21 novembre 2021

The Homesman (2014) de Tommy Lee Jones

The HomesmanA la fin du XIXe siècle, dans un petit village du Nebraska, Mary Bee Cuddy est une pionnière de tempérament qui, à 31 ans, n’a pas réussi à se marier car les hommes la trouvent trop austère et autoritaire. Par humanisme, elle accepte de transporter en Iowa trois femmes qui ont perdu la raison. Elle sauve un vagabond sur le point d’être pendu pour qu’il l’accompagne dans ce long périple de plusieurs semaines…
Depuis Trois enterrements, nous savons qu’un western signé par Tommy Lee Jones a peu de chances d’être banal. Effectivement, The Homesman n’a rien d’ordinaire. Le scénario est une adaptation du roman « Le Charlot des Damnés », publié par l’auteur américain Glendon Swarthout en 1988. Paul Newman en avait très tôt acquis les droits sans pouvoir concrétiser son projet. Il est vrai que l’histoire peut rebuter à première vue mais, en réalité, c’est une histoire très forte. Le personnage central est une femme et le traditionnel univers masculin du western en prend un coup. C’est aussi l’idéal américain qui est à la peine car l’individualisme prévaut dans ces terres presque vierges. La photographie de ces grands espaces est assez réussie avec, occasionnellement, des images insolites. Si le film n’est pas exempt de défauts, ceux-ci sont plutôt du côté de la construction. Le début est en effet assez confus. Ce second long métrage de Tommy Lee Jones est assurément un film hors du commun.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tommy Lee Jones, Hilary Swank, Grace Gummer, Miranda Otto, Sonja Richter, John Lithgow
Voir la fiche du film et la filmographie de Tommy Lee Jones sur le site IMDB.
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Voir les autres films de Tommy Lee Jones chroniqués sur ce blog…

Remarque :
* Homesman est une production française (Europacorp, Luc Besson).

 The HomesmanHilary Swank et Tommy Lee Jones dans The Homesman de Tommy Lee Jones.

1 avril 2021

Rêves d’or (2013) de Diego Quemada-Díez

Titre original : « La jaula de oro »

Rêves d'or (La jaula de oro)Originaires du Guatemala, Juan, Sara et Samuel aspirent à une vie meilleure et tentent de se rendre aux États-Unis. Les trois adolescents décident de suivre les voies de chemin de fer et empruntent les trains de marchandises avec d’autres migrants. Dès le début de leur périple, ils rencontrent Chauk, un indien du Chiapas ne parlant pas l’espagnol et qui se joint à eux…
Film mexicain, Rêves d’or est le premier long métrage de l’espagnol Diego Quemada-Diez, ancien assistant de Ken Loach. Il a conçu le projet dès 2002 et a recueilli 600 témoignages. Son récit se concentre sur le périple des trois adolescents et les dangers qu’ils doivent affronter. Le réalisateur ne fait pas d’exposé didactique sur les difficultés économiques qui les ont poussés à partir, il n’utilise pas d’effets faciles de dramatisation pour générer l’émotion. On s’attache presque naturellement à ces trois enfants, on perçoit leur fragilité et on mesure l’ardeur et la ténacité dont ils font preuve. Il n’y a que peu de paroles. Le cinéma a, en commun avec la littérature, cette faculté de nous mettre dans la peau d’autres êtres humains, de nous faire vivre partiellement ce qu’ils ont vécu et ainsi de changer notre regard sur eux. Ce film, presque documentaire, en est un bel exemple.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Brandon López, Rodolfo Domínguez, Karen Martínez
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Rêves d'or (La jaula de oro)Rodolfo Domínguez et Brandon López dans Rêves d’or (La jaula de oro) de Diego Quemada-Díez.

3 septembre 2020

La Guerre du feu (1981) de Jean-Jacques Annaud

La Guerre du feuIl y a 80 000 ans, au Paléolithique, la tribu des Oulhamr est attaquée par une tribu de néanderthaliens (?) simiesques. Dans leur fuite, ils perdent les quelques braises qu’ils conservaient précieusement. Trois d’entre eux partent à la recherche du feu et vont faire des rencontres inattendues dans leur quête…
La Guerre du feu est un film d’aventure préhistorique adapté du roman homonyme écrit en 1909 par J.-H. Rosny aîné. Bien que revendiquée à sa sortie, la proximité avec les connaissances scientifiques n’est pas le point fort du film. Il condense des évolutions qui se sont étalées sur des dizaines, voire des centaines, de milliers d’années (procédé scénaristique compréhensible), fait coexister différents types d’humanoïdes de périodes différentes et le propos se calque plus sur l’imagerie populaire que sur les connaissances scientifiques (même la possession du feu ne semble plus aujourd’hui être un paramètre si important de l’évolution). Mais l’élément le plus remarquable du film est dans sa forme : il n’y a aucune parole compréhensible, tout est suggéré par le comportement des personnages pour mettre en avant quelques sentiments primaires, tels la peur, la défense, la faim ou l’amour. Ce dernier sentiment peut faire sourire parfois, mais nous sommes ici dans une fiction destinée à un public large et ces ressorts scénaristiques sont excusables (du moins courants). A sa sortie, le film connut un très grand succès et a engendré un certain engouement pour la Préhistoire. Sur le plan cinématographique, il est assez remarquable par sa forme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Everett McGill, Ron Perlman, Nicholas Kadi
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Remarques :
* Le langage Oulhamr parlé par les membres des trois tribus d’Homo sapiens a été inventé par l’écrivain, musicien et linguiste britannique Anthony Burgess (surtout connu pour être l’auteur du roman L’Orange mécanique). Les dialogues du film sont conçus à partir d’une langue inventée par Burgess réunissant l’anglais, le français, l’italien, le portugais…
* Importante dans le déroulement du récit pour renforcer l’atmosphère et les sentiments suggérés, la musique a été composée par Philippe Sarde.
* Le film a été tourné au Canada, en Ecosse et au Kenya.

 La Guerre du feuRon Perlman, Nicholas Kadi et Everett McGill dans La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud.

3 octobre 2018

Cocorico Monsieur Poulet (1977) de Jean Rouch

Cocorico Monsieur PouletAu Niger, Lam, possesseur d’une 2 CV camionnette nommée « Patience », et son apprenti Tallou, veulent aller acheter des poulets dans les villages de la brousse pour les revendre à Niamey. Damouré, un opportuniste, se joint à eux pour le voyage, en espérant faire des affaires juteuses…
Cocorico Monsieur Poulet est écrit et réalisé par Dalarou, pseudonyme pour le trio Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia (tous deux également interprètes) et Jean Rouch. Contrairement aux autres films de ce dernier, il ne s’agit pas à proprement parler d’un film ethnologique mais d’un conte humoristique mettant en scène certains aspects des modes de vie et croyances en ce milieu des années soixante dix en Afrique. Les trois personnages principaux montrent notamment un très grand flegme face aux diverses complications et incidents. La traversée du fleuve Niger (à trois reprises) est l’un des sommets burlesques du récit. On pourrait seulement regretter que cette histoire puisse générer, dans l’esprit du spectateur amusé, une vision un peu simpliste des africains et même encourager d’éventuels sentiments colonialistes. Mais peut-être est-ce aller trop loin pour ce film conçu comme une joyeuseté en roue libre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia, Tallou Mouzourane
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Lire une présentation très enthousiaste sur DVDClassiks

Cocorico monsieur Poulet
Héroïne du film : la 2 CV de Cocorico Monsieur Poulet de Jean Rouch, Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia.

21 février 2013

Convoi de femmes (1951) de William A. Wellman

Titre original : « Westward the Women »

Convoi de femmesA l’époque des pionniers, en 1851, le propriétaire d’un vaste domaine qui occupe toute une vallée californienne décide d’aller chercher des femmes pour ses cent employés, tous célibataires. Avec un des ses hommes, il va les recruter à Chicago et entreprend de les conduire jusqu’à sa vallée… Westward the Women est un film assez étonnant et à plus d’un titre. D’abord, c’est Frank Capra qui en a écrit le scénario et qui l’aurait lui-même réalisé si la Columbia n’avait mis son veto au projet. Ensuite, l’histoire en elle-même paraît assez incroyable ; elle est pourtant basée sur une histoire vraie. Enfin, le film est étonnant par sa qualité, William Wellman réussissant à faire un film puissant, tout en n’ayant pas de personnage principal vraiment mis en avant et sans aucune recherche du spectaculaire. C’est le groupe de femmes de Westward the Women qui en est le héros, un groupe certes mais dont les individualités qui le forment restent assez marquées. Les scènes fortes qui émaillent le périlleux périple sont nombreuses. Le film est très complet, tour à tour vibrant, enthousiasmant, émouvant, tragique. Comme toujours, le jeu de Robert Taylor est assez sobre et contribue ainsi à l’homogénéité de l’ensemble. Western sans équivalent, Westward the Women est un film admirable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Robert Taylor, Denise Darcel, Hope Emerson, John McIntire, Julie Bishop
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Remarque :
L’actrice Denise Darcel qui interprète une française émigrée est réellement française. Venue aux Etats-Unis à la Libération après avoir épousé un capitaine de l’armée américaine, elle eut une carrière assez courte à Hollywood, principalement entre 1948 et 1954.

24 décembre 2012

La condition de l’homme (1959) de Masaki Kobayashi

Titre original : « Ningen no jôken »

La condition de l'hommeDe toute l’histoire du cinéma, La Condition de l’Homme de Masaki Kobayashi est le film le plus long ayant connu une large exploitation commerciale : trois parties de 3 heures chacune, 9 heures 40 de film en tout. S’il est plutôt mal connu en Occident, il est très populaire au Japon où il est régulièrement diffusé à la télévision. Adapté du roman autobiographique de Junpei Gomikawa (1), La Condition de l’Homme se déroule dans la Mandchourie colonisée pendant les trois dernières années de la Seconde Guerre mondiale. Cette période a vu la défaite du Japon, défaite dont le souvenir est toujours très présent dans les esprits quinze ans plus tard, au moment de la sortie du film. Nous suivons le jeune Kaji d’abord dans les mines de fer où il tente d’humaniser le traitement des ouvriers et prisonniers chinois, puis dans les rangs de l’armée. Souvent présenté comme antimilitariste, le film de Kobayashi dresse effectivement un portrait très dur de l’enseignement militaire (2) mais son propos va bien au-delà : il questionne sur ce qui forme la nature de l’Homme, dans le sens humaniste du terme (3), et s’interroge sur la compatibilité de ces conditions avec les valeurs fondamentales de la société japonaise. Il montre comment une société humaine peut générer un organisme inhumain. Le point de bascule est difficile à cerner : dans chacune des situations, Kaji est toujours à la fois oppresseur et opprimé. Pire encore : il ne peut cesser d’être oppresseur qu’en devenant lui-même opprimé. Dans sa forme, le film est superbement réalisé. Kobayashi a une approche très graphique de ses plans, créant souvent un cadre dans le cadre et utilisant beaucoup les lignes obliques, comme pour venir renforcer ce sentiment de voie difficile, hors des routes tracées. La Condition de l’Homme n’est pas sans longueur mais c’est un film assez remarquable, à la fois par la profondeur de son propos et par la qualité de sa réalisation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Michiyo Aratama, Chikage Awashima, Ineko Arima, Keiji Sada, Sô Yamamura, Seiji Miyaguchi, Eitarô Ozawa, Kôji Mitsui, Nobuo Nakamura, Yûsuke Kawazu, Chishû Ryû, Taketoshi Naitô
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Les trois parties de La condition de l’homme de Masaki Kobayashi :
1. Il n’y a pas de plus grand amour (1959) 208 minutes
2. Le chemin de l’éternité (1959) 181 minutes
3. La prière du soldat (1961) 190 minutes


La condition de l'homme: Il n'y a pas de plus grand amour La condition de l'homme: Le chemin de l'éternité La condition de l'homme: La prière du soldat


Précisions :
* La Condition de l’Homme de Kobayashi n’a aucun lien avec La Condition Humaine d’André Malraux.
* Située au nord-est de la Chine, la Mandchourie fut colonisée en 1931 par le Japon qui souhaitait mettre la main sur ses richesses en fer et en charbon. En 1940, quatre millions de colons japonais s’y étaient installés. La Mandchourie fut envahie par les russes en 1945 et fut intégrée à la Chine en 1949.


(1) Si La Condition de l’Homme est un roman autobiographique de Junpei Gomikawa, Masaki Kobayashi a déclaré avoir connu pendant la guerre les mêmes expériences que son héros Kaji.

(2) Sur ce point, il peut être intéressant de comparer la seconde partie de La Condition de l’Homme avec le  Full Metal Jacket que Kubrick tournera 20 ans plus tard. Les deux films ont des points communs en apparence mais, alors que Kubrick pointe du doigt l’enseignement militaire, Kobayashi s’en prend aux fondements de l’armée : s’appuyant sur des traditions et un code de l’honneur désuet, elle ne sait que générer des brimades au lieu de préparer des soldats. Au delà de l’armée, Kobayashi s’en prend plus à la société qui l’a engendrée. L’armée n’est ainsi qu’un révélateur car elle amplifie les défauts.

(3) Le titre du film est d’ailleurs très imprécis dans sa traduction : Ningen no jôken doit être compris comme « la condition qui permet à un individu de devenir un homme digne de ce nom ».

 

21 juillet 2012

Les chemins de la liberté (2010) de Peter Weir

Titre original : « The way back »

Les chemins de la libertéEn 1941, un petit groupe de prisonniers s’évadent d’un goulag en Sibérie et parcourent des milliers de kilomètres à pied, traversant la Mongolie et la Chine pour parvenir jusqu’en Inde… Les chemins de la liberté est inspiré du roman « À marche forcée » de Slavomir Rawicz, publié en 1956. Pour raconter cet incroyable périple de 10 000 kilomètres, Peter Weir a opté pour un certain classicisme et une indéniable sobriété. Plus que les techniques de survie, ce sont les rapports humains qui l’ont intéressé, un groupe totalement disparate qui va se transformer sous nos yeux. La partie se déroulant le goulag paraît très authentique (Peter Weir s’est largement documenté auprès d’anciens détenus), cet univers assez terrifiant est, notons-le, très rarement montré au cinéma. Le film peut paraître manquer de scènes d’action (ou même de suspense puisque l’on connait l’issue dès le départ) et pourtant il sait nous captiver d’un bout à l’autre. En outre, Peter Weir réussit quelques très beaux plans de nature sauvage et désertique.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jim Sturgess, Ed Harris, Colin Farrell, Mark Strong, Saoirse Ronan, Gustaf Skarsgård
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Remarque :
Ne pas confondre ce film avec Le chemin de la liberté de Phillip Noyce (2002) sur le périple de trois jeunes filles échappées d’un centre d’éducation forcée en Australie.