10 janvier 2018

Les Maudits (1947) de René Clément

Les mauditsOslo, 1945. Alors que l’issue de la guerre parait inéluctable, un petit groupe hétéroclite de nazis et de sympathisants embarquent dans un sous-marin à destination de l’Amérique du Sud. Passant au large des côtes françaises, ils enlèvent un médecin à Royan pour soigner l’un d’entre eux…
René Clément a tourné peu après la Libération plusieurs films sur la guerre (La Bataille du rail, Le Père tranquille, Jeux interdits,…) nous offrant à chaque fois une vision différente des hommes. Cette fois, il est plus question de vils perdants que de héros. On retrouve dans cet huis clos un aréopage des ennemis de la France : un chef nazi, un général, un industriel italien, une militante nazie, un scientifique contraint, un journaliste collaborationniste. L’inquiétude et l’écroulement des idéaux aidant, la lâcheté et la veulerie de chacun vont peu à peu s’étaler au grand jour. Les caractères sont très typés et l’ensemble est assez manichéen mais le récit fait ressortir certaines composantes de la nature humaine. Tourné dans un décor fermé (reconstitué), le film baigne d’une atmosphère très présente. L’image est signée par le grand Henri Alekan, les éclairages sont superbes. Bien qu’il soit en tête d’affiche, Dalio n’a qu’un rôle épisodique dans l’histoire. L’interprétation est excellente avec des acteurs souvent de la nationalité de leurs personnages. Les Maudits est un film  puissant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marcel Dalio, Henri Vidal, Florence Marly, Jo Dest, Michel Auclair, Paul Bernard
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Les Maudits
(de g. à d.) Lucien Hector (le savant norvégien), Anne Campion (de dos, sa fille), Florence Marly (nazie convaincue, épouse de l’industriel italien), Jo Dest (chef SS), Michel Auclair (son homme de main, un voyou berlinois), Paul Bernard (au premier plan, journaliste français collaborationniste), Kurt Kronefeld (debout, le général allemand) et Fosco Giachetti (industriel italien) dans Les Maudits de René Clément.

Les Maudits
Henri Vidal (le médecin français enlevé)  dans Les Maudits de René Clément.

Les Maudits
Jean Lozach (radio-opérateur) et Jean Didier (commandant du sous-marin) dans Les Maudits de René Clément. Henri Alekan est directeur de la photographie (et maître des éclairages).

Remarque :
* Basé sur une histoire originale de Victor Alexandrov et Jacques Companéez, le scénario de Les maudits a été écrit par René Clément, Jacques Rémy et Henri Jeanson pour les dialogues.

 

Les Maudits
Kurt Kronefeld et Jo Dest dans Les Maudits de René Clément.

Les Maudits

11 mars 2017

Top Secret! (1984) de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker

Top Secret!En Allemagne de l’Est, un général veut réunir les deux Allemagne et en prendre la direction. Il organise un concert pour détourner l’attention et fait venir une vedette américaine de rock and roll… Top Secret est écrit et réalisé par Jim Abrahams, David et Jerry Zucker, les trois compères qui avaient créé Y a-t-il un pilote dans l’avion? en 1980. C’est une satire des films sur la Seconde Guerre mondiale. L’histoire est totalement farfelue, pleine d’anachronismes de lieux (il y a des taxis londoniens en Allemagne et la Résistance est française) et de temps (musicalement, nous sommes dans les années cinquante voire soixante alors que les allemands sont habillés comme des nazis et on peut voir des véhicules de plusieurs époques). Il y a de bons et même de très bons gags, avec beaucoup de détournements de poncifs. Cela n’arrête pas. En outre, les clins d’œil ou pastiches de films sont très nombreux. Val Kilmer se révèle très convaincant en star de rock’n roll, l’acteur chantant lui-même les morceaux avec beaucoup d’énergie. Moins connu que Y a-t-il un pilote dans l’avion? et incontestablement bien plus réussi que ses suites, Top Secret! est un vrai plaisir à regarder.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Val Kilmer, Lucy Gutteridge, Peter Cushing, Jeremy Kemp, Omar Sharif
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Listes des films pastichés ou évoqués :
Le magicien d’Oz (1939), Autant en emporte le vent (1939), Casablanca (1942), Les conspirateurs (1944), Espions sur la Tamise (1944), Tendre symphonie (1944), Cape et poignard (1946), Amour frénétique (1957), Frankenstein s’est échappé! (1957), La grande évasion (1963), Goldfinger (1964), La mélodie du bonheur (1965), Le crâne maléfique (1965), Les dents de la mer (1975), Une poignée de salopards (1978), Le lagon bleu (1980), Les aventuriers de l’arche perdue (1981), E.T., l’extra-terrestre (1982).

Top Secret!
Lucy Gutteridge et Val Kilmer dans Top Secret! de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker.

Top Secret!
Ian McNeice et Omar Sharif dans Top Secret! de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker.

2 février 2017

Les Vestiges du jour (1993) de James Ivory

Titre original : « The Remains of the Day »

Les vestiges du jourDans les années cinquante, Stevens, majordome au Manoir Darlington, décide de rendre visite à Miss Kenton, l’ancienne intendante avec laquelle il a entretenu une remarquable relation professionnelle. Il veut la convaincre de revenir à ses côtés. Au cours du voyage, il se remémore les années de l’Entre-deux-guerres. Son ancien maître Lord Darlington organisait alors des réunions internationales au plus niveau pour œuvrer à un rapprochement entre la Grande Bretagne et l’Allemagne… Il peut sembler étonnant qu’un roman aussi britannique que peut être Les Vestiges du jour ait été écrit par un japonais, Kazuo Ishiguro (il vit toutefois en Angleterre depuis l’âge de 6 ans). Qu’il soit brillamment porté à l’écran par un américain l’est encore plus. Mais James Ivory avait déjà prouvé qu’il était alors le plus britannique des réalisateurs américains. Il parvient à restituer toute la délicatesse et la profondeur du roman. Les thèmes sont nombreux mais celui de la recherche de la dignité ressort indéniablement. Ce qui peut être vu comme de la servilité ou de la dévotion est en fait l’aspiration à une certaine grandeur : Stevens est non seulement convaincu de la supériorité sociale de son maître mais aussi, et surtout, de sa supériorité morale. En le servant avec une indéfectible perfection, il est persuadé d’œuvrer à quelque chose de grand et de juste. Hélas, l’aristocratie est dépassée face au nouveau contexte international, elle fait partie d’un monde qui n’existe plus. Anthony Hopkins et Emma Thompson sont tous deux merveilleusement parfaits dans leur rôle. Les Vestiges du jour se revoit toujours avec le même intérêt qu’à sa sortie.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Hopkins, Emma Thompson, James Fox, Christopher Reeve, Peter Vaughan, Hugh Grant
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Remarques :
* Assez paradoxalement, le roman et le film aurait réveillé chez les britanniques une certaine nostalgie pour l’aristocratie (qu’aucune Révolution n’a fait disparaître). Elle est pourtant montrée comme totalement inapte à comprendre le monde du XXe siècle.
* Le manoir qui a servi de cadre au tournage est Dyrham Park, proche de Bristol dans le sud-ouest de l’Angleterre (Gloucestershire du Sud).
* On peut se demander si Kazuo Ishiguro s’est inspiré d’un personnage historique pour Lord Darlington. Le plus proche est Lord Londonderry qui a effectivement reçu Von Ribbentrop à Mount Stewart (Ulster) pour favoriser un rapprochement entre la Grande Bretagne et l’Allemagne. Pour en savoir plus (en anglais)…

Les Vestiges du jour
Anthony Hopkins et Emma Thompson dans Les vestiges du jour de James Ivory.

Les Vestiges du jour
Dyrham Park a servi de cadre pour le tournage de Les vestiges du jour de James Ivory.

13 mai 2016

Diplomatie (2014) de Volker Schlöndorff

DiplomatieLa nuit du 24 au 25 août 1944. Alors que les alliés avancent à grands pas, le sort de Paris est entre les mains du Général Von Choltitz, Gouverneur du Grand Paris, qui se prépare, sur ordre d’Hitler, à faire sauter la capitale. Le consul suédois Nordling parvient à s’introduire auprès de lui pour tenter de le convaincre de ne pas accomplir l’irréparable… Diplomatie est l’adaptation d’une pièce de Cyril Gély qu’André Dussollier et Niels Arestrup ont jouée plus de 200 fois sur les planches. Ils sont donc pleinement dans leurs personnages et savent donner une belle intensité à cette confrontation. La réalisation de Volker Schlöndorff, dont c’est ici le vingt-huitième long métrage, est sobre et juste, elle sait mettre en relief la qualité du texte. L’histoire est une extrapolation de faits réels puisque les deux hommes se sont effectivement rencontrés plusieurs fois mais il s’agissait de négocier un cessez-le-feu et la libération de prisonniers politiques. La réddition de Von Choltitz lors de la Libération de Paris avait déjà été l’objet du roman Paris brûle-t-il ? publié en 1964, adapté au cinéma deux ans plus tard par René Clément.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: André Dussollier, Niels Arestrup
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Remarque :
César de la meilleure adaptation en 2015.

Diplomatie
Niels Arestrup et André Dussollier dans Diplomatie de Volker Schlöndorff.

10 avril 2016

Le Tambour (1979) de Volker Schlöndorff

Titre original : « Die Blechtrommel »

Le TambourDès sa naissance dans la ville de Dantzig dans les années vingt, Oskar est lucide. Il est capable de prendre des décisions. A l’âge de trois ans, il reçoit en cadeau un tambour dont il ne va plus se séparer et, par dégoût envers le monde des adultes, décide de ne plus grandir… Le roman de Günter Grass (prix Nobel de littérature en 1999) avait beau avoir la réputation d’être inadaptable, cela n’a pas arrêté Volker Schlöndorff. L’une des difficultés majeures résidait dans le choix de l’acteur principal et le réalisateur eut beaucoup de chance de trouver David Bennent, fils de l’acteur Heinz Bennent, alors âgé de douze ans et qui souffrait de troubles de croissance. L’histoire est particulièrement riche. La toile de fond est une fresque historique allant de 1924 à 1945, l’histoire de Dantzig, ville écartelée entre l’Allemagne et la Pologne. Cette période est marquée par la montée du nazisme et par l’invasion allemande de 1939 qui fait entrer le monde dans la Seconde Guerre mondiale. Mais l’histoire principale est celle d’un petit garçon qui se refuse au monde des adultes. Il faut dire que sa vie, son existence-même, résulte d’un mensonge, d’un amour rendu impossible par les hommes. Son tambour devient son unique moyen d’expression, il ne communique pas autrement. Pire, il proteste si fort que son cri perçant peut briser le verre. En ce personnage, totalement hors du commun (et totalement fictif bien entendu), coexistent une bouffonnerie proche de la folie et une grande clairvoyance puisqu’il porte un regard sur le monde des adultes bien plus acéré que celui des adultes eux-mêmes. Volker Schlöndorff met tout cela en scène avec brio, une certaine splendeur même. Le Tambour fait partie des films qui marquent, ceux que l’on n’oublie pas.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mario Adorf, Angela Winkler, David Bennent, Katharina Thalbach, Daniel Olbrychski
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Remarques :
* Palme d’Or à Cannes 1979 (ex-aequo avec Apocalypse Now).
* L’adaptation a été écrite par Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière et Franz Seitz avec l’accord de l’auteur.
* D’une durée de 2h22 à sa sortie, Le Tambour est visible depuis peu dans une version Director’s Cut comportant environ 20 mn supplémentaires de scènes coupées au montage à la demande du distributeur de l’époque.
* Volker Schlöndorff a renoncé à adapter la partie du livre après 1945 car cela l’aurait obligé de changer d’acteur pour interpréter Oskar.

Le Tambour
David Bennent dans Le Tambour de Volker Schlöndorff.

2 avril 2016

Intrigues en Orient (1943) de Raoul Walsh

Titre original : « Background to Danger »

Intrigues en OrientPendant la Seconde Guerre mondiale, un espion nazi tente d’assassiner l’ambassadeur allemand en Turquie en laissant croire que les coupables sont des russes. Son but est de pousser la Turquie qui est restée neutre à se mettre sous protection allemande. Son plan ayant échoué, il va tenter autre chose… Intrigues en Orient est adapté d’un roman d’Eric Ambler adapté par le grand scénariste W.R. Burnett. Le film fait partie des « petits » Raoul Walsh, le réalisateur avouant dans ses mémoires l’avoir « expédié ». C’est un de ces films destinés à renforcer le sentiment patriotique des américains. Il est néanmoins très bien fait et très prenant, la tension monte graduellement et on ne s’ennuie pas une seconde. Nous retrouvons face à face Sydney Greenstreet et Peter Lorre, tandem que la Warner a utilisé plusieurs fois, avec bonheur le plus souvent, au début de la décennie quarante. Tout laisse à penser que le studio tentait là de retrouver le succès qu’avait eu Casablanca. C’est George Raft qui, cette fois, interprète l’américain intrépide, déterminé et sans peur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George Raft, Brenda Marshall, Sydney Greenstreet, Peter Lorre, Osa Massen
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Background to danger
George Raft et Osa Massen dans Intrigues en Orient de Raoul Walsh.

Background to danger
Peter Lorre, Brenda Marshall et George Raft dans Intrigues en Orient de Raoul Walsh.

Background to danger
George Raft et Sydney Greenstreet dans Intrigues en Orient de Raoul Walsh.

9 mars 2015

Les Enchaînés (1946) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Notorious »

Les enchaînésLa fille d’un américain condamné pour espionnage au profit des nazis fait la rencontre d’un homme séduisant. Celui se révèle être un membre du contre-espionnage qui, sachant ses idées opposées à celles de son père, lui propose d’aller infiltrer au Brésil un groupe composé des anciens amis de son père… Ecrit par le talentueux Ben Hecht (avec le concours de David O. Selznick, Clifford Odets et Alfred Hitchcock), Notorious (Les enchaînés) mêle très habilement amour et espionnage. La construction et le déroulement sont d’une simplicité qui force l’admiration car la tension et le suspense y sont intenses. Comme le souligne très justement Patrick Brion (1), on pourra noter que le personnage du méchant (merveilleusement interprété par Claude Rains) est assez subtilement défini car il apparaît sous bien des aspects plutôt une victime qui reste sincère dans ses sentiments envers celle qu’il aime alors que le gentil Cary Grant apparaît assez cynique. Ingrid Bergman interprète une femme qui se sent indigne de l’amour de celui qu’elle aime et prend de très grands risques pour se racheter à ses yeux. La mise en scène limpide d’Hitchcock contribue à faire de Notorious un film quasiment parfait.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Ingrid Bergman, Claude Rains, Louis Calhern, Leopoldine Konstantin
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Les Enchaînés de Alfred Hitchcock
Claude Rains, Cary Grant et Ingrid Bergman dans Les Enchaînés (Notorious) d’Alfred Hitchcock.

Remarques :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparait lors de la réception, buvant une coupe de champagne face à la table des serveurs.
* Alfred Hitchcock raconte avoir été rendre visite avec Ben Hecht en 1944 (soit un an avant l’explosion d’Hiroshima) au Dr. Millikan pour lui demander quelle taille pouvait avoir une bombe atomique. Le scientifique a répondu par une démonstration de près d’une heure que tout cela était impossible. Après cette entrevue, Hitchcock a été surveillé par le FBI pendant trois mois ! (il ne l’a appris que bien plus tard.)
* Sous le Code Hays, un baiser ne devait en aucun cas excéder trois secondes. Alfred Hitchcock y parvient manifestement tout en respectant le code à la lettre… (en plusieurs fois).
* Le plan assez remarquable avec la tasse de café nette au premier plan et Ingrid Bergman assise dans le fauteuil également nette à l’arrière plan a été obtenu grâce à une très grande tasse de café.
* David O. Selznick a cédé juste avant la sortie la moitié de ses droits à la R.K.O. parce qu’il ne croyait guère à l’uranium (qui a finalement peu d’importance dans le film) et aussi parce qu’il devait financer Duel au soleil avec Jennifer Jones qu’il avait récemment épousée. Il a dû sûrement le regretter puisque le film a rapporté près de cinq fois son coût.

(1) Patrick Brion Hitchcock (Editions de la Martinière, 2000)

22 novembre 2014

Une nuit à Casablanca (1946) de Archie Mayo

Titre original : « A Night in Casablanca »

Une nuit à CasablancaLe directeur de l’Hôtel Casablanca meurt aussi soudainement que ses deux prédécesseurs. Les autorités soupçonnent bien qu’ils aient pu être assassinés mais n’ont aucune piste. Kornblow (Groucho Marx), le patron d’un obscur petit hôtel, est appelé à occuper le poste vacant… Cinq ans après leur « film d’adieu » (The Big Store, 1941), les Marx Brothers se reforment pour livrer ce qui, au départ, devait être une parodie du film Casablanca mais qui, au final, n’a aucun point commun avec lui (1). Les Marx Brothers sont ici loin d’être à leur meilleur (2) mais nous avons de belles scènes hilarantes et tout un lot de bons mots de Groucho. Le meilleur toutefois, on le doit à Harpo qui occupe ici une place plus importante que dans les films précédents. Un certain nombre de gags déjà connus sont réutilisés. La fin, plus tournée vers l’action, paraît assez faible. L’ensemble reste très amusant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Groucho Marx, Harpo Marx, Chico Marx, Charles Drake, Lois Collier, Sig Ruman, Lisette Verea
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Remarques :
* La légende voudrait que Warner Brothers ait menacé d’attaquer la production pour l’utilisation du mot Casablanca dans le titre et que Groucho Marx ait répondu en les menaçant de les attaquer pour l’utilisation du mot Brothers, sachant que les Marx Brothers existaient bien avant Warner Brothers. A une demande ultérieure de détails sur le scénario, Groucho leur aurait répondu une histoire totalement farfelue (où il est un docteur en théologie australien pendant que Chico vend des éponges aux piliers de bar avinés pour les empêcher de vomir et que Harpo est un porteur arabe qui vit dans un ancien vase grec à la périphérie de la ville). Tout ceci semble toutefois avoir été inventé de toutes pièces et donné à la presse pour faire la promo du film, la Warner a nié tout contact.

* Fait assez inhabituel, A Night in Casablanca a été novélisé en Angleterre (voir le livre…)

* le scénario est signé Joseph Fields et Roland Kibbee. Frank Tashlin a également participé à l’écriture (non crédité) . Une tournée fut organisée avant le tournage pour, à la fois, tester les gags auprès d’un public et aider à mémoriser l’ensemble (Chico avait beaucoup de mal à apprendre un rôle).

(1) Le seul vrai point commun avec Humphrey Bogart est la réplique de Groucho Marx à Lisette Verea « You don’t have to sing for me… just whistle ! », paraphrasant le célèbre réplique de Lauren Bacall dans To Have and Have not (1944).

(2) Les frères furent les premiers à le reconnaitre. Groucho a déclaré : « The critics won’t throw their hats in the air. If they throw anything, it’ll probably be their dinner » (les critiques ne vont pas jeter leur chapeau en l’air, s’ils rejettent quelque chose, ce sera probablement leur dîner ! ) (le jeu de mots est sur throw (lancer) et throw up (vomir)).

Les Marx Brothers dans Une nuit à Casablanca
Groucho Marx, Harpo Marx et Chico Marx. Photo publicitaire pour Une nuit à Casablanca.

29 juillet 2014

Le pont (1959) de Bernhard Wicki

Titre original : « Die Brücke »

Le pontEn 1945, dans une Allemagne proche de la capitulation, des jeunes garçons de 15-16 ans fréquentent l’école d’une petite ville. Alors qu’une certaine résignation s’est répandue dans la population, les adolescents sont toujours exaltés et espèrent être mobilisés pour aller, eux aussi, défendre leur patrie. Leur voeu va hélas être exaucé lorsque l’état-major décide de lancer toutes ses forces valides dans un dernier sursaut… Le pont est basé sur un roman de Manfred Gregor, le seul survivant des évènements racontés ici (1). C’est un film qui démontre l’absurdité de la guerre et, surtout, qui dénonce l’endoctrinement de la jeunesse. Tout d’abord, nous voyons évoluer ces adolescents dans leurs jeux, leur éveil à l’amour ; nous pouvons constater à quel point les exhortations à montrer sa valeur, son courage trouvaient là un terrain propice, les jeunes garçons ne pouvant s’empêcher d’idéaliser la guerre. Le jeu des acteurs est très naturel et donne une grande authenticité au film de Bernhard Wicki. La démonstration est terriblement efficace. Couvert de récompenses outre-Rhin, Le pont a été montré à toute une génération d’écoliers allemands.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Folker Bohnet, Fritz Wepper, Michael Hinz, Frank Glaubrecht
Voir la fiche du film et la filmographie de Bernhard Wicki sur le site IMDB.

Remarques :
* Le pont est l’un des premiers films allemands de l’Après-guerre à aborder directement la question de la guerre.

* Remake :
Die Brücke de Wolfgang Panzer (TV, 2008) qui semble généralement mal jugé par ceux qui l’ont vu car plus centré sur l’action.

(1) Dans la réalité, il n’y a eu que trois adolescents placés pour défendre Le pont. L’un d’entre eux, jugeant ce combat inutile et absurde, a déserté le soir même. Le lendemain, il a constaté que ses camarades étaient morts et qu’ils n’avaient, bien entendu, pas réussi à empêcher les américains de passer. C’est pour dénoncer l’endoctrinement de la jeunesse qu’il a décidé d’écrire (sous un pseudonyme) un roman, en étoffant l’histoire.

3 juillet 2014

Hannah Arendt (2012) de Margarethe von Trotta

Hannah ArendtEn 1961, la philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs. Alors qu’elle s’attendait à voir un monstre, elle est surprise de ne voir qu’un homme banal, un « falot », un homme « dépourvu de pensée ». Elle en tire un concept philosophique majeur sur la banalité du mal qui fait d’autant plus scandale que, dans le même texte, elle soulève la question des conseils juifs dans les déportations… Comment mettre en scène la pensée au cinéma est une question assez récurrente. La réalisatrice Margarethe von Trotta apporte ici une réponse convaincante, aidée il est vrai par une remarquable interprète, Barbara Sukowa. Loin du maniérisme agaçant des biopics et de ses effets, la cinéaste nous fait simplement accompagner Hannah Arendt dans sa réflexion et c’est cette démarche qui rend le film vraiment passionnant de bout en bout. Un bel exemple de la façon dont le cinéma peut ouvrir à la philosophie.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Barbara Sukowa, Janet McTeer, Julia Jentsch
Voir la fiche du film et la filmographie de Margarethe von Trotta sur le site IMDB.
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Remarque :
Le livre écrit par Hannah Arendt à la suite du procès d’Eichmann est Eichmann à Jérusalem – Rapport sur la banalité du mal (Viking Press, 1963 – Gallimard pour la traduction française).