3 juin 2012

Le pont de la rivière Kwai (1957) de David Lean

Titre original : « The bridge on the river Kwai »

Le pont de la rivière KwaiEn 1943, en pleine jungle birmane, un régiment anglais prisonnier des japonais est affecté à la construction d’un pont. Le Colonel anglais s’oppose au commandant japonais du camp de prisonnier car ce dernier veut faire travailler tous les prisonniers, y compris les officiers… Adapté d’un roman de Pierre Boulle (également l’auteur de La Planète des Singes), Le pont de la rivière Kwai est la première des cinq superproductions de David Lean. Le budget alloué par Sam Spiegel fut important, l’image en technicolor est particulièrement soignée. David Lean parvient à insuffler toute une palette de sentiments et même une certaine sensibilité. Le fond du propos est de montrer comment la guerre exacerbe les situations absurdes, ici générée par le comportement archaïque de deux officiers, l’un japonais, l’autre anglais. L’absurdité atteint son paroxysme dans une fin ambigüe, qui ouvre le champ à la réflexion. Le succès fut immense.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Holden, Alec Guinness, Jack Hawkins, Sessue Hayakawa
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Remarques :
* Les scénaristes Michael Wilson et Carl Foreman étaient alors sur la liste noire pour de supposées sympathies communistes et leurs noms n’apparaissaient pas au générique. L’Oscar de la meilleure adaptation fut donc attribué à Pierre Boulle! Il fallut attendre 1984 pour que l’Académie leur en attribue la paternité.
* L’histoire est librement inspirée de faits réels : le Lieutenant Colonel Philip Toosey a construit deux ponts sur la rivière Kwai qui furent détruits en 1945, deux ans après leur construction.
* Pierre Boulle a été lui-même prisonnier de guerre en Thaïlande.
* Comme on s’en doute, le personnage du soldat américain ne figurait pas dans le roman de Pierre Boulle. Il a été ajouté pour le public américain.
* L’acteur Sessue Hayakawa a eu une longue carrière d’acteur puisqu’il a tourné dans de très nombreux films muets entre 1914 et 1925.

18 mai 2012

Casque d’or (1952) de Jacques Becker

Casque d'orAu tout début du XXe siècle à Belleville, Marie, une jeune prostituée surnommée Casque d’or à cause de sa chevelure blonde, est avec Roland, un petit malfrat qui fait ses mauvais coups au sein d’une bande dirigée par un petit caïd respectable. Dans une guinguette, Marie rencontre Manda, un ancien voyou devenu honnête. Entre eux, c’est le coup de foudre… Jacques Becker recrée merveilleusement l’atmosphère des faubourgs de Paris des années 1900. Il s’attache surtout à décrire les hommes, les lieux qu’ils fréquentent (où la bonne bourgeoisie vient parfois s’encanailler), la force de l’appartenance à un clan. Simone Signoret et Serge Reggiani sont magnifiques, d’une beauté empreinte de naturel. Leur prestation est d’une grande force. Tous les seconds rôles sont parfaitement tenus, Jacques Becker montrant là une très grande maitrise. Il y a de très belles scènes : la guinguette, le combat et bien entendu ce superbe plan final sur le visage de Simone Signoret. A sa sortie, Casque d’or fut très mal accueilli par la critique française (en Angleterre, il fut en revanche porté aux nues). Devant cet insuccès, Jacques Becker déclara même qu’il trouvait que son film avait trop de temps morts. Les choses ont bien changé depuis puisqu’il est aujourd’hui classé parmi les meilleurs films du cinéma français. A juste titre.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Simone Signoret, Serge Reggiani, Claude Dauphin, Raymond Bussières, Loleh Bellon, Dominique Davray
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Remarque :
Le film est librement inspiré d’une affaire réelle datant de janvier 1902 : deux bandes rivales s’affrontent en une véritable bataille rangée dans le 20e arrondissement de Paris. L’objet de la querelle est une prostituée, Amélie Elie surnommée Casque d’or en raison de son abondante chevelure blonde ramenée sur le sommet de la tête. L’affaire est montée en épingle par la presse et c’est à cette occasion qu’un journaliste du Petit Journal crée le mot « apache » pour désigner les voyous qui agissent en bande : « Ce sont là des mœurs d’Apaches, du Far West, indignes de notre civilisation. Pendant une demi-heure, en plein Paris, en plein après-midi, deux bandes rivales se sont battues pour une fille des fortifs, une blonde au haut chignon, coiffée à la chien ! »
(« Fortifs » est un mot familier, tombé aujourd’hui en désuétude, qui désigne les fortifications qui ont entouré Paris jusqu’en 1919.)

13 mai 2012

Barbe-Noire le pirate (1952) de Raoul Walsh

Titre original : « Blackbeard, the pirate »

Barbe-Noire le pirateDans les Caraïbes, le pirate Barbe Noire est poursuivi par Sir Henry Morgan, ancien flibustier reconverti. Le jeune Edward Maynard cherche à prouver que Morgan est toujours dans la piraterie… Le scénario de Barbe-Noire le pirate est plutôt complexe sur les relations entre les personnages mais, hélas, il manque d’équilibre. Conformément au titre, le personnage majeur de ce film est le truculent Barbe Noire : il est le plus intelligent, rusé et malin, parfaitement amoral mais plein d’humour. Il est interprété de façon très démonstrative par Robert Newton qui éclipse un peu tous les autres acteurs. Le justicier Maynard paraît comparativement bien fade. Linda Darnell a, comme toujours, une forte présence à l’écran, apportant une belle touche de sensualité, mais son rôle reste hélas limité. Barbe-Noire le pirate est un film souvent bien mal considéré. Certes, il n’est pas à classer parmi les grands films de Raoul Walsh mais il reste plaisant à regarder : un divertissement haut en couleur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Newton, Linda Darnell, William Bendix, Keith Andes, Torin Thatcher
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Remarque :
Les personnages sont réels. Mais dans la réalité, Sir Henry Morgan est mort alors que Barbe Noire n’avait que 8 ans. Il n’a donc jamais pourchassé le célèbre pirate.

9 mai 2012

Souvenirs perdus (1950) de Christian-Jaque

Souvenirs perdusAux Objets trouvés, on rencontre des objets très inattendus. C’est l’histoire de quatre d’entre eux qui nous est ici contée… Souvenirs perdus est un film à sketches, conçu pour avoir à son affiche un grand nombre d’acteurs connus. Adaptées par Christian-Jaque et Jacques Companéez, ces quatre histoires n’ont pas vraiment de lien entre elles : deux jouent la carte de l’humour, les deux autres sont plus mélancoliques. Le film souffre des défauts du genre et paraît superficiel. L’objet à la source de chaque histoire n’a souvent qu’un rôle négligeable. L’histoire avec Gérard Philipe est certainement la plus originale et la plus forte mais, au final, pêche par sa brièveté. La dernière, écrite par Prévert, est la plus amusante avec un jeune Yves Montand terriblement charmeur. Souvenirs perdus nous laisse hélas sur notre faim.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Pierre Brasseur, Suzy Delair, Danièle Delorme, Edwige Feuillère, Yves Montand, François Périer, Gérard Philipe, Armand Bernard, Gilberte Géniat
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Les sketches :
1. Une statuette d’Osiris
écrit par Jacques Prévert
avec Pierre Brasseur et Edwige Feuillère
Deux anciens amants se rencontrent un soir de Noël, chacun faisant croire à l’autre qu’il mène une belle vie…
2. La couronne mortuaire
écrit par Henry Jeanson et Pierre Véry
avec Suzy Delair, François Périer et Armand Bernard
Alors qu’il doit se rendre à l’enterrement de son oncle, un coureur de jupons reçoit la visite inattendue d’une de ses anciennes conquêtes. Son majordome lui fait croire que c’est lui qui est mort…
3. Une cravate de fourrure
écrit par Henry Jeanson et Pierre Véry
avec Danièle Delorme et Gérard Philipe
Un homme désespéré tue pour se venger d’une sombre histoire familiale. Il rencontre une jeune fille sur le point de ses suicider…
4. Le violon
écrit par Jacques Prévert et Pierre Prévert
avec Bernard Blier, Yves Montand et Gilberte Géniat
Amoureux de l’épicière, un agent de police feint de s’intéresser aux talents de violoniste de son jeune garçon…

1 mai 2012

La maison Bonnadieu (1951) de Carlo Rim

La maison BonnadieuFélix Bonnadieu sait que sa femme Gabrielle le trompe avec un jeune garçon de 19 ans. Mais il aime profondément sa femme et va tenter de la reconquérir… Avant d’être réalisateur, le français Carlo Rim a d’abord été scénariste et l’on ne sera donc pas étonné que le point fort de La maison Bonnadieu soit plutôt du côté de son scénario. Carlo Rim s’amuse avec l’adultère dans cette histoire où toutes les femmes trompent leur mari. Il y a beaucoup d’humour dans les dialogues. Très bonne interprétation avec Danielle Darrieux, toujours aussi belle, et Bernard Blier parfait en mari désespéré et un peu gauche. Les seconds rôles sont également très bien définis et tenus. La chanson La complainte des infidèles, ici interprétée par Mouloudji lui-même, est devenue célèbre. La maison Bonnadieu est un film très plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Bernard Blier, Françoise Arnoul, Michel François, Yves Deniaud, Berthe Bovy
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29 avril 2012

Mogambo (1953) de John Ford

MogamboVictor Marswell est installé dans la brousse africaine. Son métier est de capturer des animaux sauvages qu’il revend aux zoos et d’organiser des safaris pour de riches touristes ou chercheurs. Un jour, il voit arriver Eloise Kelly, invitée par un maharadja qui était en fait reparti prématurément chez lui, puis un anthropologue anglais et sa femme… Mogambo est l’adaptation d’une pièce de Wilson Collison qui avait été portée à l’écran vingt ans auparavant avec déjà Clark Gable dans le rôle principal (1). Au début des années cinquante, Hollywood redécouvre l’attrait de l’Afrique. De superbes plans de nature africaine sont insérés et une bonne partie du film a été tournée sur place. L’histoire repose sur beau trio de personnages aux caractères très différents. L’atmosphère est électrique, Ava Gardner apporte une sensualité presque animale et le film est rempli de sous-entendus et d’allusions sexuelles. Le film fut un succès à l’époque mais personnellement, Mogamboje n’ai jamais compris pourquoi Mogambo était, depuis, si mal jugé. Je le trouve toujours aussi intense et enthousiasmant, doté d’une luxueuse mise en scène parfaitement maitrisée et d’un superbe trio d’acteurs. Le seul défaut que l’on puisse lui reprocher est sa fin : les deux dernières minutes sont bâclées et guère convaincantes. Peut-être était-ce là l’endroit des fameuses trois pages de scénario arrachées… (2)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Clark Gable, Ava Gardner, Grace Kelly, Donald Sinden, Philip Stainton
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(1) La Belle de Saigon (Red dust) de Victor Fleming (1932) avec Clark Gable, Jean Harlow et Mary Astor. L’action se déroulait dans la forêt indochinoise. Voir nos commentaires sur ce film
(2) C’est sur le tournage de Mogambo qu’eut lieu une célèbre anecdote…
Un jour, John Ford voit arriver sur le plateau le producteur qui se dit inquiet des trois jours de retard du tournage. Irrité, John Ford lui demande :
« Trois jours, ça fait trois pages de scénario, non ? »
« Euh, oui, sans doute. »
John Ford prend alors le scénario, l’ouvre au hasard dans la partie non encore tournée et en arrache trois pages avant de lancer au producteur interloqué : « Voilà, maintenant on n’est plus en retard ! Si vous voulez bien nous laisser, on a du travail. »

Moralité : Il faut éviter d’aller embêter John Ford sur un tournage!

Remarques :
* La signification du titre n’est pas évidente : l’explication selon laquelle le producteur Sam Zimbalist aurait déformé le nom d’un night club de Los Angeles, Le Mocambo, est certainement farfelue. Ailleurs, on peut lire que Mogambo signifie « passion » en langue swahili, pour d’autres cela signifie « grand gorille ». Ailleurs encore, c’est un signal d’alerte utilisé par une tribu du Kenya…
* Pendant le tournage, une passion s’est réellement développée entre Clark Gable et Grace Kelly (malgré les quelque 30 ans de différence) et l’aventure a duré ensuite plusieurs mois.

4 avril 2012

Los olvidados (1950) de Luis Buñuel

Los olvidadosDans la banlieue la plus pauvre de Mexico, un groupe d’adolescents traine dans les rues. L’un deux, El Jaibo, récemment évadé d’une maison de redressement, possède un ascendant sur les autres et les entraîne à commettre des méfaits. Le jeune Pedro se retrouve impliqué malgré lui… Los olvidados (les oubliés) marque le retour de Luis Buñuel sur le devant de la scène. Il s’est immergé plusieurs mois dans les bidonvilles de Mexico pour observer et voir la réalité de très près. Il signe ainsi un film proche du néo-réalisme italien (1), un film fort, sans sensationnalisme ni excès de misérabilisme mais dont les images sont marquantes. Luis Buñuel ne porte pas de jugement, il n’accuse pas la société qui tente d’apporter des solutions, il rend compte d’une situation sans issue. Il n’y a aucun manichéisme : fourbe et traitre, El Jaibo est la figure du mal et pourtant Buñuel le rend attachant dans une courte scène. Le seul jugement vraiment sévère est porté sur la mère de Pedro, incapable de donner la moindre parcelle d’amour. Los olvidados fut d’abord très mal reçu au Mexique. Déjà pendant le tournage, l’équipe était hostile mais, à sa sortie, Buñuel dut faire face à de nombreuses critiques acerbes : on lui reprochait de donner une mauvaise image du pays. Ce n’est qu’après un accueil triomphal à Cannes (en partie grâce à ses amis surréalistes) que le film put être plus largement distribué (2). Los olvidados a été inscrit par l’Unesco au Registre Mémoire du Monde en 2003.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Roberto Cobo, Estela Inda, Miguel Inclán, Alfonso Mejía, Alma Delia Fuentes
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Remarques :
* En France, les distributeurs sortirent le film sous le titre Los olvidados, Pitié pour eux, sous-titre qualifié de « ridicule » par Buñuel.
* Une autre fin, tournée par sécurité par Buñuel qui craignait la censure, a été redécouverte 50 ans après la sortie. Ce happy-end n’a heureusement jamais été utilisé. Il est présent sur certaines versions en DVD.

(1) Luis Buñuel dit avoir beaucoup aimé Sciuscià de Vittorio de Sica.
(2) Dans ses mémoires, Luis Buñuel raconte que Georges Sadoul avait reçu ordre du Parti Communiste français de ne pas parler du film, jugé film bourgeois (à cause de l’intervention de l’agent de police dans la scène du pédophile et de l’angélisme de la ferme/maison de redressement). Ce n’est que lorsque Poudovkine écrivit un article louangeur sur Los olvidados dans La Pravda quelques mois plus tard, que le PCF révisa instantanément son jugement.

27 mars 2012

Scaramouche (1952) de George Sidney

ScaramoucheEn France, à la veille de la Révolution Française, André-Louis Moreau, fils illégitime d’un noble, va chercher à venger son meilleur ami tué par la Marquis de Maynes pour un pamphlet révolutionnaire qu’il a écrit et diffusé… Parmi les films de cape et d’épée, Scaramouche est l’un des plus beaux fleurons du genre. Le roman de l’italien Rafael Sabatini avait déjà été adapté par Rex Ingram en 1923, mais cette version en Technicolor est plus flamboyante. George Sidney, qui avait réalisé auparavant plusieurs comédies musicales, donne beaucoup de rythme à l’ensemble et nous gratifie de la plus belle scène de duel du cinéma, très spectaculaire et gérée comme un ballet. Plein de charme, Stewart Granger est parfait dans ce rôle de grand séducteur et d’aventurier. De l’ensemble, se dégage une certaine élégance, cette élégance que l’on ne retrouve que parmi certains grands films hollywoodiens des années cinquante. Scaramouche est un superbe divertissement.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Stewart Granger, Eleanor Parker, Janet Leigh, Mel Ferrer, Henry Wilcoxon, John Dehner
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Remarques :
Stewart Granger s’est longuement entraîné à l’escrime et a tenu à tourner lui-même les scènes de combat. Il s’est blessé lors du duel final et le tournage a du être interrompu plusieurs jours. Mel Ferrer, en revanche, a pour doublure Jean Heremans, champion d’escrime, qui fut d’ailleurs blessé par Stewart Granger. Il aurait toutefois participé au duel final.

Autres versions :
Scaramouche de Rex Ingram (1923) avec Ramon Navarro
Scaramouche de Antonio Isasi-Isasmendi (1963)

14 mars 2012

Le train sifflera 3 fois (1952) de Fred Zinnemann

Titre original : « High Noon »

Le train sifflera 3 foisAlors qu’il vient de se marier le matin même et qu’il s’apprête à rendre son étoile de shérif, Will Kane apprend qu’un truand qu’il a fait enfermer quelques années auparavant sera de retour par le train de midi. Tout le monde sait qu’il revient pour régler ses comptes. Ses sbires l’attendent déjà sur le quai. Le shérif Kane tente de convaincre la population de l’aider à affronter le hors-la-loi… Le train sifflera 3 fois est l’un des westerns les plus connus et appréciés du grand public. Sa construction est remarquable puisque le film se déroule en temps réel sur 85 minutes, le temps étant ponctué par des plans d’horloge régulièrement espacés et appuyés par une musique évoquant un tic-tac (1). Les scènes d’action sont donc ainsi regroupées à la fin, après midi. Le train sifflera 3 fois Le film est aussi une fable politique déguisée puisque cette histoire de shérif abandonné lâchement par sa population permettait de décrire la chasse aux sorcières et le maccarthysme (2). L’image est en noir et blanc, lumineux et sans ombre, ce qui est original. Le train sifflera 3 fois divise les cinéphiles, certains fustigent sa simplicité. Si le film n’est pas parfait, si l’on peut regretter le statisme de certaines scènes, l’ensemble fonctionne parfaitement et se révèle être particulièrement intense. Gary Cooper est admirable en shérif fatigué et déçu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Thomas Mitchell, Lloyd Bridges, Katy Jurado, Grace Kelly, Otto Kruger, Lon Chaney Jr., Harry Morgan, Lee Van Cleef
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(1) Le producteur Stanley Kramer a affirmé par la suite que cette construction avait en réalité été faite au montage, affirmation qui avait probablement pour unique but de discréditer le scénariste et producteur associé Carl Foreman. Cette version des faits a toujours été formellement contestée par Zinnemann, montrant le scénario original et le plan de travail comme preuves.
(2) Pendant la production de High Noon, le scénariste (et producteur) Carl Foreman fut convoqué devant la commission HUAC (House Un-American Activities Committee) pour avoir brièvement été membre du parti communiste dix ans plus tôt. Il fut ensuite placé sur liste noire après avoir refusé de donner des noms. Ne pouvant plus travailler, il émigra en Angleterre pour continuer d’écrire sous un pseudonyme.

Remarques :
* La chanson Do Not Forsake Me, Oh, My Darlin’ est chantée par Tex Ritter. Elle a été reprise en français par John Williams sous le titre Si toi aussi tu m’abandonnes.
* Le train sifflera 3 fois marque les débuts de Lee Van Cleef au cinéma. C’est aussi le premier grand rôle pour Grace Kelly.
* Le (superbe) film Rio Bravo (1959) est souvent présenté comme la réponse d’Howard Hawks et de John Wayne à High Noon. John Wayne a d’ailleurs décrit le film High Noon comme étant « un-american » (littéralement « qui ne porte pas les valeurs de l’Amérique » mais le terme a été souvent employé, notamment lors du maccarthysme, pour désigner les communistes… c’est tout à fait du John Wayne de faire une telle déclaration!)

9 mars 2012

Le rôdeur (1951) de Joseph Losey

Titre original : « The Prowler »

Le rôdeurAyant aperçu un rôdeur par sa fenêtre, une femme seule dans une grande maison appelle la police qui ne trouve sur place nulle trace suspecte. L’un des deux policiers revient un peu plus tard pour chercher à nouer une relation… Le Rôdeur est le troisième long métrage de Joseph Losey, réalisé aux Etats-Unis donc, peu avant qu’il ne quitte définitivement son pays sous la pression du maccarthisme. C’est un film noir tourné avec peu de moyens mais qui montre une belle maitrise technique, que ce soit sur le plan de l’image ou du déroulement du scénario. L’image est d’un très beau noir et blanc, au contraste assez poussé. Le scénario est remarquable par la profondeur des deux personnages principaux qui nous apparaissent sous de multiples facettes avec une belle complexité. Joseph Losey met à mal l’idéal américain : ce policier désire lui aussi pouvoir en profiter, quels que soient les moyens à utiliser pour y parvenir. Le rôdeur est ainsi, non seulement un film noir prenant, mais aussi une fine analyse sociale.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Van Heflin, Evelyn Keyes
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Remarques :
Les producteurs du film sont Sam Spiegel (sous le nom de S.P. Eagle) et John Huston (non crédité) qui était à l’époque marié à Evelyn Keyes.

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