19 avril 2016

Les enfants nous regardent (1943) de Vittorio De Sica

Titre original : « I bambini ci guardano »

Les enfants nous regardentUne mère quitte son mari et son jeune fils pour aller vivre avec son amant… On peut, sans trop se tromper, dire que Les enfants nous regardent est un film de transition entre le cinéma des téléphones blancs de l’époque fasciste et le néoréalisme de l’après-guerre. Il s’agit du premier « grand film » de Vittorio De Sica : plus question ici de jouer le fils de bonne famille qui met les jeunes filles en émoi, il reste cette fois derrière la caméra et aborde un sujet plus sérieux et sociétal. Le héros est ici un petit garçon de sept ans qui assiste au naufrage du couple formé par ses parents. Le propos est moral au plus point (la mère n’a apparemment aucune excuse qui pourrait justifier son comportement) et donc pourrait s’inscrire pleinement dans cette sanctuarisation de la famille commune à toutes les idéologies fascistes. Cependant, le fait d’aborder des tabous comme l’adultère et le suicide a profondément dérangé le pouvoir mussolinien au point que la sortie du film ne put se faire que fin 1944, après la libération de Rome. Certains éléments préfigurent le néoréalisme notamment celui de montrer les défauts de la société au travers des yeux d’un être simple, un enfant. Le film n’a pas la perfection de Sciuscià et Le Voleur de bicyclette, il n’a pas cet équilibre subtil entre lyrisme et regard social, mais reste intéressant à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Emilio Cigoli, Luciano De Ambrosis, Isa Pola
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Remarques :
* Il s’agit de la première grande collaboration de De Sica avec le scénariste Cesare Zavattini, qui est sans conteste l’un des scénaristes les plus importants de toute l’histoire du cinéma italien. Pour De Sica, il écrira les scénarios de Sciuscià, Le Voleur de bicyclette, Miracle à Milan, etc… jusqu’au Jardin des Finzi-Contini en 1970.

* La scène finale paraît peu subtile, d’un symbolisme simple et trop fort. L’historien (et grand spécialiste du cinéma italien) Jean A. Gili suggère que cette scène a pu être imposée par la censure.

 

Les enfants nous regardent
Luciano De Ambrosis et Emilio Cigoli dans Les enfants nous regardent de Vittorio De Sica.

11 décembre 2015

À cheval sur le tigre (1961) de Luigi Comencini

Titre original : « A cavallo della tigre »

À cheval sur le tigreGiacinto est un brave type pas très malin qui tente de simuler une agression pour voler son patron. En prison, alors qu’il a presque purgé sa peine, il tombe sous la coupe de trois criminels plus endurcis et se retrouve forcé de s’évader avec eux… À cheval sur le tigre fait partie des quelques films de Comencini coécrits avec Age et Scarpelli, auxquels il faut ajouter ici Monicelli. Leur ambition était de trouver un juste équilibre entre la comédie et la critique sociale. Cet équilibre subtil que Monicelli avait trouvé dans Le Pigeon ou que Comencini trouvera si magnifiquement dans L’argent de la vieille est ici absent. Bien-sûr, son héros est un éternel exploité, inoffensif et sans défense mais le film est surtout une comédie policière tiraillée entre plusieurs genres. Le début comporte les meilleurs moments car l’enchaînement des évènements paraît ensuite un peu trop alambiqué et même les meilleurs gags (comme la petite fille en otage) paraissent plaqués, ils ne sont pas vraiment intégrés à l’histoire. Belle interprétation toutefois de Nino Manfredi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Nino Manfredi, Mario Adorf, Gian Maria Volontè, Raymond Bussières
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Remarques :
Le titre vient d’une expression chinoise : être « à cheval sur le tigre » signifie être dans une position dangereuse dont on ne peut s’extraire. Descendre du tigre serait en effet encore plus dangereux car on serait alors dévoré par le tigre.

A cheval sur le tigre
Gian Maria Volontè, Mario Adorf et Nino Manfredi dans À cheval sur le tigre de Luigi Comencini

12 novembre 2015

Pain, amour et jalousie (1954) de Luigi Comencini

Titre original : « Pane, amore e gelosia »

Pain, amour et jalousieL’histoire de Pain, amour et jalousie débute le lendemain matin du dernier jour de Pain, amour et fantaisie, dont le succès a poussé les producteurs à proposer une suite. Nous retrouvons ainsi les mêmes personnages, joués par les mêmes acteurs, et l’histoire a été prolongée… Il est déconseillé de voir ce film sans avoir vu le premier, ils sont indissociables. Le scénario est un peu moins riche que dans le premier, les situations paraissent un peu étirées parfois, mais le ton reste le même avec cette finesse dans la caricature et la réjouissante interprétation de Vittorio De Sica et de Gina Lollobrigida. De nouveau, l’actrice rayonne et illumine tout le film.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vittorio De Sica, Gina Lollobrigida, Marisa Merlini, Roberto Risso, Virgilio Riento, Tina Pica
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Pain, amour et jalousie
Gina Lollobrigida et Vittorio De Sica dans Pain, amour et jalousie de Luigi Comencini

Cycle complet :
Pain, amour et fantaisie (1953) de Luigi Comencini
Pain, amour et jalousie (1954) de Luigi Comencini
Pain, amour, ainsi soit-il (1955) de Dino Risi
Pain, amour et Andalousie (1958) de Javier Setó (Espagne)

11 novembre 2015

Pain, amour et fantaisie (1953) de Luigi Comencini

Titre original : « Pane, amore e fantasia »

Pain, amour et fantaisieLe maréchal des logis Antonio Carotenuto, natif de Sorrente, est nommé dans un petit village isolé dans les montagnes des Abruzzes. Cinquantenaire mais toujours célibataire, il n’est pas insensible à la beauté simple de Maria, surnommée la Bersagliera, une jeune fille très pauvre qui vit avec sa mère et ses jeunes frères et dont toute la richesse est un âne… Pain, amour et fantaisie peut se décrire comme étant à mi-chemin entre le néo-réalisme et la comédie italienne. Il est le meilleur représentant du « néoréalisme rose », un terme utilisé souvent un peu péjorativement pour désigner un cinéma décrit comme consensuel. Quoiqu’il en soit, le film est une réussite d’équilibre et de finesse dans la caricature. Vittorio De Sica, dont c’est ici le grand retour en tant qu’acteur (1), a t-il pris part à la réalisation aux côtés de Comencini ? On ne le sait avec certitude. Son interprétation est en tous cas toujours juste, il ne charge jamais ses effets comiques. Gina Lollobrigida est absolument époustouflante : elle (qui, rappelons-le n’était pas encore très connue à cette époque) montre une palette étonnante, capable de tout faire avec une spontanéité confondante et un charme érotique naturel. « Le meilleur rôle de toute sa carrière » d’après l’historien Jacques Lourcelles. Les seconds rôles sont soignés avec des personnages typés, mais jamais trop. L’humour est assez constant, léger, particulièrement bien dosé. Pain, amour et fantaisie est un petit régal, une comédie dont l’humour ne cache pas la misère des ces petits villages isolés.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vittorio De Sica, Gina Lollobrigida, Marisa Merlini, Virgilio Riento, Tina Pica, Roberto Risso
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Pain, amour et fantaisie
Memmo Carotenuto, Gina Lollobrigida et Vittorio De Sica dans Pain, amour et fantaisie de Luigi Comencini

Pain, amour et fantaisie
Gina Lollobrigida dans Pain, amour et fantaisie de Luigi Comencini

Remarques :
L’explication du titre est dans une réplique : lorsque le maréchal des logis demande à un habitant qui mange un gros sandwich « Qu’est ce que tu as mis dans ton pain ? », celui-ci répond « De la fantaisie… » Il ouvre son sandwich et l’on voit qu’il n’y rien dedans.

(1) A la suite de l’échec commercial d’Umberto D. (1952) qui a même engendré des réactions hostiles qui le gêneront pour monter ses nouveaux films, Vittorio De Sica apparaitra par la suite plus souvent devant la caméra que derrière.

Cycle complet :
Pain, amour et fantaisie (1953) de Luigi Comencini
Pain, amour et jalousie (1954) de Luigi Comencini
Pain, amour, ainsi soit-il (1955) de Dino Risi
Pain, amour et Andalousie (1958) de Javier Setó (Espagne)

9 novembre 2015

La Terre tremble (1948) de Luchino Visconti

Titre original : « La terra trema »

La Terre trembleDans un petit village sicilien, tous les hommes partent à la pêche chaque nuit. Avec le prix très bas payé par les mareyeurs, ils peinent à faire vivre leur famille. Chez les Valastro où le père est mort en mer, les plus jeunes ont le sentiment d’être exploités et décident de tenter de se mettre à leur compte… Deuxième long métrage de Visconti (1), La Terre tremble était au départ une commande du Parti communiste italien que Visconti va transformer en une adaptation du roman Les Malavoglia de l’écrivain vériste Giovanni Verga. Son film est à la fois néoréaliste et esthétique : néoréaliste, il l’est par son caractère semi-documentaire et par le fait de faire jouer des acteurs non-professionnels, ce sont les habitants du village, s’exprimant dans leur dialecte. Cela n’empêche pas Visconti de soigner l’esthétisme de son film, par ses cadrages, par la dimension qu’il donne à ses personnages ; cette sophistication formelle n’entame en rien la forte authenticité qui se dégage du film. Sur le fond, il parvient à atténuer le pessimisme du roman et à insuffler un beau lyrisme dans le propos. Malgré un prix à la Nostra de Venise en 1948, le film n’eut pas les faveurs du public, désarçonné par sa longueur (160 minutes) et par l’usage du dialecte sicilien. La Terre tremble est pourtant à classer parmi les grands films néo-réalistes italiens.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Antonio Arcidiacono, Giuseppe Arcidiacono
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La terre tremble
Antonio Arcidiacono dans La Terre tremble de Luchino Visconti

Remarques :
* Dans le local des mareyeurs, on peut voir sur le mur une inscription (mal) recouverte de peinture blanche. Il s’agit d’une citation de Mussolini : « Il faut aller résolument vers le peuple ». Visconti veut ainsi souligner que les exploiteurs d’aujourd’hui sont les tyrans d’hier.

* Les assistants-réalisateurs de La Terre tremble sont les deux futurs réalisateurs Franscesco Rosi et Franco Zeffirelli (Rosi réalisera son premier film en 1952 et Zeffirelli en 1958).

* Devant l’insuccès du film, une version raccourcie à 102 mn et doublée en italien fut montée par Rosi et distribuée… sans plus de succès. C’est cette version qui fut distribuée en France à sa sortie en 1952.

21 mai 2015

La machine à tuer les méchants (1952) de Roberto Rossellini

Titre original : « La macchina ammazzacattivi »

La Machine à tuer les méchantsDans un petit village au sud de Naples, le photographe Celestino offre l’hospitalité à un vieil homme pour la nuit. Celui-ci lui donne un étrange pouvoir qui lui permettra de combattre le mal : il suffit qu’il prenne en photo la photographie d’un « méchant » pour que celui-ci succombe instantanément en se figeant dans la position de la photo… La Machine à tuer les méchants est un film inattendu dans la filmographie de Roberto Rossellini. Il a tourné cette comédie en 1948, c’est-à-dire juste après Allemagne Année Zéro, mais sans la terminer. Ce sont ses assistants qui l’achèveront en 1951. C’est un mélange de comédie italienne et de néo-réalisme, assez heureux puisque l’ensemble est assez amusant. Bien entendu, nous sommes ici sur un registre bien plus léger mais on pourra noter qu’il y a une réflexion sur le Bien et le Mal, sur l’emplacement de la limite entre les deux et même sur la puissance de Dieu. Donc si l’on regarde bien, il y a là le départ d’une réflexion philosophique qui peut s’inscrire dans celles de François d’Assise ou de Stromboli. Mais le plus visible est bien entendu l’humour et les scénaristes ont eu d’excellentes trouvailles. Il a beaucoup de vie : on crie, on magouille, on s’interpelle, c’est un petit village haut en couleur. Les acteurs sont non-professionnels. La Machine à tuer les méchants est une comédie amusante et intéressante même si, bien entendu, le film n’est pas représentatif de l’oeuvre de Rossellini.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gennaro Pisano, William Tubbs
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Ma machine à tuer les méchants
Gennaro Pisano est le photographe dans La Machine à tuer les méchants de Roberto Rossellini

 

3 mars 2015

Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Titre original : « Paisà »

PaïsaSix sketches dans l’Italie en guerre entre l’été 1943 et le printemps 1945. 1) En Sicile, lors du débarquement de juillet 1943, une petite troupe de soldats américains se fait guider par une jeune fille qui sera accusée à tort. 2) A Naples, un gamin vole les chaussures d’un soldat américain. Lorsqu’il retrouve l’enfant, il entreprend de le ramener à ses parents mais découvre qu’il est orphelin et vit dans une misère la plus totale. 3) A Rome, une jeune fille devenue prostituée ramasse un soldat américain saoul et reconnait celui qu’elle avait accueilli six plus tôt et qui avait promis de venir la chercher. 4) A Florence, en pleine bataille pour la libération de la ville, une infirmière anglaise cherche à rejoindre le chef des partisans avec qui elle avait eu une aventure avant la guerre. 5) Dans l’Apennin du Nord, trois aumôniers militaires américains sont accueillis pour la nuit dans un couvent franciscain. Lorsque les moines réalisent que l’un est protestant et l’autre juif, ils décident de jeuner pour obtenir leur conversion. 6) Dans le delta du Pô, des partisans en petit nombre et quelques parachutistes alliés se battent désespérément contre les Allemands dans les marais… En suivant la progression des Alliés, du sud au nord, les six sketches de Païsa nous dressent un portrait de l’Italie se libérant du joug allemand, un portrait d’un réalisme presque documentaire et présentant la situation du peuple italien sous de nombreuses facettes. Tourné peu de temps après les évènements qu’il relate, au milieu du grouillement des rues encore emplies de soldats alliés et des décombres, Païsa est plus qu’un témoignage, c’est une réflexion sur l’avenir de son pays et des hommes qui le composent. Le plus étonnant, c’est le recul dont fait preuve Rossellini alors que ces évènements n’ont que quelques mois, que l’avenir est totalement incertain. La vision qu’il nous propose semble être à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Rome, ville ouverte était une vision à l’échelle d’une ville, Paisa est à l’échelle d’un pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maria Michi, Harriet Medin, William Tubbs
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Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Remarques :
* Coscénariste et assistant sur le tournage de Païsa, Federico Fellini raconte : « Je crois avoir appris de Rossellini ­ un apprentissage jamais traduit en paroles, jamais exprimé, jamais transformé en programme ­ la possibilité de marcher en équilibre au milieu des conditions les plus hostiles, les plus opposées, et en même temps la capacité naturelle de tourner à son propre avantage ces adversités, de les transformer en un sentiment, en des valeurs émotionnelles, en un point de vue. »

* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste de Rossellini ».

Païsa (1946) de Roberto Rossellini
Gar Moore et Maria Michi dans la troisième séquence de Païsa de Roberto Rossellini

24 février 2015

Rome, ville ouverte (1945) de Roberto Rossellini

Titre original : « Roma città aperta »

Rome, ville ouverteDans Rome occupée par les Allemands pendant l’hiver 1943-1944, la veuve Pina va se remarier avec Francesco, un jeune typographe qui travaille dans la clandestinité pour la Résistance. Il est en contact avec un de leurs chefs, communiste, et avec le curé du quartier qui leur fournit des faux papiers… Rome, ville ouverte est un film charnière dans l’histoire du cinéma : s’il n’est pas, à proprement parler, le premier film italien à s’inscrire dans le courant néoréaliste (1), il est celui qui a eu le plus grand impact sur son essor. En totale opposition aux films surfaits créés sous Mussolini, période dite des «Téléphones blancs» (2), le néoréalisme est plus proche de la réalité des spectateurs et emploie des acteurs non-professionnels (des « non-acteurs » comme le dira Rossellini, c’est-à-dire faire jouer un boulanger par un boulanger). Tourné peu après les évènements qu’il décrit, Rome, ville ouverte en exprime toute la réalité et le ressenti mais sa force profonde est certainement plus sur le plan de l’humanisme, par ces questionnements qu’il suscite sur la (re)définition d’un être humain.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Aldo Fabrizi, Anna Magnani, Marcello Pagliero
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Rome, ville ouverte
Anna Magnani dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini

Remarques :
* Basé en grande partie sur des faits réels, le scénario a été écrit principalement par Sergio Amidei et Roberto Rossellini, avec l’aide additionnelle de Federico Fellini et Alberto Consiglio.
* Rome a été déclarée « ville ouverte » en août 1943 après la destitution et l’arrestation de Mussolini. D’alliés, les allemands se sont alors transformés en occupants.
* Rossellini a tourné avec des moyens de fortune ce qui explique le manque de contraste de l’image.
* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste sur la guerre de Rossellini ».

(1) Chronologiquement parlant, le premier film néoréaliste serait plutôt Les Amants diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti (1943).
(2) La période dite des « Téléphones blancs » (Telefoni bianchi) correspond à la brève période d’euphorie ambiante en Italie qui précédé la Seconde Guerre mondiale. Les films de cette époque mettaient souvent en scène des femmes riches dont les intrigues romantiques se déroulaient en partie au téléphone… Il y avait toujours au moins une scène où l’héroïne était au téléphone, toujours blanc, cette nouvelle couleur pour les téléphones étant alors synonyme de grand luxe.

10 novembre 2013

Antoine et Antoinette (1947) de Jacques Becker

Antoine et AntoinetteNous sommes à Paris au lendemain de la guerre. Antoine travaille dans une imprimerie et Antoinette est vendeuse dans un grand magasin. Mariés, ils vivent dans un petit appartement. Un jour, la chance leur sourit par le moyen d’un billet gagnant à la loterie… Ecrit par Jacques Becker avec l’aide de Maurice Griffe et de Françoise Giroud, Antoine et Antoinette dresse un portrait très réaliste de ce jeune couple avec des ressources limitées mais plutôt heureux de vivre. Avec une précision et aussi une certaine tendresse, Jacques Becker nous les montre dans leur vie de tous les jours. C’est une histoire simple que l’on pourrait rattacher au néoréalisme si le genre avait vraiment fait école dans le cinéma français de l’Après-guerre. L’ensemble est illuminé par le charme de Claire Mafféi qui apporte une fraîcheur mêlé d’une bienfaitrice insouciance. L’histoire du billet de loterie est là pour donner un peu de corps à l’histoire mais le film aurait certainement gardé tout son attrait et son charme sans cela. Antoine et Antoinette est avant tout une ode à la jeunesse et à l’amour.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Roger Pigaut, Claire Mafféi, Noël Roquevert
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Remarques :
* Louis de Funès fait ici l’une des ses premières apparitions à l’écran, dans un double rôle : c’est l’un des garçons-épiciers qui déchargent le camion. Plus tard, c’est l’un des invités à la noce : il est alors plus difficilement reconnaissable, avec une moustache (voir un montage vidéo de ces scènes). On remarque aussi la présence de Gérard Oury en client entreprenant.
– Claire Mafféi n’a que peu tourné ensuite. Antoine et Antoinette est, de loin, son film le plus important.

11 août 2013

Dimanche d’août (1950) de Luciano Emmer

Titre original : « Domenica d’agosto »

Dimanche d'aoûtPar un dimanche ensoleillé d’août 1949, les habitants de Rome se rendent en masse vers la plage d’Ostie. Nous suivons certains d’entre eux : une famille nombreuse, un veuf accompagné de sa petite fille et de sa nouvelle compagne, un groupe d’adolescents à vélo, une jeune fille qui se laisse emmener dans une luxueuse voiture, un jeune policier amoureux d’une bonne, etc. … Dimanche d’août est le premier long métrage de Luciano Emmer qui n’avait auparavant réalisé que des courts métrages documentaires d’art. L’idée de base a été écrite par Sergio Amidei, scénariste (entre autres) de Rome, ville ouverte de Rossellini. Dimanche d’août s’inscrit pleinement dans le courant du néoréalisme italien, il nous immerge dans cet univers populaire romain de l’Après-guerre, un monde plein de vie où l’amour reprend ses droits alors que les restes de la guerre sont toujours bien présents, une redécouverte de l’insouciance en quelque sorte. Plutôt que de nous les faire suivre l’une après l’autre, Luciano Emmer a préféré entremêler plusieurs petites histoires, nous faisant sauter de l’une à l’autre. Ce procédé narratif, aujourd’hui bien connu, était à l’époque extrêmement original. Il donne en tous cas encore plus de vie et de rythme à l’ensemble. Sous jacent, le contexte social est bien là car la hiérarchie des classes est reproduite au bord de l’eau : il y a la plage privée et la plage publique. Dimanche d'août S’il n’y a pas d’acteurs de premier plan, on remarque que la jeune Anna Baldini a beaucoup de présence (on pourrait la décrire physiquement comme une Ingrid Bergman très jeune). Assez étonnamment, ce sera son seul film. Et le film marque la première apparition à l’écran dans un rôle un tant soit peu important du jeune Marcello Mastroianni (25 ans). Dimanche d’août est un film humaniste, plein de vie et haut en couleur, qui se double d’un témoignage sur l’Italie de l’Après-guerre, un monde où chacun, à sa façon, oeuvre pour atteindre une vie meilleure.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anna Baldini, Vera Carmi, Emilio Cigoli, Marcello Mastroianni, Massimo Serato
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Remarques :
*  Dimanche d’août a été post-synchronisé en studio. C’est ainsi que Marcello Mastroianni est doublé par Alberto Sordi.
* L’assistant-réalisateur Giulio Macchi a démissionné après une semaine de tournage, accusant le réalisateur Luciano Emmer de n’avoir aucune compétence technique. Il fut remplacé par le jeune Francesco Rosi (Dimanche d’août est son troisième film comme assistant).
* A sa sortie, le film a été malmené par la Critique italienne. De son côté, le Centre Catholique du Cinéma (Centro Cattolico Cinematografico) a dénoncé son « exhibitionnisme dégoûtant ».