5 avril 2022

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (1965) de Jean-Luc Godard

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionDans un futur pas si lointain, les autorités des « pays extérieurs » envoient l’agent secret Lemmy Caution en mission à Alphaville, éloignée de quelques années-lumière de la Terre. Il y découvre une cité contrôlée par un ordinateur qui régit la vie des habitants et a banni bon nombre de sentiments humains…
Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution (ou simplement,  Alphaville) est un film français de science-fiction écrit et réalisé par Jean-Luc Godard. Il s’agit d’une variation sur l’un des thèmes majeurs de la science-fiction, la description d’un monde totalitaire dominé par une technologie qui asservit la population. Par une approche très particulière, Godard rend cette prospective très actuelle. Il a utilisé les immeubles parisiens les plus modernes en ambiance nocturne pour créer une atmosphère étrange. Les tours en verre n’en sont paraissent que plus inhumaines et angoissantes. Il utilise tout aussi astucieusement leur architecture intérieure, particulièrement leurs longs couloirs. On peut noter nombre de références, souvent humoristiques, littéraires mais surtout cinématographiques. Godard s’amuse plus avec les codes du film noir qu’avec ceux de science-fiction. Alphaville est bien entendu un film très particulier qui pourra susciter des réactions variées.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Eddie Constantine, Anna Karina, Akim Tamiroff
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Luc Godard sur le site IMDB.

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Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionEddie Constantine et Anna Karina dans Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard.

Remarque :
* La fameuse scène « des portes », qui a notamment servi à lier les sujets de l’émission « Cinéma, Cinémas » de Claude Ventura, a été tournée dans la Maison de la Radio, récemment inaugurée.

Alphaville, une étrange aventure de Lemmy CautionEddie Constantine dans Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard.

9 février 2017

Her (2013) de Spike Jonze

HerDans un futur proche, Theodore est un trentenaire légèrement dépressif après la séparation de sa femme. Il se laisse convaincre par une publicité pour un nouveau système d’exploitation de son ordinateur, un système décrit comme « intelligent »… Pourra-t-on un jour tomber amoureux d’une intelligence artificielle ? La question est loin d’être anodine et Spike Jonze l’aborde de façon très pertinente. Contrairement à ce que l’on lire un peu partout, son Theodore ne tombe pas amoureux d’une voix (ce qui donnerait au mieux un film puéril), il tombe amoureux d’une intelligence auto-évolutive, qui va s’adapter à sa situation particulière, à son caractère. Théodore lui demande en premier de mettre de l’ordre dans ses emails mais, au final, elle va remettre de l’ordre dans sa vie et au passage lui faire découvrir le véritable sens de l’amour. Rien de moins! Bien entendu, on pourra relever des incohérences techniques ici et là mais cela n’a pas d’importance, Spike Jonze aborde la question sous le bon angle. En plus d’être séduisant sur le fond, le film est séduisant dans sa forme par la douceur de la photographie aux couleurs chaudes (le bleu a été banni par le directeur de la photographie Hoyte Van Hoytema) et par ses superbes gros plans à faible profondeur de champ. L’environnement futuriste est assez sobre mais très bien rendu. L’interprétation est au niveau de l’ensemble : Joaquim Phoenix excelle pour exprimer toutes les nuances de son personnage. Her est un merveilleux film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Rooney Mara
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Remarques :
* Spike Jonze dit avoir été inspiré par les films de Woody Allen, notamment Crimes et Délits.
* Steven Soderbergh a aidé Spike Jonze en lui proposant un montage fait en une nuit. certaines idées de coupe ont été gardées.
* La voix du « gamin » malpoli holographique est celle de Spike Jonze.
* Her n’est que le quatrième long métrage de Spike Jonze qui est prolixe en matière de courts métrages (IMDB lui attribue 48 réalisations).

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Joaquin Phoenix et Amy Adams dans Her de Spike Jonze.

Her
Joaquin Phoenix, heureux d’être sur la plage avec Samantha dans la poche, dans Her de Spike Jonze.

18 janvier 2017

Imitation Game (2014) de Morten Tyldum

Titre original : « The Imitation Game »

Imitation GameEn 1951, un inspecteur de police enquêtant sur le cambriolage du domicile d’un certain Alan Turing s’étonne que la victime semble souhaiter éviter toute enquête. Il décide de fouiller le passé de ce professeur et découvre que son dossier est classé secret… Adapté d’une biographie signée Andrew Hodges, le film britannique Imitation Game retrace le rôle joué par le mathématicien Alan Turing pendant la Seconde Guerre mondiale : enfermé avec une petite équipe à Bletchley Park en Angleterre, il parviendra à concevoir un moyen de décoder les messages allemands cryptés par la machine Enigma. Cette connaissance de tous les messages de l’état-major allemand et la gestion habile de cet avantage seront décisifs dans l’issue de la guerre. Ce point n’a été déclassifié qu’en 1996 (le premier livre à en parler date toutefois de 1974). Même s’il  met en relief la séparation entre recherche fondamentale et recherche appliquée, le film du norvégien Morten Tyldum n’aborde pas les principes mathématiques de la cryptographie mais se concentre sur la personnalité d’Alan Turing, son isolement affectif, sa maladresse pour communiquer et son homosexualité qui lui vaudra d’être condamné après la guerre. Même s’il se conforme aux clichés des biopics (avec, par exemple, l’inévitable scène « Euréka! »), Imitation Game est un film très réussi, vraiment prenant, un bel hommage à ce brillant mathématicien qui a contribué à tracer la route vers les machines intelligentes. L’interprétation est excellente, Benedict Cumberbatch en tête.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Rory Kinnear, Mark Strong
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Imitation game
Benedict Cumberbatch est Alan Turing dans Imitation Game de Morten Tyldum.

Remarques :
* Imitation Game est le nom que Turing avait donné à son test sur l’intelligence artificielle. Le nom « Test de Turing » n’apparaitra qu’en 1968 sous la plume du romancier de science-fiction Arthur C. Clarke et le terme restera. A ce jour, aucune machine n’a réussi à passer ce test de façon incontestable (mais nous en sommes indéniablement très proches).

* Une pomme entamée a été découverte à côté du lit d’Alan Turing et il est vraisemblable qu’il l’ait utilisée pour absorber le cyanure. La légende selon laquelle elle aurait inspiré les créateurs du logo d’Apple a été démentie mille fois mais elle circule toujours autant…

* La reine Élisabeth II a gracié Alan Turing à titre posthume en 2013, soit 61 ans après sa condamnation.

* Précédent film sur le décryptage du code allemand :
Enigma (2001) de Michael Apted avec Kate Winslet et Dougray Scott, film d’espionnage qui ne cherche pas à être historiquement exact et qui ne mentionne pas Alan Turing d’ailleurs.

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Keira Knightley, Matthew Beard, Benedict Cumberbatch, Matthew Goode et Allen Leech dans Imitation Game de Morten Tyldum.

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Charles Dance et Benedict Cumberbatch dans Imitation Game de Morten Tyldum.

22 juillet 2015

Tron (1982) de Steven Lisberger

TronLe programmeur Kevin Flynn s’est vu dépossédé des jeux informatiques qu’il avait programmés par l’un de ses collègues, Dillinger. Ce dernier a même réussi à le faire licencier de la société de haute technologie qui les emploie et a laissé un programme d’intelligence artificielle prendre le contrôle du système informatique. Kevin est décidé à pénétrer le système pour y chercher des preuves mais le MCP (Master Control Program) réussit à le dématérialiser pour l’injecter au coeur du monde digital…
En 1982, Tron fut un film révolutionnaire : c’est le premier film à avoir utilisé largement des images créées sur ordinateur, non pas seulement pour quelques effets spéciaux mais pour créer tout un univers. En fait, la production a combiné plusieurs techniques, ordinateur, animation classique, superposition par calques et même la peinture image par image. L’ambition était de « dessiner avec la lumière ». L’idée de base a germé dans l’esprit de Steven Lisberger plusieurs années auparavant, impressionné par les tous premiers jeux vidéo et par le film Star Wars. Aujourd’hui, quelque trente ans plus tard, il est bien entendu logique que la vision de Tron n’impressionne plus guère mais, à l’époque où la notion-même de programme informatique était mal connue, le film eut l’effet d’une bombe sur certains (je peux en témoigner). L’histoire n’a que peu d’importance car l’attrait de Tron est avant tout son univers. Deux designers de très grand talent ont créé cet univers : le français Moebius (Jean Giraud) et l’américain Syd Mead (à qui l’on doit également l’univers de Blade Runner). Le résultat est (était) à la fois novateur et magique, un monde tout à fait autre. Tron a été refait en 2010 avec des graphismes actualisés, mais tentant d’en garder l’esprit : Tron, l’héritage.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jeff Bridges, Bruce Boxleitner, David Warner, Cindy Morgan
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Tron
Les motos de Tron ont été dessinées par Syd Mead.

Tron
Cindy Morgan et Bruce Boxleitner dans Tron de Steven Lisberger. Les costumes de lumière sont de Moebius.

Tron
Le superbe vaisseau solaire de Tron a été dessiné par Moebius.

Remarques :
* Les images informatiques de Tron ont été calculées par quatre sociétés informatiques, notamment sur des ordinateurs Cray 1, l’ordinateur le plus puissant au monde avec ses 8 Mo de mémoire vive et dont la puissance de calcul était 1000 fois inférieure à un banal ordinateur de bureau d’aujourd’hui. A noter que la forme globale du MCP ressemble à celle d’un Cray (qui avait la particularité d’être en rond afin de diminuer la longueur des fils).
* La peinture image par image (les lumières sur les costumes par exemple) a été faite à la main… à Taiwan.

9 juin 2013

Brazil (1985) de Terry Gilliam

BrazilDans une société dominée par une administration oppressante, un jeune employé tente de s’évader de la grisaille de son quotidien par ses rêves où il vole au secours d’une jeune fille. Un jour, il l’aperçoit en chair et en os et cherche à la rencontrer… Brazil est un film hors-normes comme on en voit peu. Terry Gilliam a imaginé et brillamment mis en images un monde kafkaïen où l’administration a enflé de façon démesurée. Bien que le qualificatif ait souvent été donné au film, ce n’est en aucun cas un monde futuriste, il n’y a d’ailleurs aucun objet ou élément futuriste dans le film. En revanche, on peut dire que Brazil brasse les époques ce qui renforce son côté atemporel : que ce soit dans les objets, les décors ou les costumes, il y a un savant mélange des cinquante dernières années. Mention particulière doit être faite des conduits et tuyaux qui, figure allégorique de l’administration, ont enflés pour devenir aussi envahissant que sources de dysfonctionnement. Sam Lowry est un personnage sans ambition qui tente vainement de s’échapper de ce monde : dans ses rêves, la jeune femme représente l’espoir et le samouraï le système. Terry Gilliam ne cherche pas à adoucir son propos avec un happy end, Brazil est un film plutôt sombre. C’est aussi un film extrêmement riche, qu’il faut voir plusieurs fois ; Terry Gilliam donne libre cours à toute sa créativité. L’humour est très présent mais il peut apparaître très soudainement pour s’effacer aussitôt. Brazil est à classer parmi les 5 ou 10 films les plus créatifs de toute l’histoire du cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond, Ian Holm, Bob Hoskins, Michael Palin, Kim Greist
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Remarques :
Brazil* A la sortie du film aux Etats-Unis, Terry Gilliam se heurta à Sid Sheinberg, alors à la tête des Studios Universal. Pour ce dernier, le film était trop long, trop compliqué et avait le défaut de mal se terminer. Il fit refaire un montage, une version de 94 minutes (au lieu de 142) désignée sous le nom « Love Conquers all ». Terry Gilliam fut toutefois habile en médiatisant l’affaire et, finalement, Sheinberg renoncera à sortir cette version courte en salles. Elle ne sera montrée qu’à la télévision. Cette version réduite est présente en bonus de l’édition en LaserDisc (coffret) et de certains DVD. Jack Mathews raconte cette bataille dans son livre « The Battle of Brazil » (Crown, 1987)

* Terry Gilliam a choisi le titre Brazil pour son film après avoir vu un homme seul sur une plage, par mauvais temps dans un environnement industriel et poussiéreux, qui écoutait cette chanson. C’était, à ses yeux, le symbole du fort besoin d’évasion de l’homme malgré l’adversité, son désir de rendre son environnement moins gris.

Brazil* A la sortie du film Les Aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam a parlé d’une « trilogie du rêve » formée par Time Bandits (1981), Brazil (1985) et Munchausen (1988). Il est vrai que les trois films utilisent le rêve comme moyen d’évasion et le personnage principal avance en âge. Terry Gilliam a toutefois déclaré par la suite que parler de trilogie était peut-être un peu prétentieux de sa part…

* Lors du premier rêve de Sam, au début du film, la chanson Brazil est interprétée par Kate Bush.

* La scène où Sam découvre le visage du samouraï qu’il vient de tuer et voit son propre visage peut être interprétée de deux manières :
1. Sam est lui-même un membre de l’administration qu’il combat.
2. Gilliam a lancé lors d’une interview qu’il s’agissait d’une simple boutade car « samouraï » en anglais est proche de « Sam or I » ou encore proche en écriture de « Sam-U-R-I » (= Sam, you are I ).

* La voiture conduite par Sam est une Messerschmitt KR 175 (automobile produite entre 1953 et 1964).

* Le scénario a été écrit par Terry Gilliam, Tom Stoppard et Charles McKeown.

* Avec son humour habituel, Terry Gilliam dit s’être inspiré du livre de George Orwell 1984 tout en précisant aussitôt qu’il n’a jamais lu le livre. Le réalisateur dit avoir pendant longtemps désigné son film sous le titre 1984 ½ (clin d’oeil au 8 ½ de Fellini) mais il peut s’agir d’une boutade car les premiers scripts se nomment The Ministry. D’ailleurs, il n’est pas si proche de l’univers de 1984 : Orwell a imaginé (en 1945) une société où une technologie évoluée était au service d’un pouvoir fasciste. Dans Brazil, la technologie n’est en rien évoluée, elle est poussive et la question du régime politique n’est pas directement abordée. C’est l’administration qui a enflé de façon démesurée et, avec elle, ses dysfonctionnements…


Versions principales :
– Version sortie en Europe de 142 mn
– Version sortie aux Etats-Unis de 132 mn
– Version TV « Love Conquers all » de 94 mn.

Regarder la version Love Conquers all  est intéressant car cela permet de mesurer comment le montage peut créer un film assez différent et également de voir le formatage du cinéma hollywoodien en pleine action. Globalement, cette version met au centre du film l’idylle entre Sam et Jill, supprime toutes les scènes de rêve sauf la première et la dernière (qui devient la fin réelle), simplifie beaucoup de choses, enlève tout ce qui est trop subtil. Sam devient un super-héros qui a vaincu l’administration et gagné le coeur de la belle… Happy end.

18 février 2013

Mission: Impossible – Protocole fantôme (2011) de Brad Bird

Titre original : « Mission: Impossible – Ghost Protocol »

Mission: Impossible - Protocole fantômeUn dangereux terroriste a réussi à mettre la main sur les codes de lancement des missiles nucléaires et il a l’intention de s’en servir… Quatrième volet de la série, Mission: Impossible – Protocole fantôme a été conçu pour être plus proche de l’esprit de la série télévisée qui a impressionné une génération. L’accent est ainsi mis sur la mission et le travail d’équipe et l’on retrouve même certaines phrases clés et la musique (arrangée). Si la multitude de gadgets lui donne une petite connotation James Bond, il y a de bonnes trouvailles, le scénario jouant avec la technologie pour nous ébahir mais aussi pour nous amuser. Brad Bird vient de chez Pixar et il en a gardé une certaine fraîcheur, ce qui est rare dans les films actuels d’action. L’ensemble est peu long tout de même mais reste un assez bon divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tom Cruise, Paula Patton, Simon Pegg, Jeremy Renner, Anil Kapoor, Léa Seydoux
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