24 février 2014

La danseuse des Folies Ziegfeld (1941) de Robert Z. Leonard et Busby Berkeley

Titre original : « Ziegfeld Girl »

La danseuse des Folies ZiegfeldEtre découvert par le célèbre créateur de spectacles Florenz Ziegfeld est le rêve de nombreuses jeunes femmes. Trois d’entre elles entrent ainsi dans la troupe. L’irruption de cette gloire soudaine dans leur vie va avoir des conséquences bien différentes… Ziegfeld Girl est l’un des nombreux films mettant en scène les célèbres Follies de Ziegfeld (1) qui marquèrent le Broadway des années dix et vingt. Robert Z. Leonard avait déjà réalisé Le Grand Ziegfeld (1936) qui avait connu un énorme succès. Assez logiquement, la M.G.M. lui confie donc la direction de cette superproduction, en tandem avec Busby Berkeley qui dirige les numéros musicaux et ballets. Le scénario est assez lénifiant, énième variation sur le conte de fées du succès, avec ses avantages mais aussi ses dangers. Des trois girls, c’est Lana Turner qui a la plus belle présence ; Hedy Lamarr est peu mise en valeur tout comme Judy Garland, mais cette dernière fait montre comme toujours d’une belle énergie. Même les ballets musicaux ne sont pas à la hauteur des grandes créations de Busby Berkeley : il charge ici beaucoup, mais il est vrai qu’il est ainsi dans la droite ligne de Ziegfeld. Le morceau musical le plus notable est probablement Minnie from Trinidad chanté par Judy Garland.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: James Stewart, Judy Garland, Hedy Lamarr, Lana Turner, Jackie Cooper, Ian Hunter, Charles Winninger, Edward Everett Horton
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Z. Leonard et Busby Berkeley sur le site IMDB.

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Voir les livres sur les comédies musicales

Remarques :
* Dans la scène finale, l’un des décors reproduit celui du numéro le plus célèbre de Le Grand Ziegfeld : A Pretty Gil is like a Melody avec son grand gâteau.
* Originellement, le film devait être tourné en 1938 avec Eleanor Powell, Joan Crawford, Virginia Bruce et Walter Pidgeon.

(1) Florenz Ziegfeld Jr. (1867-1932) est sans aucun doute la plus grande personnalité de l’univers de Broadway. A partir de 1909, ses Follies devinrent vite le spectacle le plus célèbre de l’époque. Ses ballets et numéros musicaux alliaient fantaisie et reconstitution et faisaient rêver les spectateurs. Il n’hésitait pas à mêler les influences les plus diverses, pour un résultat d’assez mauvais goût mais toujours grandiose et spectaculaire.

23 janvier 2014

Les Désemparés (1949) de Max Ophüls

Titre original : « The Reckless Moment »

Les désemparésLucia Harper vit avec ses enfants et son beau-père près de Los Angeles, son mari étant détaché pour de longs mois à l’étranger. Elle tente sans résultat d’éloigner un escroc qui a séduit sa fille. Cette dernière finit par comprendre les mauvaises intentions de son petit ami et, lors d’une entrevue houleuse, il est tué accidentellement… Les Désemparés est l’adaptation d’un roman d’Elisabeth Sanxay Holding, un roman qui aurait été l’un des préférés de Raymond Chandler. L’histoire est, il est vrai, plutôt originale, pas forcément toujours très crédible mais ce sont les rapports entre les personnages qui en font tout l’intérêt. Elle mêle ainsi mélodrame et film noir avec une variation très particulière de la notion de famille, où la recherche de protection engendre un fort repli sur soi, la famille devenant un vase clos. Max Ophüls nous place très proche de ses personnages, avec comme toujours une caméra fluide et de beaux mouvements tournants. Les Désemparés n’eut hélas qu’un budget assez réduit mais le résultat n’en est que plus remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Joan Bennett, Geraldine Brooks, Henry O’Neill, Roy Roberts
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Remarque :
Comme pour ses autres films américains, Max Ophüls signe ici Max Opuls. C’est son dernier film américain, il rentrera en France peu après.

15 janvier 2014

L’Enfer de la corruption (1948) de Abraham Polonsky

Titre original : « Force of Evil »

L'enfer de la corruptionL’avocat Joe Morse aide son client, un caïd de la pègre, à donner une façade respectable à une arnaque sur des paris illégaux qui doit mettre à terre leurs « concurrents ». Joe a un frère ainé qui est l’un de ceux qui devraient être ruinés et il tente donc de le faire abandonner… Force of Evil est un film noir tiré d’un roman d’Ira Wolfert. Abraham Polonsky dont c’est ici le premier long métrage, en a écrit l’essentiel de l’adaptation. Tout comme le roman, le film assimile le capitalisme sauvage au gangstérisme et, de façon inhabituelle pour l’époque, Polonsky choisit de ne pas représenter la Loi (même si elle joue un rôle important dans l’histoire) car selon lui « elle n’est qu’une représentation de plus du mal général dans lequel nous vivons ». Tous les personnages à l’écran sont donc impliqués d’une façon ou d’une autre dans ces activités illégales mais fructueuses de paris truqués, il n’y aucun personnage irréprochable. C’est un premier film très réussi mais hélas, quelques mois plus tard, John Garfield et Abraham Polonsky seront victimes de la « chasse aux sorcières », ce qui stoppera net sa carrière de réalisateur qui aurait certainement été remarquable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Garfield, Thomas Gomez, Marie Windsor, Roy Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Abraham Polonsky sur le site IMDB.

Remarque :
Polonsky avait l’année précédente écrit le scénario du brillant Body and Soul de Robert Rossen.

12 janvier 2014

Three Strangers (1946) de Jean Negulesco

Titre français (Belgique) : « Trois étrangers »

Three StrangersA Londres en 1938, une femme attire deux hommes inconnus chez elle le soir du nouvel an chinois car elle croit à une légende : elle possède une statuette en bronze de la déesse chinoise Kwan Yin qui est censée ouvrir les yeux ce soir-là et exaucer le voeu commun de trois étrangers. Ils achètent ensemble un billet de sweetstakes (loterie liée à des courses de chevaux)… La base du scénario de Three Strangers a été écrite par le jeune John Huston qui s’est inspiré d’un épisode qui lui est réellement arrivé à Londres. Il aurait même projeté de le tourner lui-même après Le Faucon Maltais mais la guerre a interrompu le projet. Trois étrangersIl le reprend quelques années plus tard avec Howard Koch pour le compte de Jean Negulesco. C’est le troisième film du réalisateur roumain avec le tandem Lorre/ Greenstreet, tourné avec un budget réduit. Le scénario est riche en histoires parallèles et en rebondissements ; le film offre ainsi un beau mélange d’intrigue policière et de mystère. C’est une belle fable sur la cupidité et la jalousie. Three Strangers n’est jamais sorti en France.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sydney Greenstreet, Geraldine Fitzgerald, Peter Lorre, Joan Lorring
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2 janvier 2014

Mon petit poussin chéri (1940) de Edward F. Cline

Titre original : « My Little Chickadee »

Mon petit poussin chériAlors qu’elle vient d’être expulsée d’une petite ville de l’Ouest pour avoir été courtisée par le Bandit Masqué, une ex-chanteuse de Chicago rencontre un bonimenteur de foire et le prend pour un riche commerçant… Réunir deux grandes stars de l’humour telles que Mae West et W.C. Fields était en soi un projet réjouissant. Tous deux sont des rois de la répartie et leur confrontation laissait présager de belles joutes verbales. Le résultat est hélas décevant, sans doute parce qu’il est délicat de faire ainsi cohabiter deux comédiens au caractère si affirmé. Mae West et Fields ne s’entendaient guère et cela se sent à l’écran, ils n’ont réellement que peu de scènes communes et encore moins de vrais face-à-face. L’histoire est habilement amenée, la plus grande partie du scénario aurait été écrit par Mae West. C’est d’ailleurs l’actrice qui est la plus brillante des deux, nous gratifiant de ses légendaires réparties à double sens et profitant de belles trouvailles de scénario. W.C. Fields n’est pas à son meilleur. My Little Chickadee comporte toutefois de bons moments mais l’ensemble aurait pu être bien supérieur avec deux acteurs jouant vraiment ensemble…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Mae West, W.C. Fields, Joseph Calleia, Margaret Hamilton, Donald Meek
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Remarques :
* Pour le mot de la fin, chacun fait la satire de l’autre. W.C. Fields reprend l’une des phrases les plus célèbres de Mae West : « Why don’t you come up and see me sometime ? » (prononcée dans She done him wrong, 1933). Et Mae West répond à la manière de Fields : « Mmm, I will, My Little Chickadee » (expression utilisée de très nombreuses fois par WC Fields).
* A ce moment de sa carrière, Mae West n’a rien tourné depuis Every Day’s a Holiday (1937), son dernier film pour la Paramount où elle a tourné ses meilleurs films.
* A la suite d’une dispute, W.C. Fields aurait quitté le plateau pour ne plus revenir. Un tiers du film utiliserait une doublure portant un masque (information, un peu étonnante tout de même, trouvée seulement sur IMDB).

19 décembre 2013

Totò le Moko (1949) de Carlo Ludovico Bragaglia

Totò le MokoA la mort de Pépé Le Moko, le caïd de la casbah d’Alger, sa bande lui cherche un successeur et découvre qu’il avait un parent éloigné à Naples. C’est en fait un musicien de rue qui accepte tout de même l’invitation de venir à Alger, croyant qu’il s’agit de diriger un orchestre… Totò le Moko est une parodie du film de Duvivier Pépé le Moko. Totò est un comique italien peu connu en France mais qui a été immensément populaire dans son pays, notamment avec la série des Totò à partir de 1948 qui se prolongea pendant toutes les années cinquante. Comique extravagant, il a un style bien à lui avec ses innombrables mimiques et excelle dans les parodies. Ici, il joue avec tous les codes du film de gangster et les tourne en dérision. Il faut le voir marcher en roulant des épaules comme un caïd. Bien que le départ soit différent, l’histoire de Totò le Moko suit d’assez près celle de Pépé le Moko, avec même des plans très proches et des lieux très similaires. Comme toujours avec les très grands comiques, le rôle du réalisateur est assez réduit, régler les éclairages, vérifier la composition des plans, parce qu’il n’y que Totò qui dirige Totò et il est de tous les plans. Le film n’est sorti en France qu’en 1981.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Totò, Carla Calò, Gianna Maria Canale
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Remarque :
Dans sa période la plus populaire, entre 1948 et 1967, Totò a joué dans une petite centaine de films, soit une moyenne de quatre à cinq films par an.

Original :
Pépé le Moko de Julien Duvivier (1937) avec Jean Gabin.

5 décembre 2013

Jack l’éventreur (1944) de John Brahm

Titre original : « The Lodger »

Jack l'éventreurAlors que le Londres de 1888 est secoué par une série de meurtres sanglants, un mystérieux Mr. Slade arrive dans une maison bourgeoise pour louer une chambre… Cette version de John Brahm est la troisième des cinq adaptations du roman de l’anglaise Marie Belloc Lowndes The Lodger, l’un des romans inspirés par les crimes en série de Jack l’éventreur. Le film est assez remarquable par sa photographie. John Brahm joue beaucoup avec les ombres et aussi les perspectives (1). L’atmosphère est ainsi rendue plus forte, notamment dans les scènes d’extérieurs avec des volutes de brouillard qui semblent flotter dans les ruelles. Jack l'éventreur Sur le plan de l’interprétation, le film est dominé par la présence de Laird Cregar, acteur à la carrure immense et imposante. C’est hélas son avant-dernier film puisque l’acteur décédera peu après(2). Les autres acteurs font pâle figure à ses côtés, y compris un George Sanders quasi-inexistant et une Merle Oberon sans éclat en chanteuse légère de music hall. Ses deux numéros sur scène sont vraiment de très mauvais goût. Les studios ont heureusement pris soin de distribuer de nombreux seconds rôles à des acteurs anglais. Malgré tout, ce Jack l’éventreur reste un film assez fort.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Merle Oberon, George Sanders, Laird Cregar, Cedric Hardwicke, Sara Allgood
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(1) L’une des scènes les plus remarquables est celle où Mrs Bonting fait boire son locataire dans un verre pour avoir ses empreintes. Le plan utilise l’éclairage de façon très prononcée et joue avec les perspectives dans une contre-plongée : Mrs Bonting semble alors bien petite et vulnérable face à son impressionnant locataire.
(2) Laird Cregar décédera d’une crise cardiaque à la fin de 1944. Il avait alors 31 ans. Il a figuré dans seulement 16 films, entre 1940 et 1944.

Les cinq adaptations du roman The Lodger à l’écran :
1. Les cheveux d’or (The Lodger) d’Alfred Hitchcock (UK, 1927) avec Ivor Novello
2. The Lodger de Maurice Elveny (UK, 1932)avec à nouveau Ivor Novello
3. Jack l’éventreur (The Lodger) de John Brahms (USA, 1944) avec Laird Cregar
4. L’Etrange Mr Slade (Man in the Attic) de Hugo Fregonese (USA, 1953) avec Jack Palance
5. Jack l’éventreur: The Lodger (The Lodger) de David Ondaatje (USA, 2009) avec Alfred Molina.
Nota : Il existe d’autres films intitulés Jack l’éventreur, ou mettant en scène le tristement célèbre meurtrier, mais ce ne sont pas des adaptations du même roman.

2 décembre 2013

Les Portes de la nuit (1946) de Marcel Carné

Les portes de la nuitA Paris, un soir de l’hiver qui a suivi la Libération, Jean Diego retrouve l’un de ses anciens camarades de Résistance. Alors qu’ils fêtent leurs retrouvailles dans un petit restaurant, un homme étrange qui prétend être le Destin, lui prédit qu’il va rencontrer la femme la plus belle du monde… Les Portes de la nuit est souvent considéré le dernier des « grands films » de Marcel Carné. C’est en tous cas, le dernier représentant de ce courant du « réalisme poétique » typique du cinéma français des années trente et le dernier film du tandem formé par Marcel Carné et Jacques Prévert. La gestation du film fut difficile (budget, acteurs) mais si le film est plutôt en deçà des grandes créations de ce merveilleux duo, c’est principalement du fait de l’interprétation. Au lieu du couple Marlene Dietrich / Jean Gabin initialement prévu, ce furent deux débutants qui tinrent les rôles principaux, Yves Montand et Nathalie Nattier ; assez logiquement, ils manquent de présence pour cette histoire très forte, superbement écrite, et qui mêle un amour impossible à l’épineuse question de la recherche des collabos. La musique de Joseph Kosma est remarquable avec, en point d’orgue, la chanson Les Feuilles mortes qui deviendra un impérissable classique. Les Portes de la nuit fut accueilli assez fraîchement et ce n’est que bien plus tard qu’il sera mieux considéré. Même si l’on peut regretter l’absence de grands acteurs qui l’auraient certainement propulsé au niveau de chef d’oeuvre, le film reste un grand film, à la fois beau et marquant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Serge Reggiani, Yves Montand, Nathalie Nattier, Saturnin Fabre, Raymond Bussières, Jean Vilar, Julien Carette
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Remarques :
* La collaboration Carné/Prévert avait débuté dix ans plus tôt avec Jenny (1936). Elle a engendré des grands classiques du cinéma français : Drôle de drame (1937), Le Quai des brumes (1938), Le jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942), Les enfants du Paradis (1945). La seule infidélité de Carné à Prévert fut Hôtel du Nord (1938).
* « Ouvrir les portes de la nuit, autant rêver d’ouvrir les portes de la mer, le flot effacerait l’audacieux. » (Paul Eluard)
* Marlene Dietrich a refusé tout net interpréter la fille d’un collabo et Jean Gabin préférait tourner Martin Roumagnac, un rôle qui lui tenait à coeur.

26 novembre 2013

Macbeth (1948) de Orson Welles

MacbethAlors qu’il rentre de la guerre avec son ami Banquo, Macbeth rencontre trois sorcières qui lui prédisent qu’il sera roi et que les descendants de Banquo lui succèderont. Quand elle prend connaissance de cette prédiction, Lady Macbeth le presse d’agir au plus vite… Orson Welles, dans tous ses films, aime explorer l’âme humaine au plus profond. On comprend aisément que Macbeth, cette fable puissante sur l’ambition dans son expression la plus destructrice, ait tant fasciné le cinéaste. A l’âge de 21 ans, en 1936, il l’avait déjà monté sur les planches de façon innovante… avec uniquement des acteurs noirs. Le fait d’avoir un budget excessivement réduit n’était pas pour l’arrêter dans sa détermination : il tourne l’ensemble en vingt et un jours pour la Republic, une compagnie plus habituée à tourner des westerns et dont il utilise studios et costumes. Les décors paraissent faits en carton (et ils le sont…) mais, paradoxalement, cette épure lui permet de porter son adaptation beaucoup plus haut, donnant une grandeur et une abstraction naturelle à son film. Elle fait encore mieux ressortir la fureur dévorante de son ambitieux personnage qu’il interprète magistralement. Le public anglo-saxon accueillit cette adaptation très froidement, reprochant à Welles d’avoir utilisé des acteurs à l’accent écossais (1). Le film fut ainsi beaucoup plus apprécié dans les autres pays, notamment en France, tout en souffrant de la comparaison avec le Hamlet de Laurence Olivier, tourné avec un budget beaucoup plus important et sorti simultanément. Ce Macbeth d’Orson Welles est assez unique, c’est une adaptation pleine de noirceur et de rage meurtrière qui nous traverse et nous engloutit.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Jeanette Nolan, Dan O’Herlihy, Roddy McDowall
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site IMDB.

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Remarques :
* En guise de répétition grandeur nature, Welles donna une représentation de Macbeth sur scène à Salt Lake City en 1947.
* Afin de pouvoir tourner plus rapidement, Welles enregistra d’abord les textes seuls. Les acteurs n’eurent ensuite qu’à mimer la parole pendant le tournage, permettant ainsi aux techniciens (selon les propres dires du cinéaste) de brailler leurs ordres et de faire moult bruits intempestifs en maniant leurs appareils.
* Orson Welles dit toutefois avoir postsynchronisé les dialogues après le tournage pour atténuer le « scottish burr » à la demande de Charles Feldman, ami de Welles et coproducteur (entretiens avec Peter Bogdanovich).
* Le film n’a longtemps été visible que dans sa version réduite à 89 minutes. La version initiale de 107 minutes n’a refait surface que dans les années quatre-vingt. Un placard en début de film précise que 8 minutes d’introduction musicale ont été enlevées.
* Janette Nolan (Lady Macbeth), dont c’est ici le premier film, était alors une actrice de radio. Elle aura ensuite une longue carrière au cinéma à la télévision (197 films d’après IMDB), sa participation ultime étant à 86 ans dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux de Redford, quelques mois avant sa mort.
* Il est difficile de lister les autres adaptations de Macbeth au cinéma (et plus encore à la télévision) tant elles sont nombreuses. Deux des plus remarquables sont toutefois le Macbeth de Roman Polanski (1971) et Kumonosu jô d’Akira Kurosawa (1957).

(1) Rappelons que Macbeth se déroule en Ecosse… C’est pour être plus près de l’esprit de Shakespeare qu’Orson Welles avait tenu à ce fameux « scottish burr ». On désigne sous ce terme la façon de prononcer les « r » de façon gutturale qui est si typique de l’accent écossais.

22 novembre 2013

Gilda (1946) de Charles Vidor

GildaA Buenos-Aires, le joueur et tricheur professionnel Johnny Farrell se fait engager par le patron d’une maison de jeu. Il devient rapidement son bras droit. Un jour, son patron lui présente Gilda, la jeune femme qu’il vient d’épouser…
Sur une histoire de E.A. Ellington, Charles Vidor réalise l’un des films américains les plus remarquables de l’après-guerre. Si Gilda est classé dans les films noirs, c’est plus par son atmosphère car il se démarque du genre sur au moins deux points fondamentaux : tout d’abord, c’est un film sans violence, où l’intrigue amoureuse prend le pas sur l’intrigue policière qui est finalement très réduite. Ensuite, c’est un film lumineux, même dans ses scènes de nuit : les décors sont baignés de lumière, notamment l’intérieur de la maison de jeu, et les personnages (Rita Hayworth bien entendu, mais aussi Glenn Ford) semblent nous irradier de lumière. L’image d’ailleurs est superbe.

Gilda L’histoire est joliment complexe, la trame psychologique sur laquelle évoluent les relations entre les personnages est riche, jouant beaucoup sur les opposés (amour/haine, attirance/répulsion) et sur l’ambivalence. Gilda est en outre chargé de toute une symbolique sexuelle qui sait être extrêmement puissante tout en restant dans le cadre des règles de moralité du Code Hays. Rita Hayworth n’apparaît pas avant quinze minutes mais quelle apparition ! On en a le souffle coupé. Plus tard, toute la sensualité développée par l’actrice culmine dans cette scène très célèbre où elle ôte lentement son long gant noir en chantant « Put the Blame on Mame ». Cette scène est l’une des plus ouvertement érotiques du cinéma hollywoodien des années quarante et cinquante. Plus subtile, et assez surprenante, est cette indéniable homosexualité latente dans les rapports entre Farrell et son patron : il y a là bien plus qu’une simple dévotion/admiration. L’interprétation de Glenn Ford est d’ailleurs assez remarquable.

Gilda Si, à sa sortie, Gilda fut copieusement méprisé par la critique (1), le succès populaire fut très important mais il se concentra essentiellement sur Rita Hayworth qui devint une figure iconique, notamment auprès des G.I. Les raisons de son succès peuvent paraitre bien futiles et Charles Vidor n’est certes pas le plus grand des réalisateurs mais Gilda est l’un de ces films qui ont atteint un dosage quasiment parfait de leurs constituants, un film assez magique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Rita Hayworth, Glenn Ford, George Macready, Joseph Calleia, Steven Geray
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.

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Remarque :
* Rita Hayworth est doublée par Anita Ellis dans la plupart des parties chantées.

(1) « Un film lent, confus et inintéressant » New York Times. « Ennuyeux et plutôt embrouillé » New York Herald Tribune. « Une nullité de premier ordre » Daily News.

Gilda

Gilda

Gilda