26 février 2024

Le Père Noël a les yeux bleus (1966) de Jean Eustache

Le Père Noël a les yeux bleusNarbonne, aux environs de Noël. Désoeuvré, Daniel rêve de s’offrir un de ces duffel-coats à la mode qui lui donnerait le courage nécessaire pour aborder les filles. Il accepte la proposition d’un photographe : se déguiser en père Noël pour poser dans la rue avec les passants…
Le Père Noël a les yeux bleus est un film français écrit et réalisé par Jean Eustache, qui avait tout juste 27 ans. Il a pu récupérer les pellicules non-utilisées sur le tournage de Masculin féminin de Jean-Luc Godard qui lui en a fait don. Il réalise ainsi son second moyen métrage mettant en scène un personnage très probablement inspiré de lui-même (il a passé toute son adolescence à Narbonne). Sous une forme bien entendu très Nouvelle vague, il exprime un certain malaise, le sentiment d’être rejeté, avant que son personnage découvre que le regard des autres sur lui change totalement grâce à son déguisement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Léaud, Gérard Zimmermann, Henri Martinez, René Gilson
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Jean-Pierre Léaud dans Le Père Noël a les yeux bleus de Jean Eustache.

23 février 2023

La Maman et la putain (1973) de Jean Eustache

La Maman et la putainAlexandre, jeune oisif, vit avec (et aux crochets de) Marie, boutiquière sensiblement plus âgée que lui. Il aime encore Gilberte, étudiante qui refuse la demande en mariage qu’il lui fait en forme d’expiation. Il accoste ensuite une autre jeune femme, Veronika, interne à l’Hôpital Laennec…
La Maman et la putain est un film français écrit et réalisé par Jean Eustache. C’est un film assez novateur ou, du moins, qui va plus loin que les autres films de son époque. On peut le situer dans le sillage de la Nouvelle Vague dans le sens où il capte l’esprit d’une génération, mais il est plus que cela. Jean Eustache s’inspire de sa vie personnelle, il tourne dans l’appartement de sa compagne qui est costumière et maquilleuse sur le tournage et dont le rôle est tenu par Bernadette Lafont (qui est amie avec elle dans la vraie vie).  Bien que son personnage de dandy un peu précieux soit loin d’être admirable, les monologues de Jean-Pierre Léaud sont passionnants à écouter, remarquablement bien écrits et admirablement bien restitués (1). C’est magnifique. Les textes des personnages féminins sont plus restreints et (à mon humble avis… qui ne semble pas être partagé) moins brillants ; le long monologue final de Veronika paraît même assez laborieux dans sa forme (l’expérience de Françoise Lebrun en tant qu’actrice était bien plus réduite que celles de J.-P. Léaud ou Bernadette Lafont). Il capte néanmoins l’esprit d’une époque (post-Mai 68) quant à une conception désinhibée de l’amour même si Eustache débouche finalement sur une position qui paraît bien conventionnelle (le véritable amour est celui où on fait des enfants) (mais il serait injuste de réduire sa position à cela). Le film est très long (3h40), trop long certainement, mais cela fait partie de sa personnalité. A sa sortie, le film divisa la critique et le public.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Jean-Pierre Léaud, Françoise Lebrun, Isabelle Weingarten, Jacques Renard
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(1) Jean Eustache était intraitable sur le respect à la virgule près du texte qu’il avait écrit. Et, du fait du budget très réduit, il était hors de question de faire plus de deux prises. Bernadette Lafont raconte que Jean-Pierre Léaud se bourrait de cachets au phosphore pour mémoriser le texte (Bernadette Lafont, une vie de cinéma par Bernard Bastide, éditions Atelier Baie 2013).

Remarque :
* Dans les rôles de figuration, on remarque (non crédités au générique) :
les réalisateurs Jean-Claude Biette et André Téchiné, le producteur Pierre Cottrell (créateur des Films du Losange), les critiques et historiens du cinéma Jean Douchet, Bernard Eisenschitz et Noël Simsolo. Jean Eustache fait une courte apparition (le mari de Gilberte dans le supermarché).

La Maman et la putain de Jean EustacheJean-Pierre Léaud et Bernadette Lafont dans La Maman et la putain de Jean Eustache.

5 avril 2022

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965) de Jean-Luc Godard

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionDans un futur pas si lointain, les autorités des « pays extérieurs » envoient l’agent secret Lemmy Caution en mission à Alphaville, éloignée de quelques années-lumière de la Terre. Il y découvre une cité contrôlée par un ordinateur qui régit la vie des habitants et a banni bon nombre de sentiments humains…
Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (ou simplement,  Alphaville) est un film français de science-fiction écrit et réalisé par Jean-Luc Godard. Il s’agit d’une variation sur l’un des thèmes majeurs de la science-fiction, la description d’un monde totalitaire dominé par une technologie qui asservit la population. Par une approche très particulière, Godard rend cette prospective très actuelle. Il a utilisé les immeubles parisiens les plus modernes en ambiance nocturne pour créer une atmosphère étrange. Les tours en verre n’en sont paraissent que plus inhumaines et angoissantes. Il utilise tout aussi astucieusement leur architecture intérieure, particulièrement leurs longs couloirs. On peut noter nombre de références, souvent humoristiques, littéraires mais surtout cinématographiques. Godard s’amuse plus avec les codes du film noir qu’avec ceux de science-fiction. Alphaville est bien entendu un film très particulier qui pourra susciter des réactions variées.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff
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Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionEddie Constantine et Anna Karina dans Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard.

Remarque :
* La fameuse scène « des portes », qui a notamment servi à lier les sujets de l’émission « Cinéma, Cinémas » de Claude Ventura, a été tournée dans la Maison de la Radio, récemment inaugurée.

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionEddie Constantine dans Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard.

20 janvier 2022

L’Amour en fuite (1979) de François Truffaut

L'amour en fuiteHuit ans après leur mariage, Antoine et Christine se quittent en bons termes et toujours liés par leur fils Alphonse. Antoine a une liaison avec Sabine, vendeuse dans un magasin de disques, et retrouve par hasard Colette, son premier amour…
En difficulté après l’échec de La Chambre Verte, François Truffaut accepte à contre-coeur de tourner une suite à la saga Antoine Doinel. Mais plus qu’une suite, il conçoit le film comme un « récapitulatif » et y place une fin « conclusive » pour être sûr qu’on n’y reviendra pas. Truffaut a un avantage extrêmement rare : il a déjà filmé Jean-Pierre Léaud à différents âges, de treize ans à vingt-huit ans (il a trente-trois ans au moment du tournage) et peut donc utiliser des extraits ou des chutes de ses précédents films pour faire les flash-back. Sur ce plan, le film est vraiment unique en son genre. Les flashbacks sont nombreux, il y en a 18 minutes sur les 1h35 du film. Les esprits chagrins pourront reprocher la faiblesse du scénario de la période actuelle mais Truffaut l’a voulu ainsi : étoffer l’histoire aurait été une « suite de plus ». Il faut prendre L’Amour en fuite comme un moyen amusant de se remémorer les films précédents de la saga Doinel, c’est « une mosaïque, l’histoire d’une vie ». L’ensemble est plaisant mais reste mineur dans la filmographie du cinéaste.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Léaud, Marie-France Pisier, Claude Jade, Dani, Dorothée, Daniel Mesguich, Julien Bertheau
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Cycle Antoine Doinel de François Truffaut :
1. Les 400 coups (1959)
2. Antoine et Colette (dans « L’amour à 20 ans ») (1962)
3. Baisers volés (1968)
4. Domicile conjugal (1970)
5. L’amour en fuite (1978)

L'amour en fuiteJean-Pierre Léaud et Dorothée dans L’amour en fuite de François Truffaut.

Remarque :
* A 25 ans, Dorothée était alors en pleine ascension à la télévision où elle animait Récré A2 (le Club Dorothée ce sera dix ans plus tard). Après ce film, elle ne jouera ensuite que dans un seul film : Pile ou face de Robert Enrico (1980), film policier avec Philippe Noiret et Michel Serrault (plus deux ou trois apparitions).

5 mai 2013

Le Havre (2011) de Aki Kaurismäki

Le HavreUn ex-écrivain bohème s’est volontairement exilé au Havre où il est cireur de chaussures. Il vit dans un petit quartier avec sa femme. Il trouve sur son chemin un jeune garçon, immigré clandestin d’Afrique Noire recherché par la police… Le Havre est le premier film qu’Aki Kaurismäki tourne en français. C’est une histoire assez universelle et atemporelle qui met en valeur l’humanité et la solidarité. Aki Kaurismäki insuffle beaucoup d’humour dans son récit, ne serait-ce que par le jeu des acteurs, avec des intonations très policées qui donnent une certaine noblesse (et même une certaine grandeur) aux personnages. C’est un style qui peut bien évidemment surprendre mais il suffit de se laisser gagner par l’atmosphère, finalement assez proche d’un conte. Ce style permet d’ailleurs de s’écarter du réalisme qui n’est pas ici recherché. L’histoire étant atemporelle, Kaurismäki mêle les époques, modernisme et nostalgie des années soixante se côtoient. Et l’image est superbe, Kaurismäki n’a pas son pareil pour créer une palette de couleurs subtile, un brin désuète, et dont les grandes masses de couleur peuvent évoquer l’univers de la bande dessinée style ligne claire. Le résultat lui est propre, assez unique et très beau. Sur le fond, Le Havre n’a pas de solution toute faite à donner, il met seulement en valeur les notions humaines d’humanisme et de liberté.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin
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Remarques :
* Originaire du Havre, Little Bob interprète son propre rôle, ainsi qu’un morceau avec son groupe.
* On remarquera la présence de Pierre Etaix, en improbable docteur, et de Jean-Pierre Léaud en voisin dénonciateur.