15 juillet 2019

Minuscule – La vallée des fourmis perdues (2013) de Hélène Giraud et Thomas Szabo

Minuscule - La vallée des fourmis perduesDans une paisible vallée, une jeune coccinelle perd ses parents de vue. Surprise par un orage, elle se réfugie dans une boite à sucre abandonnée par des pique-niqueurs. La boite est découverte par un groupe de fourmis noires qui décident de la transporter mais ce trésor va attirer la convoitise d’une féroce colonie de fourmis rouges qui se lance à leur poursuite…
Minuscule – La vallée des fourmis perdues est un film d’animation franco-belge, tiré du même univers créatif que la série télévisée Minuscule : La Vie privée des insectes. Le film mélange de l’animation en images de synthèse et des décors en prises de vue réelles. Il n’y a pas de dialogues parlés, seulement des bruitages : les insectes parlent entre eux avec des sons. Les déplacements sont ceux des animaux mais tout le reste, notamment leur intelligence, est anthropomorphique. La première partie est très réussie, une longue course poursuite semée d’embûches vraiment inimaginables et ponctuée de beaucoup d’humour. La seconde partie peut sembler un peu plus longue mais nous réserve des surprises. Les références cinématographiques sont nombreuses, les plus évidentes étant Star Wars, Indiana JonesLe Seigneur des Anneaux et Psychose. La musique à la John Williams renforce l’atmosphère de grande épopée. Le film a connu un succès mérité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Hélène Giraud et Thomas Szabo sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

 

Remarques :
* Les décors du film ont été filmés en relief en prises de vue réelles dans le parc national des Écrins et le parc national du Mercantour.

* Suite : Minuscule 2 – Les mandibules du bout du monde (2018).

Minuscule - La vallée des fourmis perduesMinuscule – La vallée des fourmis perdues de Hélène Giraud et Thomas Szabo.

Minuscule - La vallée des fourmis perduesMinuscule – La vallée des fourmis perdues de Hélène Giraud et Thomas Szabo.

13 juillet 2019

L’échange des princesses (2017) de Marc Dugain

L'échange des princesses1721. Alors que Louis XV n’a que onze ans, le Régent Philippe d’Orléans a l’idée d’un échange de princesse pour sceller la paix entre la France et l’Espagne : Louis XV épouserait l’Infante d’Espagne qui n’a alors que quatre ans et, en échange, le Régent offre sa propre fille âgée de douze ans au fils du roi d’Espagne…
Coécrit et réalisé par Marc Dugain, L’échange des princesses est l’adaptation du roman homonyme de Chantal Thomas, paru en 2013. C’est un épisode assez étonnant de l’Histoire de France surtout si on le considère avec nos yeux du XXIe siècle car cette utilisation des enfants choque aujourd’hui. Marc Dugain a su rendre ses personnages assez actuels sans trahir l’Histoire : les deux princesses nous paraissent ainsi plus contemporaines, notamment la plus âgée dans sa rébellion et ses effronteries. Le réalisateur insiste probablement un peu trop sur la décrépitude de la royauté qu’il tient à nous montrer à bout de souffle. La reconstitution est soignée. Que l’interprétation d’acteurs comme Olivier Gourmet ou Lambert Wilson soit très professionnelle, cela ne surprend guère ; la surprise vient du jeune Igor van Dessel en Louis XV, très étonnant par la concentration de son jeu. En revanche, les deux princesses paraissent un peu trop âgées pour leur rôle. Le principal défaut du film est de ne pas explorer plus profondément les raisons politiques de cet échange, restant sur le simple aspect « ahurissant » de ces évènements, mais l’ensemble est assez réussi.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lambert Wilson, Anamaria Vartolomei, Olivier Gourmet, Catherine Mouchet, Kacey Mottet Klein, Igor van Dessel, Juliane Lepoureau
Voir la fiche du film et la filmographie de Marc Dugain sur le site IMDB.
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L'échange des princessesIgor van Dessel dans L’échange des princesses de Marc Dugain.

L'échange des princessesAnamaria Vartolomei et Juliane Lepoureau dans L’échange des princesses de Marc Dugain.

12 juillet 2019

Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) de Werner Herzog

Titre original : « Nosferatu: Phantom der Nacht »

Nosferatu, fantôme de la nuitÀ Wismar, au XIXe siècle, un jeune homme reçoit de son patron la mission d’aller dans les Carpates négocier la vente d’une maison qu’un certain comte Dracula désire acquérir. Dans une auberge proche de sa destination, des villageois tentent de le dissuader de se rendre au château. Il passe outre et se rend chez le comte…
Pour rendre hommage au film muet de F.W. Murnau Nosferatu le vampire (1922), Werner Herzog choisit de tourner une version très proche, allant jusqu’à refaire certaines scènes à l’identique. Hélas, il n’arrive pas à la même puissance évocatrice, le film n’a aucune intensité. Et ce ne sont pas l’ajout des scènes de centaines de rats ou les modifications de l’épilogue qui lui donnent de la force. Le résultat est donc bien décevant, surtout venant de la part d’un cinéaste tel que Werner Herzog. La photographie est finalement le plus réussi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor
Voir la fiche du film et la filmographie de Werner Herzog sur le site IMDB.

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Remarques :
* Production franco-allemande.
* Dans la version de Murnau, le comte Dracula n’avait pas le nom qu’il porte dans le roman de Bram Stoker. N’ayant pu s’entendre avec les ayant-droits du romancier, Murnau l’avait appelé Comte Orlok. Le copyright ayant expiré entre les deux versions, Werner Herzog a pu lui redonner son vrai nom.

Nosferatu, fantôme de la nuitIsabelle Adjani et Klaus Kinski dans Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog.

11 juillet 2019

Thunder Road (2018) de Jim Cummings

Thunder RoadA l’enterrement de sa mère, le policier Jimmy Arnaud prend la parole pour lui rendre hommage mais il a beaucoup de mal à se contrôler…
Thunder Road débute par ce long monologue qui évolue d’une façon pour le moins inattendue. Cette séquence de plus de dix minutes était au départ un court-métrage du comédien-réalisateur Jim Cummings qui avait été récompensé du grand prix du festival de Sundance en 2016. Il en a prolongé l’histoire et étoffé son personnage qui doit, outre le décès de sa mère, affronter la séparation de sa femme et même plus encore. Son effondrement psychologique est dû en grande partie à une difficulté pour gérer ses émotions,  qui le met souvent en décalage avec ce qu’il devrait, et surtout voudrait, faire. Le fait qu’il soit imbibé des valeurs traditionnelles de l’Amérique sur l’héroïsme, la virilité, le respect de l’autorité permet d’y voir aussi un portrait de l’Amérique. A moins d’être capable de le regarder avec un œil détaché, Thunder Road peut mettre très mal à l’aise, voire même se révéler assez éprouvant. C’est en tous cas une performance d’acteur, dans le style « habité par son personnage », genre qui fait toujours fureur dans les festivals. Tout atypique qu’il soit, Thunder Road ne déroge toutefois pas à la règle du happy end : l’épilogue paraît bien utopique. Le film a connu un succès certain en France.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jim Cummings, Nican Robinson, Jocelyn DeBoer, Chelsea Edmundson
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Remarques :
* Thunder Road est une chanson de Bruce Sprinsteen, publiée sur son troisième album Born to Run en 1975. C’était la chanson préférée de la défunte mère du policier. Contrairement au court métrage initial, le morceau n’a finalement pas été utilisé, il est juste cité.

* Le film a été tourné en quinze jours avec un budget très réduit, estimé proche de 200 000 dollars et en partie issu d’un crowdfunding.

Thunder RoadJim Cummings dans Thunder Road de Jim Cummings.

Homonyme :
Thunder Road d’Arthur Ripley (1958) avec Robert Mitchum (inédit en France).

9 juillet 2019

Le Bonheur (1965) de Agnès Varda

Le BonheurFrançois est un jeune menuisier heureux qui aime sa femme. Il aime aussi la nature et ses amis. Lorsqu’il rencontre Emilie, une jeune postière, et qu’il en tombe amoureux, il voit là une occasion d’ajouter du bonheur à son bonheur…
Troisième long métrage écrit et réalisé par Agnès Varda, Le Bonheur fit grand scandale à sa sortie et fut interdit aux moins de 18 ans car il montrait l’adultère sans réprobation. Débarrassés de ces considérations morales un demi-siècle plus tard, il nous reste un film plein de vie, joyeux et très beau. Agnès Varda explore la notion de bonheur qu’elle déconnecte des conventions sociales ou morales. « Ce n’est pas le mariage qui mène au bonheur, c’est le bonheur qui mène au mariage » semble-t-elle vouloir nous dire. La réalisatrice montre beaucoup d’inventivité dans ses cadrages et surtout une recherche esthétique et picturale qui est particulièrement visible. De très nombreux plans évoquent des natures mortes ou même des tableaux impressionnistes. Son utilisation des couleurs est enthousiasmante, ses talents de photographe sont manifestes. C’est un régal pour les yeux. Jean-Claude Drouot sait restituer toute la candeur de son personnage. L’acteur joue ici avec sa femme et ses enfants ce qui contribue à la sensation de naturel. Le film a été restauré en 2014, rendant ainsi justice à ses qualités esthétiques. Les couleurs, notamment, sont magnifiques.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Claude Drouot, Marie-France Boyer, Marc Eyraud
Voir la fiche du film et la filmographie de Agnès Varda sur le site IMDB.

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Le BonheurMarie-France Boyer et Jean-Claude Drouot dans Le Bonheur de Agnès Varda.

Remarques :
* Jean-Claude Drouot était alors le héros de la série TV Thierry La Fronde (1963-1966). Il bénéficiait d’un immense capital de sympathie, y compris auprès des très jeunes enfants, ce qui a certainement exacerbé les oppositions au film d’Agnès Varda.

* L’interdiction aux moins de 18 ans n’a été levée qu’en 2006, lors d’une ressortie au cinéma Saint-André-des-Arts.

* Finalement, le plus étonnant dans ce film d’Agnès Varda est que le propos ne soit pas plus féministe : c’est le bonheur de l’homme qui importe, il est censé déteindre sur le bonheur de la femme… Il faut toutefois garder à l’esprit que nous sommes en 1965. Le propos d’Agnès Varda ne se situe d’ailleurs pas sur le plan homme/femme, la réalisatrice nous incite à réfléchir sur le lien entre bonheur et morale. « Faut-il se cacher pour être heureux? » C’est ce genre de question qu’elle pose.

Voir aussi : Entretien avec Agnès Varda pour la télévision suisse RTS (8’30)…

Le BonheurMarie Drouot, Jean-Claude Drouot et leurs deux enfants dans Le Bonheur de Agnès Varda.

 

Homonymes :
Le Bonheur d’Aleksandr Medvedkin (1935)
Le Bonheur de Marcel L’Herbier (1935) avec Gaby Morlay et Charles Boyer

Le BonheurMarie Drouot, Jean-Claude Drouot et leurs deux enfants dans Le Bonheur de Agnès Varda.

8 juillet 2019

La Pointe Courte (1955) d’ Agnès Varda

La Pointe-CourtePour tenter de relancer son couple, un homme fait venir sa femme dans le quartier de son enfance : le quartier de pêcheurs de la Pointe Courte à Sète. Ils s’interrogent sur la profondeur de leur amour…
Âgée de 26 ans, la jeune Agnès Varda se lance dans la réalisation d’un long métrage sans aucune connaissance particulière, en ayant vu auparavant à peine une dizaine de films. La Pointe Courte comporte deux aspects distincts : la description presque documentaire de la vie d’un quartier de pêcheurs qui essaie de survivre et les discussions d’un couple en crise qui essaie de se reformer. C’est la première de ces deux composantes qui est de loin la plus réussie. Avec un témoignage très brut, Agnès Varda n’est pas loin du néoréalisme italien (1), elle nous immerge dans cette communauté de pêcheurs très pauvres au sein de laquelle elle a visiblement réussi à se faire totalement accepter. En revanche, le drame au sein du couple est, il faut bien l’avouer, particulièrement ennuyeux. Silvia Monfort et le jeune Philippe Noiret, deux acteurs de théâtre sans expérience de cinéma, récitent leur texte impassiblement, sans émotion, probablement dans une intention de distanciation qui ne réussit ici qu’à nous couper des personnages. Sur le plan de l’image, la recherche esthétique est de tous les plans et l’attirance d’Agnès Varda pour la photographie est visible. Elle sait trouver de beaux plans, se montre inventive et sait exploiter tous les objets. La musique composée par Pierre Barbaud est moderne, sans doute trop intellectuelle pour le sujet. Le film n’eut aucun succès à sa sortie. Avec le recul, La Pointe Courte nous paraît une belle curiosité, un premier essai étonnant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Silvia Monfort
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La Pointe-CourtePhilippe Noiret et Silvia Monfort dans La Pointe Courte de Agnès Varda.

Remarques :
* Alain Resnais a assuré le montage (qui est parfait).
* La Pointe Courte a souvent été rapproché des films de la Nouvelle Vague. Sous certains aspects, on peut en effet le voir comme un film annonciateur de la Nouvelle Vague.
* Agnès Varda connaissait Sète pour y avoir passé une partie de son adolescence pendant la guerre.
* Silvia Monfort et le jeune Philippe Noiret étaient alors acteurs au TNP où Agnès Varda travaillait comme photographe.

(1) Dans le néoréalisme, le film fait surtout penser à La Terre Tremble de Visconti (1948).

La Pointe-CourteLa Pointe-Courte

Agnès Varda sur le tournage de La Pointe Courte
(l’image a servi de base pour l’affiche du Festival de Cannes 2019).

7 juillet 2019

Tom of Finland (2017) de Dome Karukoski

Tom of FinlandDans les années 1940, pendant la guerre soviéto-finlandaise, Touko Valio Laaksonen multiplie les rencontres éphémères et fait la connaissance d’un officier, homosexuel comme lui. Démobilisé, il a beaucoup de mal à faire de nouvelles rencontres et projette ses fantasmes dans des dessins très suggestifs…
Le film de Dome Karukoski met en scène la trajectoire d’un dessinateur qui, sous le pseudonyme Tom of Finland, a « influencé la culture gay par ses représentations fantasmatiques et fétichistes d’hommes » (la formule est celle de Wikipédia). Le récit évoque les difficultés à rencontrer d’autres personnes homophiles à une époque où l’homosexualité était passible de prison puis les difficultés à faire éditer des dessins fétichistes dans les années soixante. Hélas, l’ensemble paraît assez terne et, finalement, nous n’apprenons que bien peu de choses que ce soit sur la vie de cet artiste de la contre-culture ou sur les personnes qui l’entourent.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Pekka Strang, Lauri Tilkanen, Jessica Grabowsky
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Voir des exemples de dessins de Tom of Finland sur Google Images

Tom of FinlandLauri Tilkanen, Jessica Grabowsky et Pekka Strang dans Tom of Finland de Dome Karukoski.

6 juillet 2019

Bécassine! (2018) de Bruno Podalydès

Bécassine!Bécassine est née dans une ferme bretonne très pauvre, un jour où des bécasses survolaient le village. Devenue adulte, sa naïveté d’enfant reste intacte. Elle rêve de rejoindre Paris mais sa rencontre avec Loulotte, un petit bébé adopté par la marquise de Grand-Air, va bouleverser ses plans…
Bécassine est un personnage de bande dessinée, créé en 1905 par Jacqueline Rivière et le dessinateur J.P. Pinchon ; le scénariste Caumery continuera à faire vivre le personnage à partir de 1913 jusqu’à sa mort en 1941 et donnera au personnage toute sa coloration bretonnante. Avant cette adaptation, Bécassine avait été porté par deux fois au grand écran, sans grande réussite. Bruno Podalydès, qui connaissait assez peu les albums auparavant, a choisi d’extraire parmi la trentaine d’albums existants des personnages et des scènes, pour se concentrer sur l’esprit général. Sa Bécassine n’est pas stupide, loin de là, elle est inventive et très enthousiaste. Les personnages secondaires sont assez réussis et tous les acteurs sont parfaitement dans le ton. Hélas, l’ensemble ressemble trop à un patchwork, il manque le liant qu’un scénario plus étoffé aurait pu apporter. L’humour est bien là mais seulement par petites touches soudaines et le film n’a pas non plus la dimension poétique que pourrait engendrer son personnage.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Emeline Bayart, Karin Viard, Denis Podalydès, Bruno Podalydès, Michel Vuillermoz, Josiane Balasko, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Philippe Uchan
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Bécassine!Emeline Bayart dans Bécassine! de Bruno Podalydès.
Photo de plateau © Anne-Françoise Brillot

Bécassine!Emeline Bayart, Karin Viard et Denis Podalydès dans Bécassine! de Bruno Podalydès.
Photo de plateau © Anne-Françoise Brillot

Précédente adaptations :
Bécassine de Pierre Caron (1940) avec Paulette Dubost
Bécassine, le trésor viking dessin animé de Philippe Vidal (2001) avec la voix de Muriel Robin.

5 juillet 2019

Compartiment tueurs (1965) de Costa-Gavras

Compartiment tueursDans le train-couchettes Marseille-Paris, la jeune Bambi  fait la connaissance de Daniel. Elle le fait entrer subrepticement dans son compartiment qui a une couchette de libre. Le lendemain matin, l’une des voyageuses est retrouvée morte étranglée. L’inspecteur Graziani se met sur l’affaire…
Adaptation d’un roman de Sébastien Japrisot, Compartiment tueurs est le premier long métrage de Costa-Gavras qui avait été auparavant assistant de René Clair, Jacques Demy, Jacques Becker et René Clément. Depuis le tournage de Le Jour et l’heure de Clément, il était devenu très ami avec le couple Montand-Signoret et l’acteur l’aidera beaucoup à monter son premier projet. Le plateau d’acteurs réunis ici est assez impressionnant, y compris dans les tout petits rôles, et c’est presque un jeu pour le spectateur d’aujourd’hui de mettre un nom sur tous les visages. L’histoire est assez brillante dans son idée de base, une belle variation sur le crime parfait, qui nous laisse dans le brouillard pendant la plus grande partie du film avant un dénouement un peu rapide. Le récit prend en outre la peine de bien explorer ses personnages en profondeur. Compartiment tueurs a permis à Costa-Gavras de prouver qu’il était capable de réaliser des productions plus importantes. Le film sera un succès, notamment (ce qui est toujours plus rare pour un film français) aux Etats-Unis.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Simone Signoret, Catherine Allégret, Jacques Perrin, Michel Piccoli, Pierre Mondy, Pascale Roberts, Claude Mann, Charles Denner, Jean-Louis Trintignant, Bernadette Lafont
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Compartiment tueursSimone Signoret, Yves Montand et Claude Mann dans Compartiment tueurs de Costa-Gavras.

Compartiment tueursCatherine Allégret et Jacques Perrin dans Compartiment tueurs de Costa-Gavras.

4 juillet 2019

Les Damnés du coeur (1928) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The Godless Girl »

Les damnés du coeurDans une école américaine, un groupe d’adolescents a fondé une société secrète qui prône l’athéisme. Lors d’un affrontement avec un autre groupe qui défend la religion, une jeune fille est tuée accidentellement. Les deux meneurs sont envoyés en maison de correction…
Dernier film muet de Cecil B. DeMille, The Godless Girl est un film vraiment étonnant. Si le début nous laisse présager d’une croisade contre l’athéisme, le film prend très rapidement une toute autre direction : quatre ans avant Mervyn LeRoy et son I Am a Fugitive from a Chain Gang (1932), DeMille dénonce avec une grande vigueur les traitements infligés dans les maisons de correction. Le réalisateur a enquêté plusieurs mois, envoyant même des espions dans les centres de détention (1). Autre surprise : DeMille (qui est un croyant fervent, rappelons-le) ne s’en prend pas vraiment aux athées mais fustige le radicalisme de chacune des deux parties en présence. Sa « morale » finale est explicite : il faut apprendre à tolérer les opinions divergentes des nôtres. Une fois de plus, l’histoire écrite par Jeanie Macpherson a beaucoup de force ; elle nous happe littéralement sans laisser de temps mort. Beaucoup de scènes sont puissantes et DeMille sait être audacieux dans sa façon de les tourner. Sorti quelques mois après l’arrivée du parlant, le film n’eut hélas aucun succès ; même le style ne convenait pas car, dans les premiers temps du parlant, ce sont des films joyeux et chantants qui magnétisaient le public.  Longtemps resté assez rare, The Godless Girl a été restauré en 2007.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lina Basquette, Marie Prevost, Tom Keene, Noah Beery, Eddie Quillan
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Les damnés du coeurLina Basquette est une Godless Girl dans Les damnés du coeur de Cecil B. DeMille.

Remarques :
* DeMille ayant décliné la proposition de Pathé de tourner deux nouvelles scènes en parlant, la sonorisation d’une version parlante de 90mn fut confiée à l’acteur Fritz Feld.

* Lisa Basquette est alors âgée de 20 ans (mais paraît beaucoup plus). L’actrice avait épousé deux ans auparavant Sam Warner, l’un des frères fondateurs du studio Warner Bros. Sam Warner est crédité pour avoir apporté la technologie qui permit au studio de produire le premier long-métrage parlant de l’industrie du cinéma, Le Chanteur de jazz, dont il ne verra pas la première triomphale en octobre 1927. Il est décédé la veille à l’âge de 40 ans des suites d’une grave maladie du cerveau. Lorsque débute le tournage de The Godless Girl trois mois plus tard, Lisa Basquette était donc toujours en deuil.

* Noah Beery (le garde sadique) est le frère de Wallace Beery.

* Lorsque Cecil B. DeMille s’est rendu en Union Soviétique en 1931, il a découvert qu’il y était très populaire grâce à The Godless Girl. Il ne comprenait pas pourquoi, vue l’importance de la religion à la fin. Il a alors découvert que la dernière bobine n’était tout simplement pas projetée et que le film ainsi amputé était devenu un outil de propagande sur la brutalité des américains envers leur jeunesse.

(1) Dans un encart en début de seconde partie, le réalisateur tient à nous préciser que tout ce qui est décrit est bien réel. Il ajoute toutefois que certains centres accomplissent un travail plus humain pour réinsérer les jeunes délinquants.

Les damnés du coeurMarie Prevost et Lina Basquette dans Les damnés du coeur de Cecil B. DeMille.

Les damnés du coeurPour la scène de l’escalier dans Les damnés du coeur, Cecil B. DeMille a placé sa caméra sur un ascenseur spécialement construit (à l’époque, les grues étaient encore à inventer…) A noter que tout le film a été tourné avec une seule caméra.

Les damnés du coeurPour la scène de la chute dans Les damnés du coeur, la caméra, le chef opérateur J. Peverell Marley et Cecil B. DeMille sont juchés sur une nacelle rudimentaire qui tombe du plafond. La scène est en outre tournée en double exposition (superposition). La vision subjective de la chute fait bien entendu penser à l’ahurissant traveling de Marcel L’Herbier qui utilise à peu près au même moment une méthode encore plus audacieuse dans L’Argent (1928).

The Godless Girl