2 février 2017

Les Vestiges du jour (1993) de James Ivory

Titre original : « The Remains of the Day »

Les vestiges du jourDans les années cinquante, Stevens, majordome au Manoir Darlington, décide de rendre visite à Miss Kenton, l’ancienne intendante avec laquelle il a entretenu une remarquable relation professionnelle. Il veut la convaincre de revenir à ses côtés. Au cours du voyage, il se remémore les années de l’Entre-deux-guerres. Son ancien maître Lord Darlington organisait alors des réunions internationales au plus niveau pour œuvrer à un rapprochement entre la Grande Bretagne et l’Allemagne… Il peut sembler étonnant qu’un roman aussi britannique que peut être Les Vestiges du jour ait été écrit par un japonais, Kazuo Ishiguro (il vit toutefois en Angleterre depuis l’âge de 6 ans). Qu’il soit brillamment porté à l’écran par un américain l’est encore plus. Mais James Ivory avait déjà prouvé qu’il était alors le plus britannique des réalisateurs américains. Il parvient à restituer toute la délicatesse et la profondeur du roman. Les thèmes sont nombreux mais celui de la recherche de la dignité ressort indéniablement. Ce qui peut être vu comme de la servilité ou de la dévotion est en fait l’aspiration à une certaine grandeur : Stevens est non seulement convaincu de la supériorité sociale de son maître mais aussi, et surtout, de sa supériorité morale. En le servant avec une indéfectible perfection, il est persuadé d’œuvrer à quelque chose de grand et de juste. Hélas, l’aristocratie est dépassée face au nouveau contexte international, elle fait partie d’un monde qui n’existe plus. Anthony Hopkins et Emma Thompson sont tous deux merveilleusement parfaits dans leur rôle. Les Vestiges du jour se revoit toujours avec le même intérêt qu’à sa sortie.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Hopkins, Emma Thompson, James Fox, Christopher Reeve, Peter Vaughan, Hugh Grant
Voir la fiche du film et la filmographie de James Ivory sur le site IMDB.

Voir les autres films de James Ivory chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Assez paradoxalement, le roman et le film aurait réveillé chez les britanniques une certaine nostalgie pour l’aristocratie (qu’aucune Révolution n’a fait disparaître). Elle est pourtant montrée comme totalement inapte à comprendre le monde du XXe siècle.
* Le manoir qui a servi de cadre au tournage est Dyrham Park, proche de Bristol dans le sud-ouest de l’Angleterre (Gloucestershire du Sud).
* On peut se demander si Kazuo Ishiguro s’est inspiré d’un personnage historique pour Lord Darlington. Le plus proche est Lord Londonderry qui a effectivement reçu Von Ribbentrop à Mount Stewart (Ulster) pour favoriser un rapprochement entre la Grande Bretagne et l’Allemagne. Pour en savoir plus (en anglais)…

Les Vestiges du jour
Anthony Hopkins et Emma Thompson dans Les vestiges du jour de James Ivory.

Les Vestiges du jour
Dyrham Park a servi de cadre pour le tournage de Les vestiges du jour de James Ivory.

8 août 2014

Meurtre dans un jardin anglais (1982) de Peter Greenaway

Titre original : « The Draughtsman’s Contract »

Meurtre dans un jardin anglaisEn 1694, dans un manoir anglais où se retrouve la haute société, le dessinateur Mr Neville accepte, à la demande pressante de la maitresse de maison, de faire douze dessins des jardins de la propriété dont son mari est très fier. En contrepartie, il demande pouvoir profiter librement des faveurs de la dame… Meurtre dans un jardin anglais est le film par lequel toute l’originalité de Peter Greenaway a éclaté au début des années quatre vingt. « Raffiné » est certainement le mot qui caractérise le mieux ce film. Ici, l’intrigue, car intrigue il y a, est plus remarquable par son développement que par son dénouement ou son explication (partielle d’ailleurs). Tout le film prend la forme d’un jeu de l’esprit très proche de ceux dont raffolent ses personnages, avec son langage très policé et élégant, ses belles tournures et aussi ses piques mordantes. Costumes, éclairages (en plein jour ou à la bougie), décors, tout est parfait. C’est un vrai délice pour les yeux. Le rythme est remarquablement enlevé, soutenu par la musique entêtante de Michael Nyman. Meurtre dans un jardin anglais est un jeu raffiné qui flatte merveilleusement l’esprit.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anthony Higgins, Janet Suzman, Anne-Louise Lambert, Hugh Fraser, Neil Cunningham
Voir la fiche du film et la filmographie de Peter Greenaway sur le site IMDB.
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Remarques :
* Peter Greenaway dit avoir été influencé par Le Caravage et La Tour pour l’image. Pour l’insolite du récit, il dit se placer dans la lignée du Vathek (roman gothique du XVIIIe écrit en français par l’anglais William Beckford) et cite également La Jalousie, le roman d’Alain Robbe-Grillet.
* La version initiale dirait plus de quatre heures. Peter Greenaway n’a pas exclu de sortir un jour cette version.
* Les dessins dans le film ont été faits par Peter Greenaway lui-même (rappelons qu’il était peintre avant d’être réalisateur). Dans les plans où le dessin se forme, ce sont ses propres mains qui sont à l’écran.
* La qualité de la réalisation est d’autant plus remarquable que le budget n’a été que modeste (300 000 livres). Le film a été tourné en Super 16 puis gonflé en 35.