9 août 2013

Les Innocents (1961) de Jack Clayton

Titre original : « The Innocents »

Les innocentsA la fin du XIXe siècle, un riche célibataire engage une gouvernante pour aller à la campagne s’occuper de deux enfants dont il a la charge mais dont il se désintéresse totalement. C’est ainsi que Miss Giddens arrive dans une gigantesque demeure où elle retrouve deux jeunes enfants charmants et quelques domestiques. La situation semble idyllique mais rapidement elle a le pressentiment de quelque chose d’anormal… Le roman d’Henry James Le Tour d’écrou a été adapté de nombreuses fois au cinéma et à la télévision mais cette version de Jack Clayton, Les Innocents,  est certainement la plus réussie (avec celle, plus récente, d’Alejandro Amenábar). Il s’agit d’un film fantastique et psychologique où la progression est absolument remarquable : la tension monte très doucement mais continuellement et culmine au moment du dénouement. Les innocents Sa force vient probablement du fait qu’il suggère plus qu’il ne montre, ce qui est finalement bien plus terrifiant car nous participons à la création de l’angoisse. La photographie en noir et blanc est assez belle. De nombreuses scènes jouent avec une certaine surexposition, la quantité de projecteurs utilisés sur le tournage était vraiment inhabituelle. Le jeu des acteurs est remarquable : Deborah Kerr considérait que c’était là l’une de ses plus belles prestations et il faut également souligner la qualité du jeu du jeune Martin Stephens (11 ans). La fin est extraordinaire, d’une puissance rarement atteinte.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Deborah Kerr, Megs Jenkins, Michael Redgrave, Martin Stephens, Pamela Franklin, Peter Wyngarde
Voir la fiche du film et la filmographie de Jack Clayton sur le site IMDB.

Remarques :
* En réalité, le film de Jack Clayton est plus basé sur l’adaptation à Broadway par William Archibald de The Turn of the Screw que du roman d’Henry James.
* Truman Capote a co-signé le scénario.
* The Innocents eut une suite : Le corrupteur (The Nightcomers) de Michael Winner (1971) avec Marlon Brando. C’est en réalité une préquelle qui explique les événements aboutissant à la mort de Peter Quint et de Miss Jessel.

Autre adaptation réussie du roman d’Henry James :
Les Autres (The Others) de Alejandro Amenábar (2001) avec Nicole Kidman. Le roman d’Henry James n’est pas cité au générique mais l’histoire est très proche.

Homonyme (mais sans autre rapport que le nom) :
Les Innocents d’André Téchiné (1987) avec Sandrine Bonnaire et Jean-Claude Brialy.

23 juillet 2013

Les criminels (1960) de Joseph Losey

Titre original : « The Criminal »
Titre U.S.A. : « The Concrete Jungle »

Les criminelsSpécialiste des cambriolages, Johnny Bannion est très respecté dans la prison où il finit de purger sa peine. Lorsqu’il en sort, c’est pour mettre sur pied un nouveau hold-up mais il va découvrir que le monde du banditisme a changé et qu’il n’a plus le même pouvoir… Sur un scénario d’Alun Owen, Les criminels se partage pour moitié entre le monde des prisons et celui du gangstérisme moderne. Dans les deux cas, c’est une vision très réaliste, sans fard, sociale pourrait-on dire, que Joseph Losey nous montre. Stanley Baker donne une certaine noblesse à son personnage doublée d’une indéniable force brute : il a un petit côté Marlon Brando. Anglais de fraîche date après avoir quitté les Etats-Unis pour fuir le maccarthysme, Joseph Losey apporte une voix nouvelle dans le cinéma anglais. Si le scénario n’est pas toujours très limpide dans son déroulement, l’atmosphère est empreint d’authenticité et la mise en scène de Joseph Losey a un certain panache. Cette combinaison de virtuosité et de réalisme rend le film assez unique et a déclenché l’enthousiasme parmi les cinéastes de la Nouvelle Vague.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Stanley Baker, Sam Wanamaker, Grégoire Aslan, Margit Saad
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Remarque :
Pour son interprétation, Stanley Baker s’est inspiré d’une de ses connaissances, Albert Dimes, un authentique gangster opérant à Soho, un personnage empreint de distinction qui vivait sur un grand train.

22 juillet 2013

The Farmer’s Wife (1928) de Alfred Hitchcock

Titre français : « Laquelle des trois ? »

Laquelle des trois?Samuel Sweetland, propriétaire terrien, se retrouve seul dans sa ferme après le décès de sa femme et le mariage de sa fille. Mitra, sa jeune et fidèle servante, veille à la bonne marche de la maison. Lorsqu’il décide de se remarier, Mitra l’aide à faire la liste des candidates… The Farmer’s Wife est l’adaptation d’une pièce de théâtre d’Eden Phillpotts qui fut très populaire à Londres. Il s’agit d’une comédie qui comportait beaucoup de textes et le challenge pour Hitchcock fut de réduire au maximum le nombre d’intertitres. Il y parvint parfaitement en accentuant les effets comiques avec les personnages secondaires, notamment le commis de ferme. La scène de la réception chez la vieille fille regorge de petits détails comiques, elle est d’une grande densité. Pour la photographie, Hitchcock est toujours inspiré par le style des expressionnistes allemands ce qui nous vaut de belles scènes (lorsque que son chef opérateur, Jack Cox, est tombé malade, c’est Hitchcock lui-même qui a dû le remplacer). En réalité, le seul point faible de The Farmer’s Wife est l’histoire en elle-même, gentiment simplette, mais le traitement qu’en fait Hitchcock rend le film assez plaisant. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jameson Thomas, Lillian Hall-Davis, Gordon Harker
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Remarque :
Le film a une durée de 97 minutes. Assez étrangement, la version américaine dure 129 minutes, la différence n’étant due qu’à la vitesse de défilement : 18 images/sec au lieu de 24. Tout y est donc plus lent… très très lent…

Remake :
The Farmer’s Wife de Leslie Arliss et Norman Lee (UK, 1941) avec Basil Sydney (film perdu, semble t-il)

20 juillet 2013

The Ring (1927) de Alfred Hitchcock

Titre français : « Le Masque de cuir »
Autres titres français : « La Piste », « L’Arène »

Le masque de cuirDans une attraction foraine, le boxeur ‘One-Round’ Jack Sander affronte n’importe quel spectateur, qu’il envoie au tapis en moins d’une reprise. Il est très épris de la jeune femme qui vend les tickets. Mais il tombe sur forte partie lorsque Bob, un vrai champion de boxe, s’intéresse à la même jeune femme… The Ring traite d’un sujet plutôt inattendu chez Hitchcock : la boxe. Le scénario qu’il a écrit ne comporte aucune crime, c’est un drame sentimental reposant sur le triangle amoureux classique : deux hommes épris de la même femme. Le masque de cuirLe fait qu’ils soient boxeurs permet de donner une traduction vraiment physique à cette lutte. Le film est surtout remarquable par les trouvailles et expérimentations d’Hitchcock qui jalonnent le film. Il parvient à faire passer tant de choses par ses images qu’il n’y a qu’assez peu d’intertitres. Il parvient même à faire passer des sons par ses images. Le réalisateur a particulièrement soigné la scène finale de boxe : il multiplie les angles de prises de vue, du plus large au plus serré, il y a même un court passage en caméra subjective. Le montage est très habile. Sur le plan de la photographie, on peut remarquer l’influence de l’expressionnisme allemand, Hitchcock ayant trouvé le chef opérateur qui lui permet d’obtenir exactement ce qu’il souhaite : Jack Cox. Grâce à toutes ces trouvailles et innovations, The Ring connut un très bon accueil de la critique mais le succès auprès du public fut bien plus mitigé. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Carl Brisson, Lillian Hall-Davis, Ian Hunter
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Remarque :
Le titre The Ring fait référence à trois éléments du film : le ring de boxe, la bague au doigt, le bracelet rond offert (en revanche, on peut se demander à quoi fait référence le titre français, car personne ne porte de masque de cuir…)

18 juillet 2013

Cul-de-sac (1966) de Roman Polanski

Cul-de-sacAprès un mauvais coup qui a visiblement mal tourné, deux gangsters blessés arrivent dans un château anglais isolé habité par un quadragénaire qui a tout abandonné pour vivre avec sa très jeune épouse. Le plus valide des deux gangsters n’a aucun mal à prendre le dessus sur eux… Cul-de-sac, le film de Roman Polanski, est beaucoup de choses à la fois : c’est indéniablement une tragédie puisque l’irruption d’un élément étranger, rustre et brutal, va provoquer une grave et profonde crise dans ce couple mal assorti. C’est tout aussi indéniablement une comédie car, de l’humour, le film en regorge, un humour noir, un humour qui peut faire grincer des dents sans doute mais qui fonctionne parfaitement. C’est également un film de suspense et de tension, Cul de Sac est l’un des plus beaux huis clos (en plein air) qui soient. Polanski mêle tous ces éléments avec habilité mais, si le film a tant marqué les esprits, c’est surtout pour son inventivité et sa grande liberté de ton, notamment dans la description des rapports à l’intérieur du couple : si l’homme fait preuve de tant de lâcheté face au gangster, c’est aussi parce qu’il est dans une impasse face à sa femme, il sent qu’en seulement dix mois, elle se détache de lui, il est prêt à tout accepter pour la garder et il reproduit ce comportement masochiste sur le truand qui s’impose, lui non par le charme, mais par la force. Il a déjà dépassé le point de non retour et le cul-de-sac n’est pas seulement celui du château isolé sur son île, c’est aussi le cul-de-sac émotionnel de l’homme. L’irruption du gangster n’est qu’un révélateur, d’ailleurs lui aussi se fera manipuler par la femme qui est le véritable personnage fort de cette histoire. Polanski fait une description sans fard de cette relation et, comme souvent avec lui, il y a quelque chose de troublant dans son propos qui nous renvoie sur nous-mêmes.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Donald Pleasence, Françoise Dorléac, Lionel Stander, Jack MacGowran, Jacqueline Bisset
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Cul-de-sacRemarques :
* L’affiche américaine de Cul-de-sac portait le slogan « Parfois, on ne peut plus rien faire d’autre qu’en rire », une mise en garde qui traduit probablement l’embarras des distributeurs américains du film. L’accueil fut effectivement très mauvais, la critique assassinant le film, le jugeant malsain. Le film fut retiré très rapidement des écrans. Le film fut heureusement mieux reçu en Europe.

* Cul-de-sac a été tourné entièrement sur Holy Island, une petite île située tout au nord de l’Angleterre (juste sous la frontière avec l’Ecosse), sur la côte est. L’île n’est toujours accessible que par une route submergée à marée haute. Elle porte un petit village de 160 habitants, les ruines d’un monastère du VIIe siècle et… le haut perché Lindisfarne Castle où le film a été tourné.
Voir l’emplacement sous Google Maps
Voir photos du Lindisfarne Castle
Petite note : le groupe de folk Lindisfarne a choisi son nom d’après ce même château.

23 juin 2013

Les Quatre Plumes blanches (1939) de Zoltan Korda

Titre original : « The Four Feathers »

Les quatre plumes blanchesA la veille du départ de son unité pour le Soudan, le jeune officier Harry Feversham démissionne de l’armée. Ses trois compagnons lui envoient chacun une plume blanche, symbole de la lâcheté. Sa fiancée se détourne de lui et lui donne une quatrième plume blanche. Blessé dans son honneur, le jeune homme est bien décidé à prouver sa valeur et s’embarque incognito pour l’Afrique… The Four Feathers est un classique du roman d’aventures de l’anglais A.E.W. Mason. Il a été porté de nombreuses fois à l’écran et cette version des frères Korda est considérée comme étant la meilleure. Le film fait partie des premiers grands films en Technicolor, procédé qui permet de donner aux scènes une belle ampleur. Il fut tourné sur place, au Soudan, non sans difficultés du fait de la chaleur. Le nombre de figurants lors des batailles est impressionnant et le film ne faillit pas dans sa recherche du spectaculaire. Sur le fond, le film exalte l’héroïsme individuel et la tradition britannique de bravoure ; on est toutefois  en droit de s’interroger sur la santé mentale d’une personne qui aurait accompli un tel parcours uniquement par fierté (!) Le film exalte également la grandeur de l’Empire britannique et on peut y déceler de petites pointes de racisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Clements, Ralph Richardson, C. Aubrey Smith, June Duprez
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Remarques :
* Les frères Korda : Zoltan Korda réalise, Alexandre Korda produit et Vincent Korda crée les décors.
* Le contexte historique du roman est conforme à la réalité : l’expédition anglaise au Soudan menée par Lord Kitchener (1896-1898) s’acheva par la victoire des anglais à Omdurman. Cette bataille fut un massacre ; côté soudanais : 10 000 tués, 13 000 blessés, 5 000 prisonniers ; côté anglais : 47 tués et 380 blessés. Les anglais purent reprendre le contrôle du Soudan et sécuriser leurs positions en Egypte.
* Zoltan Korda tournera une seconde version de The Four Feathers en 1955 dans laquelle il réutilisera le scénario et certaines des scènes de bataille, dont la bataille finale.

Les différentes adaptations du roman de A.E.W. Mason :
1. Four Feathers de J. Searle Dawley (1915, USA, muet)
2. The Four Feathers de René Plaissetty (1921, UK, muet) avec Harry Ham
3. The Four Feathers de Merian C. Cooper, Lothar Mendes et Ernest B. Schoedsack (1929, USA, muet) avec Richard Arlen et Fay Wray
4. Les Quatre Plumes blanches (The Four Feathers) de Zoltan Korda (1939, UK)
5. Les 4 Plumes blanches (Storm over the Nile) de Zoltan Korda et Terence Young (1955, UK) avec Anthony Steel
6. Les Quatre Plumes blanches (The Four Feathers) de Don Sharp (TV 1978, UK) avec Beau Bridges
7. Frères du désert (The Four Feathers) de Shekhar Kapur (2002, USA) avec Heath Ledger et Kate Hudson.

11 juin 2013

La nuit des généraux (1967) de Anatole Litvak

Titre original : « The Night of the Generals »

La nuit des générauxEn 1942, à Varsovie, une prostituée est assassinée sauvagement. Un témoin a vu le pantalon du meurtrier, un pantalon de général. Le major Graü enquête et ses soupçons se portent rapidement sur trois généraux de la Wehrmacht… Librement adapté d’un roman de Hans Hellmut Kirst par Paul Dehn et Joseph Kessel, La nuit des générauxmêle habilement une intrigue policière à des faits historiques. La construction mêle également le présent et la passé puisque l’enquête se poursuit 20 ans plus tard. Le film soulève la question de la différence entre crime de guerre et crime tout court. La reconstitution est soignée et tous les seconds rôles sont parfaitement tenus. Tout serait parfait si Peter O’Toole n’avait pas tant chargé son jeu, compromettant ainsi quelque peu la crédibilité de l’ensemble.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Peter O’Toole, Omar Sharif, Tom Courtenay, Donald Pleasence, Joanna Pettet, Philippe Noiret, Charles Gray
Voir la fiche du film et la filmographie de Anatole Litvak sur le site IMDB.

Remarques :
* On remarquera la présence de Juliette Greco, chanteuse dans un bar parisien.
* La carrière et la réputation du colonel Joachim Peiper, le plus jeune colonel SS (29 ans), a influencé les auteurs pour créer le personnage du Général Tanz.

9 juin 2013

Brazil (1985) de Terry Gilliam

BrazilDans une société dominée par une administration oppressante, un jeune employé tente de s’évader de la grisaille de son quotidien par ses rêves où il vole au secours d’une jeune fille. Un jour, il l’aperçoit en chair et en os et cherche à la rencontrer… Brazil est un film hors-normes comme on en voit peu. Terry Gilliam a imaginé et brillamment mis en images un monde kafkaïen où l’administration a enflé de façon démesurée. Bien que le qualificatif ait souvent été donné au film, ce n’est en aucun cas un monde futuriste, il n’y a d’ailleurs aucun objet ou élément futuriste dans le film. En revanche, on peut dire que Brazil brasse les époques ce qui renforce son côté atemporel : que ce soit dans les objets, les décors ou les costumes, il y a un savant mélange des cinquante dernières années. Mention particulière doit être faite des conduits et tuyaux qui, figure allégorique de l’administration, ont enflés pour devenir aussi envahissant que sources de dysfonctionnement. Sam Lowry est un personnage sans ambition qui tente vainement de s’échapper de ce monde : dans ses rêves, la jeune femme représente l’espoir et le samouraï le système. Terry Gilliam ne cherche pas à adoucir son propos avec un happy end, Brazil est un film plutôt sombre. C’est aussi un film extrêmement riche, qu’il faut voir plusieurs fois ; Terry Gilliam donne libre cours à toute sa créativité. L’humour est très présent mais il peut apparaître très soudainement pour s’effacer aussitôt. Brazil est à classer parmi les 5 ou 10 films les plus créatifs de toute l’histoire du cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond, Ian Holm, Bob Hoskins, Michael Palin, Kim Greist
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Remarques :
Brazil* A la sortie du film aux Etats-Unis, Terry Gilliam se heurta à Sid Sheinberg, alors à la tête des Studios Universal. Pour ce dernier, le film était trop long, trop compliqué et avait le défaut de mal se terminer. Il fit refaire un montage, une version de 94 minutes (au lieu de 142) désignée sous le nom « Love Conquers all ». Terry Gilliam fut toutefois habile en médiatisant l’affaire et, finalement, Sheinberg renoncera à sortir cette version courte en salles. Elle ne sera montrée qu’à la télévision. Cette version réduite est présente en bonus de l’édition en LaserDisc (coffret) et de certains DVD. Jack Mathews raconte cette bataille dans son livre « The Battle of Brazil » (Crown, 1987)

* Terry Gilliam a choisi le titre Brazil pour son film après avoir vu un homme seul sur une plage, par mauvais temps dans un environnement industriel et poussiéreux, qui écoutait cette chanson. C’était, à ses yeux, le symbole du fort besoin d’évasion de l’homme malgré l’adversité, son désir de rendre son environnement moins gris.

Brazil* A la sortie du film Les Aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam a parlé d’une « trilogie du rêve » formée par Time Bandits (1981), Brazil (1985) et Munchausen (1988). Il est vrai que les trois films utilisent le rêve comme moyen d’évasion et le personnage principal avance en âge. Terry Gilliam a toutefois déclaré par la suite que parler de trilogie était peut-être un peu prétentieux de sa part…

* Lors du premier rêve de Sam, au début du film, la chanson Brazil est interprétée par Kate Bush.

* La scène où Sam découvre le visage du samouraï qu’il vient de tuer et voit son propre visage peut être interprétée de deux manières :
1. Sam est lui-même un membre de l’administration qu’il combat.
2. Gilliam a lancé lors d’une interview qu’il s’agissait d’une simple boutade car « samouraï » en anglais est proche de « Sam or I » ou encore proche en écriture de « Sam-U-R-I » (= Sam, you are I ).

* La voiture conduite par Sam est une Messerschmitt KR 175 (automobile produite entre 1953 et 1964).

* Le scénario a été écrit par Terry Gilliam, Tom Stoppard et Charles McKeown.

* Avec son humour habituel, Terry Gilliam dit s’être inspiré du livre de George Orwell 1984 tout en précisant aussitôt qu’il n’a jamais lu le livre. Le réalisateur dit avoir pendant longtemps désigné son film sous le titre 1984 ½ (clin d’oeil au 8 ½ de Fellini) mais il peut s’agir d’une boutade car les premiers scripts se nomment The Ministry. D’ailleurs, il n’est pas si proche de l’univers de 1984 : Orwell a imaginé (en 1945) une société où une technologie évoluée était au service d’un pouvoir fasciste. Dans Brazil, la technologie n’est en rien évoluée, elle est poussive et la question du régime politique n’est pas directement abordée. C’est l’administration qui a enflé de façon démesurée et, avec elle, ses dysfonctionnements…


Versions principales :
– Version sortie en Europe de 142 mn
– Version sortie aux Etats-Unis de 132 mn
– Version TV « Love Conquers all » de 94 mn.

Regarder la version Love Conquers all  est intéressant car cela permet de mesurer comment le montage peut créer un film assez différent et également de voir le formatage du cinéma hollywoodien en pleine action. Globalement, cette version met au centre du film l’idylle entre Sam et Jill, supprime toutes les scènes de rêve sauf la première et la dernière (qui devient la fin réelle), simplifie beaucoup de choses, enlève tout ce qui est trop subtil. Sam devient un super-héros qui a vaincu l’administration et gagné le coeur de la belle… Happy end.

5 juin 2013

La Part des anges (2012) de Ken Loach

Titre original : « The Angels’ Share »

La part des angesJugé pour agression, le jeune Robbie échappe de peu à la prison : il est condamné à accomplir des travaux d’intérêt général. L’éducateur qui lui est assigné se prend d’intérêt pour lui et le guide. Il lui fait connaitre le monde de la dégustation du whisky dans lequel Robbie montre rapidement une grande aptitude… Ken Loach fait un mélange de film social et de comédie. La Part des anges débute sous haute tension, montrant l’enfermement dans la violence d’un petit groupe de délinquants, avant de s’orienter franchement vers le burlesque. Le parcours de ces quatre Pieds nickelés dévient franchement cocasse et a finalement quelque chose d’attachant. Ken Loach est délibérément optimiste, même si c’est au prix d’une certaine invraisemblance.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Brannigan, John Henshaw, William Ruane, Roger Allam
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12 mai 2013

Champagne (1928) de Alfred Hitchcock

Titre français : « Palace de luxe »
Autre titre français : « A l’américaine »

Palace de luxe(Film muet) La fille d’un riche américain mène une vie extravagante et frivole au grand désespoir de son père. De plus, elle fréquente un jeune homme mais le père s’oppose à leur mariage, persuadé qu’il n’en veut qu’à son argent. La fille rejoint en hydravion son bien-aimé à bord du transatlantique qui l’emmène en France… Palace de luxe Hitchcock a dit : « Champagne est probablement ce qu’il y a de plus bas dans ma filmographie. Il n’y a pas d’histoire. » Son interlocuteur, François Truffaut, lui fait alors remarquer qu’il avait tort de dire cela et, effectivement, Champagne est une amusante comédie, bien réalisée avec de bonnes trouvailles. L’histoire est certes assez simple, sans grand suspense, mais l’ensemble est plein de vie avec une Betty Balfour (grande star anglaise du cinéma muet) assez pétillante. Hitchcock fait preuve d’inventivité avec notamment un plan vu à travers une coupe de Champagne en train d’être bue (pour lequel il avait fait fabriquer une gigantesque coupe) et aussi un arrêt sur image, la scène se transformant en photographie. Ce serait d’ailleurs le premier arrêt sur image de l’histoire du cinéma. Champagne n’est évidemment pas un grand film mais il reste très plaisant à regarder.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Betty Balfour, Jean Bradin, Ferdinand von Alten, Gordon Harker
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Conseil :
Si vous regardez le film sur le coffret DVD Alfred Hitchcock – Les premières oeuvres, veillez à ne pas regarder la présentation de Noël Simsolo avant de voir le film : il y raconte toute l’histoire du film, y compris le dénouement. Regardez-le plutôt après…