8 novembre 2012

Patte de chat (1934) de Sam Taylor

Titre original : « The cat’s paw »

Patte de chatFils de missionnaire et élevé en Chine loin de toute civilisation occidentale, le jeune Ezekiel Cobb se rend aux Etats-Unis pour trouver une mère à ses futurs enfants. D’une grande naïveté, il se voit proposé d’être candidat à la mairie par le maire actuel ; en réalité, de mèche avec la pègre, celui-ci cherche à avoir un opposant facile à battre. Mais contre toute attente, le jeune Ezekiel gagne l’élection… The Cat’s Paw est un film assez à part dans la filmographie d’Harold Lloyd, un véritable tournant : Patte de chat alors qu’il avait pour habitude de concevoir ses films comme une succession de gags, majoritairement visuels, il décide (1) de traiter cette histoire qui fustige la corruption des politiques comme un vrai film parlant avec un récit. Cela reste une comédie mais le propos est plus sérieux. C’est assez réussi, Harold Lloyd est parfaitement crédible dans ce rôle de grand naïf. Il y a de belles scènes très amusantes et la fin est originale et forte, tout en étant comique. The Cat’s Paw peut être rapproché de certaines comédies de Frank Capra à connotation sociale ou politique, telle Meet John Doe.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Una Merkel, George Barbier, Nat Pendleton
Voir la fiche du film et la filmographie de Sam Taylor sur le site IMDB.
Voir les autres films de Sam Taylor chroniqués sur ce blog…

Remarque :
L’histoire originale, écrite par Clarence Budington Kelland, est parue dans le Saturday Evening Post en août et septembre 1933. Harold Lloyd en a acheté les droits avant même que l’histoire ne soit entièrement publiée.

(1) Harold Lloyd raconte qu’après avoir acheté l’histoire, Sam Taylor et lui se sont demandés s’ils devaient la traiter de la manière habituelle (gags) ou opter pour une nouvelle façon dictée par le parlant (récit). N’arrivant pas à choisir, ils auraient tiré au sort avec deux bouts de papier dans un chapeau.

7 novembre 2012

L’alibi (1937) de Pierre Chenal

L'alibiLe télépathe Winckler tue son vieil ennemi Gordon. Pour se faire un alibi, il demande à une jeune femme qui travaille comme entraineuse dans le même club que lui de dire qu’il a passé la nuit avec elle. La jeune femme accepte car elle a besoin d’argent mais elle ignore pourquoi il lui demande cela… Même si on peut la juger trop prévisible, l’histoire, écrite par Marcel Achard, n’est pas sans intérêt. La distribution comprend deux grands acteurs, chacun dans un rôle qui lui va comme un gant. Et pourtant, L’alibi ne tient pas ses promesses et se révèle même un peu ennuyeux. Rien ne fonctionne, les acteurs semblent débiter leur texte sans y croire, l’ensemble est assez terne et manque d’intensité. Certes, Jany Holt est charmante mais cela ne suffit pas!
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Erich von Stroheim, Louis Jouvet, Albert Préjean, Jany Holt, Roger Blin
Voir la fiche du film et la filmographie de Pierre Chenal sur le site IMDB.

Voir les autres films de Pierre Chenal chroniqués sur ce blog…

6 novembre 2012

Bons baisers… à lundi (1974) de Michel Audiard

Bons baisers... à lundiTrois voleurs à la manque projettent de braquer une réception mondaine mais se trompent d’étage. Ils tombent chez un producteur évoluant dans le show business. Le braquage est mal parti et les choses vont aller de mal en pis… Bons baisers… à lundi est le dernier film de Michel Audiard en tant que réalisateur et aussi l’un des moins connus et l’un des moins bien considérés. Certes, on sent une certaine légèreté dans la réalisation mais le film reste fameux grâce à ses dialogues. Les évènements s’enchainent de la façon la plus improbable qui soit pour arriver à des situations parfaitement ubuesques. Il faut accepter cet illogisme pour profiter pleinement de cet humour par l’absurde. Jean Carmet, Bernard Blier et Maria Pacôme forment un joli trio et se renvoient la balle dans de belles envolées verbales. Les seconds rôles sont, eux aussi, hauts en couleur pour notre plus grand plaisir. Il y a bien quelques passages à vide mais aussi de d’excellents passages. L’humour l’emporte et Bons baisers… à lundi nous fait passer un bon moment grâce à son illogisme et ses dialogues savoureux.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Carmet, Bernard Blier, Maria Pacôme, Evelyne Buyle, Jacques Canselier, Jean-Jacques Moreau, Julien Guiomar, Michel Bouquet
Voir la fiche du film et la filmographie de Michel Audiard sur le site IMDB.

5 novembre 2012

Never Let Me Go (2010) de Mark Romanek

Titre français (vidéo) : « Auprès de moi toujours »

Never Let Me GoDans une réalité alternative, la médecine a vaincu cancer et maladies incurables dès 1952. C’est dans ce monde que Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires inséparables d’une école élitiste et coupée du monde… Adapté du roman très primé de Kazuo Ishiguro « Auprès de moi toujours » (1), Never Let Me Go est un film de science-fiction très différent des standards actuels du genre. C’est un film plein de sensibilité, émouvant, qui interroge sur la définition de l’humanité, l’essence de l’être humain. Certes, c’est un questionnement que l’on retrouve souvent dans la littérature de science-fiction mais Ishiguro l’a joliment développé et Mark Romanek fait preuve de beaucoup de délicatesse pour le mettre en images, en insistant juste un peu plus sur l’histoire d’amour. Sous-jacente, il y a aussi une certaine réflexion sur la notion de résignation que l’auteur nous invite à creuser. L’interprétation est irréprochable, même celle des enfants. Carey Mulligan fait preuve de beaucoup de sensibilité pour interpréter son personnage dont toute la réflexion se situe à l’intérieur. Son jeu est riche et délicat. Never Let Me Go n’est sans doute pas à conseiller aux amateurs de films actuels de science fiction. C’est un film assez bouleversant, plein de délicatesse et assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, Nathalie Richard
Voir la fiche du film et la filmographie de Mark Romanek sur le site IMDB.
Voir les autres films de Mark Romanek chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Comme toujours, mais ici plus que jamais, il faut éviter de lire les critiques qui racontent le film ou qui en exposent le thème, car on découvre peu à peu la réalité avec étonnement et stupéfaction et cette découverte amplifie l’emprise du film.

(1) Le roman a été sélectionné en 2005 au Booker Prize, au Arthur C. Clarke Award et au National Book Critics Circle Award. Le Time Magazine l’a désigné comme le meilleur roman de la décennie et l’a placé dans les 100 meilleurs romans modernes jamais écrits.

4 novembre 2012

Les espions (1957) de Henri-Georges Clouzot

Titre original : « Les espions »

Les espionsLe docteur Malic dirige une petite institution psychiatrique très vétuste. Menacé d’expulsion, il n’a plus que deux patients. Un soir, il est abordé par un homme qui se dit appartenir à l’Institut de guerre psychologique des Etats-Unis et qui lui propose d’héberger secrètement un homme pendant quelques jours contre une belle somme d’argent. Il accepte. Dès le lendemain, il voit arriver des personnages étranges autour de son institut… Les espions d’Henri-Georges Clouzot est un film difficile à classer. Certes, c’est une satire de films d’espionnage (plutôt en avance sur son temps puisque les films d’espionnage ne connaîtront une grande vogue que dans les années soixante) mais c’est bien plus que cela : c’est un véritable détournement, une vision très personnelle du monde de l’espionnage. Clouzot crée un univers à la Kafka dans le sens où son personnage principal n’a aucune prise sur ce qui lui arrive, il ne comprend pas cette machine qui semble vouloir le broyer ; et plus il se débat, plus il s’enfonce. Pour coller au personnage, il a volontairement choisi un acteur assez terne, Gérard Séty, plus connu en tant qu’artiste de music-hall. Les espions Les autres personnages, vrais espions, ne sont pas obligatoirement mieux lotis comme en témoigne cette merveilleuse scène où ils déclarent être incapables de dire pour qui ils travaillent. Le scénario est complexe mais se tient parfaitement. Les espions est un film qui peut dérouter car il oscille entre la comédie satirique et le drame sombre, laissant souvent le spectateur dans une certaine indétermination : faut-il rire ou frémir ? Ses côtés les plus loufoques préfigurent des films comme Les Barbouzes ou Les Tontons flingueurs mais le film de Clouzot n’a pas qu’une seule dimension : Les espions est un vrai film d’auteur.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Curd Jürgens, Peter Ustinov, Sam Jaffe, Gérard Séty, Véra Clouzot
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri-Georges Clouzot sur le site IMDB.
Voir les autres films de Henri-Georges Clouzot chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le petit garçon qui envoie son avion dans le parc et qui transmet un message est joué par Patrick Dewaere, 10 ans (sous le nom de Patrick Maurin). Ce n’est toutefois pas son premier rôle puisqu’il a commencé à l’âge de 4 ans. On notera aussi la présence de Jacques Dufilho, Fernand Sardou et Pierre Larquey dans de petits rôles.
* Le film est adapté par Henri-Georges Clouzot et Jérôme Géronimi d’un livre d’Egon Hostovsky « Le vertige de minuit ».
* L’affiche est signée Siné.

Homonyme :
Les espions (Spione) de Fritz Lang (1928)

3 novembre 2012

La régate (2009) de Bernard Bellefroid

La régateAlexandre, 15 ans, vit seul avec un père violent et mal dans sa peau. Comme échappatoire, Alexandre pratique intensément l’aviron et espère gagner les championnats de Belgique… S’inspirant de son propre vécu, le réalisateur belge Bernard Bellefroid dresse un double portrait, celui de cet adolescent qui cherche à se construire et celui de son père qui a l’impression de ne pas y être parvenu. Il sait éviter tout excès, tout effet de dramatisation, son récit sonne très vrai. Il faut aussi noter les belles interprétations de Joffrey Verbruggen et de Thierry Hancisse, empreintes de force et sans ostentation. La régate est un film fait avec beaucoup de sensibilité.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joffrey Verbruggen, Thierry Hancisse, Sergi López, David Murgia
Voir la fiche du film et la filmographie de Bernard Bellefroid sur le site IMDB.

2 novembre 2012

Travail au noir (1982) de Jerzy Skolimowski

Titre original : « Moonlighting »

Travail au noirTrois ouvriers et un contremaître arrivent de Varsovie à Londres pour refaire à neuf le pied-à-terre de leur patron polonais. Ils ont un mois pour le faire. Seul Nowak, le contremaître, parle anglais. Un jour, il découvre que les lignes téléphoniques avec la Pologne sont coupées… Pour attirer l’attention sur l’état d’urgence décrété en son pays (1), le polonais Jerzy Skolimowski fait un film très original, à plusieurs niveaux de lecture. Le volet politique n’est pas le plus proéminent dans Travail au noir même s’il est bel et bien là, pesant de tout son poids sur l’évolution de l’histoire. L’action se passe d’ailleurs à Londres et non à Varsovie. C’est plutôt l’observation de ce petit groupe, isolé, presque coupé du monde, où le contremaître Nowak est le seul à pouvoir raisonner, sa position sociale étant renforcée par sa faculté à maitriser l’anglais et donc à communiquer avec le monde extérieur. Il va devoir aller nettement au-delà de ses seules prérogatives, ses trois ouvriers lui étant de fait livrés corps et âme, il va se comporter de façon despotique. Quelle belle allégorie. C’est aussi un film qui montre les petites mesquineries de la société anglaise, faisant preuve d’un certain humour sur ce point. Travail au noir fut réalisé très rapidement (écrit en onze jours et tourné en vingt-trois jours) (2) mais cela ne l’empêche pas d’être un film assez fort, finalement assez complexe, une approche très originale des évènements qui se déroulaient alors en Pologne, mêlant habilement humour et drame ; c’est l’un des films qui ont marqué le début des années quatre vingt.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jeremy Irons, Eugene Lipinski, Jirí Stanislav
Voir la fiche du film et la filmographie de Jerzy Skolimowski sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jerzy Skolimowski chroniqués sur ce blog…

(1) En décembre 1981, face à la montée du syndicat Solidarność et par crainte d’une intervention militaire soviétique en Pologne, le premier ministre le général Jaruzelski déclare la loi martiale. Couvre-feu, arrestation des opposants, grèves brutalement réprimées, l’état de siège durera jusqu’en juillet 1983. Jaruzelski restera au pouvoir jusqu’en 1990, laissant la place à Lech Walesa, fondateur de Solidarność. On sait, depuis l’ouverture des archives soviétiques, que l’URSS n’avait pas l’intention d’intervenir en Pologne. Le général Jaruzelski a été inculpé en 2007 de « crime communiste » pour avoir instauré la loi martiale en 1981.

(2) Travail au noir fut présenté à Cannes en mai 1982, soit seulement cinq mois après l’instauration de la loi martiale en Pologne.

Lire aussi : une bonne analyse du film par Olivier Bitoun sur DVDClassik

1 novembre 2012

Un million clefs en mains (1948) de H.C. Potter

Titre original : « Mr. Blandings builds his dream house »

Un million clefs en mainsJim Blandings vit avec sa femme et ses deux enfants à Manhattan, dans un appartement trop étroit. Une publicité va lui donner envie d’aller vivre à la campagne. Il trouve une maison délabrée à acheter et à retaper dans le Connecticut, à une heure de train de son travail. Tout ne va pas être aussi simple qu’il l’aurait voulu… Adaptation d’un roman d’Eric Hodgins, Mr. Blandings Builds His Dream House ( = Mr Blandings construit la maison de ses rêves) joue avec les mésaventures rencontrées lors de l’achat et de la construction d’une maison : géologie récalcitrante, mauvaises surprises, luttes entre artisans et surtout imprévus qui font grossir la note. En ces années d’après-guerre, c’est aussi un film qui montre la face cachée du rêve américain en mettant en relief, avec beaucoup d’humour toutefois, les déconvenues diverses qui attendent les aspirants-propriétaires et le coût final : « Mais comment font ceux qui ne gagnent pas 15 000 dollars par an ? » (1) demande le personnage interprété par Cary Grant. Et aussi, la démesure des désirs du couple, ce qu’ils considèrent comme « l’indispensable » (le boudoir, les 4 salles de bains, etc.), est gentiment raillée. Le film est servi par un excellent trio d’acteurs et de bons dialogues. Mr. Blandings Builds His Dream House est une comédie plaisante qui remporta un bon succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Myrna Loy, Melvyn Douglas
Voir la fiche du film et la filmographie de H.C. Potter sur le site IMDB.

Voir les autres films de H.C. Potter chroniqués sur ce blog…

(1) Il est beaucoup question de coûts dans Mr. Blandings Builds His Dream House. Il est intéressant de les actualiser. Mr Blandings est créatif dans une agence de publicité (profession qui revient souvent dans les films américains, c’est à cette époque l’archétype de la profession moderne et supérieure qui fait rêver les spectateurs). Il gagne 15 000 dollars par an, c’est à dire l’équivalent de 144 000 dollars actuels (110 000 euros) ce qui est très confortable. Il achète le terrain avec la maison en ruines 15 000 dollars, soit un an de son salaire, et la construction de sa maison (avec 4 salles de bains!) lui coûte 20 000 dollars (150 000 euros actuels).