16 avril 2015

Frenzy (1972) de Alfred Hitchcock

FrenzyUne jeune femme est retrouvée flottant dans la Tamise, étranglée avec une cravate. Ce n’est pas la première victime du « tueur à la cravate ». Le même jour, Richard Blaney, un ancien de la RAF impulsif et aigri, est renvoyé du pub où il travaillait… Frenzy est l’avant-dernier film d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste a choisi de s’écarter d’Universal pour avoir toute liberté de le tourner et l’a fait en Angleterre. Le suspense n’est pas ici sur l’identité du meurtrier, qui nous est dévoilée très rapidement, mais repose plutôt sur le principe de la souricière : comment celui qui y est pris va t-il pouvoir s’en échapper ? Hitchcock s’écarte de toute édulcoration, n’hésite pas à aller dans le domaine du sordide tout en le contrebalançant par un humour assez constant, par petites touches. Cet humour est présent non seulement sur le contenu lui-même (comme cet inspecteur de police dont la femme s’est découvert une passion pour la cuisine française) mais aussi sur le plan cinématographique pur. Hitchcock est facétieux, place sa caméra dans des endroits inhabituels, nous surprend, joue avec le son : au lieu de la scène habituelle d’une personne découvrant un cadavre, il la laisse entrer et reste à la porte, filmant le vide pendant quelques secondes avant de faire retentir un cri perçant. Mais le plan le plus remarquable est incontestablement ce long traveling arrière après avoir vu l’assassin emmener chez lui une jeune femme, par lequel Hitchcock semble dire au spectateur : « oui, il va la tuer, et vous ne pourrez rien faire pour l’en empêcher ! » Le caractère le plus marquant de Frenzy reste toutefois sa crudité, une certaine normalité (banalité ?) dans l’horreur, avec ses personnages « ordinaires » où même les personnages féminins n’ont pas la superbe des héroïnes hitchcockiennes…
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jon Finch, Alec McCowen, Barry Foster, Billie Whitelaw, Anna Massey, Barbara Leigh-Hunt, Vivien Merchant
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Frenzy
Hichcock manie le sordide et l’humour noir : Barbara Leigh-Hunt dans Frenzy.

Cameo :
Hitchcock apparaît dans les toutes premières minutes, bien visible au milieu de la petite foule de personnes qui écoutent le discours près de la Tamise. Fait inhabituel, il apparaît une seconde fois quelques secondes plus tard, assez longuement, vu de haut.

16 octobre 2014

L’homme qui en savait trop (1934) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Man Who Knew Too Much »

L'homme qui en savait tropLors de vacances en Suisse avec leur fille, Bob et Jill Lawrence se lient d’amitié avec un skieur français. Celui-ci est mystérieusement assassiné sous leurs yeux et, avant de mourir, leur transmet un étrange message… Dans sa version de 1934, L’homme qui en savait trop est le premier grand film d’espionnage d’Alfred Hitchcock. Il se situe, dans la période anglaise du cinéaste, juste avant les grands films que sont Les 39 marches, Jeune et innocent et Une femme disparaît. Par rapport à ces derniers, il est plus rudimentaire, moins développé sans aucun doute, mais il contient des éléments particulièrement intéressants ou originaux. Citons-en deux : le meurtre intervient en pleine scène comique, la surprise est totale, et l’utilisation du coup de cymbale lors du concert pour couvrir un coup de feu. Hitchcock se montre toujours assez influencé par l’expressionnisme dans l’utilisation de la lumière (la photographie est d’ailleurs de Curt Courant) et la présence de Peter Lorre (son premier film en langue anglaise après avoir fui l’Allemagne) renforce cette impression (1). Le film sera un succès, offrant au cinéaste une plus grande liberté pour ses films suivants. Hitchcock tournera à nouveau la même histoire en 1956.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Leslie Banks, Edna Best, Peter Lorre, Frank Vosper, Nova Pilbeam, Pierre Fresnay
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Remarques :
* La fille du couple est interprétée par la jeune (15 ans) Nova Pilbeam qu’Hitchcock fera rejouer dans Jeune et innocent trois ans plus tard, dans le rôle principal cette fois.
* Hitchcock raconte avoir eu beaucoup de soucis avec la censure anglaise car les autorités ne voulaient pas montrer de police armée dans la fusillade finale (en Angleterre, les policiers ne sont pas armés). Hitchcock trouva une solution scénaristique satisfaisante pour tout le monde : un camion est allé chercher des armes dans une armurerie proche et ces armes, assez vieilles, sont distribuées aux policiers.
* Caméo : Alfred Hitchcock apparaît traversant la rue juste avant que Leslie Banks n’entre dans la chapelle.

Remake :
L’homme qui en savait trop (1956) d’Alfred Hitchcock avec James Stewart et Doris Day.

(1) Le personnage d’anarchiste joué par Peter Lorre se situe bien dans le prolongement du personnage de M le Maudit de Fritz Lang. De plus, la fusillade finale est assez proche de celle du Mabuse du même Lang.

L'homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much)Peter Lorre, Leslie Banks et Edna Best dans L’homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much) de Alfred Hitchcock.

12 janvier 2014

Three Strangers (1946) de Jean Negulesco

Titre français (Belgique) : « Trois étrangers »

Three StrangersA Londres en 1938, une femme attire deux hommes inconnus chez elle le soir du nouvel an chinois car elle croit à une légende : elle possède une statuette en bronze de la déesse chinoise Kwan Yin qui est censée ouvrir les yeux ce soir-là et exaucer le voeu commun de trois étrangers. Ils achètent ensemble un billet de sweetstakes (loterie liée à des courses de chevaux)… La base du scénario de Three Strangers a été écrite par le jeune John Huston qui s’est inspiré d’un épisode qui lui est réellement arrivé à Londres. Il aurait même projeté de le tourner lui-même après Le Faucon Maltais mais la guerre a interrompu le projet. Trois étrangersIl le reprend quelques années plus tard avec Howard Koch pour le compte de Jean Negulesco. C’est le troisième film du réalisateur roumain avec le tandem Lorre/ Greenstreet, tourné avec un budget réduit. Le scénario est riche en histoires parallèles et en rebondissements ; le film offre ainsi un beau mélange d’intrigue policière et de mystère. C’est une belle fable sur la cupidité et la jalousie. Three Strangers n’est jamais sorti en France.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sydney Greenstreet, Geraldine Fitzgerald, Peter Lorre, Joan Lorring
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19 septembre 2013

L’Éventail de Lady Windermere (1925) d’Ernst Lubitsch

Titre original : « Lady Windermere’s Fan »

Lady Windermere's Fan(Film muet) Dans la haute société de Londres, Lord et Lady Windermere occupent une place de premier plan. Un matin, Lord Windermere reçoit une étrange lettre : une certaine Mrs Erlynne demande à le rencontrer pour éviter que certaines informations fâcheuses ne soient divulguées. Il se rend à son domicile… La pièce d’Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere, a été portée à l’écran (grand et petit) de nombreuses fois mais la version de Lubitsch reste la plus remarquable. La pièce écrite pour le théâtre comporte une grande quantité de textes et l’adapter en film muet est en soi une gageure. Lubitsch y parvient magnifiquement, de surcroit avec très peu d’intertitres : il réussit à tout dire par l’image, jouant beaucoup avec l’espace, les mouvements de caméra, le déplacement des personnages. La démesure des décors est assez notable : nous sommes dans la haute société et les pièces sont tellement hautes qu’il est impossible d’entrevoir le haut des fenêtres ou des portes (1). Lady Windermere's Fan Lubitsch a modifié quelque peu l’histoire originale mais en a gardé l’esprit, une satire des relations sociales bourgeoises, de l’hypocrisie et de la mesquinerie. A l’inverse des personnages, le spectateur est omniscient : Lubitsch nous dit tout et nous mesurons ainsi à quel point les personnages se trompent et tirent des conclusions erronées à partir d’informations partielles. Le drame et la comédie sont en symbiose, les touches d’humour sont constantes, inventives, subtilement entremêlées au drame qui se déroule devant nous. L’Éventail de Lady Windermere est un vrai petit bijou.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy, Bert Lytell
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(1) A la vue de ces décors, la fameuse phrase « Doors ! Doors ! Doors ! » de Mary Pickford revient à l’esprit. L’actrice, qui avait joué deux ans plus tôt dans Rosita (1923), le premier film américain de Lubitsch, se plaignait qu’il s’intéresse plus aux portes qu’à elle. Elle l’avait qualifié de « director of doors ».

Autres adaptations :
Lady Windermere’s Fan de Fred Paul (1916)
Lady Windermeres Fächer de l’allemand Heinz Hilpert (1935) avec Lil Dagover
Historia de una mala mujer de l’argentin Luis Saslavsky (1948) avec Dolores del Rio
L’Éventail de Lady Windermere (The Fan) d’Otto Preminger (1949) avec Jeanne Crain, Madeleine Carroll et George Sanders
La séductrice (A Good Woman) de Mike Barker (2004) avec Helen Hunt et Scarlett Johansson

13 septembre 2013

Le Lys brisé (1919) de David W. Griffith

Titre original : « Broken Blossoms or The Yellow Man and the Girl »

Le lys briséUn jeune chinois quitte son pays pour aller convertir les européens au bouddhisme. Il échoue dans le quartier populaire de Limehouse à Londres où, totalement désillusionné, il tient une petite boutique. Non loin de son échoppe, une jeune fille vit très pauvrement avec son père, un boxeur coléreux qui la terrorise et la bat. Il va tenter de lui venir en aide… Loin de ses grandes productions précédentes, Griffith tourne Le lys brisé au lendemain de la guerre avec un tout petit budget, en seulement 18 jours et 18 nuits (1). Adapté d’une histoire écrite par Thomas Burke, il s’agit d’un grand mélodrame qui oppose le bien et mal, la beauté et le sordide, la cruauté et l’innocence. Sur le fond, il faut en outre noter que le film est sorti aux Etats-Unis à une époque où sévissait un fort sentiment antichinois, la crainte du « péril jaune » ; il faut donc certainement voir dans le propos de Griffith un message de tolérance. Sur la forme, le réalisateur s’est plus attaché à l’atmosphère qu’à la richesse des décors qui sont peu nombreux mais dotés d’une belle force évocatrice. Si le jeu de Donald Crisp est certainement un peu trop marqué, ses expressions étant parfois proches de la grimace, celui de Lillian Gish est assez phénoménal. L’actrice montre d’étonnantes qualités de pantomime et ces scènes où elle utilise ses doigts pour forcer son sourire sont restées célèbres. De son côté, Richard Barthelmess est particulièrement crédible en chinois, le film sera un tremplin pour sa carrière. Le lys brisé culmine d’intensité dans son dénouement avec la scène du placard où Lillian Gish est absolument terrifiée (2) ; une scène très angoissante. Tourné rapidement et simplement, Le lys brisé n’en est pas moins l’un des films les plus remarquables de Griffith. Le misérabilisme appuyé et le jeu marqué des acteurs peuvent le faire apparaître vieilli à nos yeux modernes mais il faut se laisser gagner par son atmosphère et sa puissance évocatrice pour l’apprécier. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lillian Gish, Richard Barthelmess, Donald Crisp
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Remarques :
Le lys brisé* Au moment du tournage, Lillian Gish était très affaiblie par la maladie. L’actrice avait été touchée par l’épidémie de grippe espagnole qui, à cette époque, fit de très nombreuses victimes. Sa performance n’en est que plus admirable.
* Le film fut produit par D.W. Griffith pour être distribué par Adolph Zukor. Ce dernier fut mécontent du film une fois fini et le refusa. Griffith le racheta alors à Zukor le double du prix du tournage pour le distribuer avec sa toute nouvelle compagnie United Artists. Ce fut financièrement très judicieux car le film connut un très grand succès.
* D’après Lilian Gish, le film était si bien planifié et répété que le montage fut réduit à couper le début et la fin de chaque scène avant de les mettre bout à bout. On peut toutefois s’étonner de cette affirmation quand on voit le montage alterné de certaines scènes et les flashbacks.
* Broken Blossoms est tombé dans le domaine public et, de ce fait, les copies disponibles sont très variables en qualité et en durée. Le film fait initialement 90 minutes, certaines scènes sont teintées : bleu, rose/rouge ou couleur or.

Remake :
Le lys brisé (Broken Blossoms) de l’anglais John Brahm (1936) avec Dolly Haas et Arthur Margetson.

(1) Les scènes avec Donald Crisp étaient généralement tournées de nuit car il dirigeait lui-même un autre film pendant la journée (dans toute sa carrière, Donal Crisp a joué dans 173 films et en a dirigé 72).

(2) On raconte que les cris de Lillian Gish lors du tournage de la scène du placard auraient attiré des passants qui cherchèrent à entrer dans le studio pour venir la secourir.

16 août 2013

The Deep Blue Sea (2011) de Terence Davies

The Deep Blue SeaA Londres, dans les années cinquante, Hester est mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, un haut magistrat britannique. C’est un mariage sans amour qui l’étouffe. Elle tombe amoureuse d’un jeune aviateur qui revient de la guerre… The Deep Blue Sea est l’adaptation d’une pièce du dramaturge anglais Terence Rattigan qui avait déjà été portée à l’écran sous le même titre en 1955. L’histoire est celle d’une femme qui cherche à construire sa vie en se libérant du carcan dans lequel elle est enfermée : toute son enfance, elle a été étouffée par un père pasteur et son mariage est aussi terne qu’oppressant. Terence Davies traite ce drame sentimental en créant une forte atmosphère, dans le Londres morne de l’Après-guerre où la joie de vivre n’avait pas encore de place. La photographie est très belle. Les trois rôles principaux sont remarquablement bien tenus. La construction est quelque peu embrouillée par les flashbacks. Le rythme est lent mais c’est surtout le peu de profondeur des personnages qui nous laisse avec une impression de manque. The Deep Blue Sea est un beau film mais on aurait aimé qu’il soit plus prenant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rachel Weisz, Simon Russell Beale, Tom Hiddleston
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Remarques :
* Le titre vient d’une expression anglaise : Vers la fin du film, Hester dit à sa logeuse qu’elle était « between the devil and the deep blue sea », une expression qui traduit un grand dilemme, l’expression française la plus proche étant « devoir choisir entre la peste et le choléra ». L’expression vient du monde des marins, pour lesquels se donner au diable ou se faire engloutir par les eaux profondes étaient deux sorts aussi peu enviables l’un que l’autre.
* Le film est sorti en 2011 pour coïncider avec le centenaire de la naissance de Terence Rattigan.
* Législation sur le suicide : En Grande-Bretagne, le suicide a été un crime puni par la Loi jusqu’en 1961 (jusqu’en 1993 en Irlande). En France, le suicide a été décriminalisé en 1810.

Précédente version :
The Deep Blue Sea d’Anatole Litvak (1955) avec Vivien Leigh et Kenneth More.

16 juillet 2013

La Rose du crime (1947) de Gregory Ratoff

Titre original : « Moss Rose »

La rose du crimeA Londres, à l’époque victorienne, Belle Adair est une jeune danseuse qui rêve de devenir « une dame ». Lorsque sa colocataire est retrouvée assassinée, elle recherche elle-même l’homme bien habillé qu’elle a vu sortir de la chambre mais ce n’est pas pour le livrer à la police… La Rose du crime est basé sur un roman de Joseph Shearing (1). L’adaptation est signée Niven Bush et le scénario montre une grande qualité dans la progression de l’intrigue. L’ensemble fonctionne donc parfaitement et l’atmosphère victorienne londonienne ajoute au mystère. Sur le plan de l’interprétation, on remarque surtout la belle prestation de Peggy Cummings, mélange de charme et fausse naïveté, un personnage finalement assez complexe. Face à elle, Victor Mature est certes un peu rigide comme souvent mais cela colle parfaitement à son personnage. On se laisse volontiers captiver par l’ensemble, tout au plus peut-on regretter que la mise en scène manque un peu de personnalité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Peggy Cummins, Victor Mature, Ethel Barrymore, Vincent Price, Patricia Medina
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Remarque :
D’origine russe, Gregory Ratoff est certainement plus connu comme acteur que comme réalisateur mais il a tout de même dirigé trente films entre 1936 et 1960.

(1) Joseph Shearing est l’un des pseudonymes utilisés par Gabrielle Margaret Vere Long qui a beaucoup écrit sous le nom de Marjorie Bowen. Ses romans sont souvent des histoires où intervient le surnaturel ou les fantômes ou alors des romans policiers.

25 septembre 2012

L’étrangleur de Rillington Place (1971) de Richard Fleischer

Titre original : « 10 Rillington Place »

L'étrangleur de Rillington PlaceA Londres, en 1949, John Christie habite avec sa femme au rez-de-chaussée du 10 Rillington Place. Un jeune couple, Beryl et Tim Evans, emménage au 2e étage… Une fois de plus, Richard Fleisher se livre à une reconstitution fidèle : c’est ici l’affaire Christie/Evans qui secoua l’Angleterre de l’après-guerre, une affaire qui  a contribué à l’abolition de la peine de mort dans ce pays(1). Fleisher est allé tourner sur place, peu avant la démolition du quartier, pour mieux nous faire cerner la personnalité des deux principaux personnages. Car c’est bien à la psychologie des personnages que s’intéresse Richard Fleisher. Le plus terrifiant dans cette affaire est que cet étrangleur n’agit pas de façon particulièrement intelligente, il dissimule bien mal ses crimes et pourtant il a réussi à tromper la justice, même s’il serait plus exact de dire qu’elle s’est bernée elle-même. Cette affaire soulève de nombreuses questions dont, bien entendu, celui de la peine capitale. Belles prestations d’acteurs, notamment de Richard Attenborough et de John Hurt.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood
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Remarques :
>> Un site pour en savoir plus sur l’affaire : www.10-rillington-place.co.uk (en anglais).
Ce site expose bien les différentes versions, ce qui est vérifié et ce qui ne l’est pas. Il est aussi riche en photographies d’époques. On remarquera d’ailleurs avec quel soin Richard Fleisher a reconstitué certains environnements.

>> L’étrangleur de Rillington Place est basé sur le livre de Ludovic Kennedy (paru en 1961)  dont certains points ne sont pas absolument certains. Par exemple, on ne sait toujours pas avec certitude absolue qui a tué la fillette même si la version développée ici semble la plus plausible.

(1) En Grande-Bretagne, la peine de mort a été suspendue en 1965 puis définitivement abolie. C’est en effet dans ces années-là que l’affaire fut re-éxaminée : Timothy Evans fut gracié à titre posthume en 1966 soit 16 ans après son exécution.

18 avril 2012

Hantise (1944) de George Cukor

Titre original : « Gaslight »

HantiseLondres à la fin du XIXe siècle. Après l’assassinat de sa tante, cantatrice célèbre qui l’a élevée, la jeune Paula part en Italie pour oublier cette tragédie. Elle y fait la rencontre de Gregory, pianiste chez son professeur de chant. Ils se marient et retournent vivre à Londres… Hantise est l’adaptation d’une pièce de l’anglais Patrick Hamilton qui avait déjà été adaptée brillamment à l’écran quatre ans plus tôt en Angleterre. La décennie des années quarante à Hollywood est marquée par la vogue des films psychologiques et ce film de Cukor en est l’un des plus beaux fleurons. Il bénéficie de décors soignés et d’une belle distribution. Charles Boyer et Ingrid Bergman livrent tous deux une performance brillante, Joseph Cotten jouant le troisième homme (avec un accent très américain qui détonne quelque peu dans cet environnement européen). La jeune Angela Lansbury fut aussi remarquée pour son rôle de femme de chambre puisqu’à 19 ans, pour son tout premier rôle, elle fut nominée aux Oscars. George Cukor crée habilement une atmosphère puissante qui devient graduellement de plus en plus angoissante et inquiétante. Hantise garde encore aujourd’hui toute sa force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles Boyer, Ingrid Bergman, Joseph Cotten, Angela Lansbury
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Remarques :
* Du fait de la pièce et de ce film, le terme Gaslighting est passé dans le langage courant (anglais bien entendu) pour désigner le processus qui consiste à donner de fausses informations à une personne pour faire croire qu’elle perd la mémoire ou la raison.
* Les écrits de Patrick Hamilton ont également inspiré Hangover Square de John Brahm et La Corde de Hitchcock.

Précédente version :
Gaslight (1940) film anglais de Thorold Dickinson (1940) avec Anton Walbrook et Diana Wynyard.
Quand il fut décidé d’adapter la pièce de Patrick Hamilton, la M.G.M. a acquis les négatifs du film de Thorold Dickinson dans le but de le retirer totalement de la circulation. Les négatifs furent détruits. Le film de Dickinson gagna, au cours des ans, une aura de chef d’œuvre disparu (que l’on disait, sans l’avoir vu le plus souvent, supérieur au remake de Cukor). Le film n’a refait surface que bien plus tard grâce à une copie que Thorold Dickinson avait préservée de la destruction.

A noter, qu’il existe aussi une version TV de Gas Light (BBC) qui est en réalité la pièce filmée à l’Apollo Theatre à Londres, le 19 mars 1939.

Homonyme (mais sans autre point commun) :
La Hantise de Louis Feuillade (1912)
Hantise (The Haunting) de Jan de Bont (1999)

 

14 février 2012

Une éducation (2009) de Lone Scherfig

Titre original : « An Education »

Une éducationA Londres, dans les années soixante, une jeune fille de 16 ans rencontre un homme bien plus âgé qu’elle. Il lui fait découvrir beaucoup de choses. Avec lui, elle a l’impression de commencer à vivre… Une éducation est l’adaptation d’un essai autobiographique de Lynn Barber, journaliste au Sunday Times. L’histoire n’est guère originale en elle-même mais le traitement qu’en fait Lone Scherfig sauve totalement le film de la banalité : la réalisatrice danoise fait preuve de beaucoup de délicatesse et recrée l’atmosphère de ces années-là avec une justesse dénuée d’ostentation. L’autre atout du film est l’actrice Carey Mulligan qui apporte beaucoup de sensibilité avec un subtil mélange de fragilité et de diffuses aspirations. Elle fait montre également de beaucoup de charme, un charme discret et sa transformation en clone d’Audrey Hepburn en milieu de film est absolument stupéfiante. Il faut aussi mentionner la belle prestation de Peter Sarsgaard. Une éducation est un film délicat, juste et subtil.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Carey Mulligan, Peter Sarsgaard, Alfred Molina, Dominic Cooper, Emma Thompson, Olivia Williams, Rosamund Pike
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Remarques :
C’est le premier grand rôle au cinéma de Carey Mulligan mais elle avait précédemment tenu un rôle de jeune fille dans Orgueil et préjugés de Joe Wright (2005).