22 juin 2015

L’Espoir (1939) d’ André Malraux

Titre complet : « Espoir, Sierra de Teruel »

L'espoirSierra de Teruel, Espagne, 1936. Un petit groupe de combattants républicains préparent avec l’aide de la population le bombardement d’un terrain d’aviation franquiste et d’un pont… De son roman L’Espoir, André Malraux n’a porté à l’écran qu’un seul petit épisode. Commencé en 1938, le tournage a été interrompu par l’entrée des troupes de Franco à Barcelone où se trouvaient les studios. Montré clandestinement dès 1939, L’Espoir n’est sorti commercialement qu’à la Libération en 1945 avec une introduction de Maurice Schumann. André Malraux évite soigneusement tout discours, il montre simplement la réalité de ce combat très inégal, et la débrouillardise dont les combattants républicains doivent faire preuve pour pallier leur manque d’armes et de matériel. Des scènes prises sur le vif ont été mêlées aux scènes de fiction jouées non pas par des acteurs mais par des combattants qui ont vécu des scènes semblables et par la population. Le résultat donne ainsi l’impression d’être plus proche du documentaire que de la fiction et il se dégage un fort sentiment d’authenticité de l’ensemble. André Malraux parvient à faire passer le souffle de Révolution espagnole. Il a inclus des scènes tournées à l’intérieur d’un petit bombardier, ce qui constitue une première, et la descente finale le long de la montagne est une scène inoubliable, d’une ampleur phénoménale avec ses centaines de figurants, une scène qui, plus que tout grand discours, est une exaltation de ce combat pour une juste cause. Accessoirement, André Malraux nous fait là une belle démonstration de la force des images, de la force du cinéma. L’Espoir sera son unique réalisation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Andrés Mejuto, Nicolás Rodríguez
Voir la fiche du film et la filmographie de André Malraux sur le site IMDB.

L'Espoir d'André Malraux
A l’intérieur d’un bombardier dans L’Espoir d’André Malraux, Boris Peskine

14 juin 2015

La Peste à Florence (1919) de Otto Rippert

Titre original : « Die Pest in Florenz »

La Peste à FlorenceA l’époque de la Renaissance, la ville de Florence est dirigée par le Conseil des Anciens qui fait régner une austère discipline, d’inspiration religieuse. Une mystérieuse courtisane arrivée de Venise risque de remettre en cause le pouvoir de l’Eglise en incitant la population à profiter des plaisirs de la vie. Son arrestation provoque un soulèvement…
Peu connu, La Peste à Florence de l’allemand Otto Rippert a un scénario écrit par Fritz Lang qui s’est librement inspiré d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, Le Masque de Mort rouge. L’histoire est structurée en chapitres, ce qui était alors l’usage dans le cinéma allemand. Dès le début du film, on est frappé par l’ampleur des scènes de foule ce qui témoigne d’une maitrise certaine de la mise en scène. Si les scènes de débauche sont assez empâtées, il y a de belles scènes, notamment un passage dans le monde des morts (étonnant fleuve des morts), l’apparition de la peste, et un certain nombre d’images symboliques. Le sens profond est un peu difficile à cerner : « la cité symbolise la chute de l’Empire allemand, rongé par l’inflation » indique la fiche d’Arte qui a diffusé ce film. Oui, peut-être (quoique l’inflation en 1919 ne rongeait pas encore l’empire allemand)… personnellement, je verrais plutôt plutôt là une variation faustienne, une réflexion sur la quête d’idéal, sur la recherche de sens, avec, en ce lendemain de guerre mondiale, le thème fort de la Mort purificatrice. Le film a été restauré et numérisé 2K par la Fondation Murnau. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Theodor Becker, Marga von Kierska, Anders Wikman
Voir la fiche du film et la filmographie de Otto Rippert sur le site IMDB.

Remarques :
* La réalisation la plus connue d’Otto Rippert est Homunculus (1916), un sérial en six épisodes qui met en scène un génie du crime, en fait une créature créée par un savant, qui devient dictateur et provoque une guerre mondiale ; une histoire qui préfigure étonnamment ce que sera Hitler. Otto Rippert a arrêté la réalisation en 1925 pour se consacrer au montage.
* Fritz Lang, qui écrivait beaucoup alors, a également signé la même année deux autres scénarios pour Otto Rippert : Der Totentanz (1919, film perdu), Die Frau mit den Orchideen (1919, film perdu).

 

La Peste à Florence(au premier plan de gauche à droite) Anders Wikman, Marga von Kierska et Theodor Becker dans La Peste à Florence de Otto Rippert

28 mai 2015

Cendres et diamant (1958) de Andrzej Wajda

Titre original : « Popiól i diament »

Cendres et diamantPologne, mai 1945. C’est la fin de la guerre mais la lutte contre les Allemands a laissé la place à un dur affrontement entre communistes et partisans nationalistes fidèles à l’ancien régime. Maciek, un jeune combattant d’un maquis nationaliste, est chargé d’abattre un responsable communiste local. Après s’être une première fois trompé de victime, il est en proie au doute… Cendres et diamant est le troisième film d’Andrzej Wajda. Adapté d’un roman de Jerzy Andrzejewski, il s’inscrit dans la lignée de Kanal qui l’avait révélé l’année précédente à Cannes. Il témoigne du désarroi d’une jeunesse qui cherche au milieu des cendres le diamant d’une renaissance. Comment intégrer ces années de lutte, comment vivre lorsque l’on a si souvent oté la vie à ses semblables ? Ecartelé, son héros, magnifiquement interprété par Zbigniew Cybulski, est à la fois un militant-combattant dont la conviction n’est plus soutenue par l’action permanente et un grand romantique : sa rencontre avec une jolie serveuse ranime son aspiration à la vie. Wajda réussit même à glisser une dose d’humour, le plus souvent au détriment de l’attrait du pouvoir. C’est un film à la fois riche dans son propos et superbe dans sa forme : la photographie, marquée par l’expressionnisme mais aussi par le film noir, est assez enthousiasmante…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Zbigniew Cybulski, Ewa Krzyzewska, Waclaw Zastrzezynski, Adam Pawlikowski
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Remarque :
Zbigniew Cybulski, acteur qui a une présence folle à l’écran, a ensuite beaucoup tourné avec Wajda avant de mourir accidentellement en 1967.

Cendres et Diamant
Zbigniew Cybulski et Ewa Krzyzewska dans Cendres et diamant de Andrzej Wajda

24 mai 2015

La Salamandre (1971) de Alain Tanner

La SalamandreA Genève en Suisse, un journaliste doit écrire un scénario sur un petit fait divers. Il fait appel à un ami écrivain et commence à enquêter sur une jeune fille, Rosemonde. Celle-ci, que l’on dit paresseuse, est en réalité une jeune fille à l’esprit libre qui refuse la routine d’une vie bien rangée… La salamandre est le deuxième film du suisse Alain Tanner. Après le succès de son premier film Charles, mort ou vif (1969), le cinéaste confirme l’émergence d’un nouveau cinéma helvétique. Tourné avec très peu de moyens (16mm, son direct), La salamandre nous dresse un certain portrait de la société suisse, un « désert intellectuel » d’où suintent l’ennui et un profond conservatisme qui confine à l’immobilisme. La jeune Rosemonde est comme une tâche de couleurs dans cette grisaille. Le journaliste ne la découvrira que superficiellement, l’écrivain plus profondément et même l’aidera à prendre conscience de sa révolte. Le propos s’inscrit pleinement dans ce cinéma subversif qui fleurit en ce début des années soixante-dix. Alain Tanner manie avec justesse l’ironie ce qui lui permet de s’écarter de toute austérité. On remarquera le petit hommage à Truffaut (Rosemonde trouve un emploi dans un magasin de chaussures). La Salamandre connut un très grand succès à sa sortie, il a grandement contribué à faire connaître cette actrice si attachante qu’est Bulle Ogier.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis
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La Salamandre
Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

La Salamandre
Jacques Denis, Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

26 avril 2015

Pina (2011) de Wim Wenders

PinaLe décès prématuré de la chorégraphe Pina Bausch en 2009 a forcé Wim Wenders de réaliser seul le projet qu’ils avaient en commun depuis de nombreuses années. Pina est plus qu’un simple documentaire puisque Wenders a voulu expérimenter ce que pourrait être l’apport du relief à la danse au cinéma en filmant en 3D, allant parfois jusqu’au milieu des danseurs (avec même un peu de caméra subjective, vision à travers les yeux d’un danseur). Le film a été généralement très bien reçu mais il peut décevoir comme ce fut notre cas, perturbés par la proximité de la caméra et par ses mouvements qui donnent plus l’impression d’être devant sa télévision que d’assister à un spectacle. La fragmentation des scènes (il est impossible de voir une chorégraphie en entier) et l’absence de commentaire / présentation sont finalement assez frustrants. (Film vu en 2D)
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
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Pina

20 avril 2015

Le Baron de Crac (1962) de Karel Zeman

Titre original : « Baron Prásil »

Le baron de cracA sa grande surprise, le cosmonaute Tonik rencontre à son arrivée sur la Lune ses illustres prédécesseurs : Impey Barbicane (le personnage de Jules Verne), Cyrano de Bergerac et surtout Le baron de crac (alias Baron de Münchhausen) qui le prend pour un authentique sélénite et décide de l’emmener sur Terre pour lui faire découvrir les merveilles de la civilisation. Ils arrivent à Constantinople où ils délivrent la princesse Bianca retenue prisonnière par le sultan… Karel Zeman est un réalisateur tchèque qui mêle acteurs réels à des décors dessinés ou peints et animés manuellement. Cette technique est parfaitement adaptée aux histoires du célèbre Baron, avec tous leurs éléments fantastiques, oniriques et poétiques. Le film reprend quelques épisodes fameux de ces récits qui, rappelons-le ont connu de multiples variations dans le temps depuis leur première publication à la fin du XVIIIe siècle sous la plume de Rudolf Erich Raspe. Cela donne au final un film totalement à part, aussi magique dans le premier sens du terme que pouvaient l’être les films de Méliès 50 ans auparavant, doté d’un bel humour et très inventif.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Milos Kopecký, Rudolf Jelínek, Jana Brejchová
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Le Baron de Crac
Le Baron de Crac de Karel Zeman

Remarques :
* Le Baron de Münchhausen (1720-1793), capitaine de l’armée russe, a bien existé. Il fut surnommé Le Baron de Crac (« Baron du mensonge », de l’expression «raconter des craques») en raison des ses récits extraordinaires : il racontait avoir voyagé sur la Lune, chevauché un boulet de canon, dansé avec Vénus. La première publication de ses récits eut lieu de son vivant, en 1785.

* La technique utilisée par Karel Zeman évoque fortement celle qu’utilisera Terry Gilliam pour ses animations du Monty Python Flying Circus, à la fin des années soixante. Gilliam adaptera d’ailleurs, lui aussi, les aventures du Baron de Münchhausen mais en images réelles. Bien que la filiation soit soulignée par beaucoup, l’influence directe n’est pas évidente car, dans une interview, Terry Gilliam dit avoir découvert le film de Zeman dans les années 80, alors qu’il préparait sa propre adaptation de Münchhausen : « Je me rappelle avoir vu, alors que je préparais Baron Munchausen, un film de Karel Zeman dans le catalogue du British Film Institute. Je me suis dit « Wow, qu’est ce que c’est que ce truc ? » et, après avoir réussi à voir le film, « Wow, c’est génial », parce qu’il avait fait ce que j’ai toujours essayé de faire : combiner une action réelle avec des arrière-plans animés à la Gustave Doré. Le film exprimait parfaitement l’esprit du personnage ». (Terry Gilliam: Interviews, University Press of Mississippi, pp. 132–-133)

Autres adaptations :
Les Aventures du baron de Münchausen de Georges Méliès (1911)
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen de l’allemand de Josef Von Baky (1943) réalisé pour les 25 ans de la UFA à la demande de Goebbels.
Les fabuleuses aventures du légendaire Baron de Munchausen de Jean Image (1979), dessin animé
Le Secret des Sélénites de Jean Image (1984), dessin animé.
Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam (1988)

25 mars 2015

Histoires extraordinaires (1968) de Federico Fellini, Louis Malle et Roger Vadim

Histoires extraordinairesTrois adaptations d’une histoire d’Edgar Poe par trois réalisateurs différents :
1. Metzengerstein de Roger Vadim avec Jane Fonda, Peter Fonda : Au Moyen-âge, une jeune et riche comtesse dilapide son temps en orgies et en jeux cruels.
2. William Wilson de Louis Malle avec Alain Delon et Brigitte Bardot : Un jeune officier, cruel et sadique, de l’armée hongroise confesse à un abbé qu’il a tué son double.
3. Toby Dammit de Federico Fellini avec Terence Stamp : Un acteur anglais alcoolique et décadent arrive à Rome pour tourner un « western catholique »…

Histoires extraordinaires est hélas plutôt décevant. Pour Roger Vadim, le film est surtout l’occasion de mettre en valeur sa femme Jane Fonda en jeune comtesse cruelle aux moeurs dépravées, dans de superbes tenues affriolantes. Elle est effectivement très agréable à regarder mais l’histoire, peu développée, est moins intéressante. On pourra tout de même remarquer l’habileté de Vadim pour faire jouer les animaux, notamment les chevaux. Le sketch de Louis Malle n’est guère plus remarquable : Brigitte Bardot, attifée d’une perruque brune mal ajustée, joue épouvantablement et le thème du Bien et du Mal y est bien mal traité. Heureusement, Fellini joue dans une toute autre cour, on s’en rend compte dès les premières minutes. On retrouve ici certains de ses thèmes favoris, notamment celui d’un monde du spectacle très superficiel et artificiel. Mais le véritable thème de son sketch est plus sur la représentation de la mort. Il est difficile de ne pas penser au propre vécu du cinéaste : victime d’une embolie, Fellini a frôlé la mort et ce sketch est le premier film qu’il tourne après une longue convalescence. Face à la fausseté du monde qui l’entoure, son personnage ne trouve d’issue que dans une course hallucinée vers la mort.
Elle:
Lui : 2 étoiles (Sketch de Fellini : 3 étoiles)

Acteurs: Jane Fonda, Peter Fonda, Brigitte Bardot, Alain Delon, Terence Stamp
Voir la fiche du film sur le site IMDB.

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Histoires extraordinaires (1968) de Roger Vadim
Jane Fonda dans Metzengerstein de Roger Vadim, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Histoires extraordinaires (1968) de Louis Malle
Brigitte Bardot et Alain Delon dans William Wilson de Louis Malle, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Histoires extraordinaires (1968) de Federico Fellini
Terence Stamp dans Toby Dammit de Federico Fellini, l’un des trois sketches de Histoires extraordinaires (1968).

Remarques :
* Les trois réalisateurs initialement prévues étaient Orson Welles, Luis Bunuel et Federico Fellini.
* Le sketch de Roger Vadim est le seul film où les deux enfants d’Henry Fonda, Jane et Peter, apparaissent ensemble.

8 mars 2015

Le Labyrinthe de Pan (2006) de Guillermo del Toro

Titre original : « El laberinto del fauno »

Le labyrinthe de PanDans l’Espagne de 1944, Carmen, récemment remariée, s’installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, un brutal capitaine de l’armée franquiste qui traque les Résistants. La fillette découvre près de la maison un labyrinthe gardé par une étrange créature magique qui lui révèle qu’elle est une princesse disparue et qu’elle doit affronter trois épreuves pour rejoindre son royaume… Le labyrinthe de Pan est un film assez étonnant car il réussit à combiner dans un même film deux histoires totalement différentes, deux mondes parallèles : le monde réel, celui d’un capitaine fasciste brutal, dénué d’humanité, et le monde fantastique, celui que s’invente la fillette pour échapper au premier, peuplé de fées et de faunes malicieux. Tout pourrait opposer ces deux mondes antinomiques mais Guillermo del Toro réussit l’impossible de créer un ensemble cohérent. Le monde réel déteint sur le monde imaginaire qui prend souvent des allures inquiétantes. A noter que ce n’est pas un film pour enfants, certaines scènes (du monde réel) sont franchement insoutenables. La mise en scène de Guillermo del Toro est superbe, très fluide. La photographie est très belle et les décors fantastiques font preuve d’une très grande inventivité, les effets spéciaux sont parfaitement utilisés. Avant Le labyrinthe de Pan, le réalisateur espagnol avait surtout réalisé des films d’action. Il a donc surpris tout le monde avec ce film qui est une belle allégorie de la lutte contre la barbarie, pour la liberté.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ivana Baquero, Sergi López, Maribel Verdú, Doug Jones, Ariadna Gil
Voir la fiche du film et la filmographie de Guillermo del Toro sur le site IMDB.
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Ivana Baquero dans Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro
Ivana Baquero dans Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

15 février 2015

Les Fraises sauvages (1957) de Ingmar Bergman

Titre original : « Smultronstället »

Les fraises sauvagesLe professeur Borg, âgé de 78 ans, doit recevoir un prix couronnant ses cinquante années en tant de docteur. Il se rend en voiture à l’Université de Lund avec sa belle-fille Marianne. Pendant le trajet, il revit certains éléments de son passé… Ecrit et réalisé par Ingmar Bergman, Les Fraises sauvages fait partie des oeuvres les plus profondes du cinéma. Cet homme qui se sent proche de la mort porte un regard sur sa vie, à la fois par introspection et par le regard des autres, ce qui génère en lui une foule de sentiments variés, parfois contradictoires, qui le désorientent. La forme est aussi enthousiasmante que le fond car Bergman fait preuve d’une remarquable limpidité et d’une grande simplicité dans sa mise en scène ; rien n’est appuyé et pourtant tout est fort. En 1957, Bergman avait déjà une vingtaine de films à son actif mais il n’avait pas encore quarante ans : tant de maturité dans son cinéma et dans son propos qui aborde de nombreux aspects fondamentaux de la vie est assez exceptionnel. C’est d’autant plus étonnant que l’on sait qu’il y a souvent, dans ses films, une certaine identification de Bergman avec son personnage principal. Ce n’est pas un film sombre et amer, comme en témoigne la très belle fin ; la lucidité de son propos le place au-delà de cette simple problématique. Ce n’est pas non plus un film sur la mort, c’est bien plus un film sur la vie, sur ce qui la constitue, sur l’essence-même du passé. Comme j’ai pu personnellement le constater, Les Fraises sauvages est un film que l’on peut voir plusieurs fois, à des moments différents de notre vie, et ressentir différemment. Sa profondeur le permet.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor Sjöström, Bibi Andersson, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Max von Sydow
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

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Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman
Ingrid Thulin et Victor Sjöström dans Les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman

Remarques :
* Victor Sjöström avait exactement l’âge de son personnage. Rappelons que Victor Sjöström est l’un des plus grands cinéastes du cinéma muet et, à ce titre, l’un des maîtres de Bergman. Ses films sont hélas assez difficiles à voir aujourd’hui. D’abord en Suède, puis à Hollywood entre 1924 et 1930 où il réalisa de grands films (notamment avec Lilian Gish) qui n’eurent jamais le succès qu’ils méritaient, ce cinéaste a toujours fait preuve d’un grand lyrisme dans ses réalisations mais aussi d’inventivité (voir sa filmographie sur IMDB). Les Fraises sauvages est son dernier film en tant qu’acteur puisqu’il est décédé deux ans plus tard.
* La première scène de rêve au début du film est un hommage au très beau film de Victor Sjöström La Charrette fantôme (1921).

13 février 2015

Othello (1952) de Orson Welles

Ou : « The Tragedy of Othello: The Moor of Venice »

OthelloA Venise, le Maure Othello, général victorieux, épouse Desdémone malgré la ferme opposition du père de la jeune fille. Envoyé à Chypre pour combattre les turcs, Othello est victime du complot de son lieutenant Iago : il insinue que sa jeune épouse le trompe avec Cassio, un autre de ses lieutenants… Othello est la deuxième des trois adaptations de Shakespeare par Orson Welles (1). Le tournage fut difficile et compliqué, principalement par manque d’argent ; il s’étala sur trois années. Orson Welles utilise merveilleusement les décors extérieurs d’une forteresse en bord de mer et multiplie les cadrages audacieux qu’il monte le plus souvent en plans très courts. De la pièce, Welles a fait une adaptation sélective : il a réduit le texte de Shakespeare sans le dénaturer, restant fidèle à l’esprit. Les acteurs ont tous un jeu parfait. L’interprétation d’Orson Welles est magnifique, à la fois puissante et sobre. Othello d’Orson Welles est considéré par beaucoup comme l’une des meilleures adaptations de Shakespeare à l’écran.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Micheál MacLiammóir, Robert Coote, Suzanne Cloutier, Michael Laurence
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site IMDB.
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Voir la critique sur le site DVDClassiks

Voir les livres sur Orson Welles
Voir le livre Macbeth-Othello sorti chez Carlotta…

Othello d'Orson Welles
Orson Welles (Othello) et Micheál MacLiammóir (le fourbe Iago)

Remarques :
* L’acteur Micheál MacLiammóir (Iago dans le film) a tenu un journal pendant le tournage qu’il a ensuite publié sous le titre Put Money in thy Purse.
* Orson Welles a tourné un documentaire en 1978 pour la télévision allemande : Filming Othello. Ce film de 80 minutes ne contient pas de document d’époque sur le tournage, il s’agit d’une série de réflexions de Welles à postériori sur le tournage d’Othello et sur le cinéma, avec des discussions avec Micheál MacLiammóir (Iago) et Hilton Edwards (Brabantio).
* Les décors sont l’oeuvre du grand chef-décorateur français Alexandre Trauner.

* Principales autres adaptations d’Othello :
Othello de l’allemand Dimitri Buchowetzki (1922) avec Emil Jannings
Othello du russe Serge Youtkevitch (1956) avec Serge Bondartchouk
Othello de l’anglais Stuart Burge (1965) avec Laurence Olivier
Otello de Franco Zeffirelli (1986), l’opéra de Verdi avec Placido Domingo.
Othello d’Oliver Parker (1995) avec Laurence Fishburne
Othello 2003 (« O ») de Tim Blake Nelson (2001), version rajeunie…
Othello de Mikael Kreuzriegler (annoncé pour 2015)

Et aussi :
Othello (A Double Life) de George Cukor (1948) qui, malgré son titre français, n’est pas une adaptation de la pièce de Shakespeare mais une histoire qui a pour personnage principal un acteur jouant Othello au théâtre.

(1) Orson Welles a également adapté Macbeth en 1948 et Falstaff en 1965.