13 mai 2014

L’aveu (1944) de Douglas Sirk

Titre original : « Summer Storm »

L'aveuDans la Russie de 1912, peu avant la Révolution, le jeune juge de province Fedor Petroff est fiancé à Nadena Kalenine. Il est également ami avec le riche comte Volsky et c’est chez ce dernier qu’il fait la connaissance de la fille du bucheron du domaine, Olga, et tombe sous le charme… Summer Storm est inspiré d’une nouvelle de Tchekhov, La Partie de chasse. Deuxième film américain de Douglas Sirk, il fait partie de ce que l’on a coutume d’appeler « la première période américaine » du réalisateur, celle où il n’était pas encore totalement entré dans le moule d’Hollywood. Effectivement, Summer Storm est bien plus un film européen dans l’âme qu’un film américain. Douglas Sirk dit avoir bénéficié d’une totale liberté artistique pour tourner ce projet qui lui tenait à coeur, avec peu de moyens certes mais sans contrainte. Il brosse avec talent le portrait d’un lâche et d’une arriviste dans un monde sur le point de basculer. Le style est sobre, le déroulement du scénario est remarquable. Si Linda Darnell n’est pas toujours parfaitement crédible en paysanne, George Sanders est parfait dans ce type de rôle de personnage assez veule mais le plus surprenant est le choix d’Edward Everett Horton pour interpréter le comte, l’acteur apportant une pointe comique dans un registre tragique. Cela donne à cette adaptation une note assez personnelle et ajoute à cette impression d’être en équilibre entre deux mondes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Linda Darnell, George Sanders, Edward Everett Horton, Anna Lee, Hugo Haas
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Homonyme :
L’aveu de Costa-Gavras (1970) avec Yves Montand et Simone Signoret.

7 juin 2013

Arènes sanglantes (1941) de Rouben Mamoulian

Titre original : « Blood and Sand »

Arènes sanglantesDepuis son plus jeune âge, Juan Gallardo rêve d’être un grand torero comme son père et d’épouser la jeune Carmen. Il y parvient mais alors qu’il est au somment de la gloire, il fait connaissance de la belle Dona Sol… Basée sur une livre de Vicente Blasco Ibáñez, cette histoire avait déjà été portée à l’écran au temps du muet par Fred Niblo avec Rudolph Valentino. Si la version de Rouben Mamoulian lui est plutôt supérieure, ce n’est pas tant grâce au scénario, qui reste assez faible et sans surprise aucune, mais plutôt par sa distribution et surtout sa superbe photographie. Tournant pour la première fois en couleurs, Mamoulian a soigné ses images, construisant certains plans comme des tableaux en s’inspirant de peintres tels que Goya, Velasquez ou El Greco. Il utilise également la couleur (des robes) pour souligner l’antagonisme entre les deux femmes. Rita Hayworth, qui n’est à l’époque pas encore très connue (1), montre déjà de belles aptitudes pour interpréter les femmes dévoreuses d’hommes avec une forte présence à l’écran. On notera que Mamoulian ne se prive pas de souligner les aspects sanguinaires des corridas.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tyrone Power, Linda Darnell, Rita Hayworth, Alla Nazimova, Anthony Quinn, John Carradine
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Remarque :
Alla Nazimova, qui interprète ici la mère du matador, fut une très grande star du muet. Elle a notamment tourné avec Valentino (mais pas dans la première version d’Arènes sanglantes).

Les trois adaptations du roman de Vicente Blasco Ibáñez :
Arènes sanglantes (Blood and Sand) de Fred Niblo (1922) avec Rudolph Valentino
Arènes sanglantes (Blood and Sand) de Rouben Mamoulian (1941) avec Tyrone Power
L’indomptée (Sangre y arena) de Javier Elorrieta (1989) avec Sharon Stone

13 mai 2012

Barbe-Noire le pirate (1952) de Raoul Walsh

Titre original : « Blackbeard, the pirate »

Barbe-Noire le pirateDans les Caraïbes, le pirate Barbe Noire est poursuivi par Sir Henry Morgan, ancien flibustier reconverti. Le jeune Edward Maynard cherche à prouver que Morgan est toujours dans la piraterie… Le scénario de Barbe-Noire le pirate est plutôt complexe sur les relations entre les personnages mais, hélas, il manque d’équilibre. Conformément au titre, le personnage majeur de ce film est le truculent Barbe Noire : il est le plus intelligent, rusé et malin, parfaitement amoral mais plein d’humour. Il est interprété de façon très démonstrative par Robert Newton qui éclipse un peu tous les autres acteurs. Le justicier Maynard paraît comparativement bien fade. Linda Darnell a, comme toujours, une forte présence à l’écran, apportant une belle touche de sensualité, mais son rôle reste hélas limité. Barbe-Noire le pirate est un film souvent bien mal considéré. Certes, il n’est pas à classer parmi les grands films de Raoul Walsh mais il reste plaisant à regarder : un divertissement haut en couleur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Newton, Linda Darnell, William Bendix, Keith Andes, Torin Thatcher
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Remarque :
Les personnages sont réels. Mais dans la réalité, Sir Henry Morgan est mort alors que Barbe Noire n’avait que 8 ans. Il n’a donc jamais pourchassé le célèbre pirate.

17 avril 2012

Hangover Square (1945) de John Brahm

Hangover SquareA Londres, au tout début du XXe siècle, le compositeur George Bone doit finir d’écrire un concerto. Il a des périodes d’absence, où il perd le contrôle de lui-même et ne se rappelle de rien ensuite… Avec Hangover Square, le réalisateur d’origine allemande John Brahm cherche à reproduire le succès de son précédent film The Lodger. L’histoire est librement adaptée d’un roman de Patrick Hamilton (1), que l’on peut voir comme une variation du thème de Dr Jekyll et Mr Hyde. Une fois de plus, John Brahm joue beaucoup avec la brume et la nuit pour créer une forte ambiance avec ici un autre élément qui prend une certaine place : le feu. C’est le dernier rôle de l’acteur Laird Cregar qui allait décéder peu de temps après la fin du tournage (2). Il fait une très belle interprétation. Hangover Square est assez intense, à mi-chemin entre le film noir et le film psychologique. Il fait partie des trois ou quatre très beaux films de John Brahm (3).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Laird Cregar, Linda Darnell, George Sanders, Faye Marlowe
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Remarques :
(1) Les romans de Patrick Hamilton ont également inspiré Hantise de George Cukor et La Corde de Hitchcock.

Hangover Square(2) Laird Cregar était un acteur de forte corpulence. Désireux de changer complètement, il fit une cure d’amaigrissement drastique, passant de 150 à 100 kgs en peu de temps. Son corps ne résista pas. Après une opération chirurgicale de l’estomac, il est mort d’une crise cardiaque à l’âge de 31 ans, avant même la sortie de Hangover Square.

(3) The Lodger (1944), Hangover Square (1945), The Locket (1946), auxquels on peut ajouter The Brasher Doubloon (1947).

30 décembre 2011

La poursuite infernale (1946) de John Ford

Titre original : « My darling Clementine »

La poursuite infernaleAlors qu’ils convoient du bétail vers l’ouest, Wyatt Earp et ses trois frères arrivent à proximité de la bourgade de Tombstone. Le plus jeune frère est tué et le bétail volé. Earp décide de rester sur place pour traquer les assassins de son frère… My Darling Clementine est le troisième western parlant de John Ford qui, à partir de 1939, relance le genre en lui donnant une nouvelle noblesse. Inspiré du personnage historique de Wyatt Earp et du légendaire épisode de la fusillade à OK Corral, le film nous plonge dans une époque où la Loi parvient peu à peu à s’imposer : deux familles s’opposent, deux mentalités. L’une qui s’impose par la force et tue tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin, l’autre qui installe l’ordre pour le respect de tous. Le personnage de Doc Holliday est entre les deux, oscillant de l’un à l’autre, comme le résultat d’une mauvaise mutation. La jeune Clementine incarne le renouveau, ce nouveau visage de l’Ouest (et on mesure là combien la traduction du titre My Darling Clementine en La poursuite infernale occulte le sens profond du film). John Ford a trouvé l’interprète idéal pour incarner Wyatt Earp : Henri Fonda lui donne une prestance, une solennité, une noblesse qui se transmet au film dans son ensemble. De son côté, Victor Mature donne au personnage de Doc Holliday toute sa complexité. Assisté de Joseph MacDonald, son directeur de la photographie, John Ford nous livre des images de toute beauté, les plans sont parfaits, toujours magnifiques que ce soit en extérieur ou dans un saloon enfumé avec toujours cette évidence, cette simplicité, cet absence d’artifice qui caractérise son cinéma. My Darling Clementine est un film parfait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Linda Darnell, Victor Mature, Cathy Downs, Walter Brennan, Tim Ward Bond
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Remarques :
Le titre du film reprend le titre d’une chanson traditionnelle américaine Oh my darling, Clementine, créée à la fin du XIXe siècle et dont l’air illustre le générique.

La Poursuite infernaleHenri Fonda dans La Poursuite infernale de John Ford.

My darling ClementineSuperbe plan final : Cathy Downs dans La Poursuite infernale de John Ford.

Autres films centrés sur le personnage de Wyatt Earp :
Law and Order (1932) de Edward L. Cahn avec Walter Huston
Frontier Marshal (1934) de Lewis Seiler avec George O’Brien
Frontier Marshal (1939) d’Allan Dwan avec Randolph Scott
Tombstone: The Town Too Tough to Die (1942) de William C. McGann avec Richard Dix
Un jeu risqué (Wichita, 1955) de Jacques Tourneur avec Joel McCrea
Règlement de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral, 1957) De John Sturges avec Burt Lancaster et Kirk Douglas
Sept secondes en enfer (Hour of the Gun, 1967) de John Sturges avec James Garner
Doc Holliday (1971) de Frank Perry avec Stacy Keach
Tombstone (1993) de George Cosmatos avec Kurt Russell
Wyatt Earp (1994) de Lawrence Kasdan avec Kevin Costner

30 mai 2011

Infidèlement vôtre (1948) de Preston Sturges

Titre original : « Unfaithfully Yours »

Infidèlement vôtreLui :
Au retour d’une tournée, un célèbre chef d’orchestre anglais, très épris de sa femme, apprend que celle-ci l’a probablement trompé pendant son absence. Après une première réaction d’incrédulité, il est pris de jalousie… Infidèlement vôtre est un film très original par plusieurs aspects. Le film de Preston Sturges mêle de façon inhabituelle comédie et drame. L’humour est très présent et sous plusieurs formes. Le début évoque les comédies des années trente (les « screwball comedies ») alors que, dans la dernière partie, l’humour est plus proche de l’humour des films muets (« slapstick ») ; cette partie est d’ailleurs presque dénuée de paroles, tout en étant copieusement bruitée. La partie centrale est assez unique en son genre : pendant un concert, nous entrons dans les pensées du chef d’orchestre qui imagine trois scénarios différents de l’après-concert, l’explication avec sa femme. Ces trois scénarios sont très différents car ils collent à la musique qui le met dans un état d’esprit particulier. Rex Harrison, dans un style très anglais et sûr de lui, utilise tout son registre pour passer de la comédie au drame. Linda Darnell apporte quant à elle beaucoup de charme. Globalement, Infidèlement vôtre évoque les films de Lubitsch. Le film dérouta le public et la critique de l’époque du fait du mélange des genres et de son caractère inhabituel. Il apparaît bien plus intéressant aujourd‘hui, car très original.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Rex Harrison, Linda Darnell, Kurt Kreuger, Lionel Stander
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Remarques :
Les trois morceaux joués :
1) L’ouverture de Semiramis de Rossini
2) L’ouverture de Tannhaüser de Wagner
3) Francesca da Rimini de Tchaikovsky
Le scénario est de Preston Sturges lui-même, une idée qui remonte à ses débuts et qu’il a même proposée à Lubitsch dans les années trente.