8 septembre 2014

Les Amitiés particulières (1964) de Jean Delannoy

Les amitiés particulièresDans la France des années 1920, Georges de Sarre, âgé de 14 ans, entre dans un pensionnat catholique tenu avec grande fermeté par des Frères jésuites. Il est attiré par le jeune Alexandre, plus jeune que lui, et les deux enfants développent une relation qui va au-delà de l’amitié…
Le roman de Roger Peyrefitte, Les Amitiés particulières, qui fit scandale à sa sortie en 1943, avait tout de suite intéressé Jean Delannoy  mais le cinéaste dût attendre 1963 pour avoir enfin les moyens de l’adapter. Le sujet ne doit plus choquer grand monde aujourd’hui : l’amitié entre ces deux enfants, qui prend la forme d’un amour platonique (billets doux et quelques petits baisers furtifs), est traitée avec beaucoup de tact et de délicatesse par Jean Delannoy et le scénariste Jean Aurenche. En revanche, le jeu des acteurs reste très figé, en total contraste avec l’émoi sentimental de ces adolescents ; il rend le film un peu ennuyeux, hélas.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Francis Lacombrade, Didier Haudepin, Louis Seigner, Michel Bouquet
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Delannoy sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jean Delannoy chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Jean Delannoy

Remarques :
* La productrice Christine Gouze-Rénal n’avait accepté de produire Les Amitiés particulières qu’à la condition expresse que le scénario soit accepté par la commission de pré-censure. Cet accord fut obtenu avec même les félicitations de la commission pour le tact avec lequel ce sujet délicat était traité. La polémique commença toutefois avant même la sortie du film notamment avec un article de François Mauriac, scandalisé, dans Le Figaro Littéraire ce qui lui valut une réponse restée célèbre de Roger Peyrefitte dans la revue Arts (avril et mai 1964). Sous la pression de l’Office catholique du film, le film fut, à sa sortie, interdit au moins de 18 ans, interdiction qui sera levée quelques années plus tard. Il semble que ce qui gênait l’Eglise n’était pas tant la peinture de l’amitié si particulière entre deux adolescents mais plutôt par la démonstration de la totale mainmise des jésuites sur l’éducation des enfants et leur incapacité à empêcher le pire.

* Si Les Amitiés particulières est l’unique prestation de Francis Lacombrade, Didier Haudepin aura une carrière cinématographique bien remplie : IMDB le crédite de 42 films en tant qu’acteur, 3 films en tant que réalisateur, 8 films en tant que producteur. A noter qu’il est le frère aîné de Sabine Haudepin.

Les Amitiés particulièresDidier Haudepin et Francis Lacombrade dans Les Amitiés particulières de Jean Delannoy.

7 septembre 2014

Les Anges sauvages (1966) de Roger Corman

Titre original : « The Wild Angels »

Les anges sauvagesA Los Angeles, Heavenly Blues (Peter Fonda) est le chef d’un gang de motards qui se nomment les Wild Angels. Ils partent en virée pour retrouver une de leurs motos volées. Une poursuite s’engage avec la police et un des leurs est gravement blessé…
Maitre de la série B, Roger Corman aborde ici le thème des mauvais garçons et des bandes à motos de style Hells Angels. Il nous les montre de façon brute, sans les caricaturer ni les juger, avec leur colifichets nazis et leurs aspirations confuses. Ils recherchent essentiellement une sensation de liberté et refusent toutes les règles ce qui leur permet de donner libre cours à une violence assez sauvage. Roger Corman réussit bien la première moitié de son film mais sombre ensuite dans de longues scènes de beuveries sans intérêt. On remarque la présence de Nancy Sinatra, juste à l’époque de la sortie du futur tube planétaire These Boots Are Made for Walkin’. Mais c’est bien entendu l’image de Peter Fonda sur sa Harley Davidson qui est la plus frappante, trois ans avant Easy Rider où il réincarnera de nouveau cette soif de liberté, dans un esprit fort différent toutefois.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Peter Fonda, Nancy Sinatra, Bruce Dern
Voir la fiche du film et la filmographie de Roger Corman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Roger Corman chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Roger Corman

Les Anges sauvages (The Wild Angels)Peter Fonda, Nancy Sinatra, Buck Taylor, Gayle Hunnicutt, Marc Cavell et Bruce Dern (casque blanc)
dans Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

Les Anges sauvages (The Wild Angels)Roger Corman, Peter Fonda et Peter Bogdanovich (assistant-réalisateur non crédité)
sur le tournage de Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

30 août 2014

Une femme douce (1969) de Robert Bresson

Une femme douceUne jeune femme se jette par la fenêtre et se tue. Fac à elle sur son lit de mort, son mari se souvient de sa première rencontre, de sa vie avec elle…
Adaptation assez fidèle de La Douce, une nouvelle de Dostoïevski, Une femme douce de Robert Bresson n’est pas un film facile à aborder. L’histoire en elle-même est d’une tristesse infinie : une jeune femme se suicide pour échapper à la vie étriquée dans laquelle son mari, un prêteur sur gages surtout intéressé par l’argent, l’a enfermée. De manière assez audacieuse (certains comme Jean-Michel Frodon parlent de « film-essai »), Robert Bresson appuie par sa mise en scène l’austérité du monde dans lequel la jeune femme est enfermée : très peu de dialogues mis à part la voix-off du mari qui raconte (1), silences entrecoupés de bruitages insignifiants, peu d’extériorisation de sentiments, distanciation marquée, et même un long extrait du final d’Hamlet épouvantablement joué sur une scène de théâtre (2). Le problème de cette démarche est que nous ne savons plus très bien si l’austérité vient de l’univers étriqué du mari ou de la mise en scène de Bresson. L’appétit de vie de la jeune femme n’est pas très décelable pour le spectateur, il ne se manifeste que très peu (par son intérêt pour la musique, le cinéma, l’art). Robert Bresson a tenu à prendre des acteurs débutants : si ce sera le seul film de Guy Frangin, Une femme douce ne sera que le premier film d’une longue carrière pour la jeune et talentueuse Dominique Sanda (alors âgée de 20 ans).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Dominique Sanda, Guy Frangin
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Bresson sur le site IMDB.

Voir les autres films de Robert Bresson chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Robert Bresson

Remarques :
* Dominique Sanda s’est mariée à l’âge de 16 ans pour divorcer peu après. On peut donc supposer que ce rôle a pu réveiller des échos de sa propre vie.
* Le film que le couple va voir au cinéma est Benjamin ou Les mémoires d’un puceau de Michel Deville (1968).

(1) A noter que le narrateur n’est pas introduit par Bresson : dans la nouvelle de Dostoïevski, c’est également le mari qui raconte. Le fait que les personnages n’aient pas de nom est également dans la nouvelle.

(2) Le but de ce pensum de 10 minutes semble être uniquement de montrer que la jeune femme, alors qu’elle s’ouvre au monde extérieur en s’intéressant à la musique, au cinéma ou à l’art moderne (art cinétique plus précisément), rejette le théâtre pour son aspect artificiel et forcé. Dans la scène qui suit, elle reproche au metteur en scène de la pièce de théâtre d’avoir omis le « conseil aux comédiens » (acte III scène 2) en le citant : « Dites, je vous prie, cette tirade comme je l’ai prononcée devant vous, d’une voix naturelle ; mais si vous la braillez, comme font beaucoup de nos acteurs, j’aimerais autant faire dire mes vers par le crieur de la ville. Ne sciez pas trop l’air ainsi, avec votre bras, mais usez de tout sobrement. (…) »

Une femme douceGuy Frangin et Dominique Sanda dans Une femme douce de Robert Bresson.

18 août 2014

El Dorado (1966) de Howard Hawks

El DoradoExpert dans le maniement des armes, Cole Thorntorn (John Wayne) refuse le travail que lui propose le propriétaire Bart Jason à El Dorado car cela l’amènerait à se battre contre son vieil ami, le shérif Harrah (Robert Mitchum). Il reviendra toutefois quelques mois plus tard lorsqu’il apprendra qu’un autre expert de la gâchette a été engagé pour se débarrasser du shérif qui a entre-temps sombré dans l’alcool pour un chagrin d’amour… Huit ans après Rio Bravo, Howard Hawks donne une nouvelle variation du même thème. El Dorado est parfois mal considéré car jugé comme un remake et donc comparé à son prédécesseur. Si on retrouve effectivement des personnages similaires dans une situation proche, ils sont plus âgés et donc avec des motivations différentes. Hawks a intégré de nombreux éléments de comédie, assumant pleinement le statut de divertissement. Le résultat est très réussi. El Dorado reçut un bon accueil du public à une époque où le western avait déjà entamé une profonde mutation. C’est l’un des derniers grands westerns hollywoodiens classiques et l’avant-dernier film d’Howard Hawks.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Robert Mitchum, James Caan, Charlene Holt, Arthur Hunnicutt
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.

Voir les autres films de Howard Hawks chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Howard Hawks

Remarques :
* La scène de la baignoire serait pour beaucoup l’oeuvre de Robert Mitchum.
* Hawks avait demandé à Mitchum de mettre sa béquille à gauche ou à droite selon ce qui rendait le mieux à l’écran. Hawks se permet de faire un clin d’oeil à ce défaut de continuité quand il fait dire à John Wayne « La béquille, tu t’en es servi aussi bien à gauche qu’à droite ! »
* Les peintures du générique sont l’oeuvre d’Olaf Wieghorst qui fait une brève apparition dans le film (l’armurier qui vend l’arme à Mississippi).
* Le poème El Dorado récité par Mississippi est un poème d’Edgar Allan Poe.

Homonymes  :
El Dorado de Marcel L’Herbier (1921)
El Dorado de Carlos Saura (1988)
Eldorado de Bouli Lanners (2008)
(ces trois films n’ont que le nom en commun avec le film de Hawks, ce ne sont d’ailleurs pas des westerns)

13 août 2014

Chair de poule (1963) de Julien Duvivier

Chair de pouleUn évadé, une station service restaurant isolée tenue par un couple dépareillé, un mari affable mais un peu trop âgé pour sa jeune et jolie femme… voilà qui rappelle singulièrement Le facteur sonne toujours deux fois. Pourtant Chair de poule est l’adaptation d’un roman de, non pas James Cain, mais James Hadley Chase (1). C’est l’avant-dernier film de Julien Duvivier, à une époque où il vivait mal les critiques des défenseurs de la Nouvelle Vague envers son cinéma (2). Cette histoire assez noire semble donc bien coller avec son état d’esprit car c’est la noirceur de l’âme humaine qui est ici mise au grand jour. Le moteur des personnages n’est pas l’attirance sexuelle mais le simple appât du gain et la droiture n’est pas récompensée, elle n’a ici pas droit de cité. La réalisation de Duvivier est sans faille, avec de nombreuses scènes fortes et une distribution très riche par la palette de personnages différents : même Jean Sorel, un choix assez critiqué, est ici parfait car sa prestance est justement en décalage total avec l’histoire. Dans le genre policier très noir, Chair de poule est une des plus belles réussites françaises des années soixante et il est vraiment injuste qu’il ait été si longtemps méprisé.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Robert Hossein, Jean Sorel, Catherine Rouvel, Georges Wilson, Lucien Raimbourg
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site IMDB.

Voir les autres films de Julien Duvivier chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Julien Duvivier

(1) L’écrivain James Hadley Chase a eu la fâcheuse tendance à s’inspirer un peu trop fortement des oeuvres de ses confrères. Il fut condamné plusieurs fois pour cette pratique. Le titre du roman ici adapté est « Come easy –- Go easy » paru en France dans la Série Noire sous le titre « Tirez la chevillette ! » (Gallimard Série noire n° 544, 1960, La Poche noire n° 139, 1971, Carré noir n° 71, 1972).
(2) Les critiques des Cahiers du Cinéma tiraient à boulets rouges sur les réalisateurs de ce qu’ils appelaient la « qualité française » : Julien Duvivier, Claude Autant-Lara, Henri Decoin, … Cette intransigeance mêlée de mépris a fortement marqué toute une génération de cinéphiles, bien au-delà de son époque puisque l’on peut en déceler encore quelques restes aujourd’hui. Avec le recul, on mesure mieux toutefois à quel point ce rejet catégorique était excessif et injuste.

Chair de Poule

14 juillet 2014

Larmes de joie (1960) de Mario Monicelli

Titre original : « Risate di gioia »

Larmes de joieUn soir de Nouvel An à Rome, une actrice de figuration se retrouve sans invitation. Accidentellement, elle tombe sur une de ses connaissances, acteur sur le retour, qui en est réduit à servir d’acolyte à un pickpocket… Larmes de joie est inspiré des Nouvelles romaines d’Alberto Moravia. Le film mélange le tragique et le comique : sous l’humour, présent dans presque toutes les scènes, Monicelli nous dépeint les difficultés de trois personnages qui se débattent pour mieux vivre dans cette Italie de la fin des années cinquante. L’une est une indéfectible optimiste qui espère toujours que la chance lui sourira un jour, le second vit de petites combines plutôt minables et le plus jeune des trois est depuis toujours dans la petite délinquance. Anna Magnani (en blonde) nous fait un grand numéro, elle est volubile, explosive, exubérante, et forme un superbe tandem avec Totò, ce grand comique qui donne à son personnage une belle épaisseur ; il est particulièrement touchant. Leurs joutes verbales sont hautes en couleur. Ben Gazzara est plus en retrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anna Magnani, Totò, Ben Gazzara, Fred Clark
Voir la fiche du film et la filmographie de Mario Monicelli sur le site IMDB.

Voir les autres films de Mario Monicelli chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur le cinéma italien

Remarques :
* Le titre original est à double sens : la traduction littérale de Risate di gioia est « éclat de rire de joie » mais puisque Gioia est le prénom du personnage jouée par Anna Magnani, cela peut être tout aussi bien « le rire de Gioia » (qui ne passe pas inaperçu, soit-dit en passant…)

* C’est la première apparition du comédien-clown Mac Ronay (le conducteur du métro). Ce comique français, au physique à nul autre pareil, n’a hélas pas beaucoup tourné mais beaucoup le connaissent grâce à son rôle de porte-flingue dans Les Tontons flingueurs. Les italiens l’ont doté ici d’une voix très haut perchée.

* On notera le clin d’oeil à La Dolce Vita (l’américain ivre veut se baigner dans la fontaine de Trévi… « Foutu cinéma! » commente Anna Magnani). Le film de Fellini est sorti en février 1960 en Italie et a reçu la palme d’or à Cannes en mai ; Larmes de joie est sorti en octobre 1960.

4 juillet 2014

Léviathan (1962) de Léonard Keigel

LeviathanPaul Guéret aime Angèle, une jeune blanchisseuse. Il la suit, réussit à lui parler, lui donne rendez-vous mais elle se refuse à lui. Paul en est désespéré… Dès sa publication en 1929, le grand roman de Julien Green Léviathan a attiré plusieurs metteurs en scène et non des moindres : Marc Allégret, Georg Pabst, Robert Siodmak, Eisenstein, Cukor, Jacques Tourneur, Visconti. A chaque fois, le projet n’aboutit pas pour des raisons diverses et ce n’est qu’en 1962 que l’adaptation au grand écran verra enfin le jour sous la direction du débutant Léonard Kiegel. Il s’agit d’une histoire très sombre où les différents personnages ont de grandes frustrations et où l’amour, loin d’être un élément émancipateur, n’apporte qu’aigreur et rancoeur, voire pire encore. Pour son premier film, Léonard Kiegel parvient parfaitement à restituer l’atmosphère assez oppressante, presque morbide, du livre ; il est aidé par la présence de Julien Green qui a écrit les dialogues de cette adaptation. Louis Jourdan a laissé au vestiaire son profil de grand séducteur : son personnage est censé être quelconque, sans attrait ; il a su adapter son jeu et gagne ainsi en complexité. Face à lui, Marie Laforêt apporte une touche de sensualité et de spontanéité, elle semble entrer dans son personnage au fur et à mesure que le film avance. Mais le plus beau personnage, le plus complexe, le plus tourmenté sans doute, est celui de Madame Grosgeorges admirablement interprété par l’actrice internationale Lili Palmer (1) qui a probablement ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle fait preuve d’une très grande présence à l’écran, absolument superbe dans toutes les scènes où elle apparaît. La très belle photographie est signée Nicolas Hayer(2). Léviathan est une belle adaptation littéraire, assez puissante, qui a certainement grandement bénéficié de la participation active de Julien Green. Il fait partie de ces films qu’une mauvaise distribution à l’époque a jetés dans l’ombre alors qu’ils méritent un bien meilleur statut.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jourdan, Lilli Palmer, Marie Laforêt, Madeleine Robinson, Georges Wilson
Voir la fiche du film et la filmographie de Léonard Keigel sur le site IMDB.
Voir les autres films de Léonard Keigel chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film est produit par Pierre Jourdan, frère de Louis Jourdan.
* La musique utilise des extraits de La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg.
* Auparavant très difficile à visionner, Léviathan vient de ressortir restauré dans une belle édition DVD (Voir sur Amazon…) Parmi les suppléments, il faut noter la présence de scènes commentées d’une autre adaptation d’un roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, que Marcel L’Herbier a réalisée pour la télévision en 1953 avec Anouk Aimée et Alain Cuny dans les rôles principaux. Ces courtes scènes filmées (env. 15 à 20 minutes) sont les seules dont on ait la trace aujourd’hui car toutes les autres ont été interprétées en direct.

(1) Lili Palmer est une actrice d’origine allemande qui a tourné en Allemagne, en Angleterre, aux Etats Unis et en France.

(2) Nicolas Hayer est l’un des plus grands directeurs de la photographie français. Sa filmographie est impressionnante, il a travaillé pour Clouzot (Le Corbeau), Cocteau (Orphée), Duvivier, Melville, Daquin, Becker, etc.

29 juin 2014

Ce merveilleux automne (1969) de Mauro Bolognini

Titre original : « Un bellissimo novembre »

Ce merveilleux automneComme chaque année en novembre, la famille sicilienne du jeune Nino se retrouve dans la villa de l’oncle. Les hypocrisies, les non-dits et la lourdeur des relations entre les différents membres étouffent Nino. Il n’a d’yeux que pour sa tante Cettina, qui offre un mélange de sensualité et de spontanéité qui l’attire comme un aimant… Ce merveilleux automne est l’adaptation d’un roman d’Ercole Patti. Il met en scène une famille de grands propriétaires siciliens dans un état de presque dégénérescence. Repliés sur eux-mêmes, se trompant les uns les autres, se mariant entre eux, les membres de cette famille apparaissent entièrement sclérosés aux yeux de Nino. L’amour qu’il ne peut porter ouvertement à sa mère, il le reporte sur sa tante, la seule adulte qui soit pleine de vie. Bolognini décrit parfaitement cette famille avec son tissu complexe de relations basées sur la fausseté. Il est assez incompréhensible que Ce merveilleux automne ne soit pas mieux considéré car il offre une peinture sociale juste et assez incisive et présente une belle intensité. Il est en outre comme illuminé par la sensualité de Gina Lollobrigida.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, Gabriele Ferzetti, André Lawrence, Paolo Turco
Voir la fiche du film et la filmographie de Mauro Bolognini sur le site IMDB.
Voir les autres films de Mauro Bolognini chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Pratique courante à cette époque en Italie : tous les acteurs sont post-synchronisés, la plupart sont même doublés à commencer par Gina Lollobrigida dont on ne reconnait pas la voix. Pire encore : la même actrice (Rita Savagnone) a doublé Gina Lollobrigida et Danielle Godet (qui joue la mère de Nino). Donc quand elles se parlent, c’est exactement la même voix qui répond, ce qui transforme presque le dialogue en monologue!

* Comme l’a rappelé avec honnêteté Patrick Brion (grand admirateur de l’oeuvre de Bolognini) dans sa présentation lors de la diffusion au Cinéma de Minuit, le réalisateur a déclaré ne pas être vraiment satisfait de Ce merveilleux automne, estimant n’avoir pas su donner une forte intensité à la relation entre le jeune garçon et sa tante. A mon humble avis, le cinéaste a vraiment tort de penser cela car l’intensité est bien là.

18 juin 2014

Qui a peur de Virginia Woolf? (1966) de Mike Nichols

Titre original : « Who’s Afraid of Virginia Woolf? »

Qui a peur de Virginia Woolf?Martha rentre avec son mari George d’une soirée chez son père, le doyen de l’Université où George est professeur. Ils sont un peu éméchés et commencent à se chamailler, mais Martha a promis à son père d’inviter un jeune couple, récemment engagé, à boire un dernier verre chez eux… Qui a peur de Virginia Woolf? est adapté d’une pièce d’Edward Albee, auteur dramatique américain qui a reçu le Prix Pulitzer par trois fois (1). Il s’agit du premier film de Mike Nichols. Qui a peur de Virginia Woolf? tranche assez nettement avec le reste de la production par la cruauté de ses dialogues et fait partie de ces films qui, en ces années soixante, bravèrent ouvertement le Code Hays. Cette (apparente) mise à mal du couple utilise des ressorts psychologiques que l’on peut trouver un peu grossiers et le film n’est pas sans défaut : quelques longueurs et une fin lénifiante (2). Mais les dialogues sont remarquables, un véritable feu d’artifice de répliques vachardes et cathartiques, le grand déballage devant témoins. Dans ce registre, il est très facile de surjouer et Richard Burton a, on le sait, généralement une certaine tendance à appuyer son jeu. Mais, et c’est le plus remarquable, il n’en est rien ici : Burton est retenu dans son jeu, il trouve toujours le ton juste, à aucun moment, il ne dérape. Elizabeth Taylor (qui a accepté de prendre 15 kilos pour le rôle) montre des qualités étonnantes dans un rôle assez ingrat : il s’agit probablement de son meilleur rôle au cinéma (3), elle fait ici penser à Bette Davis. La photographie en noir et blanc de Haskell Wexler est très belle, Mike Nichols abuse quelquefois des très gros plans, mais c’est rare ; sa mise en scène est parfaitement maitrisée. Qui a peur de Virginia Woolf? connut un grand succès et remporta pas moins de cinq Oscars. Insensible au temps, le film se montre toujours aussi puissant aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Elizabeth Taylor, Richard Burton, George Segal, Sandy Dennis
Voir la fiche du film et la filmographie de Mike Nichols sur le site IMDB.

Voir les autres films de Mike Nichols chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Au début du film, Martha (Elizabeth Taylor) cherche le titre du film où Bette Davis emploie l’expression « What a dump ! » (Quel taudis !). Il s’agit de Beyond the Forest (La Garce) de King Vidor (1949).
* Assez étrangement, Richard Burton a interprété son rôle avec un accent britannique prononcé ce qui lui a valu certaines critiques.
* Le titre Qui a peur de Virginia Woolf? est dérivé de la comptine Qui a peur du grand méchant loup? (« Big Bad Wolf » en anglais) que l’on entend dans Les Trois Petits Cochons de Walt Disney (1933). Disney ayant refusé de donner son accord, les acteurs utilisent une autre mélodie quand ils la chantent.

(1) En 1967 pour A Delicate Balance, en 1975 pour Seascape et en 1994 pour Three Tall Women.
(2) A noter que la fin lénifiante et le personnage du fils ne sont pas des inventions de l’adaptateur : ils figuraient déjà dans la pièce. On donc pourra remarquer que derrière l’entreprise de démolition du couple se cache une indéniable glorification de la cellule familiale classique, de la famille américaine. D’ailleurs, cela explique peut-être le succès populaire du film.
(3) Elizabeth Taylor a elle-même affirmé qu’il s’agit de son plus grand rôle. A noter que, contrairement à leurs personnages, le couple Taylor/Burton dans la vraie vie était alors au beau fixe.

12 juin 2014

La Chute de la maison Usher (1960) de Roger Corman

Titre original : « House of Usher »

La chute de la maison UsherPhilip Winthrop se rend à cheval au manoir des Usher, afin de rendre visite à Madeline Usher avec laquelle il s’est fiancé quelques mois plus tôt à Boston. Il se rend compte que Madeline et son frère Roderick sont atteints d’une étrange maladie et qu’ils sont hantés par la mort qui les ronge… Adapté du roman homonyme d’Edgar Allan Poe, La Chute de la maison Usher est la première des huit adaptations de cet écrivain que Roger Corman mettra en scène. Ce sont principalement ces huit films qui vaudront au réalisateur une certaine reconnaissance. Par rapport à la version muette de Jean Epstein, les décors sont plus classiques mais l’atmosphère reste très particulière et forte, Roger Corman jouant beaucoup sur la suggestion. Le film montre une belle intensité qui culmine dans un final de plus en plus inquiétant. Vincent Price est ici assez rigide, plutôt sobre dans son jeu ce qui sied parfaitement à son personnage. Comme toujours avec Corman, malgré la rapidité de tournage et un budget très modéré, la qualité de réalisation est indéniable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Price, Mark Damon, Myrna Fahey, Harry Ellerbe
Voir la fiche du film et la filmographie de Roger Corman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Roger Corman chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Roger Corman

Remarque :
Le scénario de cette adaptation a été écrit par Richard Matheson. L’écrivain de science-fiction (auteur entre autres de L’homme qui rétrécit et de Je suis une légende) continuera d’écrire pour Roger Corman d’autres adaptations de Poe.

Autres adaptations :
La Chute de la maison Usher de Jean Epstein (1928)
The Fall of the House of Usher de l’anglais Ivan Barnett (1949)
Revenge in the House of the Usher (La Chute de la maison Usher) de Jesús Franco (1982)
The House of Usher (La Maison des Usher) d’Alan Birkinshaw (1989) avce Oliver Reed
The Fall of the House of Usher: A Gothic Tale for the 21st Century de ken Russell (2002)