9 novembre 2017

Knock (1951) de Guy Lefranc

KnockLe docteur Knock arrive à Saint-Maurice pour reprendre le cabinet du docteur Parpalaid dont la clientèle était plutôt rare. Mais Knock a une autre vision, il est bien décidé à faire entrer ce modeste village dans ce qu’il appelle « l’ère de la médecine »…
Jules Romains a écrit sa pièce Knock ou le Triomphe de la médecine en 1923. Mise en scène et interprétée sur les planches par Louis Jouvet, elle fut plusieurs fois portée à l’écran, dont deux fois par Louis Jouvet. Cette version de 1951 est la plus connue, elle est un peu en deçà de la version de 1933, plus « inquiétante ». Cinématographiquement, il n’y a rien d’exceptionnel ici mais le texte de Jules Romains est un délice de tous les instants, surtout lorsqu’il sort de la bouche de Louis Jouvet. Le docteur Knock est avant tout un manipulateur : la pièce a été écrite à une époque où la publicité nous arrivait des Etats-Unis et l’idée de génie de Jules Romains fut d’appliquer (par humour) le pouvoir de persuasion de la « réclame » à la médecine. Rappelons aussi que l’assurance-maladie universelle n’existait pas en 1923 et c’est pour cette raison que le docteur s’intéresse de si près aux revenus de ses clients. Le docteur Knock fait du marketing. Dans les seconds rôles, on remarquera Pierre Renoir, Jane Marken ou encore le jeune Jean Carmet.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jouvet, Jean Brochard, Pierre Renoir, Pierre Bertin, Marguerite Pierry, Jean Carmet, Jane Marken
Voir la fiche du film et la filmographie de Guy Lefranc sur le site IMDB.

Adaptations de la pièce de Jules Romains :
Knock (1925) de René Hervil avec Fernand Fabre
Knock (1933) de Roger Goupillières avec Louis Jouvet
Knock (1951) de Guy Lefranc avec Louis Jouvet
Knock (2017) de Lorraine Levy avec Omar Sy

Knock
« Attention, ne confondons pas. Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous grattouille ? » Louis Jouvet et Yves Deniaud dans Knock de Guy Lefranc (1951).

Knock
Louis Jouvet et André Dalibert dans Knock de Guy Lefranc (1951).

28 octobre 2017

Ouragan sur le Caine (1954) de Edward Dmytryk

Titre original : « The Caine Mutiny »

Ouragan sur le CaineEn 1944, le jeune enseigne Willis Keith est affecté sur le Caine, un navire à la discipline assez lâche. Un nouveau capitaine est nommé pour le reprendre en main. Pointilleux, perfectionniste au point de paraître maniaque, il est pris en grippe par ses officiers. L’un deux commence à insinuer que son comportement est celui d’un paranoïaque… Ouragan sur le Caine est adapté d’un best-seller d’Herman Wouk, prix Pulitzer en 1952. Sous l’impulsion du producteur Stanley Kramer, le scénario a amplifié la paranoïa du capitaine (dans le roman, il était surtout victime du stress des batailles) ce qui créa quelques difficultés pour avoir la coopération de la Navy, absolument nécessaire pour le tournage. Le scénario renvoie bizarrement les deux parties dos à dos et cache une charge assez virulente contre les intellectuels (qui prend une connotation particulière dans cette période de chasse aux sorcières). Humphrey Bogart trouve là un de ces rôles complexes qu’il recherchait dans les années cinquante. Il donne une interprétation assez appuyée, sans doute un peu trop, mais qui lui a valu une nomination aux Oscars. Le film ne donne pas dans la subtilité, assez caricatural, mais se révèle assez prenant tout de même. Ouragan sur le Caine fut un très gros succès et même l’un des plus gros succès de l’histoire de la Columbia.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, José Ferrer, Van Johnson, Fred MacMurray, Robert Francis, Lee Marvin
Voir la fiche du film et la filmographie de Edward Dmytryk sur le site IMDB.

Voir les autres films de Edward Dmytryk chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Edward Dmytryk

Remarques :
* Le roman d’Herman Wouk fut également adapté en pièce, dont les représentations commencèrent quelques mois avant la sortie du film. La pièce ne montrait que le procès. Henry Fonda y tenait le rôle de l’avocat.
* Le film a inspiré un certain Maurice Micklewhite pour prendre comme nom d’artiste Michael Caine.
* Les cicatrices du visage de Van Johnson sont réelles, restes d’un grave accident automobile en 1943.
* Robert Francis s’est tué un an plus tard dans un accident d’avion (qu’il pilotait). Il n’avait que 25 ans et était considéré comme l’une des stars montantes. Il n’a tourné que 4 films (dont un John Ford).

Ouragan sur le Caine
Fred MacMurray, Humphrey Bogart, Robert Francis et Van Johnson dans Ouragan sur le Caine de Edward Dmytryk.

Ouragan sur le Caine

24 octobre 2017

Le soleil brille pour tout le monde (1953) de John Ford

Titre original : « The Sun Shines Bright »

Le Soleil brille pour tout le mondeDébut du XXe siècle. Dans une petite bourgade du Kentucky, le juge Priest prépare sa candidature à sa réélection qui s’annonce délicate : il est accusé d’être alcoolique et s’oppose à la justice expéditive envers les noirs… Plutôt qu’un remake de Judge Priest (1934), Le soleil brille pour tout le monde est plutôt une suite car il en reprend le personnage central (et quelques personnages secondaires) pour les placer dans des situations différentes. John Ford a déclaré dans une interview que c’était son film préféré, ce que l’on peut comprendre car, plus que tout autre, il exprime l’idéologie et les aspirations du réalisateur. Il y a beaucoup d’humanisme dans cette histoire, le juge Priest/John Ford prend la défense de ceux qui vivent dans l’opprobre (les noirs, les prostituées). Cet humanisme peut paraître idéaliste et même naïf : il suffit d’entonner Dixie pour réconcilier tout le monde (!) On peut en tous cas regretter qu’il repose sur une nostalgie des temps anciens, d’un ordre social quasi militaire (cf. le final), et si le juge prend la défense des noirs, ceux-ci restent « à leur place » : des serviteurs, à l’intelligence nettement limitée. Certes, mais cet humanisme doublé d’un espoir de réconciliation est toutefois bienvenu dans une époque où les accusations tombent (nous sommes alors en plein maccarthysme). Le film est remarquable dans sa construction car il n’y a pas moins de quatre histoires enchevêtrées. L’utilisation du son est tout autant remarquable. Contrairement à Judge Priest, Le soleil brille pour tout le monde sera un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Winninger, Arleen Whelan, John Russell, Stepin Fetchit, Russell Simpson, Francis Ford, Slim Pickens
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le titre reprend les premières paroles de la chanson anti-esclavagiste My Old Kentucky Home composée par Stephen Forster en 1852.
* Herbert J. Yates, patron de Republic Pictures, a coupé environ dix minutes de la version commerciale américaine sans l’assentiment de John Ford, qui avait pourtant par contrat la décision finale sur le montage. Ces dix minutes sont réapparues depuis.
* John Ford enfreint la fameuse règle des 180° à deux reprises : lorsque Lucy Lee remarque le portrait et lors de la procession funèbre.

Le soleil brille pour tout le monde
Stepin Fetchit et Charles Winninger dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

le soleil brille pour tout le monde
Charles Winninger et Russell Simpson dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

Le soleil brille pour tout le monde
Slim Pickens et Francis Ford dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford. C’est le dernier film du frère ainé de John Ford, il décèdera quelques mois plus tard.

18 septembre 2017

Le Voyage fantastique (1951) de Henry Koster

Titre original (UK) : « No Highway »
Titre original (USA) : « No Highway in The Sky »

Le Voyage fantastiqueL’ingénieur Theodore Honey (James Stewart) pratique des tests de vibrations sur l’empennage d’un avion de ligne de nouvelle génération. Ses calculs sont formels : la queue de l’appareil va immanquablement se désagréger après exactement 1440 heures de vol. Pour prouver ses dires, il doit se rendre sur les lieux d’un précédent crash inexpliqué pour tenter de retrouver la queue de l’appareil. Il s’y rend en avion… Sur un sujet alors très actuel (les premiers avions de ligne à réaction datent de cette époque), l’anglais Nevil Shute (lui-même ingénieur aéronautique) a écrit le roman No Highway en 1948. Cette adaptation cinématographique en suit la trame d’assez près. Ce n’est pas tant un film-catastrophe, l’accent étant surtout mis sur l’opposition entre un ingénieur et sa hiérarchie incrédule. James Stewart s’en donne à cœur joie pour interpréter ce scientifique lunaire et excentrique, au point de le rendre caricatural. Cette situation « seul contre tous » est en outre renforcée par un aspect moins évident pour nous francophones : dans cette production anglaise à capitaux américains (1), James Stewart est le seul acteur américain et cela s’entend car l’acteur a toujours eu un accent américain très prononcé. Face à lui, Marlene Dietrich joue presque son propre rôle, celui d’une star voyageant sur le même avion. L’ensemble est de bonne facture, sans excès de sentimentaliste malgré la présence d’une petite fille. Le plus étonnant dans cette histoire est son caractère prophétique (lire ci-dessous).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Stewart, Marlene Dietrich, Glynis Johns, Jack Hawkins
Voir la fiche du film et la filmographie de Henry Koster sur le site IMDB.

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Remarque :
* Trois ans plus tard, à la suite de plusieurs accidents, des problèmes de structure furent mis en évidence sur le premier avion de ligne à réaction en production, le De Haviland DH 106 Comet. Il fut établi que ces accidents étaient dus à la fatigue du métal sur les cellules, phénomène peu connu à l’époque et tous les Comet en service furent alors retirés du service. Le problème venait essentiellement de la forme carrée des hublots (depuis cette date, tous les hublots d’avion ont une forme arrondie).

(1) Les grands studios étaient alors encouragés fiscalement à réinvestir les profits générés au Royaume Uni dans des productions britanniques.

No Highway
James Stewart et Marlene Dietrich dans Le Voyage fantastique de Henry Koster.

No Highway
James Stewart et Glynis Johns dans Le Voyage fantastique de Henry Koster (et les hublots sont carrés!)

Homonyme en français (aucun lien) :
Le Voyage fantastique (Fantastic Voyage) de Richard Fleisher (1966)

21 août 2017

Une veine de… (1951) de Irving Cummings

Titre original : « Double Dynamite »

Une veine de...Un modeste employé de banque (Frank Sinatra) et sa jolie collègue (Jane Russell) attendent d’avoir plus d’argent pour se marier. Le serveur du café où ils mangent tous les midis (Groucho Marx) leur conseille d’être plus aventureux. De façon tout à fait fortuite, Il va gagner une grosse somme d’argent le jour-même où la banque découvre un trou dans ses comptes… Tourné à la fin de l’année 1948, cette comédie sera remisée pendant trois années par Howard Hughes qui venait de racheter la RKO. Finalement, le magnat changea le titre de It’s Only Money en Double Dynamite avec une affiche qui n’a rien à voir avec le film et qui met en avant la poitrine de Jane Russell (inutile de préciser la nature de la dynamite en question… on nage dans le bon goût). Dans le même temps, Sinatra, peu apprécié d’Howard Hughes, est descendu de la première à la troisième position sur l’affiche. Le scénario manque d’éclat et n’a rien de remarquable. En fait, c’est la présence de Groucho Marx qui donne de l’intérêt au film : il nous gratifie de quelques répliques dont il a le secret. Il est la seule source d’humour, un humour bienvenu car Sinatra et Jane Russell sont assez fades. Le film n’eut aucun succès à l’époque.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jane Russell, Groucho Marx, Frank Sinatra
Voir la fiche du film et la filmographie de Irving Cummings sur le site IMDB.

Remarque :
* Les deux chansons sont assez réussies :
Kisses and Tears chantée par Frank Sinatra et Jane Russell,
It’s Only Money chantée par Frank Sinatra et Groucho Marx,
toutes deux composées par Jule Styne et Sammy Cahn.

Double Dynamite
Frank Sinatra, Groucho Marx et Jane Russell dans Double Dynamite de Irving Cummings.

11 août 2017

Les Frères Karamazov (1958) de Richard Brooks

Titre original : « The Brothers Karamazov »

Les frères KaramazovHomme vulgaire et sans principe, Fiodor Karamazov a trois fils très différents : Alexeï est un homme de foi, Ivan est un intellectuel matérialiste et athée, Dimitri est un militaire chez qui le vice et la vertu se livrent une grande bataille. Les tensions sont fortes entre le père et chacun de ses fils… Richard Brooks réalisant une adaptation de Dostoïevski, cela a de quoi surprendre car l’univers habituel du réalisateur américain semble bien éloigné de « l’âme russe ». Pourtant, son adaptation se révèle assez réussie. Elle est en tous cas fidèle avec une bonne retranscription du caractère exalté des personnages. Yul Brynner est Dimitri, le personnage ici le plus complexe dont il montre bien le caractère tourmenté. Richard Brook a toutefois un peu plus de mal à dépasser le niveau conflictuel familial pour restituer toute la dimension métaphysique du roman. On ressent bien les hésitations, les tiraillements de la conscience des personnages, mais cela reste timide. Les questionnements sur l’existence de Dieu et sur le fondement de la morale sont toutefois esquissés. La reconstitution est bien réalisée et l’on remarque un bon travail sur la couleur. Le film n’a pas connu le succès et il est généralement (trop) sévèrement jugé aujourd’hui.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Maria Schell, Claire Bloom, Lee J. Cobb, Albert Salmi, William Shatner, Richard Basehart
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Brooks .comsur le site IMDB.

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Les Frères Karamazov
Richard Basehart, Yul Brynner, William Shatner et Lee J. Cobb (allongé) dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Maria Schell et Claire Bloom dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Richard Basehart, Lee J. Cobb, Yul Brynner, Albert Salmi et William Shatner dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
Yul Brynner et Maria Schell dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Les frères Karamazov
William Shatner et Lee J. Cobb dans Les frères Karamazov de Richard Brooks.

Remarque :
– La distribution est particulièrement cosmopolite ce qui contribue, sans aucun doute, à la crédibilité du film : Yul Brynner est originaire de l’île de Sakhaline à l’extrême-est de la Russie, Maria Schell est née à Vienne, Claire Bloom est née à Londres, Lee J. Cobb est né à New York et William Shaftner est né à Montréal.

Autres versions :
Les frères Karamazov (Die Brüder Karamasoff) de Carl Froelich et Dimitri Buchowetzki (1921) avec Emil Jannings
Der Mörder Dimitri Karamasoff de Erich Engels et Fyodor Otsep (1931) avec Fritz Kortner
Les frères Karamazov (I fratelli Karamazoff) de Giacomo Gentilomo (1947) avec Fosco Giachetti
Bratya Karamazovy de Ivan Pyrev et Kirill Lavrov (1969)

8 août 2017

La fièvre monte à El Pao (1959) de Luis Buñuel

La Fièvre monte à El PaoUne île, appartenant à une dictature (fictive) d’Amérique Centrale, reçoit tous les prisonniers politiques et de droit-commun du pays. Le gouverneur est assassiné en plein discours. Ramón Vázquez, son secrétaire, aux idées libérales, le remplace temporairement… C’est Gérard Philipe qui a prié Buñuel d’accepter d’adapter ce roman d’Henri Castillou, La fièvre monte à El Pao. L’histoire de cet homme en proie aux contradictions entre ses convictions et l’exercice du pouvoir avait tout pour séduire l’acteur (qui, rappelons-le, était proche du Parti Communiste). Buñuel semble avoir été moins motivé : sa réalisation est certes sans défaut, mais sans fulgurances non plus (1). La critique des dictatures qui fleurissaient alors, ces libérateurs qui se transforment en despotes, se retrouve mêlée avec une histoire sentimentale, relevée par la sensualité de María Félix. Mais, l’atout du film reste la performance de Gérard Philipe : il apparaît tout d’abord peu crédible physiquement dans son rôle mais, en grand acteur qu’il est, nous fait rapidement oublier cette sensation. Sa prestation est remarquable. La fièvre monte à El Pao sera hélas son dernier film : quelques mois après la fin du tournage, il sera emporté par un cancer fulgurant du foie, à l’âge de 36 ans.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gérard Philipe, María Félix, Jean Servais
Voir la fiche du film et la filmographie de Luis Buñuel sur le site IMDB.

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Voir les livres sur Gérard Philipe

(1) Bunuel a déclaré par la suite qu’il n’aimait pas La fièvre monte à El Pao et, depuis, le film traîne une mauvaise réputation. Elle est assez injustifiée ou, du moins, excessive.

La fièvre monte à El Pao
Gérard Philipe et María Félix dans La Fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel.

La Fièvre monte à El Pao
Jean Servais et María Félix dans La Fièvre monte à El Pao de Luis Buñuel.

2 août 2017

Plus fort que le diable (1953) de John Huston

Titre original : « Beat the Devil »

Plus fort que le diableDans un petit village du sud de l’Italie, un petit groupe d’individus assez interlopes, visiblement en cheville, attendent d’embarquer sur un bateau qui doit les emmener en Afrique. Ils sont abordés par un couple d’anglais qui seront aussi du voyage… A côté des nombreux films majeurs que compte la filmographie de John Huston, Beat the Devil ne peut que paraître mineur. Il n’en est pas moins remarquable. L’adaptation de ce roman de Claud Cockburn a été quelque peu hasardeuse : le premier scénario fut jugé très mauvais et c’est Truman Capote qui sauva la production en le réécrivant au tout dernier moment et au fur à mesure du tournage. Le film est assez difficile à décrire si ce n’est comme un détournement parodique des codes du film de gangster. Cette cohabitation forcée d’un ensemble de personnalités très disparates donne des résultats assez saugrenus. L’ensemble baigne d’un humour qui frôle le nonsense et les dialogues de Truman Capote sont vraiment savoureux. Le film est une belle surprise. Mal présenté à sa sorti (l’affiche ci-contre en est un exemple : elle laisse présager un grand film d’aventures), le film fut un échec commercial.  Beat the Devil fut le sixième film de John Huston avec Humphrey Bogart. Ce fut hélas le dernier. John Huston aura la pénible charge d’écrire l’oraison funèbre de son ami Bogie deux ans plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Jennifer Jones, Gina Lollobrigida, Robert Morley, Peter Lorre, Edward Underdown
Voir la fiche du film et la filmographie de John Huston sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le film est produit par Santana, la compagnie d’Humphrey Bogart.
* La plus grande partie du film a été tournée à Ravello, près d’Amalfi au sud de Naples.
* Une anecdote circule à propos de Beat the Devil : le jeune Peter Sellers aurait doublé Humphrey Bogart dans certaines scènes lorsqu’il eut les dents cassées dans un accident automobile. Le doublage est si bien fait qu’il est indétectable… (John Huston mentionne bien cet accident dans ses mémoires mais il a eu lieu avant le premier jour de tournage… Patrick Brion ajoute que Sellers aurait également doublé certains acteurs italiens qui n’avaient pas compris les directives qu’on leur donnait).
* Le film est tombé dans le domaine public et les copies qui circulent sont souvent tronquées ou de mauvaise qualité.

Beat the Devil
Humphrey Bogart et Jennifer Jones (en blonde!) dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Peter Lorre, Marco Tulli et Robert Morley dans Plus fort que le diable de John Huston.

Beat the Devil
Humphrey Bogart, Gina Lollobrigida et Edward Underdown dans Plus fort que le diable de John Huston (photo publicitaire).

25 juillet 2017

Achtung! Banditi! (1951) de Carlo Lizzani

Achtung! Banditi!En Ligurie (nord de l’Italie), vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de partisans doit rejoindre Gênes pour s’emparer d’un stock d’armes destinées aux allemands… Inspiré de faits réels, Achtung! Banditi! est le premier long métrage de Carlo Lizzani, alors âgé de 29 ans. Il y montre déjà l’engagement qui le caractérisera, à la fois en tant qu’intellectuel de gauche et défenseur du néoréalisme. Le financement du film ayant été refusé par le gouvernement de l’époque, l’ex-résistant Giuliani G. De Negri en deviendra le producteur en ayant l’idée de lancer une souscription populaire. Ce système permet à Carlo Lizzani d’avoir une très grande liberté de tournage. Plus que des faits de bravoure, le film décrit l’état d’esprit des partisans, leurs difficultés, leurs questionnements et le déroulé du scénario met l’accent sur la fraternisation avec les ouvriers et une bonne partie des chasseurs alpins. L’interprétation est assez passionnée, avec parfois une maladresse qui renforce le sentiment d’authenticité. Gina Lollobrigida, dont la popularité allait exploser quelques mois plus tard, se retrouve en tête d’affiche bien qu’elle ne tienne qu’un rôle plutôt secondaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, Andrea Checchi, Vittorio Duse, Lamberto Maggiorani
Voir la fiche du film et la filmographie de Carlo Lizzani sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre Attention! Bandits! a été utilisé comme titre international de la version anglaise (mais pas en France).
* Le film de Carlo Lizzani n’a absolument aucun lien avec le film Attention bandits! de Claude Lelouch (1986).

Achtung Banditi
Giuliano Montaldo, Gina Lollobrigida et Bruno Berellini dans Achtung! Banditi! de Carlo Lizzani.

Achtung Banditi!
Gina Lollobrigida et Lamberto Maggiorani dans Achtung! Banditi! de Carlo Lizzani.

21 juillet 2017

Les Boucaniers (1958) de Anthony Quinn

Titre original : « The Buccaneer »

Les boucaniers1814. Peu après la vente de la « Louisiane » (un vaste territoire allant jusqu’au Canada) aux Etats-Unis par Napoléon, les anglais veulent profiter de la faiblesse de l’armée américaine pour s’emparer de la Nouvelle-Orléans. Mais les îles côtières de la Louisiane sont occupées par le pirate français Jean Lafitte qui va avoir un rôle important dans l’issue de la guerre anglo-américaine de 1812… The Buccaneer est un remake du film homonyme (Les Flibustiers en français) tourné par Cecil B. DeMille en 1938. Le réalisateur devait initialement produire un remake dirigé par Yul Brynner mais sa santé déclinante l’obligea se mettre en retrait pour ne superviser que d’assez loin la production. C’est finalement son beau-fils, l’acteur Anthony Quinn, qui le réalisa. Le résultat est loin d’être à la hauteur des espérances, l’ensemble n’ayant pas de force dans le récit ni la vivacité habituelle des films de pirates. La réalité historique est bien entendu arrangée mais le plus gênant est le personnage de Jean Lafitte, montré vraiment trop noble pour être crédible en pirate. La reconstitution de la bataille de la Nouvelle Orléans est assez bien réalisée toutefois. Les Boucaniers sera la seule réalisation d’Anthony Quinn. Cecil B. DeMille décédera en janvier 1959, un mois seulement après la sortie du film.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Claire Bloom, Charles Boyer, Inger Stevens, Charlton Heston
Voir la fiche du film et la filmographie de Anthony Quinn sur le site IMDB.

Remarques :
* Jean Lafitte aurait eu une aventure avec la femme du gouverneur. Pour ménager la morale, le scénario opta pour la fille du gouverneur (qui dans la réalité n’avait que 2 ans à cette époque… !)
* Jean Lafitte a gagné beaucoup d’argent avec le commerce des esclaves, aspect passé ici sous silence pour ne pas ternir son image.
* Anthony Quinn tenait le rôle de Beluche dans la version de 1938.

The Buccaneer
Charles Boyer, Yul Brynner et Lorne Greene dans Les Boucaniers de Anthony Quinn.

The Buccaneer
Charlton Heston en Andrew Jackson (futur président des Etats-Unis) et Yul Brynner dans Les Boucaniers de Anthony Quinn.