2 mai 2020

Les Gardiennes (2017) de Xavier Beauvois

Les gardiennes1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l’assistance publique pour les seconder. Francine croit avoir enfin trouvé une famille…
Les Gardiennes est adapté assez librement du roman homonyme d’Ernest Pérochon paru en 1924. La communication autour du film a mis en avant la réunion pour la première fois au cinéma de Nathalie Baye et de sa fille Laura Smet, mais c’est la jeune Iris Bry qui s’impose à l’écran. Sans aucune expérience d’actrice, elle montre une grande présence et donne à son personnage toute son authenticité. Le récit est sobre, économe en dialogues comme le sont ses personnages, évitant toute dramatisation facile ; il décrit avec beaucoup de détails le travail de la ferme au début du XXe siècle, d’une façon presque ethnographique. Tournés en Haute-Vienne, de nombreux plans de nature sont de toute beauté, ils contribuent à nous placer dans une attitude presque contemplative. Accueilli un peu fraîchement par la critique qui lui a reproché le manque d’enjeu, Les gardiennes est un beau film qui rend hommage à la fois à ces femmes et au monde rural.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry, Cyril Descours, Gilbert Bonneau, Olivier Rabourdin
Voir la fiche du film et la filmographie de Xavier Beauvois sur le site IMDB.
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Les gardiennesIris Bry dans Les gardiennes de Xavier Beauvois.

Les gardiennesNathalie Baye et Laura Smet dans Les gardiennes de Xavier Beauvois.

1 août 2018

Pelle le conquérant (1987) de Bille August

Titre original : « Pelle erobreren »

Pelle le conquérantAu XIXe siècle, le jeune garçon Pelle et son père, âgé et veuf, émigrent par bateau de Suède vers le Danemark. Ils sont embauchés comme vachers dans une grande ferme locale…
Pelle le conquérant est un copieux roman de Martin Andersen Nexø, un grand classique de la littérature danoise. Bille August n’en adapte que la première partie et, de ce fait, le titre parait quelque peu décalé car il faut bien avouer qu’il ne se passe pas grand-chose durant ces 2h30 (1). Le plus intéressant est la peinture sociale du milieu rural danois et surtout la magnifique relation entre un père maladroit et résigné et son fils avide d’une vie meilleure. Il y a là une variation pleine de subtilités de la supériorité paternelle et de la soumission filiale. Max von Sydow est remarquable dans ce rôle d’une grande complexité, il trouve toujours le ton juste et le jeune Pelle Hvenegaard est parfait. La photographie est assez belle. Le film a reçu de nombreuses récompenses dont la Palme d’or au festival de Cannes 1988.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pelle Hvenegaard, Max von Sydow, Björn Granath
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(1) Paru de 1906 à 1910, le roman est en quatre volumes : L’Enfance, L’Apprentissage, La Grande Lutte, Le Petit Jour. Les deux derniers volumes se déroulent à Copenhague où Pelle va prendre la tête du mouvement ouvrier. A noter que l’auteur Martin Andersen Nexø (1869-1954) adhérera par la suite au Parti Communiste danois. Son autre roman célèbre est Ditte, enfant des hommes (1917-1921).

Pelle le Conquérant
Max von Sydow et Pelle Hvenegaard dans Pelle le conquérant de Bille August.

13 juillet 2017

La Fiancée du pirate (1969) de Nelly Kaplan

Titre original : « La fiancée du pirate »

La Fiancée du pirateEmployée de ferme, la jeune Marie vit misérablement dans une cabane à l’écart du village avec sa mère. Lorsque celle-ci meurt renversée par un chauffard, les notables du village préfèrent enterrer l’affaire pour éviter toute intrusion extérieure. Face aux harcèlements des hommes, Marie décide se venger… Le scénario de La fiancée du pirate a été écrit par Nelly Kaplan et Claude Makovski (qui est également producteur du film et interprète du représentant de commerce à la R16). Le film semble débuter comme un drame social et naturaliste mais tourne rapidement à la farce. Bien entendu, on peut le replacer dans l’esprit Mai 68 et le désir de bousculer l’ordre social, mais il ne développe aucune grande théorie. Il fustige surtout la bêtise, l’hypocrisie et la sexualité primitive de l’hominidé mâle… Marie retourne à son avantage le « droit de cuissage collectif » dont elle est la victime et, malgré l’arme qu’elle emploie dans ce but, le film a indéniablement une portée féministe. L’art de Nelly Kaplan est d’avoir fait de cette régénération une fable surréaliste à la Buñuel où l’humour est omniprésent ; le récit en devient jubilatoire. Et tout cela sur l’air de Barbara qui chante « Moi, je me balance… »
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Georges Géret, Claire Maurier, Jacques Marin, Michel Constantin
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Voir les livres sur Nelly Kaplan

Remarques :
* L’ouvrier agricole étranger est interprété par Louis Malle.
* Nelly Kaplan n’a pas réussi à vraiment trouver de financement autre que l’avance sur recettes pour tourner son film (budget total de 450 000 francs, soit l’équivalent de 400 000 euros d’aujourd’hui). Refusé par les distributeurs, il n’est sorti que dans deux salles. Il a été heureusement très bien reçu par la critique.
* La fiancée du pirate a échappé de peu à l’interdiction totale pour « apologie du vice » et est finalement sorti avec l’interdiction au moins de 18 ans. Cette restriction est restée jusqu’en 1989 où le film a été classé « tous publics ».
* Quand elle a écrit sa (première) autobiographie, Bernadette Lafont l’a titrée La Fiancée du Cinéma.

La fiancée du pirate
Georges Géret, Michel Constantin et Bernadette Lafont dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan.

22 août 2014

Bullhead (2011) de Michaël R. Roskam

Titre original : « Rundskop »

BullheadJacky est le fils aîné d’une importante famille d’agriculteurs et d’engraisseurs non loin de Liège en Belgique. A 33 ans, il apparaît comme un être renfermé et imprévisible, parfois violent. Sa collaboration avec un vétérinaire corrompu lui a permis de se forger une belle place dans le milieu de la mafia des hormones. Alors qu’ils s’apprêtent à traiter avec un nouveau revendeur, un enquêteur fédéral est assassiné… Bullhead est écrit et réalisé par Michaël R. Roskam. Pour son premier long métrage, il a réussi à créer une histoire très forte qui mêle habilement le thriller et le drame : sur fond de trafic d’hormones, c’est tout le passé de Jacky et ses lourds secrets qui refont surface. Le tour de force de Michaël Roskam est de parvenir à rendre attachant un personnage extrêmement bourru et violent (et, qui plus est, hors-la-loi) en nous donnant les clés de sa personnalité et en dévoilant sa grande vulnérabilité intérieure. L’atmosphère est lourde, sans édulcoration ; le récit apparaît très ancré dans ses racines locales donnant ainsi un fort parfum d’authenticité. Bullhead est un film rude, brutal même, mais finalement très convaincant par la profondeur de ses personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy
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11 septembre 2013

La Ferme du pendu (1945) de Jean Dréville

La ferme du penduDans une vaste ferme de Vendée, la mort du patriarche laisse seuls trois frères et leur soeur. Pour l’aîné, il n’est pas question de vendre ou de morceler le domaine. Afin de garder la famille soudée, il use même de son autorité pour empêcher ses frères et soeurs de penser au mariage… La Ferme du pendu est un solide et intense drame paysan qui met en scène l’acharnement d’un homme dont l’attachement à la terre devient obsession destructrice. Il se double d’une description assez minutieuse du monde paysan de l’Entre-deux-guerres, un aspect presque documentaire, Dréville gardant une certaine distance avec ses personnages et évitant tout surcroît de dramatisation. L’interprétation est remarquable ; Charles Vanel apporte une grande intensité à l’ensemble mais tous les rôles sont parfaitement tenus. La Ferme du pendu est le premier film de Bourvil qui n’a ici qu’un petit rôle de commerçant du village qui lui permet tout de même de pousser sa célèbre chansonnette Les Crayons dans la scène du mariage.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Alfred Adam, Guy Decomble, Lucienne Laurence, Claudine Dupuis, Arlette Merry, Bourvil
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Remarque :
La Ferme du pendu est adapté d’un roman de Gilbert Dupé (1900-1986), écrivain régionaliste qui connut un certain succès.

24 juillet 2013

Jour de fête (1949) de Jacques Tati

Jour de fêtePour la fête du village de Follainville, des forains installent manège et attractions dont un petit cinéma qui projette un documentaire sur la poste en Amérique. Après l’avoir vu, François, le facteur, entreprend d’accomplir sa tournée « à l’américaine »…
Premier long métrage de Jacques Tati, Jour de fête a été tourné patiemment, avec un petit budget, avec les habitants du village de Sainte-Sévère-sur-Indre et une douzaine d’acteurs. C’est le film qui fit éclater au grand jour le génie comique de Tati. Très visuel, utilisant peu les paroles qui sont même parfois inaudibles, son humour se situe dans la droite ligne des grands du burlesque comme Keaton ou Chaplin. Le plus étonnant est la densité cet humour, il est même parfois sidérant de voir comment Jacques Tati arrive à tirer de multiples gags d’une seule et même situation. Son personnage de grand dégingandé ahuri est inénarrable. Jacques Tati oppose de façon amusante la ruralité et la modernité. Le film eut un grand succès dès sa sortie, il apporta une grande bouffée de bonne humeur et de fraîcheur. C’est encore le cas aujourd’hui où ressort restauré dans une version que la plupart d’entre nous n’avons jamais vue : la version originale de 1949 en noir et blanc.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jacques Tati, Guy Decomble, Paul Frankeur
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Remarques :
* Le personnage de François le facteur apparaît déjà dans le court métrage de 15 minutes L’Ecole des facteurs de Jacques Tati (1947) qui comportait déjà bon nombre des gags de Jour de fête.  Quelques scènes ont été reprises telles quelles (par exemple le slalom entre les vaches au début, toute la scène du sacristain, …) mais la plupart ont été tournés de nouveau pour être plus efficaces.
* Le film a été tourné à Sainte-Sévère-sur-Indre (Indre, 36), village que Tati connaissait bien puisqu’il y avait trouvé refuge pendant la guerre en 1943. Certaines scènes additionnelles ont été tournées à Charleval (Bouches-du-Rhône, 13).

Les versions :
– La version de 1949 en noir et blanc qui est restée longtemps invisible. C’est cette version qui ressort magnifiquement restaurée en ce 24 juillet 2013.
– La version de 1964, la plus répandue, qui comprend des scènes additionnelles tournées par Jacques Tati avec le personnage du jeune peintre. Quelques plans ont été coloriés au pochoir.
– La version en couleurs sortie en 1995. Jour de fête a en effet été tourné avec deux jeux de caméras, noir et blanc et couleurs. Le procédé français Thomsoncolor n’a hélas jamais été finalisé et la pellicule ne put être utilisée. En 1988, Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati, montre la pellicule originale couleurs qu’elle a conservée à  Claude Ventura (producteur de l’émission Cinéma, Cinémas). Après une délicate récupération, Sophie Tatischeff effectue un montage identique à la version de 1949 avec toutefois quelques courtes séquences en moins (celles qui étaient reprises telles quelles de L’Ecole des facteurs).

Jour de fête

Jour de fête

Jour de fête

14 juillet 2013

Les Moissons du ciel (1978) de Terrence Malick

Titre original : « Days of Heaven »

Les moissons du ciel1916 : Bill quitte Chicago avec sa jeune soeur et sa petite amie Abby, qu’il fait passer pour sa soeur, pour aller faire les moissons dans un vaste domaine isolé du Texas. Le jeune propriétaire s’éprend d’Abby et Bill encourage cette liaison car il a appris incidemment que le fermier n’aurait plus qu’un an à vivre… Les Moissons du ciel est le deuxième film de Terrence Malick. Il nous plonge dans l’univers des grandes propriétés agricoles du tout début du XXe siècle. C’est un film très abouti, tout particulièrement sur le plan visuel. La photographie est superbe. Une bonne partie du film a été tourné pendant l’heure dorée et même pendant l’heure bleue (1) et les lumières naturelles sont vraiment très belles. Les scènes de moisson sont de véritables peintures. Le rythme est assez lent, nous sommes dans un mode contemplatif. Terrence Malick utilise merveilleusement les grands espaces dans ses plans larges, majestueux et infinis. Il sait aussi aller près de ses personnages et même les suivre (2). Malick est un perfectionniste : il lui a fallu deux années pour finaliser le montage. Le résultat en valait la peine. Il nous faudra ensuite attendre vingt ans pour voir le troisième film de Terence Malick.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard, Linda Manz
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Edward Hopper - House by the railroad, 1925Remarques :
* La maison de Les Moissons du ciel est directement inspirée de la toile d’Edward Hopper La Maison près de la voie ferrée (House by the railroad, 1925). Cette toile est connue pour avoir également inspiré Hitchcock pour la maison de Psychose (Psycho) et George Stevens pour Géant (Giant).

* Une autre peinture a également été une source d’inspiration : il s’agit de Christina’s World d’Andrew Wyeth (1948). Andrew Wyeth - Christina's World L’influence de ces deux peintures sur l’affiche originale du film (voir ci-dessus) est particulièrement nette.

* Le directeur de la photographie Néstor Almendros a reçu un oscar pour ce film. La musique du film est d’Ennio Morricone.

* Le film projeté par le Cirque Volant est L’Emigrant de Charlie Chaplin.

* Les étonnants plans d’envol des nuées de sauterelles ont été filmés à l’envers avec un hélicoptère jetant des milliers d’écorces de cacahuètes ! Les acteurs devaient marcher à l’envers.

(1) L’heure dorée, Golden hour en anglais, est l’heure qui précède le coucher du soleil. L’heure bleue, Blue hour en anglais, est le moment qui suit le coucher du soleil avant le noir complet (« entre chien et loup »). Le même raisonnement s’applique symétriquement au lever du soleil. Terrence Malick a utilisé une pellicule ultra-sensible.
(2) Les moissons du ciel fait partie des premiers films à utiliser une steadycam (en l’occurrence, une Panaglide qui était en réalité la copie Panavision du premier modèle de la marque Steadycam).

3 août 2012

L’arbre aux sabots (1978) de Ermanno Olmi

Titre original : « L’albero degli zoccoli »

L'arbre aux sabotsLa vie d’une ferme lombarde à la fin du XIXe siècle, où vivent cinq familles de paysans sur des terres appartenant à un notable… L’arbre aux sabots est un film unique en son genre. Avec pour acteurs de simples paysans de la région de Bergame (1), filmant en 16 mm entièrement en lumière naturelle, Ermanno Olmi nous immerge dans un monde presque oublié. Les trois heures passent très rapidement. Sur l’espace de quatre saisons, nous assistons et partageons les évènements mais aussi le quotidien de cette vie très rurale. Le travail accompli par Ermanno Olmi est remarquable, la vérité de son regard force l’admiration. Il a su éviter tout spectaculaire et toute facilité pour rester dans la simplicité. Contrairement au 1900 de Bertolucci, L’arbre aux sabots ne porte pas de message politique. Beaucoup ont voulu en trouver un, déceler sous le récit quelque poison idéologique pernicieusement entrelacé… mais il n’en est rien. Le propos d’Ermanno Olmi est plus philosophique (2), il questionne sur le sens profond de la vie : en nous montrant les ancrages de cette société rurale (nature, famille, religion), il nous propose une réflexion sur les ancrages de la nôtre mais sans pour cela prôner un retour à d’anciennes valeurs. L’arbre aux sabots est ainsi un film d’une très grande portée.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
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L'arbre aux sabots(1) Bergame est situé en Lombardie à environ 50 km au nord-est de Milan. Ermanno Olmi est originaire de cette région. Le dialecte parlé dans le film, le bergamesque, est celui de ses grands-parents.  

(2) Dans un interview pour le journal Il Tempo, Olmi décrit ainsi le but de son film L’arbre aux sabots : « Certainement pas par nostalgie d’un monde désormais impossible à proposer, mais par besoin de nous confronter à nouveau avec une réalité que nous avons mise de côté trop hâtivement, sans rien décider de ce qu’il fallait conserver en vue d’une réalité différente mais qui n’est pas sans présenter des exigences semblables au plan spirituel et humain. »