20 novembre 2017

Manèges (1950) de Yves Allégret

ManègesAu chevet de sa jeune femme Dora, entre la vie et la mort à la suite d’un accident, Robert est en pleurs, dévasté par la peur de la perdre. Il se remémore les jours heureux… Ecrit par Jacques Sigurd et Yves Allégret, Manèges va encore plus loin dans la noirceur que Dédée d’Anvers et Une si jolie petite plage, les deux films précédents du tandem. Ce n’est pas un « film noir » dans le sens classique du terme mais c’est un des films les plus noirs qui soient. Les personnages sont ici franchement haïssables par leur cruauté, leur égoïsme et leur cupidité. Il n’y a aucun rayon de soleil dans cette histoire qui laisse le spectateur vacillant, ébranlé dans sa foi dans la nature humaine. On peut reprocher à Sigurd et Allégret de ne montrer que le côté noir des choses, oubliant ainsi de donner un peu de profondeur à leurs personnages. On peut toutefois noter une critique du nouvel ordre social qui s’est établi à la Libération et, heureusement, Bertrand Blier et Simone Signoret font une interprétation remarquable d’intensité.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Simone Signoret, Jane Marken, Jacques Baumer, Frank Villard
Voir la fiche du film et la filmographie de Yves Allégret sur le site IMDB.

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Remarques :
* Devant un tel portrait si sombre de la gent féminine, il paraît difficile de ne pas employer le mot « misogynie ». Yves Allégret a cette réputation, en effet. Mais un autre élément est à prendre en compte : entre Dédée d’Anvers où l’actrice attire notre sympathie et le tournage de Manèges, Simone Signoret, épouse d’Yves Allégret, a rencontré Yves Montand ce qui provoquera un divorce l’année suivante. Manèges serait-il un règlement de comptes entre le metteur en scène et son épouse/interprète ?
* Dans son autobiographie La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, Simone Signoret raconte que les spectateurs l’ont détestée dans ce film et l’arrêtaient dans la rue pour lui dire.

Manèges
Bernard Blier, Jacques Baumer et Simone Signoret dans Manèges d’Yves Allégret.

10 janvier 2017

Une si jolie petite plage (1949) de Yves Allégret

Une si jolie petite plagePar un soir pluvieux, un jeune homme triste arrive dans un village côtier du nord de la France. Il prend une chambre dans l’unique hôtel ouvert, une modeste maison tenue par la nièce de l’ancien propriétaire complètement paralysé et muet. Ce dernier semble reconnaitre le nouvel arrivé… Tout comme Dédé d’Anvers (1948), Une si jolie petite plage est issu de la collaboration entre le scénariste Jacques Sigurd et le réalisateur Yves Allégret (qui, rappelons-le, est le jeune frère de Marc Allégret). C’est à nouveau un film très noir avec ce désenchantement qui marque le cinéma français de l’Après-guerre. Accablé par le lourd poids du destin, les personnages de cette histoire n’espèrent plus, du moins pour eux. Il n’y a pas un seul rayon de soleil à l’horizon, au propre comme au figuré puisqu’il pleut continuellement, une grosse pluie qui détrempe tout et semble vouloir s’insinuer partout. La construction est originale car rien n’est expliqué de prime abord : si on comprend rapidement que ce jeune homme a vécu là par le passé, les indices sont ensuite distillés au compte-goutte et nous ne faisons qu’entrevoir les choses. Ce n’est que vers la fin du film que l’on apprendra de sa bouche toute son histoire. Gérard Philipe est parfait dans ce rôle assez taciturne. L’acteur n’est encore qu’au début de sa carrière, son talent explosera aux yeux du plus grand nombre  peu après au théâtre et, par ricochet, au cinéma. La photographie, signée par le grand Henri Alekan, est superbe.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Madeleine Robinson, Gérard Philipe, Jean Servais, André Valmy, Jane Marken, Julien Carette
Voir la fiche du film et la filmographie de Yves Allégret sur le site IMDB.

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Remarque :
* Yves Allégret se permet une amusante petite prouesse technique sur le plan de fin : un couple marche sur la plage, dit une phrase (« Une si jolie petite plage ! »), s’arrête pour regarder la mer et la caméra recule rapidement jusqu’à qu’ils ne deviennent plus qu’un point. Aucune trace n’est visible dans le sable. Sauf erreur de ma part, la seule façon de faire un tel plan est de le filmer à l’envers, le plus délicat étant la synchronisation de la petite phrase.

Une si jolie petite plage
Gérard Philipe et Madeleine Robinson dans Une si jolie petite plage de Yves Allégret.

2 novembre 2015

Les Orgueilleux (1953) de Yves Allégret

Les orgueilleuxDans un petit village mexicain, une française arrive en car avec son mari très malade. Celui-ci meurt peu après, atteint d’une méningite cérébro-spinale très contagieuse. Alors que l’épidémie commence à se répandre, elle fait la connaissance d’un français, épave humaine noyée de téquila… Les Orgueilleux est l’adaptation d’une nouvelle de Jean-Paul Sartre, Typhus. C’est un film assez fort servi par une magnifique interprétation, particulièrement de Gérard Philipe dont le personnage évoque certains héros dostoïevskiens. Michèle Morgan est là dans un de ses plus beaux rôles, une femme en plein désarroi au bout du monde, bien plus complexe que les personnages de grande bourgeoise dans lesquels elle était si souvent cantonnée. Elle fait montre d’une grande sensualité qui culmine dans la scène du ventilateur (scène qui a troublé Martin Scorsese adolescent). Il se dégage une grande authenticité, le film nous immerge littéralement dans ce village mexicain écrasé par le soleil et la chaleur, avec une musique omniprésente et une moiteur perceptible. Seule la fin est décevante, bâclée et un peu ridicule. Cette fin heureuse aurait été imposée par les producteurs mexicains, Yves Allégret en ayant imaginé une tout autre. Mais cela n’empêche pas Les Orgueilleux d’être un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michèle Morgan, Gérard Philipe, Carlos López Moctezuma, Víctor Manuel Mendoza
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Remarques :
* Luis Buñuel fait une apparition dans un petit rôle de trafiquant (j’avoue ne pas l’avoir repéré).
* Rappelons qu’Yves Allégret est le jeune frère de Marc Allégret. Sa filmographie est quelque peu inégale, Les Orgueilleux fait incontestablement partie de ses trois ou quatre meilleurs films.
* Le film a été récemment restauré.

Les Orgueilleux
Gérard Philipe, Víctor Manuel Mendoza et Carlos López Moctezuma dans Les orgueilleux de Yves Allégret

Les Orgueilleux
Víctor Manuel Mendoza et Michèle Morgan dans Les orgueilleux de Yves Allégret.

6 octobre 2011

Dédée d’Anvers (1948) de Yves Allégret

Dédée d'AnversDédée (Simone Signoret) est entraineuse dans un bar à marins sur le port d’Anvers. Le patron, Monsieur René (Bernard Blier) est bienveillant mais elle est soumise à son souteneur (Marcel Dalio), engagé comme portier. Sa rencontre avec un capitaine italien qui fait de la contrebande avec son cargo (Marcello Pagliero) va bouleverser sa vie… Dédée d’Anvers n’est pas sans rappeler Quai des Brumes par son atmosphère (on pourra aussi trouver que Marcello Pagliero ressemble à Jean Gabin !) Sans être tout à fait dans la veine du réalisme poétique de l’avant-guerre, le film d’Yves Allégret est un film noir et fataliste. Il est servi par une belle interprétation, notamment celle de Simone Signoret qui montre une grande présence à l’écran et apporte beaucoup d’humanité à son personnage, à la fois forte et fragile. Son mari, Yves Allégret, lui offre ainsi le premier de ses grands rôles. L’histoire pêche par son côté très conventionnel et l’on aurait souhaité un peu plus de profondeur dans les personnages. A noter une étonnante scène de bagarre entre marins dans la rue, c’est d’ailleurs presque la seule scène sur l’environnement social. Dédée d’Anvers tire toute sa force de son interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Simone Signoret, Marcello Pagliero, Marcel Dalio, Jane Marken
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Remarque :
Dédée d’Anvers est adapté d’un livre d’Henri La Barthe (sous le pseudonyme Ashelbé), également auteur de Pépé Le Moko.