8 février 2023

Mademoiselle Ogin (1962) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ogin-sama »

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)À la fin du XVIe siècle, alors que le Christianisme venu d’Occident est proscrit, Ogin, la fille du célèbre maître de thé Rikyu, tombe amoureuse du samouraï Ukon Takayama, qui est chrétien. Le guerrier refuse ses avances, préférant se consacrer à sa foi, et Ogin prend pour époux un homme qu’elle n’aime pas. Mais quelques années plus tard, Ukon revient et lui avoue son amour. Ogin veut reprendre sa liberté mais le redoutable Hideyoshi, qui règne sur le pays, a entamé des persécutions anti-chrétiennes…
Mademoiselle Ogin est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, sa sixième et ultime réalisation. Le scénario est l’œuvre de Masashige Narusawa, d’après un roman de Tōkō Kon paru en 1956. Comme pour ses réalisations précédentes, Kinuyo Tanaka s’empare du sujet pour en faire un récit de femme vue par une femme. Le mélodrame est certes un peu appuyé, une histoire d’un amour fou et destructeur, mais le film enchante par la qualité de sa réalisation et la beauté de ses images en couleurs. Certains cadrages sont absolument superbes. Kinuyo Tanaka a cette fois profité d’un budget important qu’elle utilise à merveille. Elle dirige Ineko Arima, actrice qui a joué avec les plus grands (Naruse, Ozu, Kobayashi,…) Les raisons pour lesquelles Kinuyo Tanaka n’a pas continué à réaliser ne semblent pas connues avec certitude. C’est un grand dommage car il ne fait nul doute qu’elle aurait continué à signer de grands films.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ineko Arima, Tatsuya Nakadai, Ganjirô Nakamura, Mieko Takamine, Osamu Takizawa, Kôji Nanbara
Voir la fiche du film et la filmographie de Kinuyo Tanaka sur le site IMDB.

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Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Mieko Takamine et Ineko Arima dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Ineko Arima et Hisaya Itô dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

13 décembre 2019

L’Héritage des 500 000 (1963) de Toshirô Mifune

Titre original : « Gojuman-nin no isan »

L'héritage des 500 000 (Gojuman-nin no isan)Quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’ex-commandant Matsuo est contacté par un riche homme d’affaires pour partir à la recherche d’un trésor de milliers de pièces d’or qu’il avait enterré dans une île des Philippines pendant la guerre…
Si l’on connaît Toshirô Mifune en tant que l’un des plus grands acteurs japonais, notamment dans les films de Kurosawa, on connaît moins son unique réalisation : L’héritage des 500 000. Il s’est entouré d’habituels collaborateurs de Kurosawa, ce dernier ayant même aidé au montage. L’histoire écrite par Ryûzô Kikushima s’inspire d’un fait authentique pour former un film d’aventures qui aborde les thèmes de la mémoire (les 500 000 du titre sont les soldats japonais morts lors des combats sur les îles) et de la lutte entre cupidité et humanité. Le récit acquiert ainsi une certaine profondeur. Sans être remarquable, l’ensemble est de bonne facture. Le film fut un succès au Japon mais n’a jamais été distribué en Europe avant que Carlotta ne l’édite en DVD en 2019.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toshirô Mifune, Tatsuya Mihashi, Tsutomu Yamazaki, Tatsuya Nakadai
Voir la fiche du film et la filmographie de Toshirô Mifune sur le site IMDB.

L'héritage des 500 000 (Gojuman-nin no isan)Tatsuya Mihashi et Toshirô Mifune dans L’héritage des 500 000 (Gojuman-nin no isan) de Toshirô Mifune.

16 décembre 2013

Le Garde du corps (1961) de Akira Kurosawa

Titre original : « Yôjinbô »

Le garde du corpsUn rônin (samouraï sans maitre) arrive dans un village où deux clans s’affrontent durement pour des questions de pouvoir et d’argent. Il compte tirer profit de cette lutte en vendant ses services au plus offrant… Le Garde du corps a été écrit par Kurosawa lui-même avec l’aide de Ryûzô Kikushima. Archétype des films de sabre (chanbara), le film est assez remarquable avec une belle opposition entre les scènes d’action, toujours très brèves, et la force de l’esprit. La mise en scène de cette rivalité entre deux clans est également très picturale, Kurosawa jouant sur les attentes, les oppositions par des plans très travaillés ; ce style de scénarisation de l’affrontement a largement inspiré les westerns italiens, on peut même parler de plagiat pour Sergio Leone (1). Le Garde du corps met en relief les travers de l’âme humaine, en premier lieu la cupidité et la bassesse. Le héros est loin d’être parfait ce qui permet à Kurosawa d’éviter de tomber de tomber dans une certaine simplification et donne une indéniable profondeur à l’ensemble.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Toshirô Mifune, Tatsuya Nakadai, Yôko Tsukasa, Isuzu Yamada, Daisuke Katô, Seizaburô Kawazu, Takashi Shimura, Eijirô Tôno
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Remarque :
* La musique est assez surprenante. Kurosawa a dit à Masaru Sato qu’il était totalement libre d’écrire la musique qu’il désirait tant que ce n’était pas la musique habituelle des films historiques de samouraï. Masaru Sato s’est inspiré de la musique d’Henry Mancini qu’il admire tout particulièrement. Le résultat est… étonnant.

Remakes :
Pour une poignée de dollars (1964) de Sergio Leone
Django de Sergio Corbucci (1966) avec Franco Nero
Dernier recours (Last man standing) de Walter Hill (1996) avec Bruce Willis
Inferno de John G. Avildsen (1999) avec Jean-Claude Van Damme
Bonne chance Slevin (Lucky number Slevin) de Paul McGuigan (2006)  avec  Josh Hartnett et Bruce Willis
Sukiyaki Western Django de Takashi Miike (2007).

(1) Lorsque le film Pour une poignée de dollars de Sergio Leone est sorti, la Toho a intenté un procès aux producteurs qui avaient passé sous silence le fait que ce soit une reprise de Yôjinbô. Le pillage étant manifeste, la Toho gagna facilement son procès.

25 février 2013

Harakiri (1962) de Masaki Kobayashi

Titre original : « Seppuku »

Hara-kiriEn 1630, un ronin (samouraï sans maitre) frappe à la porte d’un puissant seigneur et sollicite l’honneur de pratiquer le suicide rituel en ses murs, devant ses pairs, plutôt que de vivre dans la misère… Tourné juste après son film fleuve, La Condition de l’homme, où il s’attaquait à certaines des valeurs de la société japonaise, Masaki Kobayashi s’en prend au sacro-saint code d’honneur des samouraïs. Avec Harakiri, adaptation d’un roman de Yasuhiko Takiguchi, il montre comment ces règles qui se veulent très strictes et formalisées ne sont que poudre aux yeux, des règles que chacun revendique sans forcément les appliquer. A travers ce mythe, c’est la société japonaise que Kobayashi critique ; honneur et humanisme ne vont que difficilement de pair. Dans sa forme, le film est superbe : par sa construction tout d’abord, avec d’habiles flash-backs, mais surtout par son rythme qui reste étonnamment stable et lent, sans accélération (si ce n’est dans son épilogue). Plus que de lenteur, il serait plus juste de parler de solennité. L’image épurée, reposant sur des lignes de construction fortes mais simples, vient renforcer le sentiment de rigorisme. Le combat final, bref et violent, apparait comme une véritable délivrance pour ce samouraï déchu. Au-delà des apparences, Harakiri est un grand film humaniste.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Akira Ishihama, Shima Iwashita, Tetsurô Tanba, Masao Mishima, Ichirô Nakatani, Kei Satô, Yoshio Inaba
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24 décembre 2012

La condition de l’homme (1959) de Masaki Kobayashi

Titre original : « Ningen no jôken »

La condition de l'hommeDe toute l’histoire du cinéma, La Condition de l’Homme de Masaki Kobayashi est le film le plus long ayant connu une large exploitation commerciale : trois parties de 3 heures chacune, 9 heures 40 de film en tout. S’il est plutôt mal connu en Occident, il est très populaire au Japon où il est régulièrement diffusé à la télévision. Adapté du roman autobiographique de Junpei Gomikawa (1), La Condition de l’Homme se déroule dans la Mandchourie colonisée pendant les trois dernières années de la Seconde Guerre mondiale. Cette période a vu la défaite du Japon, défaite dont le souvenir est toujours très présent dans les esprits quinze ans plus tard, au moment de la sortie du film. Nous suivons le jeune Kaji d’abord dans les mines de fer où il tente d’humaniser le traitement des ouvriers et prisonniers chinois, puis dans les rangs de l’armée. Souvent présenté comme antimilitariste, le film de Kobayashi dresse effectivement un portrait très dur de l’enseignement militaire (2) mais son propos va bien au-delà : il questionne sur ce qui forme la nature de l’Homme, dans le sens humaniste du terme (3), et s’interroge sur la compatibilité de ces conditions avec les valeurs fondamentales de la société japonaise. Il montre comment une société humaine peut générer un organisme inhumain. Le point de bascule est difficile à cerner : dans chacune des situations, Kaji est toujours à la fois oppresseur et opprimé. Pire encore : il ne peut cesser d’être oppresseur qu’en devenant lui-même opprimé. Dans sa forme, le film est superbement réalisé. Kobayashi a une approche très graphique de ses plans, créant souvent un cadre dans le cadre et utilisant beaucoup les lignes obliques, comme pour venir renforcer ce sentiment de voie difficile, hors des routes tracées. La Condition de l’Homme n’est pas sans longueur mais c’est un film assez remarquable, à la fois par la profondeur de son propos et par la qualité de sa réalisation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Michiyo Aratama, Chikage Awashima, Ineko Arima, Keiji Sada, Sô Yamamura, Seiji Miyaguchi, Eitarô Ozawa, Kôji Mitsui, Nobuo Nakamura, Yûsuke Kawazu, Chishû Ryû, Taketoshi Naitô
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Les trois parties de La condition de l’homme de Masaki Kobayashi :
1. Il n’y a pas de plus grand amour (1959) 208 minutes
2. Le chemin de l’éternité (1959) 181 minutes
3. La prière du soldat (1961) 190 minutes


La condition de l'homme: Il n'y a pas de plus grand amour La condition de l'homme: Le chemin de l'éternité La condition de l'homme: La prière du soldat


Précisions :
* La Condition de l’Homme de Kobayashi n’a aucun lien avec La Condition Humaine d’André Malraux.
* Située au nord-est de la Chine, la Mandchourie fut colonisée en 1931 par le Japon qui souhaitait mettre la main sur ses richesses en fer et en charbon. En 1940, quatre millions de colons japonais s’y étaient installés. La Mandchourie fut envahie par les russes en 1945 et fut intégrée à la Chine en 1949.


(1) Si La Condition de l’Homme est un roman autobiographique de Junpei Gomikawa, Masaki Kobayashi a déclaré avoir connu pendant la guerre les mêmes expériences que son héros Kaji.

(2) Sur ce point, il peut être intéressant de comparer la seconde partie de La Condition de l’Homme avec le  Full Metal Jacket que Kubrick tournera 20 ans plus tard. Les deux films ont des points communs en apparence mais, alors que Kubrick pointe du doigt l’enseignement militaire, Kobayashi s’en prend aux fondements de l’armée : s’appuyant sur des traditions et un code de l’honneur désuet, elle ne sait que générer des brimades au lieu de préparer des soldats. Au delà de l’armée, Kobayashi s’en prend plus à la société qui l’a engendrée. L’armée n’est ainsi qu’un révélateur car elle amplifie les défauts.

(3) Le titre du film est d’ailleurs très imprécis dans sa traduction : Ningen no jôken doit être compris comme « la condition qui permet à un individu de devenir un homme digne de ce nom ».

 

29 octobre 2012

Goyokin, l’or du shogun (1969) de Hideo Gosha

Titre original : « Goyôkin »

GoyôkinDans le Japon de 1831, le Shogun des Tokugawa tire ses richesses des mines d’or de l’île de Sado. L’or est transporté par un bateau qui longe le territoire du clan des Sabai. Un jour, tous les habitants d’un village de pêcheurs disparaissent… Goyokin est un chanbara (film de samouraï) doté d’une belle personnalité. Il a souvent été comparé aux westerns européens de la même époque car il exprime la fin d’une époque, le désenchantement d’un samouraï qui voit disparaître les grandes valeurs qui ont guidé ses actes (1). On peut aussi trouver certains points communs dans la forme, le fait que ce soit le premier film japonais à utiliser les caméras Panavision, plus légères donc plus maniables, y contribue certainement. Ces nouvelles caméras étaient hélas également dotées d’objectif à focale variable (zoom) dont les utilisations, le plus souvent excessives comme ici, firent tant de dégâts. Goyokin est un film particulièrement bien dosé dans ses combats, intenses sans être trop démonstratifs, et Hideo Gosha fait une utilisation originale des éléments, l’eau, la neige, le feu. Belle interprétation, sobre et tendue.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Tetsurô Tanba, Yôko Tsukasa, Ruriko Asaoka
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Remarque :
Goyokin a été refait en western : The Master Gunfighter de Frank Laughlin (1975)

(1) Il a souvent été rapproché du film de Sergio Corbucci Le grand silence (1968) qui se déroule également dans un environnement recouvert de neige et aussi par son propos désenchanté.)