25 avril 2011

L’esclave libre (1957) de Raoul Walsh

Titre original : « Band of Angels »

L'esclave libreLui :
Fille d’un grand propriétaire du Kentucky, la jeune Amantha Starr passe une enfance sans histoire et fréquente les meilleures écoles. Lorsque son père meurt subitement, peu avant le début de la Guerre de Sécession, elle apprend que sa mère, qu’elle n’a jamais connue, était en réalité une esclave noire ce qui fait d’elle aussi une esclave. Elle est emmenée de force à La Nouvelle Orléans pour être vendue aux enchères afin de couvrir les dettes de son père. Hamish Bond, un riche planteur, se porte tout de suite acquéreur… L’esclave libre (Band of Angels) est l’adaptation d’un roman de Robert Penn Warren. C’est un grand film romanesque de la fin de carrière de Raoul Walsh. Au-delà de l’histoire d’amour, ou plus exactement, L'esclave libre imbriqués dans cette histoire d’amour, se retrouvent plusieurs thèmes sur la traite des noirs, l’importance du passé, les rapports entre blancs et noirs ; ces thèmes sont abordés sous de multiples facettes, de façon assez subtile. Raoul Walsh a le talent d’éviter tout excès de pathos et toute lourdeur. Il filme même cette histoire de façon assez délicate avec de beaux et lents mouvements de caméra. L’esclave libre a été injustement maltraité par la critique à sa sortie (1). Le film fut un échec commercial. Etait-il trop subtil ?
Note : 4 étoiles

Acteurs: Clark Gable, Yvonne De Carlo, Sidney Poitier, Andrea King, Rex Reason, Patric Knowles
Voir la fiche du film et la filmographie de Raoul Walsh sur le site IMDB.

Voir les autres films de Raoul Walsh chroniqués sur ce blog…

Remarques :
(1) Band of Angels a dès le début été rapproché ou comparé à Autant en emporte le vent. Il s’est trouvé affublé du surnom peu avantageux de « l’ombre d’Autant en emporte le vent » (« ghost of Gone with the Wind ») ; ce surnom fut certes l’occasion de faire un mot d’esprit pour ceux qui l’ont colporté mais la comparaison est totalement inappropriée : hormis la période qui est la même et la présence de Clark Gable, il n’y a guère de points communs, les propos sont totalement différents.

24 avril 2011

L’étroit mousquetaire (1922) de Max Linder

Titre original : « The Three Must-Get-Theres »

L'étroit mousquetaireLui :
Face à l’extraordinaire succès de Douglas Fairbanks dans Les Trois Mousquetaires, Max Linder décide d’en tourner un pastiche qui sort juste un an plus tard. Il est important de voir L’Etroit Mousquetaire en connaissant le film de Fred Niblo car, plus qu’une parodie du roman d’Alexandre Dumas, c’est une parodie de Douglas Fairbanks que fait Max Linder. Son Dart-in-Again est aussi agile et bondissant que le D’Artagnan de Fairbanks avec même quelques cascades étonnantes. La plupart des scènes sont des références directes au film original (par exemple la main de Richelieu sur le bras du fauteuil devient la main de Richelieu sur le crâne du chauve). Pour son humour, Max Linder joue beaucoup avec les anachronismes (par exemple, la reine tape ses billets doux sur une petite machine à écrire) jusque dans les détails (on aperçoit un buste de Napoléon), il joue avec les apparences, L'étroit mousquetaire les faux-semblants (ah, la scène chez le capitaine des gardes…), nous cache parfois une partie de la scène ou même de l’image… Si quelques gags pourront paraître désuets à nos yeux modernes, Max Linder a beaucoup de très belles trouvailles. L’étroit mousquetaire est un joli détournement de film. Douglas Fairbanks aurait dit-on envoyé un télégramme de félicitations à Max Linder.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Max Linder, Frank Cooke, Caroline Rankin, Jobyna Ralston
Voir la fiche du film et la filmographie de Max Linder sur le site IMDB.

Voir les autres films de Max Linder chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Max Linder a réalisé 3 longs métrages aux Etats-Unis. L’étroit mousquetaire est le dernier d’entre eux. Il est ensuite rentré en France.
* En anglais, « musketeer » est proche en sonorité de « must get here », donc le pendant de Linder est un « must-get-there »… (et c’est vrai qu’ils doivent aller là-bas, en Angleterre).
* La version originale américaine du film est perdue. Le film a été restauré en 1995 par Deutsche Kinemathek à partir de la version allemande.

Versions chroniquées sur ce blog :
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’Étroit Mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (2 films)
1973: Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (USA) avec Michael York et Raquel Welch (3 films)
1993: Les Trois Mousquetaires de Stephen Herek (USA) avec Chris O’Donnell
2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon (France) avec François Civil (2 films)

23 avril 2011

Les Trois Mousquetaires (1921) de Fred Niblo

Titre original : « The three musketeers »

Les trois mousquetairesLui :
(Film muet) Douglas Fairbanks trouve dans le roman d’Alexandre Dumas un rôle taillé à sa mesure : D’Artagnan. Ce n’est pas première adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires, loin de là, mais c’est la première adaptation de grande envergure. Grand sportif et déjà expert dans le maniement de l’épée, Douglas Fairbanks s’entraîne plusieurs mois pour se perfectionner. Il passe aussi de longues heures à dos de cheval. Les trois mousquetaires Et effectivement, le résultat est convaincant : Douglas Fairbanks est un D’Artagnan vif, brillant, bondissant et surtout plein de panache. La reconstitution est soignée : les robes sont des copies de véritables robes d’époque et les villages français ont été reconstitués d’après gravures. Le film est un peu lent à se mettre en place mais s’accèlere ensuite. Les Trois Mousquetaires fut un énorme succès. Il marque le début d’une série de grands (et coûteux) films d’aventure.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Douglas Fairbanks, Marguerite De La Motte, Nigel De Brulier, Mary MacLaren
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Niblo sur le site IMDB.

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Remarques :
– La même année, 1921, vit une autre version des Trois Mousquetaires, française celle-là, également une grosse production, réalisée par Henri Diamant-Berger en 12 épisodes d’1 heure (réédité en 2001 sous la forme de 14 épisodes de 26 minutes environ) (voir la chronique).
– L’année suivante, en 1922, Max Linder réalisa un pastiche de la version Fairbanks : L’étroit mousquetaire.
– Douglas Fairbanks a repris le rôle de D’Artagnan dans Le Masque de Fer d’Allan Dwan (1929)

Versions de l’époque du muet :
1903: Les Trois Mousquetaires de ??? (France, durée ?) (à signaler aussi le film de George Méliès Les Mousquetaires de la reine (1903) film perdu aussi)
1909: I tre moschettieri de Mario Caserini (Italie, 16 mn)
1911: The Three Musketeers de J. Searle Dawley (USA, 2 x 10mn) (Edison)
1912: When Kings were the Law de D.W. Griffith (USA, 17 mn)
1912: Les Trois Mousquetaires de André Calmettes et Henri Pouctal (France, durée ?)
1914: The Three Musketeers de Charles V. Henkel (USA, 80 mn env.) avec Earl Talbot (film perdu?)
1916: The Three Musketeers de Charles Swickard (USA, 63 mn) avec Orrin Johnson
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’étroit mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)

Principales versions du parlant :
1932: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 246 mn) avec Aimé Simon-Girard
1935: The Three Musketeers de Rowland V. Lee (USA) avec Walter Abel
1939: The Three Musketeers de Allan Dwan (USA) avec Don Ameche (comédie)
1942: Los tres mosqueteros de Miguel M. Delgado (Mexique) (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1953: Les Trois Mousquetaires de André Hunebelle (France) avec Georges Marchal et Bourvil
1954: I cavalieri della regina de Mauro Bolognini (Italie)
1957: Les Trois Mousquetaires et demi de Gilberto Martínez Solares (Mexique)(parodie)
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France en 2 parties) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot
1973: The Three Musketeers de Richard Lester avec Michael York et Raquel Welch
1974: The Four Musketeers de Richard Lester avec Michael York et Raquel Welch
1974: Les Quatre Charlots mousquetaires de André Hunebelle (France) (parodie)
1993: The Three Musketeers de Stephen Herek (USA) avec Charlie Sheen et Chris O’Donnell
2001: The Musketeer de Peter Hyams (UK) avec Justin Chambers et Catherine Deneuve
2005: Les Trois Mousquetaires de Pierre Aknine (France) avec Vincent Elbaz et Emmanuelle Béart
2011: The Three Musketeers de Paul W.S. Anderson (USA) avec Logan Lerman, Juno Temple, Orlando Bloom et Milla Jovovich
et d’innombrables versions TV…
… et beaucoup d’autres films d’un univers proche (suites, filiations, etc.)

Versions chroniquées sur ce blog :
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’Étroit Mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (2 films)
1973: Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (USA) avec Michael York et Raquel Welch (3 films)
1993: Les Trois Mousquetaires de Stephen Herek (USA) avec Chris O’Donnell
2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon (France) avec François Civil (2 films)

22 avril 2011

Fish Tank (2009) de Andrea Arnold

Fish TankLui :
Mia est une jeune sauvageonne de quinze ans, colérique, renfermée et agressive. Elle travaille en solitaire la danse hip-hop. L’arrivée du nouveau petit ami de sa mère, un homme affable qui semble la comprendre, va un peu bouleverser sa vie… Pour mettre en scène Fish Tank, la réalisatrice anglaise Andrea Arnold a choisi la voie de prendre autant que possible des acteurs non professionnels qui soient proches de ses personnages. Elle a eu la main particulièrement heureuse en trouvant Katie Jarvis qui donne une belle interprétation assez complexe : véritable boule d’énergie et de colère, elle a aussi une bonne part visible d’innocence et de fragilité. La caméra à l’épaule est fort bien maitrisée. Le film n’est pas sans défaut mais parvient à aller au-delà de la simple authenticité pour atteindre avec force une vraie dimension humaine assez émouvante.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Katie Jarvis, Michael Fassbender, Kierston Wareing, Harry Treadaway
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21 avril 2011

Une histoire immortelle (1968) d’ Orson Welles

Une histoire immortelleLui :
Un riche marchand se souvient d’une histoire qu’un marin lui a racontée : un vieil homme paie grassement un marin trouvé dans la rue pour coucher avec sa femme afin de lui donner un héritier. Lorsque son secrétaire lui affirme que cette histoire est en réalité une fable que tous les marins du monde racontent, le riche marchant décide de mettre en scène cette histoire afin qu’elle devienne authentique : « Si cette histoire n’est jamais arrivée, moi je la ferai arriver »… Une Histoire immortelle est adapté d’une nouvelle de Karen Blixen qu’Orson Welles admirait. Le film a été produit par l’ORTF, il est sorti simultanément en salles et à la télévision (1). Il s’agit du premier film en couleurs d’Orson Welles (2). Le film est court (58 minutes) mais l’histoire est assez riche, multi-facettes et très évocatrice. C’est à la fois une réflexion sur le mensonge de la mise en scène, sur le rapport entre l’Art et la réalité, sur la jeunesse perdue, sur le passé réel ou imaginé Une histoire immortelle que l’on fait revivre, sur le passé que l’on veut faire revivre et celui que l’on fait revivre. L’histoire se déroule au XIXe siècle dans la colonie portugaise de Macao mais elle est atemporelle et non marquée par le lieu. Hélas, le film est doublé en français et l’image n’est aujourd’hui plus parfaite : les blancs sont brûlés dans les scènes les plus lumineuses.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Orson Welles, Roger Coggio, Norman Eshley, Fernando Rey
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Remarques :
Ecrivaine danoise et authentique baronne, Karen Blixen a signé ses livres sous le nom d’Isak Dinesen. Parmi ses autres livres adaptés au cinéma, on notera Out of Africa et Le festin de Babette. L’adaptation française d’Une Histoire Immortelle est signée Louise de Vilmorin.

(1) Une Histoire immortelle a été diffusé pour la première fois à la télévision française le 24 mai 1968, certainement pas la période idéale pour ce genre d’histoire (24 mai est d’ailleurs le jour où le Général De Gaulle a fait une intervention télévisée pour proposer un référendum).
(2) Orson Welles avait toutefois tourné certaines scènes de son film (inachevé) de 1942 It’s all true en couleurs. Il a un jour déclaré que seuls les cinéastes japonais savaient utiliser au mieux la couleur.

20 avril 2011

La ligne générale (1929) de Sergueï Eisenstein

Autre titre : « L’ancien et le nouveau »
Titre original : « Staroye i novoye » ( « Старое и новое » )

La ligne généraleLui :
(Film muet) L’écriture du scénario a été entreprise par Eisenstein et Grigori Alexandrov juste après le Cuirassé Potemkine. Il s’agissait d’illustrer la ligne générale du parti en termes de développement rural : Boukharine prônait la mécanisation des campagnes et l’enrichissement des paysans. Interrompu pour tourner Octobre, l’écriture du scénario reprit en 1928 alors que la ligne avait déjà changé : Staline faisait le ménage autour de lui et Boukharine était écarté (1). La nouvelle ligne était alors d’exalter la collectivisation. Eisenstein dût donc insérer la présentation d’un kolkhoze ultramoderne (c’est presque un spot publicitaire plaqué en milieu de film) et fustiger l’individualisme des koulaks (paysans indépendants). Le titre dût être changé pour « L’ancien et le nouveau ».
La ligne généraleBien qu’il soit ainsi né sous de sombres auspices, La ligne générale est un merveilleux film. Il est difficile de ne pas tomber sous le charme de la beauté des images que nous offre Eisenstein, avec ces merveilleux gros plans (même très gros plans) de visages si expressifs, bien que statiques. Il utilise aussi très bien la nature et ses grandes étendues et, bien entendu, les plans de machines sont comme toujours merveilleusement réussis. Eisenstein se livre même à certaines expérimentations, non seulement dans les images telles celles de rêve, mais aussi dans le contenu. Les connotations sexuelles sont très marquées comme dans cette scène très célèbre de l’écrémeuse où les paysans ont un plaisir extatique voire orgastique en admirant le premier fonctionnement d’une écrémeuse mécanique. La ligne générale La scène de la vache livrée au taureau est assez surprenante également… L’humour peut être très fort, comme dans cette satire mordante de la bureaucratie. Le film comporte un personnage central, celui de la paysanne Marfa, rôle pour lequel Eisenstein eut bien du mal à trouver un interprète ; il faillit prendre une comédienne professionnelle avant de trouver une paysanne illettrée parfaite. Le montage est lui aussi remarquable : bien plus que dans ses précédents films, Eisenstein joue avec l’enchaînement des plans pour créer une tension (2). La ligne générale est bien l’un des plus beaux films d’Eisenstein.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Marfa Lapkina, Konstantin Vasilyev
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Remarques :
(1) Révolutionnaire bolchévique dès 1905, Nikolaï Boukharine est l’un des grands esprits des premières années du communisme. Brillant théoricien, il faisait partie de l’aile droite du parti. Il a aidé Staline à se débarrasser de l’aile gauche du parti après la mort de Lénine, devenant ainsi l’homme fort aux côtés de Staline. Lorsque celui-ci fait un virage à gauche en 1928, il se débarrasse cette fois de l’aile droite et Boukharine est exclu. Après une autocritique, il sera brièvement réhabilité au milieu des années trente avant d’être arrêté puis exécuté.
(2) La scène de la procession religieuse pour provoquer la pluie est différente du reste du film : c’est une scène plus traditionnelle car elle repose sur un jeu théâtral et elle est montée de façon classique. Il est intéressant de constater à quel point elle paraît plus fade que le reste du film, et même un peu ennuyeuse.

[mise à jour du 19/09/2016]
Le film ressort le 26 septembre 2016 en version restaurée, aux Editions Lobster (Serge Bromberg) ce qui laisse augurer une très haute qualité.

19 avril 2011

La Marseillaise (1938) de Jean Renoir

Sous-titre : « Chronique de quelques faits ayant contribué à la chute de la Monarchie »

La MarseillaiseLui :
Ce film de Jean Renoir a été souvent critiqué pour ses partis-pris idéologiques et sa construction. Réalisé dans l’enthousiasme du Front Populaire, il est vrai que La Marseillaise présente un tableau idyllique de la Révolution Française où le sang ne coule que très peu. Il exalte la fraternité, le sentiment d’union de tous les français qui doit permettre de voir la fin des querelles. Il est vrai aussi que sa construction peut surprendre : un enchaînement d’assez courts tableaux qui aboutit sur la marche des 500 marseillais sur Paris (apportant avec eux ce « chant de l’armée du Rhin » qui deviendra La Marseillaise) et se termine par une grande reconstitution : l’attaque des Tuileries de 1792. Jean Renoir dit avoir voulu montrer « les petits côtés des grands moments ». Ainsi, le film ne montre point de grands héros mais des gens ordinaires. La Marseillaise Si certaines scènes paraissent un peu faibles, surtout en début de film, d’autres montrent beaucoup de force, telles ces scènes de tribune populaire ouverte avec le discours d’une couturière… La Marseillaise n’est pas en tout cas un film de propagande dans le mauvais sens du terme : il n’est en rien simplificateur, le roi est par exemple présenté comme un monarque plutôt intelligent mais dépassé par les évènements ; le propos n’est jamais dichotomique. Non, c’est un film attachant, assez beau, qui acquiert sa force par un assemblage subtil, un peu naïf sans doute mais joliment poétique. Le film fut un échec commercial.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Andrex, Edmond Ardisson, Pierre Renoir, Lise Delamare, Louis Jouvet, Paul Dullac
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Renoir sur le site IMDB.

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Remarques :
L’idée au départ était de financer le film par une souscription de parts lancée dans le public par les militants de gauche, notamment la C.G.T. Les fonds recueillis se révélèrent largement insuffisants et la production fut reprise par une société de production de type classique.

18 avril 2011

Tetro (2009) de Francis Ford Coppola

TetroLui :
Employé sur un paquebot, le jeune Bennie profite d’une escale technique à Buenos Aires pour rendre visite à son grand frère Tetro qu’il n’a pas revu depuis des années. Celui-ci a en effet rompu tout lien avec sa famille, notamment avec son père, un musicien de génie égocentrique et tyrannique… Francis Ford Coppola signe là un grand film, une histoire qu’il a lui-même écrite centrée sur un thème qui lui est cher, celui de la famille. C’est une histoire très forte sur une superbe construction qui dévoile par petites touches les rivalités, les tensions, les plaies restées ouvertes. Le film est tourné en noir et blanc avec les quelques scènes de flashbacks en couleurs légèrement désaturées. Belle photographie. Tetro est en outre servi par une belle prestation de Vincent Gallo, riche et complexe. Loin de tout spectaculaire, Tetro est une œuvre subtile et puissante, du très beau cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Maribel Verdú, Klaus Maria Brandauer, Carmen Maura
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17 avril 2011

The Americano (1916) de John Emerson

Titre français : « L’américain »

The AmericanoLui :
(Film muet) Un ingénieur américain se laisse convaincre d’aller diriger les mines du pays imaginaire de Paragonia après avoir eu le coup de foudre pour la fille du président venue à New York. Mais lorsqu’il arrive sur place, un coup d’état a eu lieu : le président est emprisonné, sa fille doit épouser de force le nouveau chef des armées… The Americano est le dernier des films de Douglas Fairbanks pour la Triangle Company, films supervisés par David W. Griffith. Le type d’histoire est assez classique pour l’acteur : Douglas Fairbanks a bâti sa popularité sur ce genre de personnage de sauveur, celui qui vient à la rescousse et fait des prouesses pour rétablir ce qui est juste. L'américain Le film est assez court mais bien construit, avec un scénario assez travaillé relativement à ses autres films. L’aspect comédie est plutôt moins développé qu’à l’habitude. The Americano est plaisant, pas ennuyeux mais pas vraiment remarquable non plus. Fairbanks reprendra le même thème, de façon plus élaborée, l’année suivante dans Reaching for the moon, toujours mis en scène par John Emerson mais cette fois sous l’égide de la Douglas Fairbanks Pictures nouvellement créée.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Douglas Fairbanks, Alma Rubens, Spottiswoode Aitken, Carl Stockdale
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L'Americano Remarques :
Le scénario est signé Anita Loos qui est en devenir non seulement l’une des grandes scénaristes d’Hollywood mais aussi la femme de John Emerson.

16 avril 2011

The New York hat (1912) de David W. Griffith

The New York HatLui :
(Film muet, 16 minutes) Une mère lègue une petite somme d’argent au pasteur de son village pour qu’il achète à sa fille quelques frivolités dont elle est privée par un père trop rigide. Le pasteur achète un chapeau de la toute dernière mode qui faisait visiblement très envie à la jeune fille. Dans le village, cet achat fait jaser… The New York Hat illustre la rigidité des codes de la morale victorienne de cette époque et cette propension à juger et à condamner sur de simples apparences. La jalousie est le principal moteur de ces travers. Le scénario est signé par la toute jeune (14 ans!) Anita Loos, dont ce serait la première adaptation au cinéma (1). L’histoire est simple mais Griffith sait lui donner de la force. Il s’agit du dernier film de Mary Pickford sous la direction de Griffith, l’actrice passant ensuite de Biograph à la Paramount. On notera la présence de Lionel Barrymore dans l’un des premiers rôles (2) et l’une des premières apparitions de Liliane Gish dans un petit rôle (l’une des trois jeunes filles devant la vitrine, puis devant l’église).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mary Pickford, Lionel Barrymore, Charles Hill Mailes, Claire McDowell, Mae Marsh
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Remarques :
(1) Anita Loos sera l’une des grandes scénaristes d’Hollywood. Son livre le plus célèbre est sans aucun doute « Les hommes préfèrent les blondes ».
(2) Il est parfois fait mention d’un film de 1908 appelé « The Paris Hat » qui serait le premier film de Lionel Barrymore. Il n’existe aucune preuve de l’existence d’un tel film. Il s’agit probablement d’une confusion avec The New York Hat. Lionel Barrymore ne débuta au cinéma qu’en 1911.