8 novembre 2013

L.627 (1992) de Bertrand Tavernier

L.627Lucien est enquêteur de police, un policier de terrain qui fait son métier avec passion. Muté à la suite d’une insubordination, il est affecté à une petite brigade chargé d’arrêter les dealers de drogue en flagrant délit… L.627 est un film étonnant, à la fois très proche du documentaire mais également solidement écrit, joué et interprété. Bertrand Tavernier en a écrit le scénario avec Michel Alexandre, lui-même ancien policier. Le film dresse ainsi un portrait très réaliste des conditions de travail vraiment précaires dans lesquelles les policiers doivent travailler, les astuces dont ils doivent faire preuve, leurs rapports avec les indics. S’il montre essentiellement les scènes vues du côté des policiers, L.627 laisse entrevoir l’environnement social des petits trafiquants. L’interprétation de Didier Bezace est très solide dans son jeu, bien soutenu par les seconds rôles, Philippe Torreton en tête. Tavernier a volontairement écarté tous les clichés du film policier, tant sur le fond que sur la forme, et trouvé ainsi un style nouveau qui est propre au film, empreint de réalisme, tout en énergie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Didier Bezace, Philippe Torreton, Jean-Paul Comart, Charlotte Kady, Jean-Roger Milo
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Remarques :
* L.627 désigne un article du Code de la Santé publique français qui prévoit les sanctions pénales liées à la drogue.
* Si L.627 a été son premier scénario, Michel Alexandre a ensuite continué dans ce domaine pour faire une belle carrière de scénariste, réalisateur et maintenant producteur.

1 novembre 2013

Dollars (1971) de Richard Brooks

Titre original : « $ »

DollarsAlors qu’il installe des systèmes de sécurité dans une grande banque de Hambourg, l’américain Joe Collins met au point un plan pour dévaliser, avec son amie Divine, les coffres loués par des trafiquants de drogue. Il est certain que ceux-ci ne porteront pas plainte… Après l’échec commercial de son film précédent The Happy Ending, Richard Brooks se doit de prouver à ses producteurs qu’il peut encore faire des films à succès. Il écrit donc une histoire de casse intelligent où des petites crapules volent des grosses crapules. Le titre Dollars laisse présumer un contenu sous-jacent dénonçant l’attrait de l’argent mais il n’en est rien. L’histoire est assez classique et il est bien difficile d’y trouver la marque de Richard Brooks. Le point fort du film est plutôt à chercher du côté de son efficacité et de son énergie. La poursuite qui occupe une bonne partie de la seconde moitié du film est pleine de rebondissements. L’ensemble est toutefois un peu long et, surtout, un peu vain.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Goldie Hawn, Gert Fröbe, Robert Webber, Scott Brady
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19 août 2013

L’homme au bras d’or (1955) de Otto Preminger

Titre original : « The Man with the Golden Arm »

L'homme au bras d'orFrankie revient dans son quartier après un séjour forcé dans un centre de désintoxication. Il est bien décidé à changer de vie : au lieu de continuer à être donneur dans les parties de poker pour deux petits arnaqueurs, il veut maintenant être batteur dans un groupe de jazz. Mais ses anciennes mauvaises fréquentations vont tout faire pour le faire replonger… En adaptant ce roman de Nelson Algren, Otto Preminger dut batailler contre la censure et le film sortit sans le fameux sceau MPAA. L’homme au bras d’or n’incite pourtant pas à s’adonner à la drogue, loin de là, mais son tort selon le Code Hays était d’en parler. Il nous montre en effet, sans fard et sans crainte de choquer, l’enfer de l’addiction et l’incroyable difficulté d’en sortir. Les scènes de sevrage sont marquantes. En cela, il évoque le film de Billy Wilder Le Poison (The Lost Weekend, 1945) qui traitait de l’alcoolisme. Fort bien interprété par Frank Sinatra, L’homme au bras d’or est un film courageux, plutôt difficile et le très grand succès du film à sa sortie n’en que plus remarquable. Le film est également célèbre pour son thème musical créé par Elmer Bernstein, une telle utilisation du jazz n’était alors pas si courante, et pour son admirable générique de début créé par Saul Bass.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Frank Sinatra, Eleanor Parker, Kim Novak, Arnold Stang, Darren McGavin
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Remarque :
Otto Preminger avait déjà eu à batailler contre la censure pour son film La Lune était bleue (The Moon Is Blue, 1953), une comédie dans laquelle figuraient des mots interdits par le Code Hays : virgin, seduce et mistress (soit : vierge, séduire et maitresse). Le film avait également été diffusé sans le sceau MPAA.

18 mai 2013

The Mystery of the Leaping Fish (1916) de John Emerson

The Mystery of the Leaping Fish(Muet, 24 minutes) The Mystery of the Leaping Fish (= Le Mystère du poisson gonflable) est une petite curiosité. C’est un film vraiment étonnant à la fois par son côté totalement farfelu et débridé mais aussi par son générique : le scénario est signé Tod Browning (futur réalisateur des films avec Lon Chaney entre autres), les intertitres sont d’Anita Loos (qui deviendra ensuite l’une des plus grandes scénaristes d’Hollywood) et l’interprète principal est Douglas Fairbanks. Il s’agit de la prétendue enquête d’un détective qui se prénomme Coke Ennyday (= « de la coke tous les jours »). Le détective porte constamment une ceinture garnie d’une dizaine de seringues d’héroïne et aspire la cocaïne par poignée. Utiliser ainsi la drogue comme ressort burlesque est rare : en 1916, nous sommes à une époque où la censure n’existait pas, ou très peu (1) et il faudra attendre ensuite les années soixante-dix pour pouvoir parler de la drogue avec autant de légèreté. La drogue était déjà répandue dans le milieu du cinéma et c’est une satire outrancière de la dépendance qui est faite ici. De plus, le détective va découvrir un trafic d’opium (inutile de dire qu’il va vérifier lui-même qu’il s’agit bien d’opium). Il y a de bonnes trouvailles (notamment dans son bureau, et il faut voir sa voiture…). Irrévérencieux, absurde, The Mystery of the Leaping Fish est indubitablement assez unique en son genre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Douglas Fairbanks, Bessie Love, Alma Rubens
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(1) La « moralisation » n’interviendra vraiment que quelques années plus tard, notamment à la suite du scandale impliquant Fatty Arbuckle (1921), une jeune fille ayant trouvé la mort lors d’une « fête de débauche » chez l’acteur. C’est à partir de moment que, sous la pression du public, les studios créeront la Motion Pictures Producers and Distributors Association (future MPPA) et mettront l’avocat Hays à sa tête.

12 avril 2013

Pulp Fiction (1994) de Quentin Tarantino

Pulp FictionPulp Fiction est composé de trois histoires mettant en scène deux tueurs à Los Angeles. Ce qui rend le film si particulier est le traitement que Tarantino fait de ces histoires. Il entremêle, complique, insère de l’humour et esthétise l’ensemble qui, malgré sa violence, devient savoureux. C’est surtout le tandem formé par les deux tueurs qui donnent au film tout son sel, deux tueurs bavards, ergoteurs, la moindre futilité étant le prétexte d’un long échange verbal d’une fausse profondeur. En ajoutant une bonne dose d’humour, Tarantino parvient à les rendre attachants et crée des scènes fortes, des images qui restent. Toutefois, cette esthétisation de la violence peut toutefois susciter des interrogations, d’autant plus que Tarantino entoure toute cela d’une morale qui lui est propre (et que l’on retrouve dans bon nombre de ses films ultérieurs) : tout se paye au prix fort car on tombe toujours sur plus fort que soi… Une justice immanente en quelque sorte. Mais Tarantino, c’est avant tout un spectacle qu’il crée et il montre en ce domaine un réel talent dans Pulp Fiction. A l’instar de ces publications pulp dont il se réclame ouvertement par le titre, il crée un environnement clinquant, combinant habilement attraction et répulsion, et aussi un peu magique. Et il manie avec beaucoup de goût cette dimension supplémentaire dont il dispose qu’est la musique.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Travolta, Samuel L. Jackson, Uma Thurman, Bruce Willis, Harvey Keitel, Christopher Walken, Tim Roth
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29 mars 2013

Shinjuku Mad (1970) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Shinjuku maddo »

Fou de ShinjukuSuite à l’assassinat de son fils dans le quartier de Shinjuku à Tokyo, un homme va rechercher ses meurtriers, autant pour comprendre pourquoi il est mort que pour se venger. On lui dit qu’il aurait été tué par un certain Shinjuku Mad…
Koji Wakamatsu, cinéaste underground des années soixante et soixante-dix, met ici en relief l’opposition entre deux générations. Il le fait sans se priver d’une certaine exagération : les points de références du père sont vraiment très anciennes (la Révolution Meiji, la milice d’Edo) et la jeune génération est totalement amorphe et hallucinée, entre drogue et amour libre. Mais cette exagération permet de mieux montrer la grandeur du fossé qui les sépare et l’incompréhension qui en découle. La jeune bande de Shinjuku Mad aspire fortement (et même violemment) à quelque chose de différent, sans vraiment savoir quoi, sorte de révolutionnaires convulsifs sans idéal. Il est assez surprenant, connaissant les sympathies de Wakamatsu et de son scénariste (1), de voir que c’est le père, travailleur patient, qui est le plus respecté dans cette histoire. Comme souvent, le cinéaste place une séquence en couleurs, passablement sanguinolente, au début du film et l’on peut craindre alors que le registre soit un peu trop gore mais ce n’est pas le cas par la suite. Excellente bande sonore.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toshiyuki Tanigawa
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(1) Le scénario est signé Masao Adachi qui s’engagera dans un groupe armé de l’extrême gauche japonaise peu après.

21 mars 2013

Colors (1988) de Dennis Hopper

ColorsA Los Angeles, un policier expérimenté doit faire équipe avec un jeune plein de fougue. Ils patrouillent dans les quartiers infestés par de très nombreux gangs… Ce n’est pas tant la relation entre les deux policiers, qui peut paraître très classique, qui fait l’originalité de Colors mais plutôt le traitement très réaliste, du moins proche de la réalité, du quotidien des patrouilles de policiers face aux gangs. Il en découle une indéniable authenticité presque documentaire. Cela n’empêche pas les deux rôles principaux d’être merveilleux tenus, le tandem formé par Robert Duvall et Sean Penn montrant une certaine richesse et donnant de l’épaisseur à l’ensemble. Denis Hopper sait éviter tout sensationnalisme et tout sentimentalisme pour se concentrer sur son sujet. Il montre aussi beaucoup de maitrise dans les scènes d’action, avec des poursuites très prenantes. La violence est bien entendu omniprésente, paraissant aussi inutile qu’inéluctable. La musique donne une large place au rap avec également des morceaux originaux d’Herbie Hancock. Le style très réaliste de Colors a été, par la suite, largement copié par de très nombreux films et séries policières.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sean Penn, Robert Duvall
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10 octobre 2012

Un flic (1972) de Jean-Pierre Melville

Un flicDans une station balnéaire désertée en plein hiver, quatre malfaiteurs attaquent une banque. A Paris, le commissaire Coleman enquête sur un futur convoyage de drogue en train… Un flic est le dernier film de Jean-Pierre Melville. Il n’a pas la perfection de ses plus grands films mais on y retrouve les thèmes forts de son univers de flics et de truands. Le flic, incarné une fois de plus par Delon, est atypique, capable même d’éprouver de la compassion pour ceux qu’il traque. La scène d’ouverture est très réussie mais on ne peut en dire autant hélas du second braquage, celui du train, montré en temps réel. Pourtant bien imaginée, cette scène est vraiment très longue, manque plutôt d’intensité et on se demande pourquoi Melville a choisi d’utiliser des maquettes si grossières pour les plans généraux. Toutes les petites touches, ces marques brillantes de l’univers Melvillien, ne parviennent à élever le film qui va probablement trop loin dans l’épure. Melville fut très affecté par son manque de succès. Le réalisateur succombera à une crise cardiaque l’année suivante. Il n’avait que 55 ans.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Richard Crenna, Catherine Deneuve, Paul Crauchet
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Homonyme :
Un flic de Maurice de Canonge (1947) avec Lucien Coëdel et Suzy Carrier.

11 juin 2012

Taking Off (1971) de Milos Forman

Taking OffUne adolescente participe à une audition et ne rentre pas chez elle. Ses parents la recherchent et tentent de comprendre… Taking Off est le premier film américain de Milos Forman. Il en a écrit le scénario avec Jean-Claude Carrière, c’est donc une vision assez européenne qu’il nous donne ici de la civilisation américaine en proie à un fort conflit de générations. Il a choisi le registre de l’humour, le film étant presque une série de saynètes, hélas assez inégales. Le regard est surtout porté sur les parents, coincés et maladroits, totalement déstabilisés par les fugues de leurs enfants mais qui ne demandent qu’à se laisser aussi happer par cette vague d’émancipation et d’apparente liberté. Taking Off a le défaut de rester en surface de tout cela pour simplement jouer sur le burlesque. La meilleure scène est celle du cours très formel donné (par Vincent Schiavelli) à un groupe de parents guindés pour leur apprendre à fumer un joint (dans le but de mieux comprendre leurs enfants). C’est un grand moment! En revanche, les scènes d’audition sont particulièrement longues et pénibles. A noter, une apparition de Ike & Tina Turner sur scène.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Lynn Carlin, Buck Henry, Georgia Engel, Audra Lindley, Paul Benedict, Vincent Schiavelli
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8 février 2012

Electra Glide in Blue (1973) de James William Guercio

Titre français parfois utilisé : « Dérapage contrôlé »

Electra Glide in BlueMotard de la police routière de l’Arizona, John Wintergreen rêve de devenir détective. Quand un vieil homme se suicide dans une cabane isolée, il voit là l’occasion de se distinguer et déclare contre tous qu’il s’agit d’un meurtre. Un inspecteur de la Criminelle lui donne raison et le prend comme acolyte… Electra Glide in Blue est un film qui fut mal reçu à sa sortie, notamment à Cannes où il a été présenté. Il faut dire que le propos de James William Guercio, plus connu comme musicien et producteur (1), est un peu difficile à cerner : il renvoie dos à dos la communauté hippie, qu’il montre soit comme vivant dans la fange soit tirant de bons profits du trafic de drogue, et les policiers qu’il montre comme corrompus ou incapables. Ce type de propos désenchanté plaît beaucoup plus aujourd’hui et Electra Glide in Blue est aujourd’hui souvent considéré comme un film important montrant le déclin d’une certaine Amérique. Le fait qu’il ait été très peu exploité en France contribue à lui donner de l’attrait et un début de statut de film-culte… L’ensemble est toutefois confus et quelque peu décousu. Le fait qu’il s’amuse à retourner certaines situations de Easy Rider n’arrange pas les choses. En grand admirateur de John Ford, James William Guercio donne une atmosphère de western moderne à son film et tourne à Monument Valley. Il a parfaitement su contrecarrer son manque d’expérience en s’entourant de grands professionnels ce qui permet à la photographie d’être assez belle.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Blake, Billy Green Bush, Mitch Ryan, Jeannine Riley, Elisha Cook Jr.
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Remarques :
(1) James William Guercio fut guitariste, notamment avec Frank Zappa, puis producteur de Blood Sweat & Tears et du groupe Chicago. On retrouve d’ailleurs plusieurs membres de Chicago : Peter Cetera (Bob Zemko), Lee Loughnane (le hippie avec les cochons), Walter Parazaider (Loose Lips), Terry Kath (le tueur). A noter aussi, au sein de la communauté hippie, un figurant du nom de Nick Nolte.