29 septembre 2020

Once Upon a Time… in Hollywood (2019) de Quentin Tarantino

Once Upon a Time... in HollywoodHollywood, 1969. Rick Dalton est une star de télévision et de séries B sur le déclin. Son ami le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, l’accompagne et le suit dans sa carrière. Son agent lui annonce qu’il est désormais ringard, à force de toujours jouer des méchants perdants dans des séries. Il lui propose, pour redonner un souffle à sa carrière, de partir en Italie pour tourner un western spaghetti…
Once Upon a Time… in Hollywood est un film américano-britannique écrit, coproduit et réalisé par Quentin Tarantino. Le réalisateur dresse le portrait d’une industrie en pleine mutation au sein d’une société qui l’était tout autant en cette fin des années soixante. Il met à l’affiche deux grandes stars, Leonardo DiCaprio et Brad Pitt, ce qui constitue un atout commercial évident. L’atmosphère est particulièrement bien récréée. C’est surtout un film d’atmosphère d’ailleurs car il n’y a que peu de scénario ; le récit piétine et le film paraît long, ennuyeux même. Comme on le sait, Tarantino est un grand connaisseur du cinéma de série B de cette époque et il parsème l’histoire de multiples références qui sont le délice de ceux qui les détectent. Il évoque plus particulièrement un évènement tragique, l’assassinat de Sharon Tate, en transformant ostensiblement la réalité dans un épilogue presque puéril (qui a le seul mérite d’être à contre-pied de ce que l’on attend). La critique a été majoritairement dithyrambique.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie, Emile Hirsch, Al Pacino
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Once Upon a Time... in HollywoodLeonardo DiCaprio et Brad Pitt dans Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino.

11 juin 2020

Model Shop (1969) de Jacques Demy

Model ShopLos Angeles. Après des études d’architecture, George est actuellement sans emploi car il refuse d’être employé dans un cabinet. Il doit absolument trouver cent dollars dans la journée pour payer une traite de sa voiture. En allant voir un ami, il aperçoit une belle femme vêtue de blanc dans une voiture blanche et se met à la suivre…
A l’été 1968, Jacques Demy était initialement venu à Los Angeles pour des vacances mais, fasciné par la ville, il voulut y faire un film. Model Shop fut ainsi produit par la Columbia mais Demy n’est aucunement rentré dans le jeu d’Hollywood. Il a préféré éviter stars et gros budgets qu’il aurait pu obtenir après le succès des Parapluies de Cherbourg. C’est un film très personnel qui, à la fois capte l’esprit de son temps, entre désillusion et quête de sens, et donne une vision de cette mégapole quadrillée par ses longues rues rectilignes aux multiples poteaux électriques. Anouk Aimée, qui reprend le personnage de Lola quelques années plus tard, apporte une touche d’onirisme et va être le déclencheur d’un nouvel espoir de vivre. A noter la présence du groupe pop Spirit dont les membres symbolisent une certaine insouciance ou une autre voie, l’esprit hippie naissant. Le film n’eut aucun succès et reste aujourd’hui l’un des films les plus méconnus de Jacques Demy.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anouk Aimée, Gary Lockwood, Alexandra Hay
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Remarque :
* Jacques Demy avait initialement choisi Harrison Ford, alors totalement inconnu, pour le rôle principal. La Columbia l’a refusé et lui a imposé Gary Lockwood, alors auréolé du succès de 2001, l’odyssée de l’espace. Le bout d’essai qu’Agnès Varda (qui avait accompagné son mari à Los Angeles) avait fait tourner à Harrison Ford figure dans son film-documentaire Les Plages d’Agnès.

Model ShopAnouk Aimée et Gary Lockwood dans Model Shop de Jacques Demy.

Model Shop Gary Lockwood dans Model Shop de Jacques Demy.

1 avril 2020

Green Book: Sur les routes du sud (2018) de Peter Farrelly

Titre original : « Green Book »

Green Book: Sur les routes du sud (Green Book)En 1962, à New York, Frank Vallelonga, un videur italo-américain, est embauché comme chauffeur et garde du corps par le pianiste noir Don Shirley, pour une tournée de huit semaines à travers le Midwest et le Sud profond…
Avant Green Book, Peter Farrelly avait surtout tourné avec son frère Bobby des comédies d’humour potache. Il fait ici une incursion dans un registre plus dramatique, réussissant un bel équilibre pour aborder un sujet grave avec une certaine légèreté de ton et humour mais sans caricature. Cette cohabitation forcée entre un américain beauf et xénophobe et son patron noir raffiné nous réserve en effet des moments très drôles tout en nous rappelant les aberrations de cette période pas si lointaine. L’histoire est véridique. Viggo Mortensen fait une superbe prestation. Le film a connu un grand succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini
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Remarques :
* Les lois ségrégationnistes (les Lois Jim Crow) n’ont été abolies qu’en 1964-1965.
* Le Negro Motorist Green-Book était un guide destiné aux Afro-Américains, publié annuellement de 1936 à 1966 par un postier noir de New York, Victor Hugo Green. Le guide listait les lieux qui ne discriminait pas les Noirs : les hôtels, les restaurants, mais aussi les garages et autres commerces.
* Les sundown towns étaient des villes pratiquant un couvre-feu envers les Noirs après le coucher du soleil.
* Le vrai Frank Vallelonga a fait un peu cinéma par la suite, dans des rôles de figuration (Le Parrain, L’année du Dragon, Les Affranchis, … et aussi dans la série Les Soprano) sous son pseudonyme, Tony Lip.

Green Book: Sur les routes du sud (Green Book)Mahershala Ali et Viggo Mortensen dans Green Book: Sur les routes du sud (Green Book) de Peter Farrelly.

3 janvier 2020

Shampoo (1975) de Hal Ashby

ShampooLos Angeles, 1969. Coiffeur en vogue de Beverly Hills, George a de multiples aventures avec ses clientes. Il ambitionne de monter son propre salon de coiffure mais peine à convaincre les banquiers de lui prêter la somme nécessaire. L’une de ses amantes lui propose d’en parler à son mari, un homme d’affaires fortuné…
Shampoo est un film joué, coécrit et produit par Warren Beatty. Tourné alors que Richard Nixon est menacé de destitution (il démissionnera en août 1974), son action se situe cinq ans en arrière, la veille du jour de son élection en 1969. Mais le propos du film n’est pas politique. Il porte un regard acerbe sur les mœurs sociales et sexuelles de la fin des années 1960 au sein d’un milieu aisé. En filigrane, on peut aussi y trouver une vision sur la difficulté des rapports hommes / femmes qu’une plus grande liberté ne simplifie pas. Même s’il est très marqué par son époque, le propos ne manque pas d’intérêt encore aujourd’hui. Le scénario, signé par Robert Towne (qui s’était déjà illustré avec le scénario de Chinatown) et Warren Beatty, est riche ; les éléments s’imbriquent admirablement les uns dans les autres. La fin accuse toutefois une baisse de rythme. Sous la direction de Paul Simon, la bande sonore laisse une bonne place à la musique de la seconde moitié des années soixante.  Le film connut un très gros succès aux Etats-Unis. En France, il fut boudé par la critique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Julie Christie, Goldie Hawn, Lee Grant, Jack Warden, Carrie Fisher
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ShampooGoldie Hawn, Julie Christie, Tony Bill et Warren Beatty dans Shampoo de Hal Ashby.

Remarque :
* C’est le premier long métrage de l’actrice Carrie Fisher (elle joue la fille de Lester Karpf). Son deuxième sera Star Wars

17 octobre 2018

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (1968) de Michel Audiard

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvagesA la suite d’un hold-up, une cargaison de lingots d’or passe de mains en mains. La jeune délurée Rita croit parvenir à s’en approprier une partie mais elle s’est associée à Charles qui ne s’avère pas fiable du tout. Pour le récupérer, elle fait appel à sa tante Léontine dont les méthodes expéditives sont craintes de tous…
Après avoir signé de nombreux scénarios et dialogues, Michel Audiard décide de passer derrière la caméra. Le scénario est bien entendu de son cru, écrit avec l’aide d’Henri Viard et de Jean-Marie Poiré. Le titre à rallonge (novateur pour l’époque) Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages annonce bien la couleur : l’histoire est totalement farfelue et tout ce petit monde va passer son temps à se tirer dessus, joyeusement et avec du style. Michel Audiard parsème le tout de ses dialogues hauts en couleur pour notre plus grand plaisir et nous apprend au passage la différence entre une métaphore et une périphrase (1). Françoise Rosay réussit une composition pleine d’humour assez inattendue et Marlène Jobert, ici dans l’un de ses premiers rôles, campe une jeune femme aussi sexy qu’amorale. La réalisation est un peu brouillonne sans que cela soit gênant. L’ensemble reste savoureux cinquante ans après sa sortie, avec un fort parfum de fin des années soixante du meilleur effet.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Françoise Rosay, Bernard Blier, Marlène Jobert, André Pousse, Paul Frankeur, Robert Dalban
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Remarques :
(1) (Bernard Blier) – Attention ! J’ai bon caractère mais j’ai le glaive vengeur et le bras séculier ! L’aigle va fondre sur la vieille buse !
(sbire 1 à sbire 2) – C’est chouette comme métaphore, non?
(sbire 2) – Ce n’est pas une métaphore, c’est une périphrase.
(sbire 1) – Oh ! Fais pas chier!…
(sbire 2) – Ça, c’est une métaphore.

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages
Bernard Blier et Marlène Jobert dans Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages de Michel Audiard.

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages
Françoise Rosay et Bernard Blier dans Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages de Michel Audiard.

11 octobre 2018

Les distractions (1960) de Jacques Dupont

Les distractionsReporter-photographe, Paul Frapier vient en aide à son ancien ami Laurent recherché pour meurtre. Ils furent tous deux parachutistes en Algérie et restent liés par une indéfectible amitié…
Adapté d’un roman de Jean Bassan, Les distractions a été tourné quelques mois seulement après A bout de souffle et force est de constater qu’il présente bien des similitudes avec le film de Godard qui a manifestement servi de modèle. Jean-Paul Belmondo y interprète de nouveau un jeune type amoral et blasé, très égocentrique dans ses rapports avec les personnes qui l’entourent, notamment les femmes. Le film est centré sur ce portrait, l’intrigue policière passant au second plan ce qui ne laisse à Claude Brasseur que bien peu de place. Jacques Dupont, se laissant porter par la Nouvelle Vague, ne montre pas une grande originalité dans sa réalisation et se perd un peu dans les méandres des misères sentimentales que son personnage occasionne. On retrouve toutefois avec plaisir l’atmosphère du Paris de 1960 avec quelques images nocturnes du meilleur effet.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Alexandra Stewart, Sylva Koscina, Claude Brasseur, Mireille Darc
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Remarque :
* Les Distractions est le second (et ultime) long métrage de Jacques Dupont, auparavant spécialisé dans les courts métrages ethnographiques sur l’Afrique.

Les distractions
Jean-Paul Belmondo et Alexandra Stewart dans Les distractions de Jacques Dupont.

Les distractions
Alexandra Stewart et Mireille Darc (son premier rôle au cinéma) dans Les distractions de Jacques Dupont.

10 septembre 2017

Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E. (2015) de Guy Ritchie

Titre original : « The Man from U.N.C.L.E. »

Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E.Durant la guerre froide, l’agent américain Napoleon Solo est contraint de collaborer avec l’agent du KGB Illya Kouriakine pour lutter contre une organisation criminelle internationale. Ces deux agents, au style très opposé, n’ont qu’une seule piste : la fille d’un scientifique allemand kidnappé par l’organisation criminelle… Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E. reprend les personnages de la série des années soixante Des agents très spéciaux. Il s’agit d’une préquelle puisqu’il met en scène la rencontre entre les deux agents et leur première mission ensemble. Un troisième personnage féminin a été ajouté. Le réalisateur anglais Guy Ritchie a parfaitement su créer une atmosphère retro, et trouver un équilibre parfait entre action et humour. Il se démarque ainsi assez nettement des productions équivalentes récentes, plus axées sur l’action violente. Guy Ritchie respecte parfaitement l’esprit de la série qui était destinée au grand public. Sur ce sujet, on pourra noter que les scénaristes ont trouvé une solution élégante pour bien expliquer au spectateur les passages où un détail est très important. La photographie est très belle. Le film constitue un excellent divertissement. Une réussite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henry Cavill, Armie Hammer, Alicia Vikander, Elizabeth Debicki, Hugh Grant
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Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E.
Alicia Vikander, Armie Hammer (Illya Kouriakine) et Henry Cavill (Napoleon Solo) dans Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E. de Guy Ritchie (notez l’effet « miniatures » dû à la faible profondeur de champ).

Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E.
C’est Hugh Grant qui tient le rôle du débonnaire Waverly dans Agents très spéciaux: Code U.N.C.L.E. de Guy Ritchie.

Des agents très spéciaux
Affiche de la série originale : David McCallum, Robert Vaughn et Leo G. Carroll. La série américaine Des agents très spéciaux (The Man from UNCLE) a totalisé 105 épisodes de 49 minutes chacun, dont 29 en noir et blanc. En France, la première diffusion de la série s’est faite à partir du 14 janvier 1967 sur la deuxième chaîne de l’ORTF.

Détail amusant :
Je ne pense pas être le seul à avoir vu cette série très jeune sans réaliser vraiment que les deux agents étaient de bords opposés. C’est en visionnant le film que je me suis dit « ah oui, tiens c’est vrai, Kouriakine était russe! ». Personnellement, j’étais trop fasciné par les gadgets techniques pour prêter attention à leur nationalité…

26 juin 2016

L’Américain (1969) de Marcel Bozzuffi

L'américainAprès onze ans passés aux Etats-Unis, Bruno revient dans sa ville natale Rouen et retrouve ses amis qui ont changé… L’Américain est l’unique réalisation de l’acteur Marcel Bozzuffi. Il a écrit lui-même le scénario de cette chronique au ton très juste sur le temps qui passe. Il se dégage une certaine mélancolie, voire nostalgie d’une période pleine d’insouciance et d’amitiés fortes. Les amis se sont séparés, certains partant à la guerre (d’Algérie), d’autres suivant leur chemin propre. Ces chemins sont très différents les uns des autres. Peut-on rester en symbiose avec les mêmes personnes avec le temps qui passe ? Ah, voilà une bonne question que l’on a tous été amené à se poser à un moment ou à un autre… L’américain peut également être vu comme un portrait de la France des années soixante marquée par la monotonie des vies et le manque d’opportunités, sur fond de déchirement dû à la guerre d’Algérie. Outre sa femme Françoise Fabian, Marcel Bozzuffi a réuni un beau plateau d’acteurs. Jean-Louis Trintignant marque le film par sa présence et lui donne toute son assise. L’Américain est un film très personnel, franchement atypique à son époque, que ce soit par son sujet, son rythme assez lent, ou le simple fait d’être réalisé par un acteur. Il mérite vraiment d’être découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Bernard Fresson, Marcel Bozzuffi, Simone Signoret, Rufus, Françoise Fabian, Jean Bouise
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Remarque :
* On pourra remarquer une petite apparition de José Artur (il est l’un des joueurs de poker).

L'américain
Jean-Louis Trintignant et Françoise Fabian dans L’Américain de Marcel Bozzuffi.

24 avril 2016

Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Blowup »

Blow Up24 heures de la vie d’un photographe en vogue, dans le Swinging London du milieu des années soixante. Il va faire une découverte étonnante dans ses clichés… Blow Up marque un tournant dans la carrière d’Antonioni : c’est son premier film non-italien, le personnage principal n’en est pas une femme et la psychologie des personnages n’est pas l’objet du film. Antonioni se penche sur le rapport entre un individu et la réalité, sur son rapport avec le monde. La réalité perçue par l’appareil photographique est différente de celle qu’a perçue le photographe, changeant totalement la nature d’une scène à laquelle il a assisté. Grâce à la possibilité d’agrandissement (Blow-Up en anglais), la photo dévoile de plus en plus de choses, jusqu’à un certain point toutefois : trop agrandie, la photo devient semblable à la peinture abstraite du voisin du photographe, elle nécessite une interprétation (1). Le grain photographique devient alors générateur d’énigme. Les frontières sujet/objet et fiction/réalité sont donc mouvantes ou même s’effacent. C’est aussi une mise en abyme de la machine cinématographique et c’est pour cette raison que le film d’Antonioni eut une influence sur de nombreux réalisateurs (2). Accessoirement ou presque, le film est un témoignage de l’atmosphère du Swinging London sur lequel Antonioni porte un regard assez fasciné.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vanessa Redgrave, David Hemmings, Sarah Miles, Jane Birkin
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Remarques :
* Le groupe pop qui joue dans le club est The Yardbirds avec Jimmy Page et Jeff Beck. Jeff Beck est particulièrement déchainé, cassant sa guitare à la demande d’Antonioni qui était fasciné par ce que faisait Pete Townshend (des Who) sur scène.
* La musique est composée par Herbie Hancock.
* Le personnage du photographe est librement inspiré des photographes de mode David Bailey et Terence Donovan.
* L’appareil que David Hemmings utilise la plupart du temps est un Nikon F (reflex 35mm) qui bénéficia ainsi d’une belle publicité gratuite. Dans le studio, on le voit aussi utiliser un Hasselblad 500.

(1) A noter que cette particularité n’a pas disparu avec la photo numérique, bien au contraire : on ne peut agrandir une photo au-delà de la résolution du capteur (sauf dans les films hollywoodiens…)
(2) La filiation la plus évidente est celle de Conversation secrète de Coppola (1974) qui est au son ce que Blow-up est à l’image, et également Blow Out de Brian De Palma (1981) qui développe le thème en intrigue policière.

Blow-Up
David Hemmings dans Blow Up de Michelangelo Antonioni.

Blow up
David Hemmings agrandit et osculte ses clichés dans Blow Up de Michelangelo Antonioni.

13 février 2016

Dont Look Back (1967) de D.A. Pennebaker

Dont Look BackProduit par Albert Grossman lui-même (alors manager de Bob Dylan), Dont Look Back (l’absence d’apostrophe est volontaire) nous permet de suivre Bob Dylan dans une tournée de concerts en Angleterre en mai 1965. Il s’attache plus à nous montrer la personnalité de Bob Dylan que ses morceaux joués sur scène qui sont finalement très peu nombreux. Nous assistons à sa confrontation avec les journalistes, quelques fans ou encore quelques musiciens : Donovan, Alan Price qui venait de quitter les Animals, Deroll Adams. Joan Baez est également de la partie (mais leurs relations étaient alors déjà quelque peu distendues). L’image est granuleuse à souhait, le son n’est pas le meilleur qui soit. Ce n’est probablement pas un film à conseiller  à une personne qui voudrait découvrir qui est Bob Dylan car il risque de se méprendre sur son attitude et la trouver condescendante. Ce documentaire est surtout intéressant par le fait que l’on voit comment Dylan, alors âgé de 23 ans, avait du mal avec son image, il avait pleinement conscience qu’il ne pouvait être tout ce que l’on attendait de lui. La discussion avec un fan qui se présente comme un étudiant en sciences (il s’agit de Terry Ellis, futur co-fondateur du label Chrysalis !) est à ce titre assez édifiante : il commence par lui poser la question « Quelle est votre philosophie de vie ? »… S’en suit une discussion assez surréaliste où Dylan élude et retourne presque la question, cherchant à analyser plutôt la philosophie du questionneur. On remarque aussi comment il s’attache à refuser toute étiquette, à commencer par celle de « chanteur folk ». Le film se termine avec quelques morceaux du concert au Royal Albert Hall et avec Dylan dans le taxi, stupéfait d’apprendre que plusieurs journaux l’avaient qualifié d’anarchiste, disant son fameux « Give the anarchist a cigarette ».
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bob Dylan
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Remarque :
* Cette tournée est la dernière où Dylan joua en solo à la guitare acoustique. Deux mois plus tard, au Newport Folk Festival 1965, il surprendra tout le monde en passant à l’électrique.

Dont look back
En pré-générique, Dylan égrène des cartons des paroles de Subterranean Homesick Blues, une scène devenue avec le temps l’un des clips les plus célèbres qui soient. A l’arrière-plan, à gauche, Allen Ginsberg discute avec Bob Neuwirth (ils ont tous deux participé à l’écriture des cartons).
Bob Dylan dans Dont Look Back de D.A. Pennebaker