21 janvier 2012

Pollard blagueur (1921) de Charley Chase

Titre original : « What a whopper! »

Pollard blagueurHarry ‘Snub’ Pollard est un acteur comique d’origine australienne qui a débuté chez Essanay (1), avant d’être le faire-valoir d’Harold Lloyd (série des Lonesome Luke), époque où il adopte sa moustache si caractéristique. En 1919, il décide de tenter sa chance en solo. Il tourne alors environ 150 films courts sur 8-10 ans… Pollard blagueur (What a whopper!) est présenté par Serge Bromberg comme son meilleur film. L’histoire repose sur le thème assez classique du mensonge marital : au lieu d’aller à la pêche comme annoncé à sa femme, Pollard a passé son temps à écluser des bières. Il doit passer aux bains turcs pour se remettre en forme, achète un poisson chez le poissonnier avant de raconter une histoire abracadabrante à sa femme… Le passage dans les bains turcs rappelle quelque peu The Cure de Chaplin avec un masseur passablement énergique. Le reste est sans surprise, manquant de gags un tant soit peu originaux. A noter que c’est Charley Chase (sous son vrai nom Charles Parrott) qui est derrière la caméra : l’acteur a en effet dirigé 157 films, dont de nombreux Snub Pollard. (muet, 13 minutes)
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: ‘Snub’ Pollard
Voir la fiche du film et la filmographie de Charley Chase sur le site IMDB.

Remarques :
Il existe également un Harry Pollard, réalisateur de films dans les années dix et vingt (aucun lien de parenté).

(1) Par exemple, dans By the Sea de Chaplin, il est le vendeur de glaces. C’est son second film (sa filmographie complète totalise 535 films!)

20 janvier 2012

Une femme sans amour (1952) de Luis Buñuel

Titre original : « Una mujer sin amor »
Autre titre français (DVD) : « Pierre et Jean »

Una mujer sin amorMariée à un homme plus âgé qu’elle n’aime pas, une femme a une aventure avec un ingénieur des forêts. Il lui demande de quitter son mari mais elle hésite à abandonner son petit garçon de 5 ans… Une femme sans amour est adapté du roman de Guy de Maupassant « Pierre et Jean » qui avait déjà été porté à l’écran par André Cayatte 8 ans auparavant. Il fut même demandé à Luis Buñuel de reproduire le film de Cayatte plan par plan, ce que Buñuel refusa. Il qualifie lui-même dans ses mémoires le résultat de médiocre et déclare que Une femme sans amour est sans doute son plus mauvais film. C’est un jugement certainement un peu sévère. Certes le film manque d’intensité et paraît bien conventionnel mais la mise en scène est sans défaut et le mélodrame garde un certain attrait.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Rosario Granados, Tito Junco, Julio Villarreal
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C’est un remake de :
Pierre et Jean d’André Cayatte (1943) avec Renée Saint-Cyr et Noël Roquevert.

19 janvier 2012

Une femme disparaît (1938) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Lady Vanishes »

Une femme disparaîtDe façon plutôt inhabituelle pour Hitchcock, Une femme disparaît démarre comme une comédie : dans les Balkans, un train est bloqué par la neige et toute une troupe cosmopolite de voyageurs envahit le seul hôtel disponible. Cela crée des situations assez cocasses. L’humour laisse la place à l’intrigue lorsque le train repart le lendemain et qu’une jeune femme constate la disparition du train d’une vieille dame avec qui elle avait sympathisé. Tout le monde nie l’avoir vue… L’histoire a été adaptée par Sidney Gilliat et Frank Launder d’un roman d’Ethel Lina White. Par sa progression et la merveilleuse variété de ses personnages, l’histoire est particulièrement prenante, même après avoir vu le film plusieurs fois. Un déroulement de scénario quasi parfait. Une femme disparaît est aussi une prouesse technique : la très grande majorité du film a été tournée dans un studio de trente mètres de long. Hitchcock utilise merveilleusement les transparences, Une femme disparaît les projections pour recréer l’environnement du train. On note aussi quelques belles utilisations de maquettes, à commencer par le tout premier plan du film. Une femme disparaît est l’avant-dernier film de la période anglaise d’Hitchcock. Ce fut un énorme succès. Bien entendu, on peut reprocher au film son manque de vraisemblance… mais, à ce niveau, cela n’a aucune importance !
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margaret Lockwood, Michael Redgrave, Paul Lukas, Dame May Whitty, Naunton Wayne, Basil Radford
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Remarques :
* L’apparition d’Hitchcock dans ce film est située vers la fin, sur le quai de Victoria Station à Londres.
* Le couple des deux anglais amateurs de cricket (joués par Basil Radford et Naunton Wayne) fut si populaire qu’il réapparût dans d’autres films comme Train de nuit pour Munich de Carol Reed (1940) ou Ceux de chez nous (Millions like us) de Frank Launder et Sidney Gilliat (1943).

Remake :
The Lady Vanishes d’Antony Page (1979) avec Elliott Gould et Cybill Shepherd, remake bien fade, hélas.

18 janvier 2012

Une femme a tué (1952) de Vittorio Cottafavi

Titre original : « Una donna ha ucciso »

Una donna ha uccisoJuste au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une jeune napolitaine rencontre un capitaine américain qui tente de la séduire. Elle repousse ses avances mais finit par tomber amoureuse… Vittorio Cottafavi est un réalisateur italien surtout connu pour ses péplums. Une femme a tué (Una donna ha ucciso) fait partie de ses premiers films. C’est un mélodrame qui paraît très classique à la fois dans son histoire et dans sa forme. S’il manque de particularité pour le distinguer vraiment, il est toutefois bien réalisé et interprété. Le titre a le défaut de ne laisser aucun doute sur l’issue tragique. A noter que tout le film est un flash back, une histoire que raconte la sœur à une jeune fille sur le point de commettre, elle aussi, l’irréparable.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Frank Latimore, Lianella Carell, Lidia Cirillo
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17 janvier 2012

Le journal d’une femme de chambre (1964) de Luis Buñuel

Le journal d'une femme de chambreDans les années vingt en Normandie, Célestine arrive de Paris pour être femme de chambre dans une grande demeure bourgeoise. Elle découvre les travers de chacun… Le journal d’une femme de chambre est le premier film de la dernière période française de Luis Buñuel, l’adaptation d’un roman d’Octave Mirbeau. Le journal d'une femme de chambre Il s’agit d’une peinture acerbe d’une bourgeoisie inutile et vieillissante doublée d’une petite diatribe contre l’extrême-droite avec quelques piques savoureuses contre la religion. Dans sa forme, le film est étonnamment plus sage et plus classique que ses films précédents. Une certaine description du quotidien forme l’ossature du film. Le journal d’une femme de chambre doit beaucoup à Jeanne Moreau, absolument parfaite dans ce personnage assez impénétrable, finalement très énigmatique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Georges Géret, Michel Piccoli, Françoise Lugagne, Jean Ozenne, Muni
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Remarques :
* A la fin du film, Luis Buñuel fait scander « Vive Chiappe ! » à la manifestation d’extrême-droite « contre les métèques ». Jean Chiappe fut un préfet de police ultraconservateur de la fin des années vingt. En 1930, il fit interdire l’Âge d’Or de Buñuel, interdiction de projection qui ne sera levée qu’en… 1981 !
* Ce film marque la première apparition de Muni (la servante un peu simplette) dans un film de Buñuel. Elle tournera également dans presque tous ses films ultérieurs. Comme le réalisateur le dit lui-meême, ce sera un peu sa mascotte.
* Le curé est interprété par Jean-Claude Carrière qui cosigne l’adaptation avec Buñuel. Là aussi, c’est une première collaboration mais pas la dernière.

16 janvier 2012

Frontière chinoise (1966) de John Ford

Titre original : « 7 Women »

Frontière chinoiseDans le nord de la Chine de 1935, une mission isolée et menée par des femmes attend l’arrivée d’un nouveau docteur. Elles voient arriver une femme à l’esprit libre qui va rapidement s’opposer à la directrice rigide. Pendant ce temps, une troupe de bandits pille et saccage la région… Pour son dernier film, John Ford signe un film assez atypique. Frontière chinoise est atypique dans sa filmographie car on a l’habitude de le voir mettre en scène des histoires d’hommes et on le dit même incapable de diriger des femmes. A 72 ans, il lui prend l’envie de faire un pied de nez à ses détracteurs et filme une histoire ne comportant pratiquement que des femmes. Il les place dans une situation de crise aigue qui va révéler leur nature profonde, ce qui est certes plus habituel pour le réalisateur. Atypique, le film l’est aussi par rapport au cinéma des années soixante : il s’agit d’un huis clos, tourné en studio, à l’ancienne. John Ford réussit là un beau film, assez passionnant. Anne Bancroft fait une très belle prestation. A noter que le réalisateur semble régler ses comptes avec la religion, qu’il montre incapable d’apporter une aide quelconque et sclérosant les comportements. Frontière chinoise est sorti au début de la Révolution Culturelle en Chine et le film fut, un peu hâtivement, jugé comme étant réactionnaire, raciste et antichinois. En réalité, c’est un beau film qui clôt joliment sa carrière de 145 films.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Sue Lyon, Margaret Leighton, Flora Robson, Mildred Dunnock, Betty Field
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Remarques :
* Anne Bancroft a remplacé Patricia Neal qui dut être hospitalisée après une série d’attaques qui faillirent lui coûter la vie. Patricia Neal ne décédera heureusement que beaucoup plus tard, en 2010.
* Après Frontière chinoise, John Ford réalisera encore un documentaire pour la télévision sur un soldat américain : Chesty: A Tribute to a Legend.

14 janvier 2012

Anna Christie (1930) de Clarence Brown

Anna Christie Une jeune femme retrouve son père qui l’a abandonnée quinze auparavant. C’est un marin plutôt porté sur la boisson qui convoie du charbon sur une barge. Malgré son ressentiment, elle l’accompagne sur son bateau… « Garbo talks ! » (Garbo parle), le slogan s’étalait en grosses lettres sur des milliers d’affiche d’Anna Christie. L’évènement était de taille. Il faut dire que tout le monde était persuadé que Greta Garbo, la déesse d’Hollywood, ne passerait pas le cap du parlant à cause de ses origines étrangères. Elle n’apparaît qu’après seize minutes de film pour dire, enfin, sa première phrase (1). L’accent est certes un peu là, la voix est un peu trop haute, le débit un peu plat mais le ton est terriblement attirant. Si les premières minutes montrent un certain manque d’assurance, sa voix prend rapidement toute sa dimension pour devenir l’une des voix les plus envoutantes d’Hollywood : une voix gutturale, séduisante et mystérieuse, avec cette façon inimitable de traîner sur certaines syllabes. Anna Christie Anna Christie est donc fascinant à ce titre : nous avons l’impression d’assister à nouvelle naissance. L’histoire est adaptée d’une pièce d’Eugene O’Neil qui avait reçu le Prix Pulitzer en 1922, déjà portée à l’écran sept ans plus tôt. Cette histoire peut paraître assez conventionnelle mais le film est servi par une belle interprétation, Marie Dressler y est par exemple assez remarquable. La caméra est très statique (2) ce qui donne parfois la sensation d’être face à une pièce de théâtre. Anna Christie fut un immense succès à l’époque.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Charles Bickford, George F. Marion, Marie Dressler
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Remarques :
Greta Garbo appréhendait beaucoup le passage au parlant. Pour la décider, Louis B. Mayer lui promit de faire tourner une version allemande où elle tiendrait le même rôle dans une langue qu’elle maitrisait parfaitement : Anna Christie de Jacques Feyder (1931) avec Greta Garbo, Salka Viertel, Theo Shall et Hans Junkermann. Cette version est souvent considérée (par ceux qui l’ont vue, car ce n’est pas facile) comme légèrement supérieure à la version américaine.

(1) La première phrase dite par Greta Garbo dans Anna Christie est restée l’une des répliques les plus célèbres du cinéma : « Give me a whisky and a ginger ale on the side, and don’t be stingy, baby! » (Sers-moi un whisky avec un verre de ginger ale, et mets y la dose!).
(2) Aux débuts du parlant, les caméras étaient entourées d’un caisson insonorisant qui les rendaient très difficile à manier et à déplacer.

Précédentes versions :
Anna Christie de John Griffith Wray (1923) avec Blanche Sweet
Kiri no minato (Le port de la brume) de Kenji Mizoguchi (1923) avec Harue Ichikawa

13 janvier 2012

Juste avant la nuit (1971) de Claude Chabrol

Juste avant la nuitCharles, qui dirige une petite agence de publicité, a pour maitresse la femme son meilleur ami, architecte. Il l’étrangle accidentellement lors de jeux érotiques dangereux. Personne ne le soupçonne mais il commence à être rongé par le remords… Juste avant la nuit est à la fois un film sur la culpabilité et une peinture sociale assez mordante de la bourgeoisie : jusqu’où ses personnages iront-ils pour préserver leur modèle social et éviter de bouleverser leur vie ordonnée ? La mise en scène de Claude Chabrol est à l’image de ses personnages : rigoureuse, ordonnée, en apparence limpide. Une belle symbiose entre le fond et la forme. Le rythme est assez lent avec des dialogues sur un ton calme et posé, parfois chuchotés. Belle fin assez inattendue (et l’on comprend le sens du titre seulement à ce moment). Plus psychologique, plus épuré, plus subtil que ses autres films de cette période, Juste avant la nuit n’est pas pour autant un film mineur de Claude Chabrol.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michel Bouquet, Stéphane Audran, François Périer, Jean Carmet, Dominique Zardi, Henri Attal
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12 janvier 2012

La dame au manteau d’hermine (1948) de Ernst Lubitsch

Titre original : « That Lady in Ermine »

La dame au manteau d'hermineDans une petite principauté du nord de l’Italie au milieu du XIXe siècle, la comtesse Angelina voit son château envahi par l’armée hongroise. Son ancêtre Francesca descend de son tableau dans le hall pour lui conseiller d’agir comme elle l’avait fait 300 ans plus tôt pour sauver son domaine… La dame au manteau d’hermine est le dernier film d’Ernst Lubitsch qui a succombé à une crise cardiaque pendant le tournage. Le film fut achevé par Otto Preminger. L’histoire est tirée d’une opérette déjà adaptée au cinéma dans les années vingt. Le film n’eut que peu de succès car le traitement paraissait assez suranné à la fin des années quarante. Il reste aujourd’hui assez mal jugé pour les mêmes raisons. S’il est vrai que nous sommes loin des meilleurs films de Lubitsch, La dame au manteau d’hermine comporte de beaux moments, comme cette longue séquence de rêve avec inversion des genres. L’ensemble est assez relevé et se regarde avec plaisir mais on peut trouver qu’un scénario plus étoffé aurait certainement servi le film.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Betty Grable, Douglas Fairbanks Jr., Cesar Romero, Walter Abel, Reginald Gardiner, Harry Davenport
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Remake de :
The Lady in Ermine de James Flood (1927) avec Corinne Griffith

11 janvier 2012

The American (2010) de Anton Corbijn

The AmericanUn tueur à gages, lui-même pisté par des tueurs, s’isole dans un petit village italien niché sur les hauteurs des Abruzzes. Malgré les recommandations de son commanditaire, il commence à nouer des liaisons avec un prêtre et une prostituée… Réalisé par le néerlandais Anton Corbijn, The American est une production américaine adapté d’un roman de l’anglais Martin Booth sur le thème assez classique du tueur qui aspire à une rédemption. Les personnages manquent plutôt de profondeur et, hormis l’intérêt que l’on peut avoir pour George Clooney, on pourra n’être que peu intéressé par les états d’âme de ce tueur traqué par d’autres tueurs. Il reste de très beaux plans : Anton Corbijn est photographe (de scène rock) et il met joliment en valeur le superbe cadre du village de Castel del Monte.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: George Clooney, Violante Placido, Thekla Reuten, Paolo Bonacelli
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Remarques :
Le tournage a eu lieu peu après le tremblement de terre d’avril 2009 qui avait sévèrement touché la région des Abruzzes (qui est à une centaine de kilomètres au nord-est de Rome). Les scènes urbaines ont été tournées à L’Aquila, toutes les autres au village de Castel del Monte (ne pas confondre avec le château situé dans Les Pouilles, 200 kms plus au sud, qui est classé au patrimoine mondial de l’Unesco).