19 novembre 2012

Le dernier de la liste (1963) de John Huston

Titre original : « The list of Adrian Messenger »

Le dernier de la listeUn ex-officier des Services secrets se voit confier par son ami Adrian Messenger une liste de dix noms sur lesquels il lui demande d’enquêter afin de savoir ce qu’ils sont devenus. Il lui promet de lui donner ensuite les raisons de sa demande mais il est tué le lendemain dans un mystérieux accident d’avion… Basé sur un roman de Philip MacDonald, Le dernier de la liste est un film d’enquête qui joue sur le mystère et la dissimulation. L’histoire n’est pas vraiment très crédible mais elle reste suffisamment intrigante pour nous intéresser (du moins selon les standards du cinéma des années soixante, car les amateurs de thrillers modernes risquent de s’ennuyer). Tourné en Irlande, le film comporte deux longues scènes de chasse à courre, John Huston rassemblant ainsi deux de ses passions.Le dernier de la listeEn outre, le réalisateur s’amuse avec la tromperie et le déguisement en introduisant des caméos (courtes apparitions) d’acteurs connus, rendus totalement méconnaissables par un maquillage très poussé. Ils sont même doublés pour éviter que l’on puisse reconnaitre leur voix. Ils ne se dévoilent que lors du générique final. Ce petit amusement a peut-être plutôt desservi le film car il n’est ramené qu’à ce tour de passe-passe. Le dernier de la liste est certes un Huston léger mais il reste un bon divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George C. Scott, Jacques Roux, Kirk Douglas, Burt Lancaster, Robert Mitchum, Frank Sinatra, Tony Curtis, Dana Wynter, Clive Brook
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Remarques :
* Le jeune fils Bruttenholm est joué par Tony Huston (12 ans), le fils de John Huston qui fait lui-même une courte apparition à l’écran en cavalier lors de la chasse.
* Le film a été tourné pour la Joel Production, la compagnie de Kirk Douglas (dont le fils se prénomme Joel).

13 novembre 2012

À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard

À bout de souffleA Marseille, un jeune voyou vole une voiture pour rentrer à Paris. En route, il tue un gendarme qui le poursuivait. A Paris, il cherche à convaincre une jeune fille d’aller en Italie avec lui… Plus que tout autre, À bout de souffle est le film emblématique de l’éclosion de la Nouvelle Vague. Quand il est sorti, il ne ressemblait à aucun autre film fait avant lui, cassant presque tous les codes habituels du cinéma : ruptures de montage (jump cut), dialogues en partie improvisés ou écrits à la dernière minute, digressions et citations, tournage en lumière naturelle (grain important), caméra à l’épaule, extérieurs en décors naturels. Avec son premier long métrage, Jean-Luc Godard ouvre les portes vers une plus grande liberté, vers un cinéma sans interdit, vers une plus grande jeunesse. Polar mélancolique, au ton légèrement insolent, À bout de souffle a créé des images fortes qui font toujours partie aujourd’hui des images les plus célèbres du septième art : Jean Seberg vendant le New York Herald Tribune sur les Champs Elysées, la désinvolture de Belmondo, le chapeau en arrière, la scène finale…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Seberg, Jean-Paul Belmondo, Daniel Boulanger
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Remarques :
* On remarquera une petite apparition de Jean-Luc Godard (l’homme qui reconnait Belmondo d’après la photo parue dans le journal et qui le dénonce à deux agents de police). On reconnait également la voix de Godard dans les questions posées lors de la conférence de presse de l’écrivain (interprété par Jean-Pierre Melville).

* Godard dédie À bout de souffle à Monogram Pictures. Ces studios hollywoodiens ont produit de nombreux films à petits budget dans les années trente et quarante avant d’être absorbé par Allied Artists en 1953.

* Pour un avis opposé, on peut lire par exemple ce qu’en dit Jacques Lourcelles, toujours très critique envers la Nouvelle Vague. Pour lui, À bout de souffle « symbolise l’entrée du cinéma dans l’ère de la perte de son innocence et de sa magie naturelle. » (Dictionnaire du cinéma, 1992)

Remake :
Breathless ( À Bout de Souffle Made in USA) de Jim McBride (1983) avec Richard Gere et Valérie Kaprisky.

11 novembre 2012

L’obsédé en plein jour (1966) de Nagisa Ôshima

Titre original : « Hakuchû no tôrima »

L'obsédé en plein jourShino est femme de ménage voit arriver Eisuke qu’elle a connu quelques années auparavant dans son village. Il l’agresse et la poursuit pour finalement violer et tuer la maîtresse de maison. Face à la police, Shino tait l’identité de l’agresseur et préfère écrire à sa femme Matsuko pour la prévenir que son mari est le violeur qui terrorise la région… Adapté d’un roman de Takeshi Tamura, lui-même basé sur un fait divers réel des années cinquante, L’obsédé en plein jour retrace la personnalité de ce violeur et nous fait remonter, par un subtil jeu de flashbacks, à la source de sa furie criminelle. L’histoire est assez extraordinaire et, si ce n’était basé sur une histoire vraie, on la trouverait certainement assez invraisemblable. C’est aussi une réflexion sur l’amour et l’absence de retour. Nagisa Ôshima développe les relations (complexes) entre les deux femmes, avec un certain partage de la culpabilité. On peut voir aussi une certaine allégorie de l’échec du socialisme au Japon (la ferme, le désespoir, l’absence de repères). Dans sa forme, le film est assez remarquable : par la structure du récit, par sa très belle photographie, par son montage très vif et rapide, par l’audace de certains plans (par exemple les champs contre-champs lors des dialogues entre Shino et Matsuko). L’obsédé en plein jour n’est sans doute pas un film facile, il déroute même par moments, il fait partie de ces films que l’on a envie de revoir à peine la dernière image projetée. C’est l’un des films très intéressants de Nagisa Ôshima, réalisateur plus connu pour L’empire des sens.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Saeda Kawaguchi, Akiko Koyama, Kei Satô, Rokko Toura
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29 octobre 2012

Goyokin, l’or du shogun (1969) de Hideo Gosha

Titre original : « Goyôkin »

GoyôkinDans le Japon de 1831, le Shogun des Tokugawa tire ses richesses des mines d’or de l’île de Sado. L’or est transporté par un bateau qui longe le territoire du clan des Sabai. Un jour, tous les habitants d’un village de pêcheurs disparaissent… Goyokin est un chanbara (film de samouraï) doté d’une belle personnalité. Il a souvent été comparé aux westerns européens de la même époque car il exprime la fin d’une époque, le désenchantement d’un samouraï qui voit disparaître les grandes valeurs qui ont guidé ses actes (1). On peut aussi trouver certains points communs dans la forme, le fait que ce soit le premier film japonais à utiliser les caméras Panavision, plus légères donc plus maniables, y contribue certainement. Ces nouvelles caméras étaient hélas également dotées d’objectif à focale variable (zoom) dont les utilisations, le plus souvent excessives comme ici, firent tant de dégâts. Goyokin est un film particulièrement bien dosé dans ses combats, intenses sans être trop démonstratifs, et Hideo Gosha fait une utilisation originale des éléments, l’eau, la neige, le feu. Belle interprétation, sobre et tendue.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Tetsurô Tanba, Yôko Tsukasa, Ruriko Asaoka
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Remarque :
Goyokin a été refait en western : The Master Gunfighter de Frank Laughlin (1975)

(1) Il a souvent été rapproché du film de Sergio Corbucci Le grand silence (1968) qui se déroule également dans un environnement recouvert de neige et aussi par son propos désenchanté.)

27 octobre 2012

Le rideau déchiré (1966) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Torn curtain »

Le rideau déchiréUn professeur de physique nucléaire américain se rend à un congrès à Copenhague avec son assistante et fiancée. Cette dernière réalise avec effroi que son futur mari est sur le point de faire défection et de se rendre en Allemagne de l’Est… Le rideau déchiré est un film d’espionnage qui nous plonge en pleine guerre froide. Les acteurs Julie Andrews et Paul Newman ont été imposés à Hitchcock qui s’est plaint de leurs cachets faramineux, dévoreurs de budget. Il avait raison car le couple ne fonctionne à aucun moment, restant à un haut niveau de froideur tout au long du film qui s’en trouve handicapé. Le rideau déchiré comporte quelques scènes fortes, l’assassinat silencieux de Gromek (où Hitchcock a voulu montrer à quel point il pouvait être difficile de tuer un homme), la rencontre avec le professeur Lindt ou encore la fuite en autocar mais l’ensemble paraît un peu long et convenu. Il faut attendre le derniers tiers du film pour retrouver une intensité plus coutumière au réalisateur. Malgré les critiques dont il fut l’objet, Le rideau déchiré a connu un bon succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Julie Andrews, Ludwig Donath, Günter Strack
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Remarque :
Dans le premier tiers du Rideau déchiré, vu au travers des yeux de Julie Andrews, Hitchcock place le spectateur dans une position assez étonnante, en avance sur l’héroïne, nous laissant ainsi deviner très tôt, bien avant elle, le but réel du savant. Le réalisateur dit ne pas avoir voulu débuter son film de façon conventionnelle (où un agent secret se voit confier une mission etc.)

25 octobre 2012

Belle de jour (1967) de Luis Buñuel

Belle de jourJeune épouse d’un interne des hôpitaux de Paris, Séverine aime son mari mais n’est pas attirée physiquement par lui, préférant ses fantasmes à tendance masochistes. Elle va même aller se prostituer chez Madame Anaïs, une petite maison close, pour chercher un équilibre… En adaptant le roman de Joseph Kessel Belle de jour (publié en 1929), Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière étaient intéressés plus par la possibilité de mettre en images les rêveries diurnes de son héroïne que par les aspects mélodramatiques du livre. Belle de jour est ainsi un film qui mêle étroitement réalité et imaginaire, Buñuel effaçant habilement la limite qui les sépare et instaurant le doute. La réalité et l’imaginaire ne feraient-ils qu’un ? La fin est admirable car elle peut être interprétée de deux façons différentes, l’une d’entre elles changeant notre vision sur tout le film qui vient de se dérouler sous nos yeux. Le film est construit autour de l’image de Catherine Deneuve, d’une grande beauté, une beauté virginale presque enfantine. Buñuel se plait à essayer d’égratigner cette pureté, de la salir, tout en sachant qu’il ne pourra y parvenir. Ainsi, Belle de jour est aussi un film sur la pureté : Séverine et son mari se renvoient chacun une image trop parfaite, trop idéale pour que le plaisir sexuel puisse exister entre eux.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Geneviève Page, Pierre Clémenti, Françoise Fabian, Macha Méril
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Remarques :
On peut voir dans Belle de jour un petit hommage à deux cinéastes : le Godard de A bout de souffle tout d’abord, avec le vendeur du New York Herald Tribune et la mort de Clémenti au milieu de la rue, et aussi Hitchcock, avec Catherine Deneuve en beauté froide et son chignon à la Tippi Hedren et une petite apparition cameo à la Hitchcock de Luis Buñuel en client du café dans le parc (lors de la rencontre avec le duc).

Dans ses mémoires, Mon dernier soupir, Buñuel raconte :
* « Belle de jour fut peut-être le plus gros succès commercial de ma vie, succès que j’attribue aux putains du film plus qu’à mon travail. »
* (A propos de la boîte du client asiatique) « Je ne sais combien de fois on nous demandé, des femmes surtout : « Qu’est-ce qu’il y a dans cette petite boîte ? » Comme je n’en sais rien, la seule réponse possible est : « Ce que vous voudrez. »
* « Je regrette quelques coupes stupides que demanda, paraît-il, la censure. En particulier la scène où Catherine Deneuve est allongée dans un cercueil se déroulait dans une chapelle privée, après une messe célébrée au-dessous d’une splendide copie du Christ de Grünewald, dont le corps torturé m’a toujours impressionné. La suppression de cette scène change sensiblement le climat de la scène. »

23 octobre 2012

La terre (1969) de Youssef Chahine

Titre original : « Al-ard »

La terreDans l’Egypte des années trente, les paysans d’un village du delta du Nil voient leurs permis d’irriguer arbitrairement réduits alors que les champs de coton souffrent de la sécheresse. Abou Suelam est l’un d’eux, il est aussi le père d’une jolie jeune fille que plusieurs hommes voudraient épouser… C’est avec La terre que l’Europe a découvert le cinéma égyptien lors de sa présentation au Festival de Cannes 1969. Youssef Chahine réalise là une épopée paysanne puissante qui nous plonge au cœur d’un petit village agricole pauvre : il met en relief sa vie sociale, les rapports de force avec les autorités et la place de l’individu dans cette société. A la brutalité des autorités répond la rudesse et même la cruauté du monde des paysans. L’individualisme s’oppose à la nécessaire solidarité pour assurer la survie. La terre est un film très authentique, empreint d’une force et d’un humanisme qui sait laisser naître l’émotion.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mahmoud El-Meliguy, Salah El-Saadany, Ezzat El Alaili
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Remarque :
Chahine parle de son film La terre comme d’un tournant dans sa filmographie, un changement radical dans sa conception du cinéma : « Mettre en lumière la force de vivre d’un peuple »

Homonymes :
La terre d’André Antoine (1921) d’après Emile Zola
La terre (Zemlya) d’ Alexandre Dovjenko (1930)

15 octobre 2012

Une aussi longue absence (1961) de Henri Colpi

Une aussi longue absenceThérèse tient seule un bistrot de banlieue avec une jeune employée. Observant un vagabond qui passe tous les jours devant sa devanture, Thérèse croit reconnaître son mari, disparu quinze ans plus tôt pendant la guerre. L’homme est amnésique… Une aussi longue absence est le premier long métrage d’Henri Colpi, monteur réputé(1). Le scénario est cosigné par Marguerite Duras qui a écrit les dialogues. C’est un film sur la mémoire, sur l’incertitude, sur l’amour aussi, celui qui défie le temps. Colpi met cette histoire en images avec une certaine délicatesse et, à l’instar de Thérèse, il nous faut capter des bribes, nous avançons à petit pas, sans certitude. Le début du film exprime même une certaine vacuité et le film prend petit à petit de l’intensité pour devenir au final très émouvant. Loin de toute débauche de dialogues, Une aussi longue absence est un film très sobre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alida Valli, Georges Wilson, Charles Blavette
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Remarques :
* Palme d’or à Cannes en 1961 (ex-aequo avec Viridiana de Bunuel).
* La chanson « Trois petites notes de musique », écrite par Henri Colpi et Georges Delerue, est chantée par Cora Vaucaire. Elle a été reprise par Juliette Gréco et Yves Montand.

(1) Henri Colpi a été le monteur d’Alain Resnais notamment.

1 octobre 2012

Double suicide à Amijima (1969) de Masahiro Shinoda

Titre original : « Shinjû: Ten no amijima »

Shinjû: Ten no amijimaLe marchand Jihei entretient une relation avec une courtisane à qui il promet de la racheter sans pouvoir tenir sa promesse… Après avoir fondé sa propre maison de production, Masahiro Shinoda, libre de toute contrainte, met en scène un film qui bouscule les codes du cinéma. Double suicide à Amijima est l’adaptation d’une pièce de Monzaemon Chikamatsu écrite pour le bunraku (théâtre de marionnettes traditionnel) et c’est dans la forme que son film est expérimental : Shinoda va au-delà du théâtre filmé puisqu’il conserve les kurokos (manipulateurs au visage voilé de noir) qui évoluent silencieusement autour des acteurs comme pour les guider ou pour veiller à l’accomplissement de leur destin. Shinoda est l’un deux puisqu’il se met en scène en début de film où, après avoir discuté au téléphone avec un scénariste de la scène finale, il enfile son voile noir. Il conserve aussi le noyau de l’intrigue, sans chercher à l’adapter au cinéma, une trame très classique. Double suicide à Amijima est un film en dehors des normes, assez déstabilisant pour un spectateur occidental peu coutumier du bunraku.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kichiemon Nakamura, Shima Iwashita
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15 septembre 2012

Le lauréat (1967) de Mike Nichols

Titre original : « The graduate »

Le lauréatDiplômé de fraîche date, le jeune Benjamin revient pour les vacances chez ses parents qui ont organisé une réception qui le met mal à l’aise. Il accepte de raccompagner chez elle Mrs Robinson qui lui fait alors des avances… Il est des films qui arrivent juste au bon moment. Sorti cinq ans plus tôt, Le lauréat serait peut-être passé inaperçu, catalogué comme une gentille bleuette. Mais fin 1967, c’est une bonne fraction de toute une génération qui se reconnaît dans cet étudiant bien sage qui hésite à se fondre dans le moule social de ses parents. Le fossé des générations est creusé. Les adultes cherchent soit à imposer leur propre schéma, soit à profiter de leur désarroi comme le fait Mrs Robinson ; ils n’apportent pas de réponses. Le lauréat démystifie le modèle de réussite sociale de la classe moyenne américaine et, quand on gratte, l’envers du décor n’est pas reluisant (cf. la discussion dans le lit sur la rencontre des parents Robinson). Mike Nichols réussit à mêler beaucoup d’humour à son film, distillé par petites touches pratiquement dans toutes les scènes, ce qui le rend le film très abordable. L’épilogue, très gentillet, reste ainsi jubilatoire et donc efficace. C’est le premier grand rôle au cinéma pour Dustin Hoffman qui, à 29 ans, n’a aucun problème pour paraître en avoir 21. Sa légère gaucherie colle parfaitement au personnage auquel il donne une certaine profondeur. Et il y a la musique de Simon & Garfunkel, superbe, qui enrobe et apporte douceur et candeur. Le film connut un très grand succès qui dépasse largement, il faut bien le reconnaître, ses qualités intrinsèques. Il a marqué une génération.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Dustin Hoffman, Katharine Ross, William Daniels
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Remarques :
* Le film Le lauréat est basé sur un roman de Charles Webb, paru en 1963. Il était alors lui aussi un jeune diplômé de 23 ans. Les droits furent achetés pour une bouchée de pain. Charles Webb n’a pas profité du succès du film, ce succès l’a même gêné dans sa carrière d’écrivain « sérieux ».
* « Plastics ! », le conseil que donne l’ami de la famille au jeune Benjamin, est devenu une réplique très célèbre aux Etats-Unis. L’industrie du plastique a connu un boom peu après la sortie du film et, d’après certains, la popularité du film (et de cette réplique) n’y serait pas étranger (ce qui paraît peu probable tout de même!)
* Mike Nichols voulait confier le rôle de Mrs Robinson à Jeanne Moreau, pensant que l’image de la permissivité française sur l’amour allait rendre l’ensemble plus crédible. Les producteurs étaient fermement opposés à ce choix. Ils étaient aussi opposés à l’idée de confier la musique à Simon & Garfunkel. Mike Nichols conclut un marché avec eux : Jeanne Moreau est écartée si on garde Simon & Garfunkel.
* 20 ans après Le lauréat, Mike Nichols tournera un film totalement contraire, Working Girl avec Melanie Griffith et Sigourney Weaver (1988), une histoire où les personnages principaux recherchent par dessus tout la réussite matérielle. Une génération chasse l’autre…

The GraduateDustin Hoffman et Anne Bancroft, photo publicitaire pour Le Lauréat de Mike Nichols