6 janvier 2024

Le Retour des hirondelles (2022) de Li Ruijun

Titre original : « Yin ru chen yan »

Le Retour des hirondelles (Yin ru chen yan)Cao est un homme timide et humble. Ma est une jeune femme renfermée sur elle-même, devenue handicapée à force de maltraitance. Tous deux sont mis à l’écart et même rejetés par leur famille respective qui vont les marier presque de force. Ils vont patiemment apprendre à s’aimer et travailler la terre ensemble…
Le Retour des hirondelles est un film chinois écrit et réalisé par Li Ruijun. Il dresse le portrait de la Chine rurale annoncée en pleine mutation mais qui compte encore nombre d’agriculteurs vivant dans des conditions misérables. Le réalisateur a tourné son film dans sa région natale du Gansu (nord de la Chine), il a construit la maison du film avec son frère et son père, l’acteur principal est son oncle, les figurants sont les habitants du village. Il explique : « Je voulais conserver une trace de ces existences rurales et simples, rendre hommage à cette terre qui a nourri mon âme et reste ma principale source d’inspiration ». Il y parvient joliment mais son film n’a pas que des qualités documentaires, c’est aussi une histoire d’amour simple et émouvante. Les images sont superbes, les cadrages travaillés. Très bonne interprétation des deux acteurs principaux. A noter que si Wu Renlin est un fermier à la base, Hai-Qing est une jeune actrice très connue en Chine. Un beau film.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Wu Renlin, Hai-Qing
Voir la fiche du film et la filmographie de Li Ruijun sur le site IMDB.
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Remarque :
• Le titre chinois du film, Yin ru chen yan, signifie « caché dans le pays des cendres et de la fumée ». « Cela signifie que les époques passées, les vies passées, ne sont pas disparues. Elles sont simplement enfouies dans les cendres. Ce que nous ne voyons plus ne cesse pas pour autant d’exister. Ce titre compliqué a un sens bien plus simple qu’il n’y paraît », révèle le réalisateur.

• Malgré son succès en Chine, le film a été rapidement retiré des circuits par le gouvernement et le réalisateur a été assigné à résidence. Le film contredit en effet le discours officiel sur la fin de la pauvreté.

Hai-Qing et Wu Renlin dans Le Retour des hirondelles (Yin ru chen yan) de Ruijun Li.

1 janvier 2024

Angélique, marquise des anges (1964) de Bernard Borderie

Angélique, marquise des angesXVIIe siècle. Fille du baron de Sancé de Monteloup, élevée très librement, Angélique assiste à la fomentation d’un complot entre plusieurs grands du royaume, visant à empoisonner le futur Louis XIV. Afin de la protéger de cette dangereuse découverte, elle est envoyée dans un couvent pour y faire ses études. Les années passent, et quand son père l’en fait sortir prématurément, c’est pour lui apprendre qu’elle est promise au richissime comte de Peyrac qu’on dit boiteux et défiguré par une cicatrice…
Angélique, marquise des anges est un film d’aventure français réalisé par Bernard Borderie. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme d’Anne et Serge Golon. La réputation de cette série littéraire est d’être des romans de gare à l’eau de rose, mais ils auraient des qualités. Cette mauvaise réputation est certainement due en bonne partie aux films de Bernard Borderie, qui sont effectivement des films faciles, mêlant aventures et mise en péril d’une charmante personne, avec un petit zeste d’érotisme (pour l’époque). Ce rôle marqua définitivement la carrière de Michèle Mercier en l’enfermant dans des rôles de sex-symbol, façon Brigitte Bardot (qui était d’ailleurs le premier choix des producteurs). Cela se laisse regarder mais sans générer d’enthousiasme. Cet immense succès populaire eut de nombreuses suites.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Michèle Mercier, Robert Hossein, Jean Rochefort, Claude Giraud, Giuliano Gemma
Voir la fiche du film et la filmographie de Bernard Borderie sur le site IMDB.

Voir les autres films de Bernard Borderie chroniqués sur ce blog…

Remarque :
• Pour l’héroïne, les auteurs des romans se sont inspirés de la marquise du Plessis-Bellière (1617-1705) qui marqua son époque par son esprit et son courage. (lire sur Wikipédia)

Michèle Mercier dans Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie.
Robert Hossein et Michèle Mercier dans Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie.
Jean Rochefort dans Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie.

La série Angélique au cinéma:
Angélique, marquise des anges de Bernard Borderie (1964) avec Michèle Mercier, Robert Hossein
Merveilleuse Angélique de Bernard Borderie (1965) avec Michèle Mercier, Claude Giraud
Angélique et le Roy de Bernard Borderie (1966) avec Michèle Mercier, Jean Rochefort
Indomptable Angélique de Bernard Borderie (1967) avec Michèle Mercier, Robert Hossein
Angélique et le Sultan de Bernard Borderie (1968) avec Michèle Mercier, Robert Hossein

Remake :
Angélique d’Ariel Zeitoun (2013) avec Nora Arnezeder, Gérard Lanvin et Tomer Sisley

6 février 2023

La Princesse errante (1960) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ruten no ôhi »

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Tokyo, 1937. Ryūkō est une jeune fille insouciante d’origine noble qui se rêve en artiste peintre et vit auprès de ses parents et de sa grand-mère. Elle accepte d’épouser le frère de l’empereur de Maundchourie. Ce mariage est destiné à renforcer les relations entre les deux nations et introduire le sang japonais dans la famille impériale mandchoue…
La Princesse errante est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, son quatrième long métrage, son premier en couleurs. Il s’agit de l’adaptation de la biographie homonyme de Hiro Saga, publiée quelques mois plus tôt. Cette princesse a connu un destin peu commun, mouvementé et tragique. La société de production Daiei a voulu ouvertement en faire un film pour les femmes et fait par des femmes : la présentation du film à l’époque en témoigne. Le budget fut assez important. La mise en place est assez longue, s’attardant sur les protocoles des familles impériales. La suite est plus tragique, lorsque survient la guerre, avec la difficile position mandchoue dans un conflit qui déchire le pays. Pour le premier rôle, Kinuyo Tanaka a choisi Machiko Kyô, l’actrice qui l’a remplacée comme égérie de Mizoguchi. L’actrice est de tous les plans ou presque, elle fait une très belle prestation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Machiko Kyô, Eiji Funakoshi, Chieko Higashiyama, Kuniko Miyake, Mitsuko Mito, Chishû Ryû, Tatsuya Ishiguro
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Remarque :
• La fin est un peu abrupte car l’histoire était encore en cours : en 1961, soit un an après la sortie du film, le couple fut enfin réuni grâce à la permission du Premier ministre chinois et s’installe à Pékin. Hiro Saga y vivra jusqu’à sa mort en 1987, à l’âge de 73 ans. Son mari lui survivra quelques années. Leur deuxième fille (totalement absente du film), née en 1940 deux ans après l’aînée, est toujours en vie.

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Machiko Kyô dans La Princesse errante (Ruten no ôhi) de Kinuyo Tanaka.

12 septembre 2022

Mustang (2015) de Deniz Gamze Ergüven

MustangDans un petit village turc, cinq sœurs vivent dans un environnement strict. Orphelines, elles sont élevées par leur grand-mère et leur oncle qui finissent par les séquestrer pour s’assurer qu’elles restent vierges. Des mariages forcés se préparent…
Mustang est un film dramatique franco-turc réalisé par Deniz Gamze Ergüven, son premier long métrage. Elle met en scène cinq jeunes filles turques défendant avec fougue leur joie de vivre et leur liberté. La réalisatrice parvient à montrer l’absurdité du conservatisme au sujet de la place des femmes dans la société turque, un conservatisme qui fait aujourd’hui un retour en force. Dans son récit, elle a évité de jouer la carte de la victimisation pour se concentrer sur la vitalité des jeunes filles. Elle crée ainsi un fort contraste avec le monde archaïque des adultes et leurs mariages arrangés, leur obsession de la virginité. De plus, elle a choisi cinq jeunes filles très belles pour rendre leur enfermement encore plus frappant. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2015, Mustang a été bien reçu par la critique et le public.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Günes Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Tugba Sunguroglu, Elit Iscan, Ilayda Akdogan, Nihal G. Koldas, Ayberk Pekcan
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MustangTugba Sunguroglu, Elit Iscan, Doga Zeynep Doguslu, Ilayda Akdogan et Günes Sensoy dans Mustang de Deniz Gamze Ergüven.

13 juillet 2019

L’échange des princesses (2017) de Marc Dugain

L'échange des princesses1721. Alors que Louis XV n’a que onze ans, le Régent Philippe d’Orléans a l’idée d’un échange de princesse pour sceller la paix entre la France et l’Espagne : Louis XV épouserait l’Infante d’Espagne qui n’a alors que quatre ans et, en échange, le Régent offre sa propre fille âgée de douze ans au fils du roi d’Espagne…
Coécrit et réalisé par Marc Dugain, L’échange des princesses est l’adaptation du roman homonyme de Chantal Thomas, paru en 2013. C’est un épisode assez étonnant de l’Histoire de France surtout si on le considère avec nos yeux du XXIe siècle car cette utilisation des enfants choque aujourd’hui. Marc Dugain a su rendre ses personnages assez actuels sans trahir l’Histoire : les deux princesses nous paraissent ainsi plus contemporaines, notamment la plus âgée dans sa rébellion et ses effronteries. Le réalisateur insiste probablement un peu trop sur la décrépitude de la royauté qu’il tient à nous montrer à bout de souffle. La reconstitution est soignée. Que l’interprétation d’acteurs comme Olivier Gourmet ou Lambert Wilson soit très professionnelle, cela ne surprend guère ; la surprise vient du jeune Igor van Dessel en Louis XV, très étonnant par la concentration de son jeu. En revanche, les deux princesses paraissent un peu trop âgées pour leur rôle. Le principal défaut du film est de ne pas explorer plus profondément les raisons politiques de cet échange, restant sur le simple aspect « ahurissant » de ces évènements, mais l’ensemble est assez réussi.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lambert Wilson, Anamaria Vartolomei, Olivier Gourmet, Catherine Mouchet, Kacey Mottet Klein, Igor van Dessel, Juliane Lepoureau
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L'échange des princessesIgor van Dessel dans L’échange des princesses de Marc Dugain.

L'échange des princessesAnamaria Vartolomei et Juliane Lepoureau dans L’échange des princesses de Marc Dugain.

12 mai 2017

Lucrèce Borgia (1953) de Christian-Jaque

Lucrèce Borgia1498. Lucrèce Borgia n’est guère enthousiasmée par son prochain mariage avec Alphonse d’Aragon qu’elle n’a pas encore rencontré. Encouragée par son mage qui lui prédit un grand amour imminent, elle se mêle à la foule un soir de carnaval. Elle fait la connaissance d’un séduisant inconnu auquel elle se donne… Basé sur le même roman d’Alfred Schirokauer que le film d’Abel Gance (1935), cette version de Christian-Jaque est surtout un grand spectacle destiné à mettre en valeur Martine Carol (que le réalisateur épousera l’année suivante). L’actrice minaude, fait l’enfant au point d’en être ridicule et ne parvient pas à donner consistance à son personnage. Souvent grotesque, le scénario est judicieusement parsemé de scènes destinées à frapper les esprits : chasse à l’homme, orgies, plans furtifs de nudité. La mise en scène de Christian-Jaque est parfaitement maitrisée, c’est particulièrement net dans les scènes d’action et lorsque beaucoup de personnages sont en jeu. La photographie de Christian Matras est d’un beau Technicolor, avec de belles variations de bleu. Le film fut un succès commercial. Il nous fait regretter la version d’Abel Gance…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Martine Carol, Pedro Armendáriz, Valentine Tessier, Arnoldo Foà, Christian Marquand, Maurice Ronet
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Remarques :
* Le page Perotto est interprété par Maurice Ronet (assez difficile à reconnaître).
* A 33 ans, Martine Carol était sans aucun doute un peu trop âgée pour le rôle (Lucrèce est censée avoir 18 ans) mais cela est finalement secondaire.
* Les scènes de chasse sont très proches de celles de Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game, 1932) d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, film copié à de multiples reprises.

Lucrece Borgia
Martine Carol dans Lucrèce Borgia de Christian-Jaque.

18 décembre 2012

Fleurs d’équinoxe (1958) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Higanbana »

Fleurs d'équinoxeWataru a beau se dire favorable aux mariages d’amour pour les jeunes, il refuse que sa fille se marie avec le jeune homme qu’elle aime : vexé de n’avoir été préalablement consulté, il s’oppose fermement et définitivement au mariage au risque de provoquer une rupture avec sa fille… Fleurs d’équinoxe est le premier film en couleurs d’Ozu qui aborde à nouveau le problème du mariage arrangé et les conflits entre générations au sein d’une famille. Il met en relief comment le refus d’évoluer ne peut mener qu’à des ruptures comme le montre l’exemple de son ami qui ne voit plus sa fille. Fleurs d'équinoxe Ozu est ici un peu moins subtil que dans ses autres films, il appuie son raisonnement en typant bien personnages et situations. C’est l’un des rares films d’Ozu où l’on voit un personnage si campé sur ses positions et tranchant avec ses proches. Le jeu des acteurs est un peu plus rigide, cela se sent surtout dans les personnages féminins. Fleurs d’équinoxe reste néanmoins un très beau film, avec notamment cette grande beauté graphique si particulière aux films d’Ozu.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Shin Saburi, Kinuyo Tanaka, Ineko Arima, Yoshiko Kuga, Keiji Sada, Teiji Takahashi, Miyuki Kuwano, Chishû Ryû
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Remarques :
* Le titre Fleurs d’équinoxe fait référence à l’amaryllis rouge dont la fleur fleurit à l’équinoxe d’automne. On peut d’ailleurs s’amuser à repérer l’utilisation de la couleur rouge tout au long du film (on peut commencer avec l’affiche : c’est la fille de Wataru qui est en rouge). L’automne est une allégorie pour désigner la génération de ces parents trop ancrés dans leurs traditions.

* Voir aussi nos commentaires sur une précédente vision

12 décembre 2012

Où sont les rêves de jeunesse? (1932) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Seishun no yume imaizuko »

Où sont les rêves de jeunesse?(Film muet) Tetsuo est un étudiant qui mène une vie plutôt insouciante et assez peu studieuse. Il a trois amis avec lesquels il est très lié et n’est pas insensible aux charmes de la fille du boulanger. Quand son père meurt soudainement, il se retrouve propulsé à la tête de son entreprise. Il embauche ses anciens amis… Où sont les rêves de jeunesse? démarre sur un ton de comédie burlesque avec toutes les scènes de vie estudiantine et aussi la façon dont le père et le fils éconduisent une fiancée proposée par l’oncle. Ensuite, le film change de registre et vient mettre l’amitié des quatre compères à l’épreuve des réalités économiques. L’amitié peut-elle être la plus forte ? Compromissions, soumission et résignation sont-elles évitables ? En ce sens, le propos du film est assez proche de celui de Chœur de Tokyo mais la question est abordée ici sous un angle différent. Ozu réussit à mettre une certaine force dans son film comme dans cette scène où Shigeko et Tetsuo ont une explication, une scène vraiment bouleversante. Ozu introduit aussi une certaine violence lorsque Tetsuo frappe longuement son ami pour le forcer à relever la tête. Le réalisateur place déjà sa caméra assez bas.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ureo Egawa, Kinuyo Tanaka, Tatsuo Saitô, Chishû Ryû
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Remarque :
Une fois de plus, Ozu place des affiches de films américains dans ses décors : dans la boulangerie/café, on remarque Hell’s Angels d’Howard Hughes (1930) et Billy the Kid de King Vidor (1930) mais il y en a quatre autres. Dans la chambre de Shigeko, c’est un poster de Million Dollar Legs (Folies olympiques) d’Edward F. Cline (1932) avec W.C. Fields et il y en a un second.
Où sont les rêves de jeunesse? Où sont les rêves de jeunesse?Où sont les rêves de jeunesse? Chishû Ryû

Où sont les rêves de jeunesse?Où sont les rêves de jeunesse? Poster = ??Où sont les rêves de jeunesse?

8 décembre 2012

Dernier caprice (1961) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Kohayagawa-ke no aki »
Autre titre français : « L’automne de la famille Kohayagawa »

Dernier capriceÂgé de 60 ans et père de trois filles, Manbei Kohayagawa laisse son beau-fils diriger la petite entreprise familiale de distillerie de saké pour jouir de la vie : il revoit secrètement une de ses anciennes maitresses au grand désespoir de sa seconde fille… Dernier caprice débute comme une comédie sur un thème proche de celui de Fin d’automne, un mariage que l’on aimerait voir arrangé à ceci près que la principale intéressée n’est pas informée. Dernier capriceMais peu à peu, le film change de registre et c’est le personnage de ce patriarche sexagénaire qui est au centre de l’histoire et, avec lui, un certain monde qui est aussi appelé à disparaître (petite entreprise familiale, quartier traditionnel avec son dédale de petites rues, habillement, etc.) On retrouve le thème du changement de culture dans le contraste entre les deux sœurs non mariées : l’une est veuve après un mariage que l’on suppose arrangé, elle porte le kimono traditionnel, l’autre désire faire un mariage d’amour et s’habille à l’occidentale. De multiples objets ou détails soulignent l’américanisation de la société japonaise (1). Mais le thème vers lequel se dirige Ozu est celui de la mort et la dernière image est assez noire ; c’est tout l’art d’Ozu de parvenir à ainsi passer progressivement d’un thème léger à un thème beaucoup plus grave. Une fois de plus, les images sont un ravissement pour les yeux, les plans sont superbes, merveilleusement construits. Si l’on peut trouver le propos un peu moins fort comparé à certains de ses autres films, Dernier caprice n’en est pas moins un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ganjirô Nakamura, Setsuko Hara, Yôko Tsukasa, Michiyo Aratama, Daisuke Katô, Haruko Sugimura
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Remarque :
Dernier capriceDernier caprice est le dernier film d’Ozu tourné avec Setsuko Hara et l’avant-dernier film de l’actrice. Quelques jours après la mort de Yasujirô Ozu en 1963, elle disparaitra complètement du monde du cinéma à l’âge de 43 ans : cette très grande vedette, qui fut adulée au Japon par toute une génération, ne fera plus aucune apparition publique. A l’instar de son personnage dans Fin d’automne ou de Dernier caprice, elle se retirera pour vivre seule. Elle vit aujourd’hui à Kita-Kamakura, la ville du sud de Tokyo où est enterré Ozu. Dans ses carnets intimes, le cinéaste parle de tous ses acteurs… sauf Setsuko Hara, ce qui témoigne très certainement de l’intensité de leur relation.

(1) A propos de la chanson, chantée par le groupe d’étudiants, sur l’air de My Darling Clementine : peut-on voir là un petit clin d’œil d’Ozu à John Ford ?

7 décembre 2012

Fin d’automne (1960) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Akibiyori »

Fin d'automneLa jeune Ayako vit veule avec sa mère depuis la mort de son père. Trois amis de jeunesse du défunt se mettent en charge de lui trouver un mari. Mais Ayako n’a aucune envie de quitter sa mère… Fin d’automne reprend le thème de Printemps Tardif qu’Ozu a tourné onze ans auparavant mais sur un registre totalement différent, plus proche d’une comédie. Ce que le film perd en intensité, notamment dans les rapports entre la fille et sa mère, il le gagne en humour. Et le résultat est tout aussi enthousiasmant. Le ton est donc plus léger : si le mariage est arrangé, c’est ici moins par convenance sociale que par les attentions d’un entourage bien intentionné mais quelque peu maladroit. L’humour est ainsi très souvent présent par l’intermédiaire du trio de quinquagénaires, tous trois amoureux de la même femme (la mère) et qui cherchent d’une certaine manière à assouvir leurs désirs que par personne interposée. Par sa forme, le film est enchanteur avec les superbes plans fixes, très construits (1), caractéristiques du style d’Ozu et une belle utilisation de la couleur. Au delà son apparente légèreté, Fin d’automne est un film vraiment admirable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Setsuko Hara, Yôko Tsukasa, Mariko Okada, Keiji Sada, Shin Saburi, Nobuo Nakamura, Ryûji Kita, Chishû Ryû
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Remarques :
* Setsuko Hara, qui interprétait le rôle de la fille dans Printemps tardif, interprète le rôle de la mère dans Fin d’automne.
* Fin d’automne est sorti en France en 1979. Ce fut ainsi le troisième film d’Ozu à sortir en salles après Voyage à Tokyo et Le goût du saké. En outre, la même année, le Ciné-club d’Antenne 2 avait diffusé Printemps tardif et Printemps précoce. Cela faisait donc cinq films connus.

(1) Hormis la position de la caméra, proche du sol, le style d’Ozu se caractérise par des plans fixes toujours très construits : le sujet principal est généralement centré avec des éléments dans le reste d’image qui servent de repoussoir pour ramener le regard vers le centre. Ainsi, on notera qu’il y a toujours un premier plan, que ce soit des portes coulissantes ouvertes (qui forment un « cadre dans le cadre »), ou une table basse, un objet. Il est d’ailleurs intéressant d’observer la gestion de la profondeur, tous les plans se structurant sur 3, 4 voire 5 niveaux de profondeur.