieurs genres : documentaire (la vie à l’intérieur de la gare), le film social (les porteurs qui veulent être indépendants), le film policier. C’est surtout un film très humaniste qui nous place très près des personnages. Chahine interprète lui-même le personnage principal qu’il a dit être le reflet de ses propres frustrations de petit bourgeois. Dans l’Egypte de Nasser, Gare centrale est un film qui brisait certains tabous, notamment dans sa façon de montrer les femmes. Le film fut longtemps interdit dans son pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Farid Shawqi, Hind Rostom, Youssef Chahine
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24 août 2012

Another Year (2010) de Mike Leigh

Another YearProches de la soixantaine, Tom et Gerri forment un couple qui a trouvé un bon équilibre entre leurs métiers, leurs amis et leurs passions communes. Ce n’est pas le cas des personnes autour d’eux que nous découvrons lors de leurs visites dans leur maison de la banlieue londonienne… Rythmé par les quatre saisons, Another Year nous dresse le portrait de plusieurs personnages très différents qui ont en commun une recherche d’équilibre. Les deux personnages les plus marquants sont certainement Mary, la quinquagénaire exubérante, et le silencieux Ronnie, le frère de Tom (leur confrontation en fin de film est une scène étonnante). Avec Another Year, Mike Leigh nous livre un film plein de délicatesse et d’humanité, un film où tout semble parfaitement dosé. Son film n’est ni triste, ni larmoyant, il est même parsemé de petites notes d’humour et plutôt optimiste.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jim Broadbent, Ruth Sheen, Lesley Manville, Oliver Maltman, Peter Wight, David Bradley
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6 mars 2012

Dodes’ka-den (1970) de Akira Kurosawa

Titre original : « Dodesukaden »

DodeskadenAlors que le Japon est en plein boom économique, Akira Kurosawa adapte un roman de Shûgorô Yamamoto qui met en scène les habitants d’un petit bidonville en bordure d’une grande métropole japonaise. Kurosawa pense que « le miracle économique ne durera pas car il prend appui sur la misère morale et l’injustice ». Loin d’être un film rebutant ou misérabiliste, Dodes’Ka-den est un très beau film, d’une humanité rare. Dodes’Ka-den est une onomatopée que les enfants japonais utilisent pour imiter le bruit du train sur les rails. C’est le bruit que fait l’adolescent Rokuchan en conduisant son tramway imaginaire. Dodeskaden Il ouvre et clôt le film qui est centré sur une douzaine de personnages. Il y a beaucoup de choses dans Dodes’Ka-den : des drames, de l’humour, du rêve, de la poésie, de la beauté. Le film est d’ailleurs très beau plastiquement parlant : pour son premier film tourné en couleurs, Kurosawa a repeint tous les objets, même les plus anodins et a tout filmé en studio. Même le ciel est peint. Cela accroit ce sentiment d’être à côté du monde réel. Le dénuement des personnages permet à Kurosawa de mieux pénétrer les profondeurs de l’âme humaine. Il ne faut surtout pas se laisser effrayer par le sujet, Dodes’Ka-den est un film superbe, d’une très grande humanité.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Yoshitaka Zushi, Tomoko Yamazaki, Yûko Kusunoki, Kunie Tanaka
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Remarques :
Entre Barberousse (également adapté d’un roman de Shûgorô Yamamoto) et Dodes’Ka-den, Kurosawa a été pressenti dans le cadre de plusieurs projets à Hollywood mais aucun n’a abouti.

Voir une critique plus complète de Dodes’Ka-den sur Dvdclassik