4 août 2016

Robinson Crusoé sur Mars (1964) de Byron Haskin

Titre original : « Robinson Crusoe on Mars »

Robinson Crusoé sur MarsA la suite d’un évènement imprévu lors de la mission Mars Gravity Probe 1, un astronaute américain se retrouve seul sur la planète Mars. Il n’a que quelques jours de survie possible devant lui… Le titre peut nous laisser que Robinson Crusoe on Mars est un de ces films bâclés de troisième zone, mais il n’en est rien. Il s’agit d’une variation du classique de Daniel Defoe, astucieusement transposé dans le futur. Toute la première heure du film, presque sans paroles, donne une certaine importance aux aspects métaphysiques de l’isolement avec son lot d’angoisses existentielles. Mais ce lointain ancêtre de Seul sur Mars a aussi un aspect scientifique non négligeable : presque deux ans avant que la sonde Mariner 4 nous envoie ses premières images réelles de la planète rouge, mettant ainsi un terme définitif à tous les florissants fantasmes de canaux, créatures diverses et autres petits hommes verts belliqueux, Byron Haskin met en scène une planète aride et inhospitalière, inadaptée à la vie. L’accroche commerciale du film, « Ce film est scientifiquement réaliste, il est juste un cran en avance sur la réalité d’aujourd’hui », est à lire en ce sens. L’arrivée inopinée d’extra-terrestres (ou plutôt d’extra-martiens) vient un peu gâcher l’ensemble, certes, mais elle permet de fournir un Vendredi à notre Robinson. Byron Haskin et son chef opérateur Winton Hoch ont brillamment utilisé les décors de la Vallée de la Mort mêlés à des effets sur le ciel pour créer un environnement à la fois beau et étrange (rappelons que Byron Haskins a alors une longue carrière derrière lui de directeur de la photographie, de responsable des effets spéciaux et de réalisateur). Les ajouts en carton-pâte sont en revanche assez visibles. L’atmosphère est très prenante, surtout dans les deux premiers tiers du film. Robinson Crusoe on Mars n’eut pas le succès escompté auprès du public qui attendait certainement plus de spectaculaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Mantee, Victor Lundin, Adam West
Voir la fiche du film et la filmographie de Byron Haskin sur le site IMDB.

Voir les autres films de Byron Haskin chroniqués sur ce blog…

Robinson Crusoe on Mars

Robinson Crusoe on Mars

Robinson Crusoe on Mars
Paul Mantee dans Robinson Crusoé sur Mars de Byron Haskin.

Robinson Crusoe on Mars
Les vaisseaux extra-terrestres reprennent le design de ceux de La Guerre des Mondes, réalisé dix ans plus tôt par le même Byron Haskin.

28 avril 2013

Les Chasses du comte Zaroff (1932) de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel

Titre original : « The Most Dangerous Game »
Titre français original : « La Chasse du comte Zaroff »

La chasse du comte ZaroffDans une partie de l’océan mal cartographiée, le célèbre chasseur de fauves Bob Rainsford est le seul survivant d’un naufrage. Sur l’île soit-disant inhabitée où il a échoué, il découvre un château-forteresse. Il y est accueilli très civilement par le comte Zaroff. Ce personnage étrange, lui-même également grand chasseur, lui affirme chasser sur son île le gibier le plus dangereux qui soit… Le début des années trente fut une période assez riche en grands films fantastiques et Les Chasses du comte Zaroff fait partie des tous meilleurs d’entre eux. Adapté d’une nouvelle de Richard Connell, ce film mêle brillamment aventures et fantastique. Il est souvent classé parmi les films d’horreur, ce qu’il n’est absolument pas, c’est beaucoup plus un film d’aventures et son côté fantastique est plus à rapprocher du fantastique des contes et légendes. Les Chasses du comte Zaroff est empreint d’une atmosphère inquiétante mais aussi extrêmement fascinante. Il est assez court (1), très direct et explicite, sans développement d’intrigues annexes perturbatrices ce qui amplifie son impact et le fait paraître toujours si audacieux à nos yeux modernes. C’est une  belle (et forte) variation sur le thème du « chasseur qui devient chassé ». Un film admirable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Joel McCrea, Fay Wray, Leslie Banks, Robert Armstrong
Voir la fiche du film et la filmographie de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel sur le site IMDB.

Most Dangerous game

Remarques :
La chasse du comte Zaroff* Les Chasses du comte Zaroff est un film qui a été plus ou moins mis de côté pendant de nombreuses années. La robe de Fay Wray, jugée indécente par les ligues de vertu, aurait été l’une des raisons principales de sa mise à l’écart des circuits de distribution. Le film a été « redécouvert » dans les années soixante, époque où il a commencé à circuler dans les ciné-clubs, entouré (à juste titre) d’une forte aura.
* Le tournage de King Kong s’est fait simultanément dans les mêmes décors de forêt (le film n’est sorti que l’année suivante, toutefois). On retrouve aussi certains des acteurs, Fay Wray en tête.

Remakes :
A Game of Death de Robert Wise (1945) avec John Loder et Audrey Long
La Course au soleil (Run for the Sun) de Roy Boulting (1956) avec Richard Widmark, Trevor Howard et Jane Greer
En outre, le film et la nouvelle de Richard Connell ont été une source d’inspiration pour une multitude de films de qualité bien inégale…

(1) Au départ le film durait 78 minutes au lieu des 63 minutes finales. La scène de la salle des trophées est notamment beaucoup plus longue, le comte se délectant d’expliquer comment chacun était mort. Lors de séances avec un public test, certaines personnes, très mal à l’aise, voulurent quitter la salle… Ces scènes ont donc été coupées.

Les Chasses du comte Zaroff

14 janvier 2012

Anna Christie (1930) de Clarence Brown

Anna Christie Une jeune femme retrouve son père qui l’a abandonnée quinze auparavant. C’est un marin plutôt porté sur la boisson qui convoie du charbon sur une barge. Malgré son ressentiment, elle l’accompagne sur son bateau… « Garbo talks ! » (Garbo parle), le slogan s’étalait en grosses lettres sur des milliers d’affiche d’Anna Christie. L’évènement était de taille. Il faut dire que tout le monde était persuadé que Greta Garbo, la déesse d’Hollywood, ne passerait pas le cap du parlant à cause de ses origines étrangères. Elle n’apparaît qu’après seize minutes de film pour dire, enfin, sa première phrase (1). L’accent est certes un peu là, la voix est un peu trop haute, le débit un peu plat mais le ton est terriblement attirant. Si les premières minutes montrent un certain manque d’assurance, sa voix prend rapidement toute sa dimension pour devenir l’une des voix les plus envoutantes d’Hollywood : une voix gutturale, séduisante et mystérieuse, avec cette façon inimitable de traîner sur certaines syllabes. Anna Christie Anna Christie est donc fascinant à ce titre : nous avons l’impression d’assister à nouvelle naissance. L’histoire est adaptée d’une pièce d’Eugene O’Neil qui avait reçu le Prix Pulitzer en 1922, déjà portée à l’écran sept ans plus tôt. Cette histoire peut paraître assez conventionnelle mais le film est servi par une belle interprétation, Marie Dressler y est par exemple assez remarquable. La caméra est très statique (2) ce qui donne parfois la sensation d’être face à une pièce de théâtre. Anna Christie fut un immense succès à l’époque.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Charles Bickford, George F. Marion, Marie Dressler
Voir la fiche du film et la filmographie de Clarence Brown sur le site IMDB.
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Remarques :
Greta Garbo appréhendait beaucoup le passage au parlant. Pour la décider, Louis B. Mayer lui promit de faire tourner une version allemande où elle tiendrait le même rôle dans une langue qu’elle maitrisait parfaitement : Anna Christie de Jacques Feyder (1931) avec Greta Garbo, Salka Viertel, Theo Shall et Hans Junkermann. Cette version est souvent considérée (par ceux qui l’ont vue, car ce n’est pas facile) comme légèrement supérieure à la version américaine.

(1) La première phrase dite par Greta Garbo dans Anna Christie est restée l’une des répliques les plus célèbres du cinéma : « Give me a whisky and a ginger ale on the side, and don’t be stingy, baby! » (Sers-moi un whisky avec un verre de ginger ale, et mets y la dose!).
(2) Aux débuts du parlant, les caméras étaient entourées d’un caisson insonorisant qui les rendaient très difficile à manier et à déplacer.

Précédentes versions :
Anna Christie de John Griffith Wray (1923) avec Blanche Sweet
Kiri no minato (Le port de la brume) de Kenji Mizoguchi (1923) avec Harue Ichikawa