12 juillet 2021

Des enfants gâtés (1977) de Bertrand Tavernier

Des enfants gâtésEn panne d’inspiration, un réalisateur décide de s’isoler de sa famille dans un petit appartement pour écrire le scénario de son prochain film. Il fait rapidement la connaissance des voisins, unis dans une lutte contre le propriétaire. Au début réticent, il accepte de se joindre à leur combat et noue une liaison avec sa jeune voisine Anne…
Des enfants gâtés est le quatrième long métrage de Bertrand Tavernier. Le scénario est signé Charlotte Dubreuil et Christine Pascal. L’histoire permet de souligner la déshumanisation des grands ensembles urbains (en l’occurrence Nanterre, alors en pleine construction) et les méthodes abusives des propriétaires. C’est aussi, et même surtout, une critique de l’esprit bien-pensant des intellectuels parisiens coupés de la réalité : au contact de ses voisins, le personnage principal (et Tavernier lui-même) s’interroge sur ses privilèges, sur sa position d’artiste. De plus, la relation amoureuse qui naît est particulièrement déséquilibrée : il ne risque rien contrairement à elle. Fort louable dans ses intentions, le récit manque hélas de force ce qui pousse à le considérer comme plutôt mineur dans la filmographie de Bertrand Tavernier.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Michel Piccoli, Christine Pascal, Michel Aumont, Gérard Jugnot
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Remarques :
* La chanson du générique, composée par Philippe Sarde et écrite par Jean-Roger Caussimon, est interprétée par  Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle (qui n’apparaissent pas dans le film). Elle s’intitule Paris jadis.
* Au début du film, le personnage que joue Piccoli se présente comme un réalisateur qui a fait La Mort en direct, film que Bertrand Tavernier réalisera en 1980, soit trois ans après Des enfants gâtés.

Des enfants gâtésChristine Pascal et Michel Piccoli dans Des enfants gâtés de Bertrand Tavernier.

7 janvier 2021

Ça commence aujourd’hui (1999) de Bertrand Tavernier

Ça commence aujourd'huiDaniel est directeur d’une école maternelle dans le nord de la France. Enseignant avec passion et convictions, il doit faire face à la pauvreté des familles et ni les institutions publiques, ni sa hiérarchie ne lui viennent en aide…
Le scénario de Ça commence aujourd’hui a été écrit conjointement par Dominique Sampiero et Tiffany Tavernier, la fille du cinéaste. Dominique Sampiero a lui-même été directeur d’école maternelle avant d’en démissionner pour se consacrer à l’écriture. Le film est basé sur sa propre expérience. Bertrand Tavernier trouve le ton juste pour montrer la précarité d’une région fortement touchée par le chômage, il le fait sans misérabilisme, sans effet de dramatisation, il montre la réalité en utilisant beaucoup d’acteurs non professionnels jouant leur propre rôle (à commencer par les enfants qui ne sont pas issus d’un casting). On ressent souvent l’impression d’être face à un documentaire tellement le résultat paraît authentique. La réussite du film doit aussi beaucoup à Philippe Torreton qui donne corps à cet enseignant dont l’engagement se heurte à la dure réalité et à la passivité des institutions. L’école maternelle où le film a été tourné existe toujours. Elle s’appelle maintenant Ecole maternelle Bertrand Tavernier.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Philippe Torreton, Maria Pitarresi, Nadia Kaci, Véronique Ataly, Nathalie Bécue, Emmanuelle Bercot
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Ça commence aujourd'huiPhilippe Torreton dans Ça commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier.

22 octobre 2020

Capitaine Conan (1996) de Bertrand Tavernier

Capitaine ConanLes Balkans, septembre 1918. Alors que l’armistice est signé en France, l’armée d’Orient n’est pas démobilisée et reste en état de guerre. En casernes à Bucarest, les soldats sèment le désordre, pillent et tuent. Norbert a la délicate mission de faire condamner les coupables, les hommes du Capitaine Conan, son ami, à qui l’on doit la prise du mont Sokol…
Adaptation du roman homonyme de Roger Vercel, Capitaine Conan de Bertrand Tavernier est un film particulièrement ambitieux et riche. Son ampleur et le soin porté à sa réalisation le rendent remarquable au sein du cinéma français. La qualité de l’interprétation, Philippe Torreton en tête bien entendu mais aussi de tous les seconds rôles, lui donne une intensité qui ne faiblit à aucun moment. Le propos est assez subtil et complexe : il questionne principalement sur les limites que l’on donne à l’héroïsme, sur les règles qui régissent la guerre. Conan se définit comme un « guerrier » et appelle les autres des « soldats », il ne reconnait que ses propres règles et va donc s’opposer à son ami chargé de faire condamner les coupables de méfaits. Nous sommes loin de tout manichéisme et du jugement hâtif. Est-ce pour cette raison que le film n’a pas remporté une adhésion plus large auprès du public ? Capitaine Conan est pourtant l’un des plus grands films de Bertrand Tavernier. C’est un grand film tout court…

Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Philippe Torreton, Samuel Le Bihan, Bernard Le Coq, Catherine Rich, François Berléand, Claude Rich
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 Capitaine ConanPhilippe Torreton et Samuel Le Bihan dans Capitaine Conan de Bertrand Tavernier.

14 mai 2017

Voyage à travers le cinéma français (2016) de Bertrand Tavernier

Voyage à travers le cinéma françaisComme on le sait, Bertrand Tavernier est non seulement un grand réalisateur mais aussi un grand cinéphile. Il a déjà merveilleusement écrit sur le cinéma américain mais, avec ce documentaire de plus de 3 heures, c’est sa passion pour le cinéma français des années 30, 40, 50 et 60 qu’il nous fait partager. Loin d’être un pensum austère ou professoral, son récit est chaleureux et vivant : il mêle avec bonheur des éléments autobiographiques, ses premiers émois au cinéma ou ses expériences d’assistant-réalisateur, ou encore ses relations avec certains réalisateurs. Il nous fait découvrir (ou nous remet en mémoire) toute la richesse du cinéma français et ses grands créateurs parmi lesquels il classe non seulement les Renoir, Carné et autres Becker, mais aussi Jean Gabin ou encore un grand musicien comme Maurice Jaubert. Il aborde avec la même passion, et toujours sans idée préconçue, la Nouvelle Vague et des cinéastes comme Melville ou Sautet. Par son récit, par des témoignages, par des anecdotes, Tavernier nous permet presque de nous glisser dans la peau, ou au moins dans l’univers, de ces grands créateurs et il démontre avec brio que le cinéma français dit « classique » est loin d’être rébarbatif. Ce documentaire lui a demandé plus de six ans de travail pendant lequel il a vu et revu un bon millier de films. Sa présentation n’est pas exhaustive, on pourra regretter tel ou tel oubli, c’est en tous cas un film de passion qui se regarde avec un immense plaisir. Une merveille.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
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Voyage à travers le cinéma français

Remarques :
* On peut penser au film similaire que Scorsese a réalisé sur le cinéma américain, Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain (1995) de Martin Scorsese et Michael Henry Wilson (qui ressort en DVD dans quelques jours d’ailleurs). Par rapport à ce dernier, Tavernier passe beaucoup plus de temps sur chaque créateur, il va beaucoup plus en profondeur.

* Le film est sorti dans de nombreux pays, y compris aux Etats-Unis ce qui a permis de faire découvrir tout un pan du cinéma français aux cinéphiles qui pensent souvent que le cinéma français est né avec la Nouvelle Vague.

* Une mini-série pour France 5 est prévue en prolongement. Elle serait terminée.

Voyage à travers le cinéma français
Voyage à travers le cinéma français
Voyage à travers le cinéma français
Voyage à travers le cinéma français

10 décembre 2015

Quai d’Orsay (2013) de Bertrand Tavernier

Quai d'OrsayJeune diplômé de l’ENA, Arthur Vlaminck est embauché en tant que chargé du « langage » au ministère des Affaires Étrangères, c’est-à-dire écrire des discours. Il est intégré dans une équipe de conseillers où chacun a une spécialité précise au service du ministre, un personnage exubérant et fantasque… Quai d’Orsay est l’adaptation d’une bande dessinée d’Abel Lanzac (pseudonyme du diplomate Antonin Baudry) et Christophe Blain sortie en 2010. Antonin Baudry s’est inspiré de sa propre expérience, le ministre en question étant Dominique de Villepin. Si le film nous montre de l’intérieur les coulisses d’un ministère, c’est avant tout une comédie, on pourrait même parler de farce tant le personnage du ministre paraît caricatural. On s’amuse beaucoup dans la première demi-heure des bons mots et des coups d’éclats mais, hélas, le film tourne ensuite en boucle, utilisant les mêmes ressorts dans des situations différentes. Toutefois, le rythme est très enlevé, maintenant le spectateur de cette ritournelle en état d’alerte permanente. Sur le fond, on peut trouver que le propos surfe sur le populisme ambiant en montrant un ministre guignolesque. Mais on peut aussi trouver qu’il montre que, derrière une façade qui joue sur les discours simplificateurs, il y a dans un ministère des personnes constamment sur le qui-vive qui résolvent des problèmes passablement complexes (le personnage joué par Niels Arestrup est librement inspiré de l’ancien directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères, Pierre Vimont). Heureusement, Thierry Lhermitte est excellent, retrouvant ici le type de grand rôle comique dans lequel on ne le voit plus beaucoup aujourd’hui. Quand il n’est pas à l’écran, on attend impatiemment qu’il revienne…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Thierry Lhermitte, Raphaël Personnaz, Niels Arestrup, Julie Gayet, Anaïs Demoustier, Thomas Chabrol
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Quai d'Orsay
Niels Arestrup, Raphaël Personnaz et Thierry Lhermitte dans Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier.

8 novembre 2013

L.627 (1992) de Bertrand Tavernier

L.627Lucien est enquêteur de police, un policier de terrain qui fait son métier avec passion. Muté à la suite d’une insubordination, il est affecté à une petite brigade chargé d’arrêter les dealers de drogue en flagrant délit… L.627 est un film étonnant, à la fois très proche du documentaire mais également solidement écrit, joué et interprété. Bertrand Tavernier en a écrit le scénario avec Michel Alexandre, lui-même ancien policier. Le film dresse ainsi un portrait très réaliste des conditions de travail vraiment précaires dans lesquelles les policiers doivent travailler, les astuces dont ils doivent faire preuve, leurs rapports avec les indics. S’il montre essentiellement les scènes vues du côté des policiers, L.627 laisse entrevoir l’environnement social des petits trafiquants. L’interprétation de Didier Bezace est très solide dans son jeu, bien soutenu par les seconds rôles, Philippe Torreton en tête. Tavernier a volontairement écarté tous les clichés du film policier, tant sur le fond que sur la forme, et trouvé ainsi un style nouveau qui est propre au film, empreint de réalisme, tout en énergie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Didier Bezace, Philippe Torreton, Jean-Paul Comart, Charlotte Kady, Jean-Roger Milo
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Remarques :
* L.627 désigne un article du Code de la Santé publique français qui prévoit les sanctions pénales liées à la drogue.
* Si L.627 a été son premier scénario, Michel Alexandre a ensuite continué dans ce domaine pour faire une belle carrière de scénariste, réalisateur et maintenant producteur.

15 octobre 2013

Que la fête commence… (1975) de Bertrand Tavernier

Que la fête commence...En 1719, la France est gouvernée par le Régent Philippe d’Orléans, libéral et réformiste. Son ministre l’abbé Dubois l’incite à sévir contre le marquis de Poncallec, un noble sans le sou qui tente d’organiser un soulèvement en Bretagne contre les impôts et les déportations forcée vers la Louisiane… Pour son deuxième long métrage, Bertrand Tavernier choisit une période de transition de l’Histoire de France. Il dépoussière le « film à costumes » : Que la fête commence… est un film très vivant qui foisonne de détails, d’intrigues et de personnages. C’est un portrait très réaliste de la France de cette époque. L’interprétation est parfaite : Philippe Noiret en régent lucide, désabusé, également libertin et organisateur d’orgies, Jean Rochefort en ministre cynique, avide d’honneurs, incapable de la moindre compassion, Jean-Pierre Marielle en idéaliste plein de fougue. Les seconds rôles sont très nombreux et tout aussi bien tenus. La caméra de Tavernier est mobile, elle participe à ce bouillonnement. Que la fête commence…est une belle réussite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Christine Pascal, Marina Vlady, Nicole Garcia
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Remarque :
On note la présence dans des petits rôles de Thierry Lhermitte (le comte de Horn), de Christian Clavier (le valet de l’auberge), de Gérard Jugnot (un homme à pied), de Michel Blanc (le valet de chambre de Louis XV), de Jean-Roger Caussimon (Le cardinal), de Marcel Dalio (un noble suffocant au repas), de Jean-Jacques Moreau (paysan dans la scène finale), de Brigitte Roüan (une prostituée) et également de Daniel Duval (mirebalais dans les orgies) qui nous a quitté il y a quelques jours.

13 juillet 2012

La princesse de Montpensier (2010) de Bertrand Tavernier

La princesse de MontpensierEn 1566, à l’époque des guerres de religion sous la régence de Catherine de Médicis, Marie de Mezières aime depuis toujours Henri de Guise mais son père la contraint d’épouser le jeune et fade Prince de Montpensier. Lorsque son mari est appelé à la guerre, la princesse reste au château avec son précepteur, le comte de Chabannes… La princesse de Montpensier est une nouvelle de Madame de Lafayette sur la passion amoureuse que Bertrand Tavernier, grand féru d’Histoire, adapte ici brillamment. Il signe un film d’un grand classicisme, très beau, littéraire, mais aussi palpitant au gré de l’ardeur des sentiments, parfois haletant. Il y a beaucoup de fougue, avec un désir qui semble vouloir jaillir, exploser de toutes parts. Les dialogues sont remarquablement bien écrits, ils coulent joliment. A côté des belles prestations de Mélanie Thierry et de Lambert Wilson, Grégoire Leprince-Ringuet a un jeu plus fade mais c’est aussi son personnage qui veut cela. Les seconds rôles sont tous très bien tenus. La photographie est superbe exploitant magnifiquement des décors naturels de certains châteaux (1). Bertrand Tavernier montre que le film dit « à costumes » peut être moderne, enlevé, brillant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mélanie Thierry, Lambert Wilson, Grégoire Leprince-Ringuet, Gaspard Ulliel, Raphaël Personnaz, Michel Vuillermoz, Judith Chemla, Philippe Magnan
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Remarques :
* Le plan final, un plan moyen de Mélanie Thierry sur fond de neige, est de toute beauté.
* Tous les personnages sont historiques sauf, semble t-il, le comte de Chabannes qui aurait été imaginé par Madame de Lafayette.

(1) Lieux de tournage :
* Château du Plessis-Bourré, Écuillé (Maine-et-Loire) : le château entouré d’eau du Marquis de Mézières où vit Marie au début du film.
* Abbaye de Noirlac (Cher) : scène avec le Cardinal de Lorraine.
* Château de Messilhac, Raulhac (Cantal) : censé être le château de Champigny-sur-Veude, la demeure des Montpensier
* Château de Blois (Loir-et-Cher) : la cour censée être celle du Louvre, lors du duel entre Montpensier et De Guise.
* Palais Jacques-Cœur, Bourges (Cher)
* Rues de Chinon (Indre-et-Loire) : massacre de la Saint-Barthélemy.
* Château de Meillant (Cher) : le château censé être Blois tout à la fin, où s’entraine Henri de Guise.