17 novembre 2022

Les Valseuses (1974) de Bertrand Blier

Les valseusesDeux jeunes voyous commettent de petits larcins et s’amusent à terroriser les habitants de leur quartier. A la suite d’un vol de voiture, ils doivent fuir et entraînent avec eux une fille gentille et maussade…
Les Valseuses est le deuxième long-métrage de fiction réalisé par Bertrand Blier. Il s’agit d’une adaptation de son roman homonyme qui connut un certain succès éditorial en 1972. C’est un film assez provocateur qui fit scandale du fait d’une certaine vulgarité et parce qu’il rendait sympathiques ces deux loubards. On l’a aussi accusé d’être misogyne. Le film est indéniablement tout cela mais Les Valseuses fut surtout un pavé dans la mare du cinéma français qui était un peu trop sage aux yeux de Bertrand Blier. Son récit n’est pas dénué de profondeur car il ne se contente pas de nous bousculer avec son humour irrévérencieux : il parvient à faire ressentir chez ses personnages un fort appétit de vivre mêlé à certain désespoir. Malgré les situations parfois très choquantes (viols) et le malaise que l’on peut ressentir, l’humour est omniprésent, un humour noir, alimenté par des dialogues très crus. On ressent un plaisir un peu coupable. Banni par la critique, Les Valseuses connut un énorme succès en salles. Le film révéla Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Miou-Miou, Patrick Dewaere, Brigitte Fossey, Jeanne Moreau, Jacques Chailleux, Isabelle Huppert
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Remarque :
* Dans les petits rôles, on remarque les débutants Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot et Isabelle Huppert.


Les valseusesGérard Depardieu, Miou-Miou et Patrick Dewaere dans Les valseuses de Bertrand Blier.

24 mai 2022

Portier de nuit (1974) de Liliana Cavani

Titre original : « Il portiere di notte »

Portier de nuit (Il portiere di notte)Vienne, 1957. Max (Dick Bogarde), un ancien officier SS, est portier de nuit dans un palace hébergeant d’anciens nazis. Lorsque Lucia Atherton (Charlotte Rampling) vient loger avec son mari chef d’orchestre dans cet hôtel, Max reconnaît immédiatement en elle une ancienne déportée avec qui il eut une ardente passion sadomasochiste…
Portier de nuit est un film italien coécrit et réalisé par Liliana Cavani. A sa sortie, le film suscita de nombreuses polémiques tant dans le milieu du cinéma que chez les intellectuels. Il fut critiqué pour son « esthétique nazie » et la mise en scène malsaine et théâtrale à caractère sexuel d’une victime et de son bourreau (1). Aujourd’hui, l’argument reste recevable mais l’attrait de la nudité est bien moindre que dans les années soixante-dix. Le film a donc perdu tout (éventuel) pouvoir attractif sur ce plan (« attractif » dans le sens « capable d’attirer l’attention et de frapper les esprits »). En revanche, il reste très perturbant. Le sujet n’est pas en soi le nazisme mais plutôt une passion sadomasochiste extrême placée dans un environnement monstrueux, le nazisme. Les flashbacks sont assez glaçants, peu démonstratifs ; Liliana Cavani suggère plus qu’elle ne montre et il paraît difficile de l’accuser d’une fascination envers ces SS statufiés, dénués d’humanité. Elle n’a aucune indulgence non plus pour son personnage principal, Max, qui est clairement défini comme un monstre. Si l’ensemble est dérangeant, il est aussi doté d’une grande force. La comparaison a été souvent faite avec Les Damnés de Visconti (1969) mais il n’atteint pas son équilibre et il n’a pas son style remarquable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Giuseppe Addobbati, Isa Miranda
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(1) En particulier, Michel Foucault critiqua sévèrement cette vision sexualisée du nazisme : si pour lui, « le pouvoir a une charge érotique », il s’étonne que tout un « imaginaire érotique de pacotille [soit] placé maintenant sous le signe du nazisme ».

Portier de nuit (Il portiere di notte)Dirk Bogarde et Charlotte Rampling dans Portier de nuit (Il portiere di notte) de Liliana Cavani.

16 août 2021

Hôtel Singapura (2015) de Eric Khoo

Titre original : « In the Room »

Hôtel Singapura (In the Room)L’hôtel Singapura est en pleine décrépitude mais il a connu des jours plus prestigieux. Depuis la seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, des couples s’y sont retrouvés pour parler d’amour et le faire…
Hôtel Singapura (In the Room) est un film singapourien réalisé par Eric Khoo. L’idée de départ est séduisante : placer six histoires (et même un peu plus) étalées à dix ans d’intervalle sur soixante ans (et même un peu plus) dans une unique chambre d’hôtel. L’intention était de traduire l’évolution des mœurs et de la société à travers de scènes intimes où il est question d’amour (un peu) et de sexe (beaucoup). Le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur des espérances mais le film d’Eric Khoo ne manque pas de qualités. La principale est certainement d’avoir six histoires très différentes, ce qui, toutefois, n’empêche pas de ressentir une petite sensation de longueurs. Hormis la séquence hilarante des professionnelles des années cinquante, le fond du propos est d’une grande tristesse, l’amour restant inaccessible et laissant la place à des étreintes sexuelles mécanistes. Hôtel Singapura ne manque pas de style et se montre d’une indéniable originalité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Josie Ho, Ian Tan, Nadia Ar, Shô Nishino, Lawrence Wong, Choi Woo-sik
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Remarques :
* La distribution réunit plusieurs actrices et acteurs des pays d’extrême-orient : Josie Ho vient de Hong-kong, Shou Nishino est japonaise, Lawrence Wong vient de Malaisie, Netnaphad Pulsavad est thaïlandaise, George Young, Daniel Jenkins et Koh Boon sont basés à Singapour.
* Le tournage a été bouclé en dix jours.

Hôtel Singapura (In the Room)Ian Tan et Nadia Ar dans Hôtel Singapura (In the Room) de Eric Khoo.

12 août 2020

Quand Harry rencontre Sally… (1989) de Rob Reiner

Titre original : « When Harry Met Sally… »

Quand Harry rencontre Sally... (When Harry Met Sally...)Alors qu’ils viennent de terminer leurs études, Harry Burns et Sally Albright font voiture commune pour aller de Chicago à New York. La conversation est animée car Harry est persuadé qu’entre hommes et femmes, il ne peut pas y avoir d’amitié parce que le sexe est toujours présent ce que Sally refuse d’admettre. Ils se revoient cinq années plus tard…
A sa sortie, Quand Harry rencontre Sally… a fait l’effet d’une petite bombe dans le monde de la comédie car il parlait de façon directe et très naturelle de sujets ayant trait à la sexualité, principal ressort de l’humour. Il a surtout fait cet effet auprès des trentenaires qui se sont facilement reconnus en Harry ou en Sally. Le ton est très léger, l’humour reposant sur le fait qu’Harry a de grandes théories sur les rapports hommes/femmes. Le scénario de Nora Ephron est assez subtil car il évite toute vulgarité. Billy Cristal a participé aux dialogues pour rendre son personnage encore plus drôle. La scène de l’orgasme simulé par Meg Ryan en plein restaurant est devenue l’une des plus célèbres du cinéma. Bien entendu, on peut reprocher le manque de profondeur, mais ce n’est pas le but. Dire que Quand Harry rencontre Sally… a renouvelé le genre de la comédie romantique n’est pas exagéré : cette façon d’aborder sans gêne des sujets un peu tabous a été maintes fois reprise par la suite.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Billy Crystal, Meg Ryan, Carrie Fisher, Bruno Kirby
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Quand Harry rencontre Sally... (When Harry Met Sally...)Meg Ryan et Billy Crystal dans Quand Harry rencontre Sally… (When Harry Met Sally…) de Rob Reiner.

Quand Harry rencontre Sally... (When Harry Met Sally...)Meg Ryan et Billy Crystal dans Quand Harry rencontre Sally… (When Harry Met Sally…) de Rob Reiner.

3 janvier 2020

Shampoo (1975) de Hal Ashby

ShampooLos Angeles, 1969. Coiffeur en vogue de Beverly Hills, George a de multiples aventures avec ses clientes. Il ambitionne de monter son propre salon de coiffure mais peine à convaincre les banquiers de lui prêter la somme nécessaire. L’une de ses amantes lui propose d’en parler à son mari, un homme d’affaires fortuné…
Shampoo est un film joué, coécrit et produit par Warren Beatty. Tourné alors que Richard Nixon est menacé de destitution (il démissionnera en août 1974), son action se situe cinq ans en arrière, la veille du jour de son élection en 1969. Mais le propos du film n’est pas politique. Il porte un regard acerbe sur les mœurs sociales et sexuelles de la fin des années 1960 au sein d’un milieu aisé. En filigrane, on peut aussi y trouver une vision sur la difficulté des rapports hommes / femmes qu’une plus grande liberté ne simplifie pas. Même s’il est très marqué par son époque, le propos ne manque pas d’intérêt encore aujourd’hui. Le scénario, signé par Robert Towne (qui s’était déjà illustré avec le scénario de Chinatown) et Warren Beatty, est riche ; les éléments s’imbriquent admirablement les uns dans les autres. La fin accuse toutefois une baisse de rythme. Sous la direction de Paul Simon, la bande sonore laisse une bonne place à la musique de la seconde moitié des années soixante.  Le film connut un très gros succès aux Etats-Unis. En France, il fut boudé par la critique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Julie Christie, Goldie Hawn, Lee Grant, Jack Warden, Carrie Fisher
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ShampooGoldie Hawn, Julie Christie, Tony Bill et Warren Beatty dans Shampoo de Hal Ashby.

Remarque :
* C’est le premier long métrage de l’actrice Carrie Fisher (elle joue la fille de Lester Karpf). Son deuxième sera Star Wars

21 juillet 2019

Mes meilleurs copains (1989) de Jean-Marie Poiré

Mes meilleurs copainsCinq très bons amis, qui avaient formé un groupe de rock dans les années soixante dix, retrouvent leur chanteuse qui est devenue entre temps une rock-star québécoise. C’est l’occasion de se remémorer cette période de leurs vies et de faire le point, d’autant plus que l’un deux est en train d’écrire un roman fortement inspiré leurs parcours…
Coécrit par Christian Clavier et Jean-Marie Poiré, Mes meilleurs copains est une comédie douce amère sur les rêves de jeunesse. Malgré certains inévitables clichés, le climat et l’idéalisme des années soixante dix est restitué de façon amusante. Parler de « portrait d’une génération » est certainement excessif mais il y a un début de réflexion. Le manque de profondeur n’est qu’apparent. Les dialogues sont bien écrits ; l’humour n’est jamais trop appuyé et ne se forme jamais au détriment des personnages. Les acteurs se complètent bien, chacun a un jeu différent des autres. Jean-Pierre Darroussin se fit particulièrement remarquer dans son personnage d’adolescent attardé hyper-cool (« Y’a pas mort d’homme tout de même… ») Mes meilleurs copains est vraiment divertissant.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gérard Lanvin, Christian Clavier, Jean-Pierre Bacri, Philippe Khorsand, Louise Portal, Jean-Pierre Darroussin
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Mes meilleurs copains(de g. à d.) Jean-Pierre Darroussin, Christian Clavier, Philippe Khorsand, Jean-Pierre Bacri, Gérard Lanvin et Louise Portal dans Mes meilleurs copains de Jean-Marie Poiré (photo publicitaire).

5 décembre 2018

The Ice Storm (1997) de Ang Lee

Ice StormEn 1973, à New Canaan dans le Connecticut, les habitants se préparent à fêter Thanksgiving. C’est le cas chez les Hood et les Carver même si les différents membres de ces deux familles traversent une passe personnelle difficile…
Deuxième film occidental d’Ang Lee, The Ice Storm est l’adaptation d’un roman de Rick Moody. Sur un fond politique fort (le Watergate), c’est une introspection de la famille américaine avec tous ses petits dérèglements qui finissent ici par former une tempête. Les difficultés de communication en sont une cause majeure, que ce soit entre adultes dont les aspirations divergent et surtout entre adultes et adolescents, deux mondes qui cohabitent mais ne semblent pas pouvoir s’entrecroiser. Ang Lee a une approche subtile et délicate de cet ensemble et sait donner une belle profondeur à ses personnages. La qualité de l’interprétation finit de donner à The Ice Storm une certaine perfection. A noter également, une excellente musique, bien évidemment très marquée années soixante-dix. Le film n’eut que peu de succès à sa sortie ; il est redécouvert aujourd’hui.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kevin Kline, Joan Allen, Sigourney Weaver, Tobey Maguire, Christina Ricci, Elijah Wood
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The ice storm
Kevin Kline, Joan Allen et Christina Ricci dans Ice Storm de Ang Lee.

14 novembre 2018

Calmos (1976) de Bertrand Blier

CalmosDeux hommes quittent tout pour aller s’installer dans un village perdu où ils s’adonnent aux plaisirs de la bonne chère et de la paresse…
Bertrand Blier nous propose sa propre version de l’an 01… C’est une vision bien différente où le réalisateur chamboule tout, pratique les retournements et pousse l’humour jusqu’aux limites du bon goût. Sa liberté de ton a profondément choqué à sa sortie et, encore aujourd’hui, beaucoup se cantonnent à n’y voir qu’une fable antiféministe. En réalité, plus que les femmes, ce que les deux compères veulent fuir, c’est surtout la dictature du sexe qui est réduit ici à un simple acte technique sans attrait ou à un puits de vulgarité. Ils fuient également la dictature hygiéniste, toutes les règles pour rester « en bonne santé », et toute forme de règle sociale voire toute forme de règle tout court. Mais Calmos est avant tout une belle et grosse farce, incongrue, surréaliste, où l’humour n’a pas de limites. Tout n’est pas réussi (le final n’est pas du meilleur goût…) mais le film regorge de scènes savoureuses et de dialogues truculents.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Bernard Blier, Brigitte Fossey, Claude Piéplu
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Calmos
Pierre Bertin, Bernard Blier, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle dans Calmos de Bertrand Blier.

27 octobre 2018

Téhéran tabou (2017) de Ali Soozandeh

Titre original : « Tehran Taboo »

Téhéran tabouTéhéran, de nos jours. Dans une société dominée par l’homme, des jeunes iraniens et iraniennes vivent leur vie sexuelle en contournant constamment les interdits religieux…
Téhéran tabou est le premier long métrage de l’iranien (allemand d’adoption) Ali Soozandeh. Il ne l’a bien évidemment pas tourné en Iran et a utilisé le subterfuge de la rotoscopie : les acteurs sont filmés sur fond vert, puis redessinés et intégrés dans des décors réels ou dessinés. Le résultat visuel est assez beau, jouant beaucoup sur les couleurs pastel, ce qui permet de mieux mettre en valeur la candeur des personnages principaux. Le propos est assez cru, l’omniprésence des interdits engendrant une vie cachée, parfois très débridée. Mais, le fond est assez noir, dressant un portrait de la société iranienne dominée par les archaïsmes dont les femmes sont les premières victimes. Vu sous ce jour, le film prend presque des allures de documentaire.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Elmira Rafizadeh, Zahra Amir Ebrahimi, Alireza Bayram
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Téhéran Tabou
Hasan Ali Mete et Elmira Rafizadeh dans Téhéran tabou de Ali Soozandeh.

Téhéran Tabou
Zahra Amir Ebrahimi dans Téhéran tabou de Ali Soozandeh.

19 janvier 2018

Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick

Eyes Wide ShutBill Hartford est un médecin aisé de la haute-société newyorkaise. Avec sa femme Alice, ils se rendent à la fastueuse réception d’un de ses clients. Il n’y connaît personne mais s’aperçoit que le pianiste est un ancien camarade de la faculté de médecine…
Basé sur une nouvelle du viennois Arthur Schnitzler, Traumnovelle (Rien qu’un rêve), datant de 1926 et qu’il suit très fidèlement, Eyes Wide Shut est l’ultime réalisation de Stanley Kubrick qui a hélas trouvé la mort peu après l’avoir achevé. C’est peut-être l’un des ses films les plus sous-estimés, le plus mal compris, assurément. Il a été boudé à sa sortie par les critiques qui attendaient « le film le plus sexy jamais réalisé » et qui furent déconcerté par ce film complexe sur le désir, l’attirance, la place de la sexualité mais aussi sur le couple, la fidélité, la tromperie et même la vérité. Kubrick a depuis longtemps admiré Schnitzler pour sa capacité à appréhender et à comprendre l’âme humaine et il parvient parfaitement à le mettre en images. Kubrick a pris son temps à la fois pour préparer le film et pour le tourner. Il prend aussi son temps pour dérouler cette histoire, une certaine placidité qui donne une grande profondeur à l’ensemble. Le film est aussi d’une grande beauté formelle, la perfection se nichant jusque dans les moindres détails. Eyes Wide Shut est certainement la plus belle interprétation de Tom Cruise et aussi de Nicole Kidman qui étaient alors mari et femme (Kubrick voulait absolument un couple d’acteurs). C’est un film dont on découvre la richesse à chaque nouvelle vision.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tom Cruise, Nicole Kidman, Sydney Pollack, Todd Field
Voir la fiche du film et la filmographie de Stanley Kubrick sur le site IMDB.

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Eyes Wide Shut
Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shut
Aucun projecteur classique n’a été utilisé dans la scène du bal de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Remarques :
* Eyes Wide Shut a été tourné par Kubrick en format 4:3.
* Une fois le film terminé, Kubrick a déclaré qu’il considérait Eyes Wide Shut comme sa plus belle réalisation.
* La nouvelle d’Arthur Schnitzler, Traumnovelle, avait déjà inspiré le film La Ronde de Max Ophüls en 1950.
* Michel Chion replace très justement Eyes Wide Shut dans la lignée des « comédies du remariage » (comédies screwballs) des années trente. On pourrait dire que c’en est une variante philosophique…
* Seulement quelques plans sans acteur ont été tournés à New York, les rues de la Big Apple ont été reconstitués en studio. Dans quelques plans, Tom Cruise marche sur un tapis roulant.
* Kubrick a utilisé un type très spécial de pellicule Kodak (qui n’était plus fabriqué) dont il fait prolonger les temps de développement : cela lui permet de tourner en basse lumière.
* Caméo : Kubrick apparaît dans la scène du cabaret où joue le pianiste : il est l’un des clients à l’arrière-plan (visible lorsque le serveur apporte la commande).
* Pour éviter d’être classé X, des caches ont été rajoutés aux Etats-Unis dans les scènes d’orgie sous la forme de quelques personnages vus de dos qui masquent « l’action ». Le contrat signé par Kubrick permettait à la Warner de faire cela : il portait sur un film classé R (restricted = interdit aux moins de 17 ans non accompagnés) mais pas X (interdiction totale aux mineurs).

Eyes Wide Shut

Eyes Wide Shut
Tom Cruise dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

A propos de l’adaptation :
Le scénario du film est très proche de la nouvelle d’Arthur Schnitzler. En fait, seul le personnage de Ziegler (Sydney Pollack) a été ajouté ainsi que la scène du bal au début du film (dans la nouvelle, le bal n’est qu’évoqué par la femme, plus tard). Même, les dialogues sont souvent ceux écrits par le viennois en 1925. La scène de l’orgie reprend le décorum et les habillements décrits dans la nouvelle, ce qui explique son décalage apparent avec notre monde actuel. Certaines scènes ont été tournées mais écartées au montage (notamment une scène heureuse du couple canotant sur un lac, certaines photos de tournage la montrent). L’empreinte de Freud était déjà très présente dans la nouvelle et Kubrick l’a encore renforcée.

Eyes Wide Shut
Tom Cruise dans un superbe plan de  Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shot
Sydney Pollack et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

Eyes Wide Shut
Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.