16 septembre 2020

Les Proies (2017) de Sofia Coppola

Titre original : « The Beguiled »

Les proies (The Beguiled)En Virginie en 1864, alors que la guerre de Sécession fait rage, le pensionnat pour jeunes filles tenu par Martha Farnsworth demeure en dehors des conflits mais ne compte plus que six élèves. Un jour, le pensionnat recueille un soldat nordiste, gravement blessé…
Les Proies (The Beguiled) est adapté du roman homonyme de Thomas P. Cullinan qui avait déjà été porté à l’écran par Don Siegel en 1971. L’histoire de ce huis-clos est rigoureusement la même, à ceci près que les évènements sont vécus à travers les yeux des femmes au lieu d’être vécus à travers les yeux de l’homme. C’est un changement assez notable qui donne bien entendu une tonalité tout autre au récit. Avec une certaine délicatesse, Sofia Coppola parvient à créer cette atmosphère d’attente inassouvie chez ces femmes et jeunes filles. Elles sont à la fois fragiles et fortes, indécises mais aussi rigoureuses, dominant leurs pulsions au point de les refouler. Beaucoup de scènes d’intérieur sont très sombres, pour simuler l’éclairage à la bougie. La forme est belle, l’image est assez douce mais la recherche visuelle finit par être trop visible et l’ensemble paraît alors un peu artificiel.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst, Elle Fanning
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 Les proies (The Beguiled)Colin Farrell et Kirsten Dunst dans Les proies (The Beguiled) de Sofia Coppola.

Précédente version :
Les Proies (The Beguiled) de Don Siegel (1971) avec Clint Eastwood et Geraldine Page

12 mai 2020

La Reine des rebelles (1941) de Irving Cummings

Titre original : « Belle Starr »

La Reine des rebelles (Belle Starr)Etats-Unis, état du Missouri. Pendant la guerre de Sécession, Belle Shirley est restée seule à la tête du vaste domaine familial. Lorsque son frère revient avec l’annonce de la reddition, elle refuse d’accepter la défaite et se joint à la cause du capitaine sudiste rebelle Sam Starr…
Le succès d’Autant en emporte le vent (MGM, 1939) a généré chez les studios hollywoodiens un appétit soudain pour les histoires dont les personnages principaux défendent les « valeurs du Sud ». Ici, la Fox s’est emparée d’une hors-la-loi légendaire, Belle Starr, pour la transformer en ersatz de Scarlett O’Hara. Inutile de dire que la vérité historique n’a pas été l’objectif premier de cette entreprise. Le rôle-titre devait être tenu par Barbara Stanwyck qui refusa peu avant le tournage et, après plusieurs autres refus, c’est la jeune Gene Tierney qui fut choisie. Il s’agit de son quatrième long métrage. Elle ne fait pas une grande prestation mais, malgré un évident manque d’expérience et des roulements d’yeux à foison, montre une certaine présence à l’écran. La mise en scène d’Irving Cummings est sans relief, semblant un peu bâclée. L’ensemble est bien terne, juste sauvé par un beau Technicolor. En outre, l’idéologie véhiculée, ouvertement pro-sudiste avec relents de racisme, est assez déplaisante. Le film connut un beau succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Randolph Scott, Gene Tierney, Dana Andrews, Shepperd Strudwick
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La Reine des rebelles (Belle Starr)Randolph Scott et Gene Tierney dans La Reine des rebelles (Belle Starr) de Irving Cummings.

24 octobre 2017

Le soleil brille pour tout le monde (1953) de John Ford

Titre original : « The Sun Shines Bright »

Le Soleil brille pour tout le mondeDébut du XXe siècle. Dans une petite bourgade du Kentucky, le juge Priest prépare sa candidature à sa réélection qui s’annonce délicate : il est accusé d’être alcoolique et s’oppose à la justice expéditive envers les noirs… Plutôt qu’un remake de Judge Priest (1934), Le soleil brille pour tout le monde est plutôt une suite car il en reprend le personnage central (et quelques personnages secondaires) pour les placer dans des situations différentes. John Ford a déclaré dans une interview que c’était son film préféré, ce que l’on peut comprendre car, plus que tout autre, il exprime l’idéologie et les aspirations du réalisateur. Il y a beaucoup d’humanisme dans cette histoire, le juge Priest/John Ford prend la défense de ceux qui vivent dans l’opprobre (les noirs, les prostituées). Cet humanisme peut paraître idéaliste et même naïf : il suffit d’entonner Dixie pour réconcilier tout le monde (!) On peut en tous cas regretter qu’il repose sur une nostalgie des temps anciens, d’un ordre social quasi militaire (cf. le final), et si le juge prend la défense des noirs, ceux-ci restent « à leur place » : des serviteurs, à l’intelligence nettement limitée. Certes, mais cet humanisme doublé d’un espoir de réconciliation est toutefois bienvenu dans une époque où les accusations tombent (nous sommes alors en plein maccarthysme). Le film est remarquable dans sa construction car il n’y a pas moins de quatre histoires enchevêtrées. L’utilisation du son est tout autant remarquable. Contrairement à Judge Priest, Le soleil brille pour tout le monde sera un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Winninger, Arleen Whelan, John Russell, Stepin Fetchit, Russell Simpson, Francis Ford, Slim Pickens
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Remarques :
* Le titre reprend les premières paroles de la chanson anti-esclavagiste My Old Kentucky Home composée par Stephen Forster en 1852.
* Herbert J. Yates, patron de Republic Pictures, a coupé environ dix minutes de la version commerciale américaine sans l’assentiment de John Ford, qui avait pourtant par contrat la décision finale sur le montage. Ces dix minutes sont réapparues depuis.
* John Ford enfreint la fameuse règle des 180° à deux reprises : lorsque Lucy Lee remarque le portrait et lors de la procession funèbre.

Le soleil brille pour tout le monde
Stepin Fetchit et Charles Winninger dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

le soleil brille pour tout le monde
Charles Winninger et Russell Simpson dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

Le soleil brille pour tout le monde
Slim Pickens et Francis Ford dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford. C’est le dernier film du frère ainé de John Ford, il décèdera quelques mois plus tard.

22 mai 2014

Lincoln (2012) de Steven Spielberg

LincolnAbraham Lincoln est l’homme politique le plus admiré outre-Atlantique, il est un modèle, une inspiration pour le plus grand nombre (tous bords confondus, nous n’avons pas vraiment d’équivalent en France) car il correspond à l’idée d’une certaine grandeur de valeurs morales appliquée à une nation. Très peu de réalisateurs se sont toutefois risqués à mettre en scène sa biographie. Steven Spielberg a choisi de se concentrer sur la fin de sa vie et plus particulièrement sur le mois de janvier 1865 où Lincoln a bataillé pour faire voter par la Chambre des Représentants le XIIIe amendement, celui qui abolit l’esclavage. Il livre un film inspiré avec une interprétation impressionnante de Daniel Day-Lewis. Tommy Lee Jones est, lui aussi, assez remarquable. Certes, les tractations pour s’assurer du vote des représentants peuvent paraître un peu longues mais c’est le personnage de Lincoln qui est ici intéressant, Spielberg parvenant à restituer toute la stature de l’homme politique visionnaire.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Tommy Lee Jones
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Principales biographies d’Abraham Lincoln au cinéma :
Abraham Lincoln (1930) de David Wark Griffith avec Walter Huston
Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, 1939) de John Ford avec Henry Fonda
Abraham Lincoln (1940) de John Cromwell avec Raymond Massey

6 juin 2013

Major Dundee (1965) de Sam Peckinpah

Major DundeeAlors que la guerre de Sécession touche à sa fin, une quarantaine de guerriers indiens menés par un chef belliqueux font régner la terreur au Texas et au Nouveau Mexique. Le Major Dundee, commandant d’un fort qui sert de camp de prisonniers de soldats sudistes, décide d’aller traquer ces indiens qui se sont réfugiés au Mexique pour l’hiver. N’ayant pas assez d’hommes, il est contraint d’enrôler des voleurs et des sudistes… Basé sur un livre de Harry Julian Fink, Major Dundee est un film assez étonnant où Sam Peckinpah bouleverse les codes du genre. Les motivations de son héros ne sont guère nobles, elles sont plutôt à chercher du côté de la rancoeur et de la haine. A l’instar de sa troupe hétéroclite, sa stratégie n’a guère d’unité ; confuse, elle évolue au gré des évènements. Le film est dominé par la haine et les conflits entre les personnes, nord/sud, blancs/noirs, blancs/indiens, sur lesquels vient se greffer la guerre au Mexique. Le film pêche surtout par le déroulement de son scénario, faiblesses longtemps attribuées aux coupes sauvages faites par les studios, mais force est de constater que le visionnage de la version longue récemment restaurée ne fait que renforcer cette sensation de longueurs et de scènes inutiles. En fait, ce sont les scènes d’action qui ponctuent le film, scènes assez violentes comme toujours avec Peckinpah. Film assez confus, Major Dundee fut un échec commercial.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Charlton Heston, Richard Harris, James Coburn, Senta Berger
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10 mai 2012

Les proies (1971) de Don Siegel

Titre original : « The beguiled »

Les proiesPendant la guerre de Sécession, un soldat nordiste gravement blessé est recueilli et soigné dans une petite institution de jeunes filles du Sud. Il y a là une directrice, une jeune enseignante, une esclave noire et six élèves de 11 à 17 ans… Adapté d’un roman de Thomas Cullinan, Les proies est un film assez étonnant qui bouscule plutôt l’ordre établi. L’histoire va assez loin sur le thème de l’homme pris dans au piège dans une petite société régie uniquement par des femmes. Ce microcosme est une véritable petite société avec une structure hiérarchique marquée et peu de contacts avec l’extérieur (qui est le plus souvent synonyme de dangers et nécessite la défense). Par son irruption, l’homme déclenche, en partie à son insu, une foule de sentiments variés au sein de ce microcosme, des réactions dont il pense pouvoir tirer profit mais qui vont devenir incontrôlables. Le film est intelligemment construit. Une scène est un peu dure, bien inutilement d’ailleurs. Les proies mit en relief les talents d’acteurs de Clint Eastwood, montrant qu’il pouvait interpréter des rôles plus complexes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman
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Remake :
Les Proies (The Beguiled) par Sofia Coppola (2017) avec Nicole Kidman et Colin Farrell

18 septembre 2011

La charge victorieuse (1951) de John Huston

Titre original : « The red badge of courage »

La charge victorieusePendant la Guerre de Sécession, un jeune soldat fuit son premier champ de bataille. Après une errance dans les bois, il rejoint sa compagnie. Quand il faudra repartir à l’attaque, il trouvera le courage de combattre… La charge victorieuse est l’adaptation d’un roman de Stephen Crane, jeune auteur très talentueux (1). Il ne faut surtout pas se limiter à une lecture militariste (ou même antimilitariste), le propos est plus de montrer la réalité psychologique d’un champ de bataille et les mécanismes de la peur. Le film eut une histoire mouvementée. Dès l’écriture du scénario, le film fut l’objet de vives tensions à la tête de la MGM (2). A la fin du tournage, John Huston s’est détaché du film pour aller préparer le tournage d’African Queen. Dépité par les réactions de rejet des publics-test, il laissa ses producteurs faire de larges coupes et ajouter une voix off. Au final, le film fut en bonne partie défiguré et ne durait plus que 69 minutes, une durée trop courte pour une bonne exploitation commerciale (3). Ce n’est qu’avec le temps que La charge victorieuse fut reconnu comme un film d’importance. Bien qu’il paraisse assez décousu, le film brille par la profondeur de son étude psychologique par son réalisme, les scènes de bataille font penser à Griffith (4). L’image est assez belle, avec des côtés bucoliques qui tranchent avec la dureté des combats. Assez paradoxalement, John Huston avait choisi comme interprète principal, Audie Murphy, l’homme qui était connu pour être le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Audie Murphy, Bill Mauldin, Douglas Dick, Royal Dano
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Remarques :
(1) Stephen Crane est né juste après la Guerre de Sécession et n’avait pas l’expérience directe d’un champ de bataille. Néanmoins, son livre a été jugé très réaliste. Il s’est appuyé sur des interviews et des récits de vétérans.
(2) Louis B. Mayer était opposé à l’idée d’adapter le roman de Stephen Crane, persuadé que ce serait un échec commercial. Dore Schary, alors vice-président chargé de la production, était au contraire partisan de tourner le film. Il alla trouver Nicholas Schenck (président de Loew’s Inc.), homme discret qui avait tous les pouvoirs, et obtint son soutien. Le film fut donc mis en chantier. Mis ainsi sur la touche, Louis B. Mayer en profita pour quitter le studio et prendre sa retraite.
(3) Toute l’histoire de la production de ce film a été l’objet d’un livre de la journaliste du New Yorker Lillian Ross : « Picture : A story about Hollywood ». La version complète du film, tel que Huston le voyait, est hélas perdue. Cette version aurait probablement montré un grand film.
(4) Les scènes de bataille furent d’ailleurs tournées à San Fernado Valley, près d’Hollywood, là où D.W. Griffith avait filmé les batailles de Naissance d’une Nation. Le film de John Huston fait également penser à certains courts-métrages de Griffith.