18 décembre 2016

Assassinats en tous genres (1969) de Basil Dearden

Titre original : « The Assassination Bureau limited »
Autre titre : « The Assassination Bureau »

Assassinats en tous genresAu tout début du XXe siècle, une jeune femme, ardente défenderesse de la cause féminine, désire devenir journaliste grâce à un scoop : enquêter sur une organisation criminelle spécialisée dans les crimes politiques qui a des agents dans plusieurs pays d’Europe. Elle contacte l’organisation pour lui faire une très étrange demande… Assassinats en tous genres est un film anglais basé sur un livre inachevé de Jack London. C’est une parodie de films d’espionnage et de complots avec une belle dose d’humour anglais de la meilleure veine. L’histoire, assez loufoque mais bien troussée, nous emmène dans plusieurs capitales européennes et joue avec l’Histoire : il y a un archiduc assassiné, une conférence de paix et Basil Dearden insère des images en noir et blanc pour faire croire à des images d’archives. Le rythme est enlevé et Basil Dearden confirme sa réputation de réalisateur soigneux. Diana Rigg, qui venait de terminer sa période Avengers, est particulièrement charmante en intrépide suffragette. L’ensemble se regarde avec plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Oliver Reed, Diana Rigg, Telly Savalas, Curd Jürgens, Philippe Noiret
Voir la fiche du film et la filmographie de Basil Dearden sur le site IMDB.

Voir les autres films de Basil Dearden chroniqués sur ce blog…

Assassinats en tous genres
Oliver Reed et Diana Rigg dans Assassinats en tous genres de Basil Dearden.

Assassinats en tous genres
Telly Savalas et Curd Jürgens dans Assassinats en tous genres de Basil Dearden.

18 juin 2016

Le Droit d’aimer (1929) de John S. Robertson

Titre original : The Single Standard

The Single Standard(Film muet) Arden Stuart est la fille d’une famille en vue de la haute société de San Francisco. Elle s’ennuie et déplore que les femmes ne puissent se permettre de faire les mêmes choses que les hommes. Elle refuse les avances de Tommy Hewlett qui est éperdument amoureux d’elle. Elle rêve d’un amour sincère et va le trouver en la personne d’un séduisant peintre… Adapté d’un roman d’Adela Rogers St. Johns, The Single Standard est un mélodrame qui semble se placer dans une optique féministe. Un texte en exergue nous rappelle que « depuis des générations, les hommes font ce qu’ils veulent alors que les femmes font ce que les hommes veulent ». C’est justement le sens du Single Standard, expression de l’époque signifiant qu’un même code de conduite, un même standard, devrait s’appliquer aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ceci étant dit, il semble bien que le propos soit ici de démontrer que c’est impossible car la suite de cette histoire est assez conventionnelle et marquée d’un certain conservatisme. On peut y voir l’effet de l’influence grandissante des codes moraux imposés au cinéma. Greta Garbo est une fois de plus assez merveilleuse, même si son jeu peut sembler un peu moins enthousiasmant. Décrite par la publicité comme étant pour la première fois dans un personnage « 100% américain », elle porte des tenues très contemporaines, toujours conçues par le couturier Adrian. Son partenaire est de nouveau Nils Asther qui montre une très belle présence à l’écran : il a une grande puissance dans le regard. Les scènes entre Garbo et lui sont empreintes de passion. Le chef-opérateur n’est pas cette fois William Daniels, le chef-op attitré de Garbo étant probablement pris sur un autre tournage, mais Oliver T. Marsh. Cela se sent, la photographie est moins remarquable. Comme les autres films de Greta Garbo, The Single Standard fut un grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Nils Asther, Johnny Mack Brown
Voir la fiche du film et la filmographie de John S. Robertson sur le site IMDB.

Voir les livres sur Greta Garbo

Remarques :
* Craignant que l’accent suédois de Greta Garbo soit un problème, la M.G.M. continuait à lui faire tourner des films muets. Son premier film parlant sera Anna Christie en 1930.
* Un intertitre est resté célèbre. A un importun dans la rue qui tente de l’aborder, elle lance « I walking alone because I want to walk alone » (= je marche seule parce je veux marcher seule), phrase qui préfigure son célèbre (« I want to be alone ») de Grand Hotel (1932) et de son désir dans la vraie vie.
* Deux figurants, futurs acteurs de premier plan : Joel McCrea (l’un des trois maris coureurs au début du film) et Robert Montgomery (l’un des danseurs à la réception ?)

The Single Standard
Fred Solm, Greta Garbo et Johnny Mack Brown dans The Single Standard de John S. Robertson.

The Single Standard
Greta Garbo et Nils Asther dans The Single Standard de John S. Robertson.

The Single Standard
Greta Garbo et Nils Asther dans The Single Standard de John S. Robertson.

8 juin 2016

La Course au mari (1948) de Don Hartman

Titre original : « Every Girl Should Be Married »

La Course au mariAnabel (Betsy Drake) rêve de rencontrer le mari idéal et de fonder un foyer. Lorsqu’elle rencontre fortuitement le docteur Brown, un célibataire endurci, elle sait instantanément que c’est le bon. Elle commence par enquêter pour connaitre tout de lui et va mettre sur pied des stratagèmes très élaborés pour l’attirer à elle… Sur une histoire imaginée par Eleanor Harris, le scénariste et producteur Don Hartman a écrit et réalisé cette comédie assez farfelue (1). Mettant au premier plan la guerre des sexes, La Course au mari se situe un peu dans la veine des comédies screwball de la décennie précédente. L’histoire est abracadabrante, totalement improbable et c’est cette démesure qui fait le charme du film. Il y a de bonnes trouvailles de scénario et beaucoup de rebondissements inattendus. Sur le fond, on peut voir aussi bien l’expression d’une profonde misogynie (les femmes mentent pour mettre le grappin sur un homme) que celle d’une émancipation des femmes (la femme veut pouvoir choisir son mari au lieu de subir l’inverse). Cette ambiguïté (misogynie ou féminisme?) se retrouve dans nombre de comédies screwball et fait partie de leur richesse. Ce qui est moins ambigu, c’est une certaine glorification béate de la famille, que nos yeux modernes trouveront immanquablement caricaturale. C’est également un thème récurrent dans ce type de comédies. Si Cary Grant, très retenu dans son jeu, était alors une grande vedette, tel n’était pas le cas de Betsy Drake dont c’est le premier rôle à l’écran. En pratique, tout le film repose sur elle, elle est de presque toutes les scènes ; le pari était donc assez risqué. Il fut toutefois payant puisque le film rencontra un grand succès à sa sortie. Il est aujourd’hui plutôt mal considéré. À tort…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Betsy Drake, Franchot Tone, Diana Lynn
Voir la fiche du film et la filmographie de Don Hartman sur le site IMDB.

Remarques :
* Betsy Drake épousera Cary Grant l’année suivante dans la vraie vie. Ils resteront mariés jusqu’en 1962. Pour Cary Grant, il s’agissait de son troisième mariage (et pas le dernier…) Ils s’étaient rencontrés à Londres, un an avant le début du tournage.
* Le film utilise à plusieurs reprises le thème de la chanson La Mer que Charles Trénet venait de composer deux ans auparavant.
* Autre orthographe du titre français : La Course aux maris.

(1) En pratique, il semble qu’Howard Hughes, qui venait de racheter la RKO, ait eu une influence importante sur le tournage (allant jusqu’à donner des instructions précise à Hartman) et qu’il ait autorisé son ami Cary Grant à réécrire certaines scènes.

La course au mari
Betsy Drake et Cary Grant dans La Course au mari de Don Hartman. La femme au centre pourrait être Bess Flower (à vérifier), la figurante la plus célèbre d’Hollywood : 879 films au compteur. En 41 ans de carrière (1923-1964), cela fait une moyenne de plus de 20 films par an!

6 avril 2016

Les Arpenteurs (1972) de Michel Soutter

Les arpenteursTout commence avec un panier de légumes que Lucien met sous une haie, à l’abri des oiseaux. Il n’ose pas aller le porter à sa jolie voisine car sa femme affirme que c’est une prostituée. Il demande à Léon, un géomètre (arpenteur) de passage, d’aller le porter à sa place… Ecrit et réalisé par le suisse Michel Soutter, l’un des trois grands artisans genevois du cinéma suisse des années 70, les deux autres étant Goretta et Tanner (1), Les Arpenteurs ne se raconte pas vraiment. La construction surprend mais on adhère très rapidement au film. Arpenter, c’est « marcher de long en large à grandes enjambées entre les maisons, les gens et les sentiments », indique un carton à la fin du film. Arpenter, c’est ce que semblent faire les personnages du film de Michel Soutter : ils explorent leur univers sentimental et affectif pour découvrir s’ils « vivent à l’envers » ou « à l’endroit ». Le personnage central est Alice (Marie Dubois), toujours dans un univers d’enfance, trop joueuse, involontairement cruelle aussi. Son innocence forme un barrage, ceux qui l’aiment n’osent franchir le pas. Face à elle, Léon (Jean-Luc Bidault) à l’apparence si massive, perd lui aussi son assurance. Tout l’art de Michel Soutter a été de créer un univers poétique qui semble avoir son propre rythme et son propre langage fait des répliques inattendues ou parfois de silences. Il parvient à un bel équilibre. Son film est léger en apparence, assez amusant mais aussi plutôt profond.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis, Jacqueline Moore
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(1) Alain Tanner, Claude Goretta, Michel Soutter, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange (remplacé par la suite par Yves Yersin) appartenaient au « Groupe 5 », une association de cinéastes genevois qui se sont unis pour produire leurs films. Les cinéastes étaient proches de la Télévision suisse romande.

 

Les Arpenteurs
Jean-Luc Bideau et Marie Dubois dans Les Arpenteurs de Michel Soutter.

Les Arpenteurs
Marie Dubois et Jacques Denis dans Les Arpenteurs de Michel Soutter.

17 juin 2015

La Cité des femmes (1980) de Federico Fellini

Titre original : « La città delle donne »

La Cité des femmesAprès s’être assoupi dans un train, un homme découvre à son réveil une femme attirante assise en face de lui. Lorsqu’elle descend dans une petite gare, il la suit et se retrouve au beau milieu d’un congrès féministe… La Cité des femmes forme avec Casanova (1976) une sorte de diptyque dans le sens où ils sont tous deux centrés sur la sexualité masculine. S’il est assez exubérant dans sa forme, avec une volonté évidente de choquer les esprits, le fond du propos est finalement assez noir : les fantasmes masculins plombent l’esprit, ils sont une prison dont on ne peut s’échapper et ne débouchent que sur le vide et la solitude. A cela, s’ajoute la sempiternelle angoisse du mâle vieillissant. La Cité des femmes paraît un peu long, avec des redites, avec des scènes qui ressemblent à un pot-pourri de ses films précédents (c’est particulièrement net dans la scène du toboggan) et des allégories qui manquent de subtilité. Le film a été largement critiqué à l’époque pour la vision caricaturale qu’il donnait des féministes. Avec le recul, l’humour sur ce plan ressort mieux. On pourra toutefois disserter à loisir sur le fait de savoir si le propos est misogyne ou pas. Soulignons à ce sujet que les deux personnages masculins sont franchement pitoyables – Fellini les a d’ailleurs affublés de noms ridicules – mais cela ne signifie pas pour autant que les femmes ont le beau rôle…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Anna Prucnal, Bernice Stegers, Ettore Manni
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La cité des femmes
Snàporaz visite le « musée » des conquêtes du Docteur Katzone…
Marcello Mastroianni dans La Cité des femmes de Federico Fellini

La cité des femmes
Bernice Stegers et Federico Fellini sur le tournage de La Cité des femmes

10 avril 2014

She Wouldn’t Say Yes (1945) de Alexander Hall

She Wouldn't Say YesSusan Lane est une psychologue qui a réussi à s’imposer dans son métier par son expertise dans les rapports humains. En toutes circonstances, elle montre une grande maitrise de ses sentiments et garde le contrôle sur elle-même. Lorsqu’elle fait la connaissance d’un dessinateur de bandes dessinées humoristiques, elle n’a bien entendu aucune intention de céder à ses avances… Produit et coécrit par Virginia Van Upp (1), She Wouldn’t Say Yes est une screwball comedy basée sur un personnage féminin fort. Tout le film repose en effet sur les épaules de Rosalind Russell qui, il est vrai, a l’habitude d’interpréter ce type de rôle de femme très affirmée qui traite d’égal à égal avec les hommes ou qui, comme ici, surpasse nettement les hommes. Elle fait ici une très belle prestation, montrant une belle palette d’expressions et une superbe présence à l’écran. Face à elle, Lee Bowman est bien fade même si cela fait partie de son rôle. Les dialogues sont enlevés avec de bons traits d’humour. L’ensemble est amusant, bien écrit, assez original bien que peu crédible. On peut donc se demander pourquoi She Wouldn’t Say Yes n’a pas eu plus de succès et pourquoi il est, encore aujourd’hui, jugé si sévèrement. Serait-ce parce que tous les personnages masculins sont faibles (voire idiots) et que l’on ne peut s’identifier à aucun d’entre eux ? Cette explication est peut-être un peu simpliste mais elle n’est pas impossible (2). Toujours est-il que le film est injustement très méconnu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rosalind Russell, Lee Bowman, Adele Jergens, Charles Winninger, Harry Davenport
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(1) Virginia Van Upp a débuté comme scénariste avant de passer à la production. Elle est l’une des rares femmes à avoir été Executive producer à Hollywood. Elle sera l’année suivante la productrice de Gilda.
Nota : Sur le sujet des femmes de cinéma, on peut consulter l’encyclopédie en deux volumes d’Ally Acker : Reel Women (en anglais).

(2) Le propos de She Wouldn’t Say Yes est en effet assez franchement féministe : pour faire rentrer cette femme « dans le rang » (= la forcer à se marier), les hommes devront user d’une supercherie bien peu glorieuse et, pire encore (!), la fin laisse penser que la femme gardera sa suprématie et sa carrière (une fin plus coutumière à Hollywood est de montrer que la femme abandonne sa carrière après son mariage). D’ailleurs, l’image finale est sur ce point significative : dans le train, la femme est seule dans la couchette du dessus, les deux hommes sont entassés au niveau inférieur, le mari est relégué au même niveau que le père (un peu idiot). Le mariage ne va donc pas changer le rapport de forces…!
Si on peut comprendre qu’à l’époque le type de situations où la femme est supérieure à l’homme pouvait déplaire, il est tout de même assez étonnant que cela gêne encore les spectateurs (masculins) aujourd’hui.

8 février 2013

Flamme de mon amour (1949) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Waga koi wa moenu »

Flamme de mon amourNous sommes au Japon, à la fin du XIXe siècle. Après la fermeture arbitraire de l’école pour jeunes filles qu’elle avait fondée, Eiko se rend à Tokyo et devient chroniqueuse dans le journal du Parti Libéral qui milite pour l’instauration d’une constitution… Dans la ligne de La Victoire des femmes qu’il avait tourné trois années plus tôt, Flamme de mon amour retrace le parcours de la militante féministe Hideko Fukuda (1), parfois surnommée « la Jeanne d’Arc japonaise ». S’il puise ainsi dans l’histoire du Japon, c’est pour mieux évoquer la situation actuelle de son pays et les nécessaires évolutions de société. Il met donc ostensiblement en relief le machisme des hommes (y compris au sein du parti le plus progressiste de l’ère Meiji) pour mieux montrer que la situation n’a pas tant évolué depuis. Par rapport à son film précédent, une incursion dans le néoréalisme à l’italienne, le style de Mizoguchi est ici plus formel, assez beau, avec de grands travellings et de belles envolées lyriques. Belle scène finale porteuse d’un élan et d’un optimisme assez inhabituel chez Mizoguchi. Flamme de mon amour est un grand et beau film féministe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Mitsuko Mito, Kuniko Miyake, Ichirô Sugai
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Remarque :
Flamme de mon amour est adapté d’un roman de Kôgo Noda tiré de l’autobiographie de Hideko Fukuda , « Warawa no hanshogai ».

(1) Hideko Fukuda (1865-1927) est également connue sous son nom de jeune fille : Hideko Kageyama.