20 décembre 2023

She Said (2022) de Maria Schrader

She SaidDeux femmes journalistes au New York Times enquêtent sur les rumeurs de harcèlement et d’agressions sexuelles dans le milieu du cinéma…
She Said est un film américain réalisé par l’allemande Maria Schrader (1). Adapté du livre homonyme des journalistes Jodi Kantor et Megan Twohey, il retrace leur parcours journalistique de 2017 qui a révélé l’affaire Harvey Weinstein. Qu’Hollywood consacre un film à cette enquête, qui a bouleversé notre société à l’échelle mondiale en engendrant le mouvement #MeToo, paraît être la moindre des choses. Le récit est un peu plat mais il a le mérite d’être conforme à la réalité et de montrer la difficulté à libérer la parole des femmes et à trouver des preuves. Aurait-il fallu créer artificiellement des moments de suspense pour rendre ce récit plus prenant ? La réponse est loin d’être évidente. En fait, il faut prendre ce film comme un témoignage, un semi-documentaire (2). Vu ainsi, il est intéressant à voir et il est loin d’être inutile.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Zoe Kazan, Carey Mulligan, Patricia Clarkson, Andre Braugher
Voir la fiche du film et la filmographie de Maria Schrader sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

(1) L’allemande Maria Schrader n’a aucun lien de parenté avec l’américain Paul Schrader.
(2) A noter : sur le sujet, L’Intouchable est un film documentaire britannique très complet, réalisé par Ursula Macfarlane en 2019.

Zoe Kazan, Carey Mulligan, Andre Braugher et Patricia Clarkson dans She Said de Maria Schrader.

25 janvier 2022

Enragé (2020) de Derrick Borte

Titre original : « Unhinged »

Enragé (Unhinged)Rachel Hunter traverse une période compliquée. Ce matin-là, elle est en retard pour conduire son fils Kyle à l’école. Coincée derrière un pick-up qui ne démarre pas au feu vert, elle envoie de grands coups de klaxon rageurs. Un peu plus loin, le même véhicule s’arrête à son niveau. Le conducteur la somme de s’excuser mais elle refuse. Furieux, il commence à la poursuivre. La journée de Rachel se transforme alors en un véritable cauchemar…
Enragé (to unhinge = sortir de ses gonds) est un film américain réalisé par Derrick Borte. C’est un film de suspense, avec une grande tension qui s’installe très rapidement et ne faiblit jamais par la suite. Sur ce plan, il est particulièrement réussi. Inévitablement, on pense au Duel de Spielberg mais le procédé est ici différent car le chauffard meurtrier a cette fois non seulement un visage mais aussi de l’épaisseur. Et Russell Crowe lui donne une énorme présence. On finira même par connaître les raisons de son comportement. Sans justifier ses actes, cela l’humanise et le rend d’autant plus terrifiant. Le procédé est très efficace. L’idée sous-jacente de l’histoire est de souligner que les causes de stress dans notre société sont de plus en plus nombreuses (le générique les liste de façon un peu facile et ridicule) et, de ce fait, les comportements agressifs irrationnels et impulsifs se multiplient. Il ne faut pas compter sur ce film pour se déstresser  mais nul doute que l’on hésitera un peu à user du klaxon après l’avoir vu…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Russell Crowe, Caren Pistorius, Gabriel Bateman, Jimmi Simpson
Voir la fiche du film et la filmographie de Derrick Borte sur le site IMDB.
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Enragé (Unhinged)Russell Crowe dans Enragé (Unhinged) de Derrick Borte.

2 juillet 2019

Baccalauréat (2016) de Cristian Mungiu

Titre original : « Bacalaureat »

BaccalauréatMédecin à l’hôpital d’une petite ville de Roumanie, Roméo n’a qu’une idée en tête : que sa fille Eliza aille finir ses études à l’université de Cambridge en Angleterre, afin qu’elle puisse avoir une vie meilleure à l’étranger. Il a tout réglé, tout prévu, il ne reste plus qu’une étape : que sa fille obtienne son Baccalauréat avec une moyenne élevée. Eliza étant une excellente élève, cela ne devrait pas poser de problème…
Ecrit et réalisé par le roumain Cristian Mungiu, Baccalauréat est tout d’abord une vision de son pays où les changements espérés depuis 1991 (date à laquelle la Roumanie est devenue une république parlementaire) tardent à se concrétiser : la corruption reste omniprésente et continue de fausser les rapports sociaux. Mais le film est aussi une réflexion plus générale sur les décisions que nous devons prendre dans notre vie, avec cette éternelle question : la fin justifie-t-elle les moyens ? Et c’est enfin un regard sur les rapports parents/enfants car ce père a fait les choix de vie de sa fille en réaction à ses propres contradictions. Le propos de Baccalauréat dépasse donc largement le seul cadre de la situation en Roumanie. Filmé en longs plans-séquences, le récit est admirablement bien construit, les évènements se succèdent sans nous laisser de répit, avec des zones d’ombre qui semblent destinées à rester ainsi. Cristian Mungiu a reçu le Prix de la mise en scène à Cannes en 2016 pour ce film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Adrian Titieni, Maria Dragus, Lia Bugnar, Mãlina Manovici, Vlad Ivanov
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Maria Dragus et Adrian Titieni dans Baccalauréat de Cristian Mungiu.

12 octobre 2015

Contes cruels de la jeunesse (1960) de Nagisa Ôshima

Titre original : « Seishun zankoku monogatari »

Contes cruels de la jeunesseLa jeune Makoto rencontre l’étudiant Kiyoshi lorsqu’il la sauve des griffes d’un homme qui tentait d’abuser d’elle. Kiyoshi en profite pour dépouiller l’homme. L’épisode leur donne l’idée de répéter le scénario pour racketter des hommes d’âge mûr… Découvert très tardivement en France (1), Contes cruels de la jeunesse fait partie des premiers films de la Nouvelle Vague japonaise. Il fut par exemple tourné au moment-même où Godard réalisait A bout de souffle. Nagisa Ôshima n’a alors que 28 ans et sort des sentiers battus et du cinéma codifié non seulement par son sujet, montrer le malaise de sa génération au travers des errances criminelles d’un très jeune couple, mais aussi par sa façon de le traiter : il filme en décors naturels dans la rue en utilisant, chose rarissime pour du format Scope à l’époque, une caméra à l’épaule. Ses parti-pris esthétiques sont assez radicaux, refusant la couleur verte qui « apaise et affadit les sentiments », préférant des couleurs assez saturées, et usant largement de gros plans, de décadrages. Les intérieurs sont assez oppressant et l’atmosphère générale est plutôt dérangeante, traduction du désenchantement de ses deux personnages principaux. Les aspects novateurs de Contes cruels de la jeunesse le rendent vraiment remarquable, même un demi-siècle plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Miyuki Kuwano, Yûsuke Kawazu
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Contes cruels de la jeunesse
Yûsuke Kawazu et Miyuki Kuwano dans Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Ôshima.

Remarque :
Yûsuke Kawazu était également l’un des acteurs principaux du très beau film Bon à rien (Rokudenashi) de Yoshishige Yoshida (1960), film de la Nouvelle Vague qui sortit sur les écrans à quelques semaines d’intervalle.

(1) Le film n’est sorti en France qu’en 1986. Il a été récemment redécouvert à Cannes en 2014 dans une version restaurée.

21 mars 2014

Les neiges du Kilimandjaro (2011) de Robert Guédiguian

Les neiges du KilimandjaroDélégué syndical depuis toujours, Michel est licencié avec 19 autres personnes par un tirage au sort qu’il a lui-même institué. Grâce à sa femme, à sa famille et ses amis, il surmonte plutôt bien cette épreuve. Mais un soir, deux hommes masqués pénètrent chez eux, les frappent et les attachent pour s’enfuit avec leurs cartes de crédit… Robert Guédiguian met en relief le dilemme d’un homme qui a consacré toute sa vie aux autres et qui se retrouve confronté à une violence qu’il ne comprend pas. Pire, par son origine-même, elle remet en cause son engagement passé, ses choix de vie, sa satisfaction et sa bonne conscience. Cela se double d’un conflit de génération, ces syndicalistes de longue date ne comprennent pas une génération totalement désenchantée et sans repères. Guédiguian filme tout cela avec beaucoup d’humanisme et sans le dogmatisme qu’il a parfois montré, comme s’il partageait les interrogations et le désarroi de ses personnages. Malgré le sujet, son film est chaleureux, simple et sincère, foncièrement humaniste.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilyne Canto, Grégoire Leprince-Ringuet, Anaïs Demoustier
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Remarques :
* Les Neiges du Kilimandjaro, surtout sa fin, est librement inspiré du poème humaniste de Victor Hugo Les Pauvres Gens (un pêcheur et sa femme recueillent les enfants de leur voisine qui vient de mourir dans le plus grand dénuement). Lire le poème
* Le film Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian n’a aucun lien avec le livre homonyme d’Ernest Hemingway.