16 novembre 2023

Ce plaisir qu’on dit charnel (1971) de Mike Nichols

Titre original : « Carnal Knowledge »

Ce plaisir qu'on dit charnel (Carnal Knowledge)Dans les années 50, Sandy et Jonathan partagent une chambre d’étudiants et ont de longues discussions sur leur vision des femmes. Sandy est timide et tend à les idolâtrer tandis que Jonathan les voit comme des objectifs à conquérir. Leurs vies prennent des chemins différents : l’un se marie, l’autre reste un coureur invétéré. Dix et vingt ans plus tard, ils se retrouveront pour faire le point sur l’évolution de leur vie…
Ce plaisir qu’on dit charnel (Carnal Knowledge = « connaissance charnelle ») est un film américain écrit par Jules Feiffer et réalisé par Mike Nichols. Quatre ans après Le Lauréat (1967), le cinéaste sembler vouloir poursuivre son portrait d’une génération (d’hommes). Le résultat est moins convaincant sur ce point puisque ses deux personnages sont aux antipodes l’un de l’autre, et de façon un peu caricaturale. Malgré l’absence de scènes visuellement explicites, le film fit scandale à l’époque car il parlait sans détours de questions sexuelles, utilisant des mots rarement entendus dans le cinéma hollywoodien. La Cour suprême des Etats-Unis dut intervenir pour établir que le film n’était pas « obscène » et lever les interdictions régionales. Toute cette agitation parait bien désuète aujourd’hui. Représentatif du climat de libération sexuelle de cette époque, Carnal Knowledge se voit maintenant plutôt comme une comédie, avec une opposition somme toute assez classique de deux visions du sexe opposé (précisons que le film ne parle que de la vision des hommes sur les femmes, l’inverse est… hors-sujet). Côté interprétation, c’est Jack Nicholson qui crève l’écran, l’acteur semble à l’aise dans toutes les scènes, même les plus intenses dramatiquement. Pourtant, c’est Ann-Margret qui fut nominée pour les Oscars. Si Candice Bergen donne de la force à son personnage en montrant une belle présence, Art Garfunkel est bien plus fade. Le fond du propos peut certes paraître un peu simple mais le film est finalement intéressant et mérite d’être vu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Candice Bergen, Art Garfunkel, Ann-Margret, Rita Moreno, Cynthia O’Neal, Carol Kane
Voir la fiche du film et la filmographie de Mike Nichols sur le site IMDB.

Voir les autres films de Mike Nichols chroniqués sur ce blog…

Jack Nicholson et et Art Garfunkel dans Ce plaisir qu’on dit charnel (Carnal Knowledge) de Mike Nichols.
Jack Nicholson et Candice Bergen dans Ce plaisir qu’on dit charnel (Carnal Knowledge) de Mike Nichols.
Ann-Margret dans Ce plaisir qu’on dit charnel (Carnal Knowledge) de Mike Nichols.

27 mars 2021

Scandale (2019) de Jay Roach

Titre original : « Bombshell »

Scandale (Bombshell)Roger Ailes est l’un des créateurs de la chaîne de télévision d’information en continu américaine Fox News. Il use de méthodes peu scrupuleuses avec comme objectif l’audience à tout prix. Il veut des journalistes sexy et leur fait des propositions sexuelles. L’une d’elles, évincée, attaque son ancien patron en justice pour harcèlement sexuel…
Basés sur des faits réels, Scandale nous raconte le combat mené en 2016 par les journalistes vedettes de Fox News Gretchen Carlson et Megyn Kelly contre leur patron Roger Ailes. Le film a le mérite de nous montrer la difficulté pour les victimes de harcèlement de se dévoiler quand cette démarche risque de compromettre durablement leur carrière. Pour d’autres, c’est le sentiment de honte d’avoir cédé qui freine la libération de la parole. Le début du film nous montre également comment Gretchen Carlson s’était opposée au candidat Donald Trump sur ses propos sexistes et grossiers envers les femmes. Toute autre connotation politique a été évincée, fort heureusement car le fait que Megyn Kelly soit une journaliste passablement réactionnaire n’a pas vraiment à entrer en ligne de compte. A noter que le personnage de la troisième journaliste (interprétée par Margot Robbie) a été inventé par les scénaristes. Sur le fond, on peut trouver paradoxal que la communication autour du film ait beaucoup joué sur le côté bimbo des personnages, précisant avec insistance que les actrices ont dû porter de multiples prothèses (sans parler du titre original assez racoleur (1)). La forme joue sur un découpage rapide, le spectateur est submergé par un flot d’informations assénées à un rythme effréné, ce qui rend le film un peu pénible à regarder.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charlize Theron, Nicole Kidman, Margot Robbie, John Lithgow, Allison Janney, Malcolm McDowell
Voir la fiche du film et la filmographie de Jay Roach sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Jay Roach chroniqués sur ce blog…

Scandale (Bombshell)Charlize Theron et John Lithgow dans Scandale (Bombshell) de Jay Roach.

(1) En anglais, « bombshell » (littéralement « obus » ou « douille d’obus ») signifie certes « une énorme surprise », mais en langage courant il signifie aussi « bombe sexuelle ». En français, on retrouve la même double signification dans le mot « bombe ». Pour une fois, les distributeurs français n’ont pas opté pour ce côté racoleur.

16 avril 2020

Mektoub, My Love: Canto Uno (2017) de Abdellatif Kechiche

Mektoub, My Love: Canto UnoSète, 1994. Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale. Il retrouve sa famille et ses amis, comme son cousin Tony et son amie Ophélie. Il passe son temps dans les bars ou sur la plage fréquentée par les filles en vacances…
Mektoub My Love est une libre adaptation du roman La Blessure, la vraie de François Bégaudeau. Il faut un certain temps pour « entrer » dans ce film de 3 heures, déroutant de prime abord par la vacuité de ses dialogues et l’étirement de scènes qui paraissent aussi inutiles les unes que les autres. Une fois franchie cette étape, on peut se laisser happer par l’énergie vitale qui se dégage de l’ensemble. Le personnage principal est pris dans un tourbillon de vie, tout en sachant rester en retrait. Il est en effet le seul à avoir une autre motivation que de draguer les filles. Tous les autres hommes sont des caricatures vivantes du machisme et les femmes semblent issues d’un fantasme masculin : jolies, débridées sexuellement, peu exigeantes, ne refusant aucune avance, même les plus lourdes, n’existant que pour le regard des hommes. Comme toujours, la caméra de Kechiche est très mobile et placée très proche des personnages. La longue séquence de fin, dans une boîte de nuit, est interminable. La critique unanime a encensé le film, le public beaucoup moins.
Elle: 3 étoiles
Lui : 1 étoiles

Acteurs: Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Alexia Chardard, Hafsia Herzi
Voir la fiche du film et la filmographie de Abdel Kechiche sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Abdellatif Kechiche chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le sens du titre est donné par une phrase du synopsis officiel : « Quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider. » (Il est probable qu’il faille voir les suites pour comprendre en quoi cette phrase s’applique au film…)
* Mektoub My Love doit au final comporter trois volets. Le deuxième, Mektoub, My Love: Intermezzo, présenté à Cannes en 2019, a suscité une vive polémique et des commentaires de fort rejet. La majorité de ce film de 3h30 se déroule en effet dans une boite de nuit. [La date de sortie de ce film reste incertaine, la société de production ayant été placée en redressement judiciaire fin 2019.]

Mektoub, My Love: Canto UnoLou Luttiau et Ophélie Bau dans Mektoub, My Love: Canto Uno de Abdellatif Kechiche.

16 août 2019

Plaire, aimer et courir vite (2018) de Christophe Honoré

Plaire, aimer et courir vite1990. Jacques est un écrivain connu qui vit à Paris avec son jeune fils. Lors d’un déplacement à Rennes, il fait la rencontre d’Arthur, jeune étudiant, homosexuel comme lui et qui mord la vie à pleine dents…
Après deux adaptations littéraires, Christophe Honoré revient à un récit réaliste qu’il a écrit lui-même. Son récit met face à face deux êtres à des positions très différentes, presque opposées, de leur vie : l’un est à l’aube de ses vingt ans, avide de tout, prenant tous les plaisirs qui passent à sa portée, irréfléchi, repoussant à plus tard toute réflexion ; l’autre est bientôt quarantenaire, il a vécu beaucoup et tente d’être maintenant maitre de ses choix car il sait son temps limité. Cette opposition de caractères pourra paraître artificiellement poussée mais c’est, après tout, le propre de toute scénarisation, afin de mieux faire ressortir certains traits. Le plus remarquable dans le film de Christophe Honoré est sa façon de mettre en scène l’homosexualité, de montrer sans fard la naissance d’une histoire d’amour que l’on sait brève. La lourde présence du sida n’entraine aucun excès de pathos, l’humour est même plutôt dominant tout au long du film. Le flirt entre Jacques et Arthur prend la forme d’un amusant badinage et, si le sexe est souvent présenté de façon directe, c’est toujours sans vulgarité. Les interprétations de Vincent Lacoste et de Pierre Deladonchamps sont très fortes.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès
Voir la fiche du film et la filmographie de Christophe Honoré sur le site IMDB.

Voir les autres films de Christophe Honoré chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Christophe Honoré

Plaire, aimer et courir vitePierre Deladonchamps et Vincent Lacoste dans Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré.

26 juillet 2018

Notre-Dame de Paris (1956) de Jean Delannoy

Notre-Dame de ParisEn 1482, sous le règne de Louis XI, le poète sans le sou Pierre Gringoire a écrit une petite pièce qui doit être jouée le jour de la Fête des fous. Il se désole du manque d’attention du public mais remarque la danseuse bohémienne Esméralda qui captive l’attention de tous, y compris celle d’un homme en noir, l’alchimiste Claude Frollo…
Cette version du Notre-Dame de Paris de Victor Hugo est l’une des plus connues mais pas l’une des plus réussies. Pourtant l’adaptation a été écrite par Jean Aurenche et Jacques Prévert et la reconstitution est fastueuse, que ce soit dans les décors ou dans les costumes. L’interprétation d’Anthony Quinn en Quasimodo est assez remarquable et Gina Lollobrigida fait une Esméralda particulièrement sensuelle. Pourtant, le résultat paraît bien fade et d’une grande froideur : on reste à bonne distance et ce ne sont pas les gesticulations et vociférations du monde de la Cour des Miracles qui incitent au contraire. La volonté de créer un grand spectacle a emporté toute tension dramatique et le film apparaît bien bancal.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, Anthony Quinn, Alain Cuny, Robert Hirsch, Philippe Clay, Jean Danet, Jean Tissier
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Delannoy sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jean Delannoy chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Jean Delannoy

Remarque :
* Dans cette version, Frollo n’est pas l’Archidiacre de Notre-Dame de Paris mais un alchimiste qui habite dans les tours. Le transformer ainsi en laïque serait probablement dû à la volonté de distribuer le film aux Etats-Unis où le code de censure Hays interdisait de représenter un ecclésiastique ainsi soumis aux désirs de la chair.

Notre-Dame de Paris
Gina Lollobrigida dans Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy (à l’arrière-plan, avec le chapeau violet, Robert Hirsch).

Adaptations du roman de Victor Hugo :
1905 : La Esmeralda d’Alice Guy et Victorin Jasset (10 minutes)
1911 : Notre-Dame de Paris d’Albert Capellani (36 minutes)
1917 : The Darling of Paris de J. Gordon Edwards (60 min. env., film perdu)
1923 : Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame) de Wallace Worsley
1939 : Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame) de William Dieterle
1956 : Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy
1996 : Le Bossu de Notre-Dame (The Hunchback of Notre Dame) de Walt Disney Company
1999 : Quasimodo d’El Paris de Patrick Timsit (comédie)

6 juillet 2018

Fièvre sur Anatahan (1953) de Josef von Sternberg

Titre original : « Anatahan »
Titre international : « The Saga of Anatahan »

Fièvre sur AnatahanEn juin 1944, un groupe de soldats japonais se retrouvent sur une île isolée du Pacifique après la destruction de leur navire par un avion ennemi. L’île n’est habitée que par un japonais et une jeune femme qui, eux aussi, y ont trouvé refuge. Coupés du reste du monde, ils vont y rester sept ans, ignorant que la guerre est terminée…
Fièvre sur Anatahan est le dernier film (1) du grand réalisateur Josef von Sternberg basé sur un épisode authentique et resté célèbre de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il l’a réalisé au Japon avec une liberté totale dans un immense hangar où il a reconstitué la jungle de l’île. La forme qu’il a choisie est minimaliste, épurée de tous artifices : une voix off (Josef von Sternberg lui-même) qui raconte les évènements et explique le contenu des dialogues japonais qui restent non traduits. Les interprètes sont tous étrangers au cinéma, certains viennent du kabuki et ce jeu particulier contribue à donner un petit caractère d’étrangeté au film. Comme on peut s’y attendre avec Josef von Sternberg, les lumières sont assez belles mais, là aussi, sans esbroufe. Sur le fond, le réalisateur profite de cette situation si particulière pour sonder la nature profonde de l’homme et explore essentiellement la notion de pouvoir sous ses différentes formes. Le film n’eut hélas que peu de succès, au Japon comme dans le reste du monde.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Akemi Negishi, Tadashi Suganuma, Kisaburo Sawamura, Shôji Nakayama
Voir la fiche du film et la filmographie de Josef von Sternberg sur le site IMDB.

Voir les autres films de Josef von Sternberg chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Josef von Sternberg

Remarques :
* Une version avec une voix-off dite par un acteur japonais sans se superposer aux dialogues a été distribuée dans certains pays, notamment au Japon.
* Une version existe avec une fin alternative où Heiko est devenue cireuse de chaussures à l’aéroport où revient le groupe de soldats.

* L’île d’Anatahan est une île volcanique de 32 km2 qui fait partie de l’archipel des Îles Marianne du Nord, env. 1500 kms à l’ouest des Philippines. Elle a fait partie de l’Empire du Japon jusqu’en 1945 où elle devint américaine. L’île est inhabitée depuis 1990 du fait de risques élevés d’éruption qui survinrent effectivement en 2003 et 2007, cette dernière durant une année.

* Les polémiques autour de ces évènements ont été relancés en 1998 par l’écrivain et universitaire japonais Kaoru Ohno avec son roman Cage on the Sea, et en 2008 par Natsuo Kirino avec une nouvelle « Tôkyô-jima », qui est devenue un film du même nom réalisé par Makoto Shinozaki en 2010 (non distribué en dehors du Japon).

* Lire aussi une remarquable étude sur le film par Sachiko Mizuno et Emmanuel Burdeau :
https://cafedesimages.fr/auteur/sachiko-mizuno/ (il y a 4 volets, le troisième est particulièrement riche en informations sur la production et le tournage du film)

Anathan
Tadashi Suganuma (au centre) dans Fièvre sur Anatahan de Josef von Sternberg.

Anatahan
Akemi Negishi dans Fièvre sur Anatahan de Josef von Sternberg.

(1) A noter que le film Jet Pilot (Les espions s’amusent) avec John Wayne tourné en 1951 par Josef von Sternberg  sous la surveillance étroite d’Howard Hughes ne sortira qu’en 1957, film qui ne ressemble en rien au réalisateur qui a déclaré le détester.

19 janvier 2018

Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick

Eyes Wide ShutBill Hartford est un médecin aisé de la haute-société newyorkaise. Avec sa femme Alice, ils se rendent à la fastueuse réception d’un de ses clients. Il n’y connaît personne mais s’aperçoit que le pianiste est un ancien camarade de la faculté de médecine…
Basé sur une nouvelle du viennois Arthur Schnitzler, Traumnovelle (Rien qu’un rêve), datant de 1926 et qu’il suit très fidèlement, Eyes Wide Shut est l’ultime réalisation de Stanley Kubrick qui a hélas trouvé la mort peu après l’avoir achevé. C’est peut-être l’un des ses films les plus sous-estimés, le plus mal compris, assurément. Il a été boudé à sa sortie par les critiques qui attendaient « le film le plus sexy jamais réalisé » et qui furent déconcerté par ce film complexe sur le désir, l’attirance, la place de la sexualité mais aussi sur le couple, la fidélité, la tromperie et même la vérité. Kubrick a depuis longtemps admiré Schnitzler pour sa capacité à appréhender et à comprendre l’âme humaine et il parvient parfaitement à le mettre en images. Kubrick a pris son temps à la fois pour préparer le film et pour le tourner. Il prend aussi son temps pour dérouler cette histoire, une certaine placidité qui donne une grande profondeur à l’ensemble. Le film est aussi d’une grande beauté formelle, la perfection se nichant jusque dans les moindres détails. Eyes Wide Shut est certainement la plus belle interprétation de Tom Cruise et aussi de Nicole Kidman qui étaient alors mari et femme (Kubrick voulait absolument un couple d’acteurs). C’est un film dont on découvre la richesse à chaque nouvelle vision.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tom Cruise, Nicole Kidman, Sydney Pollack, Todd Field
Voir la fiche du film et la filmographie de Stanley Kubrick sur le site IMDB.

Voir les autres films de Stanley Kubrick chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Stanley Kubrick

Eyes Wide Shut
Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shut
Aucun projecteur classique n’a été utilisé dans la scène du bal de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Remarques :
* Eyes Wide Shut a été tourné par Kubrick en format 4:3.
* Une fois le film terminé, Kubrick a déclaré qu’il considérait Eyes Wide Shut comme sa plus belle réalisation.
* La nouvelle d’Arthur Schnitzler, Traumnovelle, avait déjà inspiré le film La Ronde de Max Ophüls en 1950.
* Michel Chion replace très justement Eyes Wide Shut dans la lignée des « comédies du remariage » (comédies screwballs) des années trente. On pourrait dire que c’en est une variante philosophique…
* Seulement quelques plans sans acteur ont été tournés à New York, les rues de la Big Apple ont été reconstitués en studio. Dans quelques plans, Tom Cruise marche sur un tapis roulant.
* Kubrick a utilisé un type très spécial de pellicule Kodak (qui n’était plus fabriqué) dont il fait prolonger les temps de développement : cela lui permet de tourner en basse lumière.
* Caméo : Kubrick apparaît dans la scène du cabaret où joue le pianiste : il est l’un des clients à l’arrière-plan (visible lorsque le serveur apporte la commande).
* Pour éviter d’être classé X, des caches ont été rajoutés aux Etats-Unis dans les scènes d’orgie sous la forme de quelques personnages vus de dos qui masquent « l’action ». Le contrat signé par Kubrick permettait à la Warner de faire cela : il portait sur un film classé R (restricted = interdit aux moins de 17 ans non accompagnés) mais pas X (interdiction totale aux mineurs).

Eyes Wide Shut

Eyes Wide Shut
Tom Cruise dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

A propos de l’adaptation :
Le scénario du film est très proche de la nouvelle d’Arthur Schnitzler. En fait, seul le personnage de Ziegler (Sydney Pollack) a été ajouté ainsi que la scène du bal au début du film (dans la nouvelle, le bal n’est qu’évoqué par la femme, plus tard). Même, les dialogues sont souvent ceux écrits par le viennois en 1925. La scène de l’orgie reprend le décorum et les habillements décrits dans la nouvelle, ce qui explique son décalage apparent avec notre monde actuel. Certaines scènes ont été tournées mais écartées au montage (notamment une scène heureuse du couple canotant sur un lac, certaines photos de tournage la montrent). L’empreinte de Freud était déjà très présente dans la nouvelle et Kubrick l’a encore renforcée.

Eyes Wide Shut
Tom Cruise dans un superbe plan de  Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shot
Sydney Pollack et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shut
Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

6 décembre 2017

Foxy Brown (1974) de Jack Hill

Foxy BrownLorsque son ami est tué par des truands, la belle Foxy Brown part en guerre contre une organisation de trafiquants de drogue…
Foxy Brown est l’un des films les plus emblématiques du genre blaxploitation (films commerciaux à petit budget destinés au public noir) des années soixante-dix. Il est aujourd’hui connu pour avoir inspiré Tarantino pour son Jackie Brown (1997). Foxy Brown était censé être une suite à Coffy sous le titre « Burn, Coffy, Burn! » mais American-International Pictures s’y opposa formellement. Jack Hill dut même insister fortement pour pouvoir reprendre Pam Grier ce qui montre à quel point le studio était mal à l’aise avec le succès de ce type de films. Le scénario n’est pas une merveille d’inventivité, copie presque conforme et plutôt simplifiée de Coffy, utilisant les mêmes ingrédients. Les préjugés racistes sont toujours très marqués (et inversés) : tous les hommes blancs sont soit gangsters soit corrompus et les femmes blanches ne sont en outre pas très gracieuses. Rien à voir avec la belle Pam Grier qui est particulièrement « foxy » (en argot américain, foxy = sexy) et qui doit faire le travail que ni la police ni la justice ne font : mettre les truands hors d’état de nuire. Mais le scénario paraît vraiment très simpliste et le tournage en 17 jours se ressent à l’image. La musique est de Willie Hutch. Ce fut une nouvelle fois un gros succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Pam Grier, Antonio Fargas, Peter Brown
Voir la fiche du film et la filmographie de Jack Hill sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jack Hill chroniqués sur ce blog…

Foxy Brown
Pam Grier dans Foxy Brown de Jack Hill.

Foxy Brown
Pam Grier et Terry Carter dans Foxy Brown de Jack Hill.

7 octobre 2017

Coffy, la panthère noire de Harlem (1973) de Jack Hill

Titre original : « Coffy »

Coffy, la panthère noire de HarlemL’infirmière Coffy use de ses charmes pour attirer un dealer d’héroïne et son pourvoyeur dans un guet-apens. Elle veut ainsi venger la vie brisée de sa jeune sœur. Amie avec un policier intègre tabassé sous ses yeux, elle part ensuite en guerre contre les patrons de la drogue… Avant de rebondir magistralement avec le rôle-titre du Jackie Brown de Tarantino, l’actrice Pam Grier a été l’une des icones du genre blaxploitation  (films commerciaux à petit budget destinés au public noir) dans les années soixante-dix. Coffy est le film qui l’a fait exploser dans un rôle de justicière aussi séduisante qu’impitoyable. Elle fait face à la corruption qui gangrène aussi bien la police que le monde politique. C’est une femme libre qui n’hésite pas à utiliser son corps pour parvenir à ses fins. Comme dans tous les films de blaxploitation, les préjugés raciaux sont inversés (à noter toutefois que Jack Hill qui a écrit et réalisé Coffy est blanc) et la musique est superbe : ici, c’est le vibraphoniste Roy Ayers qui l’a composée. Coffy connut un très grand succès et Pam Grier sera de nouveau à l’affiche quelques mois plus tard dans Foxy Brown du même Jack Hill.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pam Grier, Booker Bradshaw, Robert DoQui, William Elliott
Voir la fiche du film et la filmographie de Jack Hill sur le site IMDB.

Remarques :
* Le film a été tourné en seulement 18 jours.
* Le slogan sur l’affiche annonce : « Elle est leur marraine à tous » (le film de Coppola Le Parrain était sorti l’année précédente).
* Autre slogan avec un beau jeu de mots : « They call her Coffy and she’ll cream you! »   («cream» en argot signifie « mettre une raclée » ou même « descendre »).

Coffy
Pam Grier et Robert DoQui dans Coffy, la panthère noire de Harlem de Jack Hill.

Coffy
Pam Grier dans Coffy, la panthère noire de Harlem de Jack Hill.

13 juillet 2017

La Fiancée du pirate (1969) de Nelly Kaplan

Titre original : « La fiancée du pirate »

La Fiancée du pirateEmployée de ferme, la jeune Marie vit misérablement dans une cabane à l’écart du village avec sa mère. Lorsque celle-ci meurt renversée par un chauffard, les notables du village préfèrent enterrer l’affaire pour éviter toute intrusion extérieure. Face aux harcèlements des hommes, Marie décide se venger… Le scénario de La fiancée du pirate a été écrit par Nelly Kaplan et Claude Makovski (qui est également producteur du film et interprète du représentant de commerce à la R16). Le film semble débuter comme un drame social et naturaliste mais tourne rapidement à la farce. Bien entendu, on peut le replacer dans l’esprit Mai 68 et le désir de bousculer l’ordre social, mais il ne développe aucune grande théorie. Il fustige surtout la bêtise, l’hypocrisie et la sexualité primitive de l’hominidé mâle… Marie retourne à son avantage le « droit de cuissage collectif » dont elle est la victime et, malgré l’arme qu’elle emploie dans ce but, le film a indéniablement une portée féministe. L’art de Nelly Kaplan est d’avoir fait de cette régénération une fable surréaliste à la Buñuel où l’humour est omniprésent ; le récit en devient jubilatoire. Et tout cela sur l’air de Barbara qui chante « Moi, je me balance… »
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Georges Géret, Claire Maurier, Jacques Marin, Michel Constantin
Voir la fiche du film et la filmographie de Nelly Kaplan sur le site IMDB.

Voir les livres sur Nelly Kaplan

Remarques :
* L’ouvrier agricole étranger est interprété par Louis Malle.
* Nelly Kaplan n’a pas réussi à vraiment trouver de financement autre que l’avance sur recettes pour tourner son film (budget total de 450 000 francs, soit l’équivalent de 400 000 euros d’aujourd’hui). Refusé par les distributeurs, il n’est sorti que dans deux salles. Il a été heureusement très bien reçu par la critique.
* La fiancée du pirate a échappé de peu à l’interdiction totale pour « apologie du vice » et est finalement sorti avec l’interdiction au moins de 18 ans. Cette restriction est restée jusqu’en 1989 où le film a été classé « tous publics ».
* Quand elle a écrit sa (première) autobiographie, Bernadette Lafont l’a titrée La Fiancée du Cinéma.

La fiancée du pirate
Georges Géret, Michel Constantin et Bernadette Lafont dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan.