5 juillet 2023

Demain est un autre jour (1956) de Douglas Sirk

Titre original : « There’s Always Tomorrow »

Demain est un autre jour (There's Always Tomorrow)Clifford Groves, un chef d’entreprise qui mène une vie bien réglée entre son travail, son épouse et leurs trois enfants, voit sa vie perturbée lorsque Norma, collaboratrice à ses débuts, vient lui rendre une visite inattendue…
Demain est un autre jour (There’s Always Tomorrow) est un film américain en noir et blanc réalisé par Douglas Sirk, adaptation d’un roman de Ursula Parrott. Il s’agit d’un mélodrame, l’un des meilleurs signés par Douglas Sirk. Il n’use d’aucun effet facile et son propos est assez subtil. Si, comme dans tous les films hollywoodiens de cette période, la morale sera respectée, le récit met à mal l’image de la famille idéale américaine. L’homme au centre de cette histoire n’est pas un quarantenaire volage qui recherche les aventures ; non, il est très déçu que toutes les gentilles attentions envers sa femme tombent à plat, cette dernière faisant passer les enfants avant tout. Cette famille idéale a toutes les allures d’une prison et le final est ambigu : est-ce bien un « happy end » …? L’art de Douglas Sirk est dans la subtilité car son film peut tout aussi bien être vu comme une fable moraliste que comme une mise à mal du modèle de la famille américaine. Nous sommes ici loin du mélodrame conventionnel. Très belle prestation de Barbara Stanwyck.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, Fred MacMurray, Joan Bennett, William Reynolds, Pat Crowley, Gigi Perreau, Jane Darwell
Voir la fiche du film et la filmographie de Douglas Sirk sur le site IMDB.

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Remarque :
* Plus de dix ans auparavant, Barbara Stanwyck et Fred MacMurray formaient le couple mythique du très beau film noir Assurance sur la mort (Double Indemnity) de Billy Wilder (1944).

Demain est un autre jour (There's Always Tomorrow)Barbara Stanwyck et Fred MacMurray dans Demain est un autre jour (There’s Always Tomorrow) de Douglas Sirk.

26 novembre 2018

Les Bérets verts (1968) de Ray Kellogg et John Wayne

Titre original : « The Green Berets »

Les bérets vertsLe colonel Mike Kirby est chargé de recruter deux unités d’élite pour des opérations spéciales au Vietnam. Dans un premier temps, elles aident à consolider l’implantation d’un camp retranché en pleine zone ennemie…
Déplorant l’opposition croissante à la guerre du Vietnam dans l’opinion, John Wayne décide de produire un film justifiant l’intervention américaine. Les Bérets verts est articulé en trois parties : un exposé didactique à un groupe de journalistes, le renforcement d’un camp retranché et l’enlèvement d’un général nord-vietnamien. On y retrouve toutes les caractéristiques d’un film de propagande : argumentation simpliste, déshumanisation de l’ennemi, autoglorification, utilisation d’artifices pour impliquer le spectateur (enfants par exemple). John Wayne transforme la guerre en mission humanitaire… Sur le plan cinématographique pur, le film est certainement moins catastrophique qu’on a voulu le dire mais comporte de nombreux défauts indignes d’une grande production ; la deuxième partie est sans aucun doute la plus réussie, la troisième étant aussi improbable que molle dans son déroulement. Largement condamné, le film a déclenché une large vague de protestations à sa sortie mais cela ne l’a pas empêché d’être un très gros succès commercial, y compris en France. John Wayne lui doit une bonne partie de sa mauvaise réputation.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: John Wayne, David Janssen, Jim Hutton, Aldo Ray, Bruce Cabot
Voir la fiche du film et la filmographie de John Wayne sur le site IMDB.

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Lire une analyse plus étoffée du film sur DVDClassik….

Remarques :
* Les bérets verts est le premier film tourné sur la guerre du Vietnam, le seul tourné pendant le conflit, le seul à prendre ouvertement parti pour l’intervention américaine.
* Mervyn LeRoy aurait dirigé certaines scènes. Il n’est pas crédité au générique.
* Le film a été tourné dans un camp militaire en Géorgie, ce qui explique la bizarre présence de forêts de pins en lieu et place de la jungle.

Les Bérêts verts
Aldo Ray, Edward Faulkner et John Wayne dans Les bérets verts de Ray Kellogg et John Wayne.

28 août 2015

Forrest Gump (1994) de Robert Zemeckis

Forrest GumpForrest Gump est un homme simple d’esprit qui a inopinément participé à plusieurs épisodes importants de l’histoire des Etats-Unis. Assis sur un banc, il raconte sa vie aux personnes assises à côté de lui… Forrest Gump est ce que l’on appelle aujourd’hui un « feel good movie », c’est-à-dire un de ces films qui remontent le moral à un dépressif en deux temps trois mouvements. Cette histoire d’un homme très simple accomplissant des choses extraordinaires est effectivement amusante, jubilatoire, touchante. Elle porte également en elle toute une collection de valeurs idéologiques américaines (héros ordinaire, seconde chance, succès accessible à tous, etc.) et réinterprète l’Histoire de l’Amérique au travers d’un filtre simplificateur : tout devient ainsi anecdotique. Le film fait également montre d’un certain anti-intellectualisme pour installer une philosophie simpliste : « La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber », ou encore « il faut laisser le passé derrière soi si on veut avancer ». Bien entendu, le prétexte à ces banalités est de dire que tout cela est vu par les yeux d’un simple d’esprit… (1) Du côté de la forme, la réalisation est parfaite, avec en prime de belles prouesses techniques d’intégrations informatiques : la plume de la scène d’ouverture, intégrations de Forrest Gump dans des images d’archives (il serre notamment la main à plusieurs présidents), la balle de ping-pong (2), les jambes de Gary Sinise (3). L’interprétation de Tom Hanks est assez fantastique, l’acteur donne une dimension à son personnage qui rend le film assez plaisant malgré l’idéologie simpliste, que l’on peut certainement qualifier assez réactionnaire, qu’il colporte…
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tom Hanks, Sally Field, Gary Sinise, Robin Wright
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forrest-gump-large
Tom Hanks dans Forrest Gump de Robert Zemeckis

Forrest Gump
Tom Hanks / Forrest Gump avec le (véritable) président John F. Kennedy.

(1) On pourra aussi noter la présence d’une sorte de justice divine qui récompense les simples et qui punit ceux qui ont « fauté »  : l’ex-hippie Jenny aura ainsi une maladie mortelle… ou encore le « maoiste » John Lennon sera assassiné (le passage avec John Lennon est assez bizarre : le gag des paroles d’Imagine est-il une plaisanterie iconoclaste ou les auteurs ont-ils une dent contre lui ? )

(2) Les plans ont été filmés sans la balle qui a été ajoutée ensuite numériquement. A noter que l’opposant de Forrest Gump lors du match est un authentique champion chinois qui a eu toutes les peines du monde à mimer le jeu sans balle.

(3) Les réalisateurs aiment bien glisser des plans en apparence infaisables : si les mollets de Gary Sinise ont été effacés par ordinateur alors comment fait-il (dans la scène avec les prostituées) pour faire demi-tour assis par terre alors qu’il est juste à côté d’une table ? (Réponse : le plan a été tourné sans table qui a été ajoutée ensuite numériquement).

21 octobre 2014

Mr. Smith au sénat (1939) de Frank Capra

Titre original : « Mr. Smith Goes to Washington »

Mr. Smith au sénatResponsable d’un groupe de boy-scouts, le jeune et idéaliste Jefferson Smith est choisi par le gouverneur de son état pour remplacer un sénateur décédé. Il ne sait pas que s’il a été choisi, c’est parce qu’il donne l’apparence d’être facilement contrôlable et qu’il ne pas gêner une importante malversation en-cours… Mr. Smith au sénat est considéré par beaucoup comme étant le meilleur film de Frank Capra ; c’est un film à la gloire de la démocratie américaine qui fut interdit dans plusieurs dictatures, un film qui a suscité des vocations politiques (1) en montrant comment un homme seul et ordinaire, naïf mais sincère, peut mettre à terre les plus puissants quand ils sont corrompus. On peut cependant trouver l’ensemble très manichéen, bourré d’archétypes et regretter que le scénario soit finalement peu développé : il s’attache surtout à susciter la sympathie envers le héros qui est particulièrement malmené et ridiculisé par ses pairs. Mais quoi qu’il en soit, le film a eu un impact considérable. Mr. Smith au sénat est l’archétype du film fédérateur, habité et porté par le souffle de grands idéaux. Plus encore, il nous montre un exemple à suivre. James Stewart, avec son image d’homme ordinaire, était bien l’acteur idéal pour le rôle. Sa prestation est un peu inégale, il surjoue son personnage la plupart du temps mais sa prestation finale est impressionnante (2). Mr. Smith au sénat est en tous cas un film intéressant à voir et à analyser.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Arthur, James Stewart, Claude Rains, Edward Arnold
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Remarques :
* Dans un premier temps, le film avait été mal accueilli par la presse (qui n’est pas toujours montrée à son avantage) et aussi par certains hommes politiques. Des voix se sont élevées pour souligner que le film risquait de donner une mauvaise image de la démocratie américaine. Il est vrai qu’il y a deux choses dans le film : d’une part, le fait que cette démocratie permet à quelques hommes puissants de contrôler journaux et politique et de les utiliser à des fins pas toujours avouables, et d’autre part, le fait qu’elle donne la possibilité à n’importe quel quidam de détruire leur pouvoir excessif. Dans la perception du film par le public, c’est ce deuxième aspect qui a prévalu. Peu importe que Jefferson Smith n’y parvienne qu’à la suite d’un concours de circonstances bien peu crédible, le fait qu’il puise sa volonté et sa droiture dans les paroles des pères de la démocratie balaye tout.

* Originellement, le film comportait une scène finale où le sénateur Smith rentrait chez lui pour être ovationné. Toute cette scène fut coupée après projection à un public-test mais on peut en voir des extraits dans la bande annonce du film.

(1) Frank Capra a dit avoir reçu beaucoup de lettres de personnes qui, inspirés par le film, avaient choisi d’entrer en politique.
(2) Pour obtenir la voix cassée de la scène finale

Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington)James Stewart et Jean Arthur dans Mr. Smith au sénat (Mr. Smith Goes to Washington) de Frank Capra.

9 août 2014

Derrière le miroir (1956) de Nicholas Ray

Titre original : « Bigger Than Life »

Derrière le miroirAtteint d’une grave maladie rare, un professeur est sauvé grâce à un traitement expérimental à base de cortisone qu’il doit ensuite continuer à prendre. Galvanisé par les bienfaits de ses comprimés, il augmente lui-même les doses prescrites et sa personnalité s’en trouve rapidement modifiée… A partir d’une étude parue dans la presse sur les dangers de la cortisone, Nicholas Ray développe la base de Derrière le miroir, une idée qui enthousiasme tant James Mason qu’il s’associe à l’écriture et décide de produire le film. Au-delà des risques générés par de nouvelles substances médicamenteuses, le sujet est surtout l’American Way of Life en tant que modèle. Au début du film, ce professeur fait tout pour y parvenir, allant jusqu’à cumuler deux emplois pour en avoir les moyens. La cortisone, présentée ici comme une drogue, devient un déclencheur et il se livre alors à une véritable entreprise de démolition de tous ses idéaux qu’il voit sous leur vrai jour. Il attaque également d’autres fondements de la société : l’éducation, la religion. Le problème est qu’il ne s’arrête plus : intransigeant, égocentrique, il sombre dans une folie fanatique à tel point que, finalement, le film pourrait être lu dans les deux sens (« les valeurs américaines sont normatives » vs « le rejet des valeurs américaines mène à la folie »)… La forme est superbe avec une belle utilisation du Cinémascope et des couleurs, et de doux mouvements de caméra. Assez dérangeant, Derrière le miroir fut assez mal perçu à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Barbara Rush, Walter Matthau
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Lire aussi une bonne analyse du film par François-Olivier Lefèvre sur le site DVDClassik

9 mars 2012

Le rôdeur (1951) de Joseph Losey

Titre original : « The Prowler »

Le rôdeurAyant aperçu un rôdeur par sa fenêtre, une femme seule dans une grande maison appelle la police qui ne trouve sur place nulle trace suspecte. L’un des deux policiers revient un peu plus tard pour chercher à nouer une relation… Le Rôdeur est le troisième long métrage de Joseph Losey, réalisé aux Etats-Unis donc, peu avant qu’il ne quitte définitivement son pays sous la pression du maccarthisme. C’est un film noir tourné avec peu de moyens mais qui montre une belle maitrise technique, que ce soit sur le plan de l’image ou du déroulement du scénario. L’image est d’un très beau noir et blanc, au contraste assez poussé. Le scénario est remarquable par la profondeur des deux personnages principaux qui nous apparaissent sous de multiples facettes avec une belle complexité. Joseph Losey met à mal l’idéal américain : ce policier désire lui aussi pouvoir en profiter, quels que soient les moyens à utiliser pour y parvenir. Le rôdeur est ainsi, non seulement un film noir prenant, mais aussi une fine analyse sociale.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Van Heflin, Evelyn Keyes
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Remarques :
Les producteurs du film sont Sam Spiegel (sous le nom de S.P. Eagle) et John Huston (non crédité) qui était à l’époque marié à Evelyn Keyes.

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