3 mars 2013

Blade Runner (1982) de Ridley Scott

Blade RunnerDans un futur proche, un ancien chasseur de primes est rappelé pour traquer des réplicants, des androïdes très perfectionnés, qui se sont évadés des mondes extérieurs où ils sont normalement confinés… Plus que l’adaptation du roman de Philip K. Dick « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? », Ridley Scott s’est attaché à recréer une atmosphère de film noir dans un environnement ultra futuriste. Blade Runner emprunte ainsi autant à Chandler qu’à Dick, Harrison Ford personnifiant un Philip Marlowe du futur. Par rapport au livre, l’histoire paraît plus simple, même si on a pu lui prêter plus d’interprétations qu’elle n’en porte (1). La grande force du film Blade Runner est dans l’environnement futuriste créé, noir et oppressant, montrant une mégapole surpeuplée, un immense Chinatown grouillant et envahi de technologie, survolé par des vaisseaux publicitaires géants. Le côté inhumain est renforcé par l’absence de plein jour et une pluie battante omniprésente. Les décors, qui montrent une filiation avec ceux de Metropolis, ont été dessinés par Syd Mead, désigner futuriste de génie (2) ; les effets spéciaux sont créés par l’excellent Douglas Trumbull (3). L’ensemble est très crédible et nous sommes littéralement immergés dans ce monde aussi fascinant qu’anxiogène. Blade Runner est ainsi plutôt un film d’atmosphère et c’est sans doute pour cette raison que le film fut plutôt mal reçu aux Etats-Unis à sa sortie (mais mieux en Europe). Ce n’est qu’à partir de 1992 que Blade Runner sera mieux considéré et acquierera son statut de film mythique.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, M. Emmet Walsh, Daryl Hannah
Voir la fiche du film et la filmographie de Ridley Scott sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ridley Scott chroniqués sur ce blog…

Les trois versions principales :
1) La version commerciale de 1982 avec une voix off (Harrison Ford) et une scène de fin en voiture rajoutée au dernier moment par les producteurs (il s’agit en réalité de plans non utilisés de Shining de Kubrick !)
2) La version Director’s Cut de 1992 sans voix off.
3) La version Final’s Cut de 2007 pour laquelle certaines scènes ont été tournées à nouveau par Ridley Scott.

(1) Avec la version de 1992, la question de savoir si Deckard est lui aussi un réplicant a pu ressurgir, donnant ainsi au film une tout autre dimension, questionnant sur la notion même d’humanité.
(2) Syd Mead a également dessiné le formidable univers électronique de Tron (1982), créé des décors de Star Trek (1979), 2010 (1984), Aliens 2 (1986), etc.
(3) Douglas Trumbull a également créé les effets spéciaux de 2001, l’Odyssée de l’espace (1968), Rencontres du troisième type (1977), Star Trek (1979), …

6 février 2013

L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (2007) de Andrew Dominik

Titre original : « The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford »

L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert FordJesse James est une légende aux Etats Unis. Ce Robin des Bois de la seconde moitié du XIXe siècle, qui attaquait banques et trains avec son frère Frank, fut très populaire, y compris de son vivant ; il est ancré durablement dans les esprits que Robert Ford, son assassin, est un misérable lâche particulièrement méprisable. Le film d’Andrew Dominik tente de réhabiliter Robert Ford ou du moins d’expliquer son geste dont les circonstances restent toujours si mystérieuses (1). Le Jesse James qu’il nous montre n’est à aucun moment glorifié, son altruisme n’étant qu’à peine évoqué. En revanche, il nous le décrit comme un homme traqué, ayant perdu tout idéal, sans ami, condamné à chercher le moindre indice de traitrise chez ses proches. Son assassinat devient ainsi un aboutissement logique, même espéré. Dans sa forme, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford se déroule avec une langueur envoûtante, assez beau dans ses images, avec de belles scènes nocturnes. Casey Affleck fait une belle prestation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Shepard, Sam Rockwell, Jeremy Renner, Garret Dillahunt, Paul Schneider
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrew Dominik sur le site IMDB.

Remarques :
* Un film avait préalablement tenté d’expliquer le geste de Robert Ford (une histoire d’amour étant supposée être le moteur de cet assassinat) : J’ai tué Jessie James (I shot Jesse James) de Samuel Fuller (1949) avec John Ireland et Reed Hadley.
* La chanson traditionelle Jesse James est apparue peu après l’assassinat. Cette chanson a grandement contribué à marquer durablement Robert Ford comme étant un « dirty little coward ». Ce morceau est toujours vivace : Bruce Springsteen l’a récemment repris.

Principaux autres films sur Jesse James :
Jesse James as the Outlaw de Franklin B. Coates (1921) avec Jesse James Jr (son fils)
Le brigand bien aimé (Jesse James) d’Henry King (1939) avec Tyrone Power et Henry Fonda
Adventures of Frank and Jesse James de Fred C. Brannon et Yakima Canutt (1948) avec Clayton Moore
J’ai tué Jessie James (I shot Jesse James) de Samuel Fuller (1949) avec John Ireland et Reed Hadley.
Jesse James, le brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James) de Nicholas Ray (1957) avec Robert Wagner
A noter en outre, qu’IMDB liste 80 films où apparaît le personnage de Jesse James.

(1) Le fait que Jesse James ait oté ses armes pour aller épousseter un tableau est un fait historique, du moins est-ce ainsi que les frères Ford ont rapporté la scène aux autorités.

10 octobre 2012

Un flic (1972) de Jean-Pierre Melville

Un flicDans une station balnéaire désertée en plein hiver, quatre malfaiteurs attaquent une banque. A Paris, le commissaire Coleman enquête sur un futur convoyage de drogue en train… Un flic est le dernier film de Jean-Pierre Melville. Il n’a pas la perfection de ses plus grands films mais on y retrouve les thèmes forts de son univers de flics et de truands. Le flic, incarné une fois de plus par Delon, est atypique, capable même d’éprouver de la compassion pour ceux qu’il traque. La scène d’ouverture est très réussie mais on ne peut en dire autant hélas du second braquage, celui du train, montré en temps réel. Pourtant bien imaginée, cette scène est vraiment très longue, manque plutôt d’intensité et on se demande pourquoi Melville a choisi d’utiliser des maquettes si grossières pour les plans généraux. Toutes les petites touches, ces marques brillantes de l’univers Melvillien, ne parviennent à élever le film qui va probablement trop loin dans l’épure. Melville fut très affecté par son manque de succès. Le réalisateur succombera à une crise cardiaque l’année suivante. Il n’avait que 55 ans.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Richard Crenna, Catherine Deneuve, Paul Crauchet
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Homonyme :
Un flic de Maurice de Canonge (1947) avec Lucien Coëdel et Suzy Carrier.

12 septembre 2012

La prisonnière du désert (1956) de John Ford

Titre original : « The searchers »

La prisonnière du désertAu Texas en 1868, Ethan revient chez son frère qui vit à la limite du désert. Lors d’une attaque indienne, le frère et sa femme sont tués et leurs filles enlevées. Ethan part à leur recherche avec le jeune Martin… Adapté d’un roman d’Alan Le May, La prisonnière du désert (The Searchers) est l’un des plus beaux westerns qui soient, probablement le plus beau. Cette longue quête est aussi une quête personnelle ; Ethan et Martin sont des personnages que tout oppose. Ethan est un solitaire, qui vit en marge de la société et qui est aveuglé par sa haine et sa soif de vengeance. Martin est plus humain, avec la maladresse de la jeunesse mais une volonté inébranlable et une soif de vie. La prisonnière du désert John Ford approche de la perfection. La maitrise technique est manifeste et la photographie, les mouvements de caméra, les cadrages sont absolument superbes. La scène d’ouverture en est le plus bel exemple. Par son contenu, sa mise en scène, sa beauté graphique, La prisonnière du désert est une pure merveille.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: John Wayne, Jeffrey Hunter, Vera Miles, Ward Bond, Natalie Wood, Henry Brandon, Harry Carey Jr., Antonio Moreno
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Remarque :
Un petit reportage sur le tournage de The Searchers a été tourné et diffusé à la télévision au moment de la sortie du film. C’est ainsi l’un des premiers films à avoir bénéficié d’un making-of.

La prisonnière du désert de John Ford
« Ethan ? »
Le célèbre plan d’ouverture de La Prisonnière du désert de John Ford.

24 mai 2012

Essential Killing (2010) de Jerzy Skolimowski

Essential KillingTraqué et capturé par les forces américaines, un afghan est envoyé dans un centre de détention secret en Europe de l’Est. Lors d’un transfert, un accident lui donne l’occasion de s’échapper. Il s’enfuit dans les immenses forêts enneigées… Avec Essential Killing, le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski nous livre un film étonnant sur un homme traqué, une chasse à l’homme dont les forces sont bien inégales. Jerzy Skolimowski ne prend pas parti, ce n’est pas un film politique. D’ailleurs, rien ne montre que l’homme soit un Taliban, un terroriste, ni même seulement un militant. C’est seulement un homme traqué, diminué (une explosion lors de sa capture l’a rendu sourd), qui a des chances minimes de s’en sortir ou même de survivre. Il va aller jusqu’aux extrêmes de la résistance humaine. Il perd même le lien avec son passé qui devient diffus dans son esprit. Dans cette lutte pour la survie, c’est l’instinct animal qui prévaut. Le réalisateur a choisi Vincent Gallo car il le savait parfait pour exprimer cette animalité. Il fait ici une très belle performance. La mise en scène est remarquable. L’image est soignée avec des mouvements de caméra assez amples ; quelques scènes en caméra subjective sont en revanche volontairement plus heurtées. Il n’y a que peu de paroles intelligibles et la musique est superbement utilisée. Essential Killing est un film comme en voit peu.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner
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Remarque :
Les superbes paysages du début du film n’ont pas été filmés en Afghanistan mais en Israël, dans les déserts proches de la Mer Morte.

1 avril 2012

True Grit (2010) de Joel Coen et Ethan Coen

True GritFermement décidée à venger le meurtre de son père, une jeune adolescente de quatorze ans engage un vieux briscard de la chasse aux criminels, connu pour avoir du cran (grit en anglais) et la gâchette facile… True Grit est un roman de Charles Portis déjà adapté au cinéma en 1969 (1) que les frères Coen ont voulu rendre plus fidèlement en replaçant le récit à la première personne (la jeune fille). Mais surtout, ils le font dans la grande veine des westerns des années cinquante, redonnant un nouveau souffle au genre : personnages forts, longue traque, sentiments simples mais puissants, histoire simple mais prenante. Aux côtés de l’excellent Jeff Bridges, il faut noter la remarquable interprétation de la jeune Hailee Steinfeld, très convaincante de ce rôle de jeune fille très déterminée. Belle mise en scène des frères Coen, comme toujours.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jeff Bridges, Hailee Steinfeld, Matt Damon, Josh Brolin
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Remarques :
En ouverture et sur le générique de fin, et aussi en leitmotiv orchestré en cours de film, les frères Coen ont choisi le gospel Leaning on the Everlasting Arms, chanson bien connue au cinéma pour figurer largement dans le film de Charles Laughton La Nuit du Chasseur (The Night of the hunter, 1955), également un film sur une longue traque, mais d’un tout autre genre.

(1) Précédente adaptation :
True Grit (100 dollars pour un shérif) de Henry Hathaway (1969) qui valut un Oscar à John Wayne.