25 juillet 2017

Achtung! Banditi! (1951) de Carlo Lizzani

Achtung! Banditi!En Ligurie (nord de l’Italie), vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, un groupe de partisans doit rejoindre Gênes pour s’emparer d’un stock d’armes destinées aux allemands… Inspiré de faits réels, Achtung! Banditi! est le premier long métrage de Carlo Lizzani, alors âgé de 29 ans. Il y montre déjà l’engagement qui le caractérisera, à la fois en tant qu’intellectuel de gauche et défenseur du néoréalisme. Le financement du film ayant été refusé par le gouvernement de l’époque, l’ex-résistant Giuliani G. De Negri en deviendra le producteur en ayant l’idée de lancer une souscription populaire. Ce système permet à Carlo Lizzani d’avoir une très grande liberté de tournage. Plus que des faits de bravoure, le film décrit l’état d’esprit des partisans, leurs difficultés, leurs questionnements et le déroulé du scénario met l’accent sur la fraternisation avec les ouvriers et une bonne partie des chasseurs alpins. L’interprétation est assez passionnée, avec parfois une maladresse qui renforce le sentiment d’authenticité. Gina Lollobrigida, dont la popularité allait exploser quelques mois plus tard, se retrouve en tête d’affiche bien qu’elle ne tienne qu’un rôle plutôt secondaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, Andrea Checchi, Vittorio Duse, Lamberto Maggiorani
Voir la fiche du film et la filmographie de Carlo Lizzani sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre Attention! Bandits! a été utilisé comme titre international de la version anglaise (mais pas en France).
* Le film de Carlo Lizzani n’a absolument aucun lien avec le film Attention bandits! de Claude Lelouch (1986).

Achtung Banditi
Giuliano Montaldo, Gina Lollobrigida et Bruno Berellini dans Achtung! Banditi! de Carlo Lizzani.

Achtung Banditi!
Gina Lollobrigida et Lamberto Maggiorani dans Achtung! Banditi! de Carlo Lizzani.

11 mai 2017

Lucrezia Borgia (1940) de Hans Hinrich

Lucrezia Borgia1508. Lucrèce Borgia est l’épouse du Duc de Ferrare qui est en permanence suspicieux. Elle ignore pourtant les nombreux prétendants qui l’entourent… Acteur puis metteur en scène de théâtre avant de passer au cinéma, l’allemand Hans Hinrich s’est réfugié en Italie pour fuir le nazisme. Son Lucrezia Borgia se concentre sur la dernière partie de la vie de la fille du pape Alexandre VI, après la mort de son frère César, alors qu’elle devient une protectrice des arts à Ferrare. Le film semble ainsi prendre la suite du film qu’Abel Gance a tourné cinq ans plus tôt et, tout comme ce dernier, la présente plutôt comme une victime qu’une intrigante, victime des passions qu’elle suscite par sa beauté. L’ensemble manque un peu d’intensité, mais la réalisation demeure plus qu’honorable et cette version très peu connue est loin d’être la moins intéressante. Isa Pola est très convaincante dans son rôle. A noter une séquence qui montre en détail la fabrication d’un canon.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isa Pola, Friedrich Benfer, Carlo Ninchi, Nerio Bernardi
Voir la fiche du film et la filmographie de Hans Hinrich sur le site IMDB.

Lucrezia Borgia
Nerio Bernardi, Guido Lazzarini, Isa Pola et Carlo Ninchi dans Lucrezia Borgia de Hans Hinrich.

Lucrezia Borgia
Friedrich Benfer et Isa Pola dans Lucrezia Borgia de Hans Hinrich.

10 mai 2017

Lucrèce Borgia (1935) d’Abel Gance

Lucrèce BorgiaFin du XVe siècle à Rome. Fils du pape Alexandre VI, César Borgia, conseillé par Machiavel, complote pour détruire ses ennemis politiques et mettre la main sur les duchés voisins. Il n’hésite pas à utiliser sa jeune sœur, d’une grande beauté, pour sceller des alliances opportunes… Le personnage historique de Lucrèce Borgia, et la légende qui l’entoure, a été porté à l’écran, petit et grand, à de nombreuses reprises. Cette version d’Abel Gance reste l’une des plus remarquée, pas toujours pour ses qualités cinématographiques mais en tous cas pour le scandale qu’elle suscita : on y voit Edwige Feuillère batifoler nue dans un bassin dont, opportunément, la profondeur ne dépasse guère 1 mètre. A l’époque, cette scène de nudité était d’une grande audace. Ceci mis à part, le scénario présente Lucrèce Borgia comme une victime des manigances criminelles de son frère (thèse la plus souvent partagée aujourd’hui) mais épargne le pape Alexandre VI. L’interprétation est très inégale, assez outrée en ce qui concerne Gabriel Gabrio en César ou Antonin Artaud en Savonarola, plus subtile pour Aimé Clariond en Machiavel. La prestation d’Edwige Feuillère (qui ressemble ici étrangement à Claudette Colbert) est la plus convaincante, le film sera un tremplin pour l’actrice. Tourné sans grande conviction apparente, Lucrèce Borgia est loin d’être le film le plus remarquable dans la filmographie d’Abel Gance.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edwige Feuillère, Gabriel Gabrio, Aimé Clariond, Jacques Dumesnil, Antonin Artaud
Voir la fiche du film et la filmographie de Abel Gance sur le site IMDB.

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Lucrèce Borgia
Edwige Feuillère (au centre) dans Lucrèce Borgia d’Abel Gance.

24 décembre 2016

Le Guépard (1963) de Luchino Visconti

Titre original : « Il gattopardo »

Le GuépardSicile, 1860. Garibaldi et ses Chemises rouges débarquent sur l’île pour aider les siciliens à se soulever contre François II, roi des Deux-Siciles. Le Prince Salina observe les évènements avec résignation. Il voit son neveu, le jeune et bouillant Trancrède, rejoindre les insurgés sans toutefois partager leur aspirations… Le Guépard de Luchino Visconti est adapté du seul roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (paru en 1958). Il traite d’une période que Visconti avait déjà abordée dans Senso (1954), celle de la naissance de l’état italien. Lampedusa et Visconti partagent la même nostalgie : Lampedusa s’est inspiré d’un des ses aïeuls pour créer le personnage du Prince et il est indéniable que Visconti s’est en partie identifié à ce personnage d’aristocrate très lucide qui assiste à la fin d’un monde. Le cinéaste prend donc un soin extrême dans la reconstitution et nous offre une fresque impressionnante par sa beauté et son ampleur. L’interprétation magistrale de Burt Lancaster éclipse toutes les autres. Claudia Cardinale a un très beau sourire (mais un jeu moins convaincant). Bien que le film soit d’une durée excessive (la fameuse scène finale du bal en est le plus bel exemple), l’ennui ne nous gagne à aucun moment. Palme d’Or à Cannes en 1963, Le Guépard est l’œuvre la plus célèbre de Visconti.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon, Romolo Valli, Terence Hill, Pierre Clémenti
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Le Guépard
Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale dans Le Guépard de Luchino Visconti.

Remarque :
Précédente vision

16 septembre 2016

Chambre avec vue (1985) de James Ivory

Titre original : « A Room with a View »

Chambre avec vueFlorence, 1907. Une jeune anglaise Lucy est en vacances accompagnée de sa tante Lucie. Elles logent dans une pension de famille. Elles y rencontrent les Emerson, un père et son fils, tous deux libres-penseurs, qui leur proposent gentiment d’échanger leurs chambres afin qu’elles profitent de la vue. Un baiser furtif va provoquer le retour prématuré de la très prude Lucy en Angleterre… Cette adaptation d’un roman d’E.M. Forster met en scène ce tournant de civilisation où la rigidité des codes de la société victorienne dut commencer à plier face à l’expression des sentiments. Certes, il y a un peu condescendance facile vis-à-vis de l’ancienne société, on frôle même la caricature avec le personnage de l’intellectuel corseté interprété par Daniel Day-Lewis, mais James Ivory a su montrer avec beaucoup de finesse cette belle ardeur qui point sous les convenances figées. Il le fait avec une indéniable délicatesse et d’esthétisme : certaines scènes sont picturalement très belles (la ville de Florence, le baiser dans le champ, les corps nus du lac qui évoquent les statues de Florence, etc.) L’interprétation est parfaite. Tous ces éléments contribuent au charme de ce Chambre avec vue.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maggie Smith, Helena Bonham Carter, Julian Sands, Simon Callow, Judi Dench, Daniel Day-Lewis, Rupert Graves, Denholm Elliott
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Voir un livre sur James Ivory et E.M.Forster

Remarques :
* La musique sur le générique de début est O moi babbino caro de Puccini. Tout en délicatesse, il donne le ton.
* James Ivory adaptera deux autres romans d’E.M. Forster avec Maurice (1987) et Retour à Howards End (1992).

Room with a view
Julian Sands et Helena Bonham Carter dans Chambre avec vue de James Ivory.

Room with a view
Daniel Day-Lewis dans Chambre avec vue de James Ivory.

Room with a view
Julian Sands et Helena Bonham Carter dans Chambre avec vue de James Ivory.

28 juin 2016

Le Conformiste (1970) de Bernardo Bertolucci

Titre original : « Il conformista »

Le ConformisteEn 1937, l’italien Marcello Clerici est envoyé en mission à Paris par les services secrets de Mussolini. Il doit obtenir des renseignements sur son ancien professeur de philosophie, devenu leader antifasciste et exilé en France, afin de préparer son assassinat… Le Conformiste est adapté du roman homonyme d’Alberto Moravia. Il nous retrace le parcours d’un homme devenu agent mussolinien, non par conviction mais par un mécanisme de défense psychologique : un épisode de son enfance lui a laissé un profond traumatisme qui le pousse à rechercher la normalité, à se fondre dans la masse. Or, dans l’Italie de l’avant-guerre, le conformisme, c’est d’être un fasciste. Toujours dans cette recherche de normalité, il s’est trouvé une fiancée jolie, bourgeoise et un peu idiote ; il va en revanche être désarçonné par une jeune femme très libérée, l’énigmatique compagne de son ancien professeur. Mais le refoulement sexuel et intellectuel laissé par son traumatisme le pousse à détruire tout ce qui l’attire. Dans sa forme, le film de Bertolucci est très beau. La construction est complexe tout en restant limpide, la photographie est superbe avec des rendus d’images différents selon les périodes du récit. L’image vient souvent renforcer ce sentiment de décadence, comme dans ces plans au grand angle d’intérieurs gigantesques. Production germano-italienne, le film a pourtant une distribution franco-italienne. Trintignant est superbe dans son personnage froid et antipathique auquel il donne une profondeur inouïe. Dominique Sanda est très belle, d’un grande présence à l’écran (on a presque l’impression que Bertolucci s’est laissé envoûter par son actrice tant certaines scènes la mettant en valeur paraissent appuyées). La musique de Georges Delerue apporte une dimension supplémentaire. Le Conformiste est un très beau film, d’une ambiance forte et au propos qui évite toute simplification ou manichéisme.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Gastone Moschin, Enzo Tarascio, Dominique Sanda, Pierre Clémenti
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Remarques :
* Le directeur de la photographie, Vittorio Storaro, est l’un des plus grands, trois fois oscarisé (pour Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur). Il faut citer également Le Dernier tango à Paris, La Stratégie de l’araignée, 1900, Tucker, Dick Tracy, … Le Conformiste est l’un de ses premiers films.

* Les néons du générique et la musique de Georges Delerue peuvent être vus comme un hommage à Jean-Luc Godard (Le Mépris), réalisateur que Bertolucci admire. Il y a un autre clin d’oeil, plus difficile à détecter : le numéro de téléphone que Trintignant demande à l’opératrice pour avoir son ancien professeur est celui de Jean-Luc Godard !

Le Conformiste
Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Enzo Tarascio et Dominique Sanda dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

le Conformiste
Dominique Sanda et Stefania Sandrelli dansent une variante sensuelle de tango dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

14 mars 2016

Femmes d’un été (1958) de Gianni Franciolini

Titre original : « Racconti d’estate »

Femmes d'un étéDans une station balnéaire huppée sur la côte italienne en plein été, nous suivons plusieurs personnages assez divers… Gianni Franciolini est un réalisateur italien assez peu connu qui a réalisé une petite vingtaine de films entre 1939 et 1959, notamment des comédies de moeurs. Femmes d’un été est l’avant-dernier d’entre eux. L’histoire est écrite par Alberto Moravia et parmi les scénaristes on remarque quelques grands noms comme Sergio Amidei et Rodolfo Sonego, ou encore René Barjavel. Le titre laisse penser à une comédie mais, s’il y a bien des notes d’humour avec quelques personnages secondaires, il s’agit plutôt d’une étude de moeurs avec des portraits très variés de femmes mais aussi d’hommes. Ce n’est pas un film à sketches, c’est plutôt ce que l’on appelle aujourd’hui un film choral puisque l’on saute d’un personnage à l’autre pour y revenir ensuite. Moravia a écrit un texte assez riche sur le thème de la séduction : tous ses personnages séduisent, volontairement ou involontairement, ou cherchent à séduire. Il nous en offre ainsi de multiples variations, depuis la séduction tapageuse d’une bimbo en quête d’un riche mari jusqu’à la séduction qui survient sans que l’on s’y attende, en passant par la séduction forcée, la séduction intéressée, la séduction naïve, etc. Le film est ainsi plus profond qu’il ne paraît, cette intensité se manifestant de façon évidente lorsque que le couple Michèle Morgan / Marcello Mastroianni entre en scène à la moitié du film. Parfaitement écrit, Femmes d’un été mérite d’être découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Michèle Morgan, Marcello Mastroianni, Sylva Koscina, Gabriele Ferzetti, Dorian Gray, Franca Marzi
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Racconti d'estate
Dorian Gray dans Femmes d’un été de Gianni Franciolini.

Racconti d'estate
Dany Carrel et Alberto Sordi dans Femmes d’un été de Gianni Franciolini.

Femmes d'un été
Sylva Koscina et Gabriele Ferzetti dans Femmes d’un été de Gianni Franciolini.

Racconti d'estate
Michèle Morgan et Marcello Mastroianni dans Femmes d’un été de Gianni Franciolini.

12 mars 2016

La Couronne de fer (1941) de Alessandro Blasetti

Titre original : « La corona di ferro »

La Couronne de ferSedemondo n’hésite pas à tuer son propre frère à l’issue d’une bataille pour régner seul sur le Royaume de Kindaor. Survient alors un messager qui transporte une couronne pour aller l’offrir au Pape. Cette sainte relique a un pouvoir magique : elle ne peut quitter un endroit où prévaut l’injustice… Basé sur une histoire écrite par le futur réalisateur Renato Castellani, La Couronne de fer est réalisé par Alessandro Blasetti en 1941, soit en pleine période fasciste. Si cette légende fait une bonne place à une histoire d’amour, il est indéniable qu’elle met aussi en avant le besoin d’un leader charismatique fort pour obtenir paix et prospérité. Le film s’inscrit donc pleinement dans la propagande mussolinienne. La production bénéficia d’un budget très important et le tournage eut lieu entièrement dans les studios flambants neufs de Cinecittà avec un nombre impressionnant de figurants. Les décors sont souvent assez chargés et un peu grandiloquents. Située dans un Moyen-Âge de pacotille, l’histoire est particulièrement riche et pleine de rebondissements qui maintiennent l’intérêt constant. L’ensemble est de qualité. La Couronne de fer a indéniablement sa place dans la lignée des films mythologiques italiens qui, depuis le Cabiria de Pastrone (1914), préfigurent l’explosion du péplum des années cinquante.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Elisa Cegani, Luisa Ferida, Gino Cervi, Massimo Girotti, Rina Morelli
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Remarques :
* Lors du Festival de Venise 1941, La Couronne de fer a remporté la Coupe Mussolini (c’est le nom du grand prix entre 1934 et 1942, il ne prendre le nom de Lion d’Or qu’en 1949).

* Luisa Ferida (Tundra dans le film) et son compagnon Osvaldo Valenti (Eriberto, le prince compétiteur d’apparence mongole) ont été très liés au pouvoir fasciste pendant la guerre. Ils furent tous deux exécutés par des membres de la Résistance italienne en 1945, lors de la Libération de Milan. Leur histoire est le sujet du film Une histoire italienne de Marco Tullio Giordana avec Monica Bellucci (2008).

la Couronne de fer
Elisa Cegani et Gino Cervi dans La Couronne de fer de Alessandro Blasetti.

La Couronne de fer
Massimo Girotti et Luisa Ferida dans La Couronne de fer de Alessandro Blasetti.

8 mars 2016

La Grande Bellezza (2013) de Paolo Sorrentino

La Grande bellezzaA Rome, de nos jours, Jep Gambardella fête ses 65 ans et a invité toute la jet set de la ville. Il a écrit un roman à succès quand il était jeune et mène depuis une vie oisive et mondaine… Paolo Sorrentino a coécrit (avec Umberto Contarello) et réalisé La Grande Bellezza, un film qui veut visiblement renouer avec le faste et l’extravagance des films de Fellini. Le début est déconcertant et même plutôt pénible avec une utilisation immodérée des travelings à la grue et à la steadycam, le contenu n’étant guère plus avenant avec une bande de jetsetters grotesques et déchaînés. Heureusement, le personnage joué par Toni Servillo finit par paraître un peu sympathique malgré son cynisme et son égocentrisme. L’outrance fellinienne est recherchée, la filiation avec Roma paraît évidente (et dans une moindre mesure, La Dolce Vita), mais la différence majeure est dans le contenu dont la vacuité déconcerte : l’introspection de ce dandy mondain est alimentée par des truismes et la satire est souvent assez imprécise. De plus Sorrentino intercale des scènes oniriques, ou voulues plus féériques, dont la magie ne fonctionne pas très bien et où le calquage (on est presque dans la copie) sur Fellini  paraît encore plus criant. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de bons et beaux moments dans La Grande Bellezza mais le film pêche par son manque de finalité : nous sommes ici dans l’extravagance pour l’extravagance. Les nombreux supporters du film y voient un retour du grand cinéma.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toni Servillo, Carlo Verdone, Sabrina Ferilli, Carlo Buccirosso
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La Grande Bellezza
Toni Servillo dans La Grande bellezza de Paolo Sorrentino.

18 février 2016

La classe ouvrière va au paradis (1971) de Elio Petri

Titre original : « La classe operaia va in paradiso »

La Classe ouvrière va au paradisLudovico Massa, alias Lulù, est ouvrier dans une usine métallurgique : payé à la pièce, il a développé une telle rapidité que ses chefs le prennent comme exemple pour imposer ses cadences stakhanovistes aux autres ouvriers. Il se jette bestialement dans le travail et n’a plus de vie sociale. Un accident va profondément changer sa vision des choses… Film politique par excellence, Palme d’Or à Cannes en 1972 (1), La classe ouvrière va au paradis d’Elio Petri s’inscrit dans une période riche en remises en question sociales et politiques. Rares sont les films italiens qui mettent ainsi un simple ouvrier au premier plan, le néoréalisme ayant toujours privilégié les paysans, les pêcheurs ou les chômeurs. Elio Petri nous décrit la prise de conscience de cet « ouvrier modèle » qui en arrive à la grève. Politiquement, le propos est délicat à situer car Petri renvoie dos à dos les syndicats qui ne font que réclamer des améliorations de salaires mais enferment les ouvriers dans leur conditions (2) et les étudiants gauchistes qui beuglent des slogans au porte-voix chaque matin et chaque soir aux portes de l’usine mais qui restent sur une ligne théorique, incapables de se soucier du sort d’une personne en particulier. Le propos de Petri est assez noir puisqu’il semble vouloir nous dire (par le rêve final raconté par Lulù) qu’il ne croit pas à un paradis possible pour la classe ouvrière. L’ensemble est un peu confus. Gian Maria Volonte incarne cet ouvrier avec force et un jeu très appuyé, que l’on peut même trouver excessif. Le film est indéniablement marqué par son époque car notre société a évolué entre temps mais les questions les plus profondes, comme notre rapport au travail, restent bien évidemment très actuelles. La musique est signée Ennio Morricone.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volontè, Mariangela Melato, Salvo Randone
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(1) Il a partagé la Palme d’Or avec L’Affaire Mattei de Francesco Rosi avec également Gian Maria Volonte dans le rôle principal. Les deux films se complètent, offrant deux développements très différents d’une mise en relief des défauts de la société italienne.
(2) Rappelons que, si Elio Petri a bien été membre du Parti Communiste à une époque, il a rendu sa carte en 1956, à la suite de l’invasion de la Hongrie par l’URSS.

La classe ouvrière va au paradis
La classe ouvrière va au paradisGian Maria Volontè dans La classe ouvrière va au paradis de Elio Petri.