12 janvier 2018

La Beauté du diable (1950) de René Clair

La Beauté du diableAu seuil de la mort, le professeur Faust regrette de n’avoir accompli la grande œuvre dont il rêvait. Méphistophélès lui propose une seconde jeunesse et la réussite dans ses recherches. Mais, pour cela, il doit signer un pacte où il accepte de donner son âme…
Film célèbre et célébré du cinéma français, La Beauté du diable est un film qui impressionne beaucoup lorsqu’on le voit très jeune et laisse alors un souvenir bien enraciné dans nos esprits. Le revoir bien plus tard ne procure pas obligatoirement les mêmes émois. Ce n’est pas tant le fait que René Clair ait adapté la légende créée par Goethe pour en faire une allégorie de la menace nucléaire qui plane sur le monde de l’après-guerre qui pose problème. C’est plutôt le fait que rien ne semble fonctionner. Dès lors, tout paraît assez artificiel et l’ensemble se situe presque sur le ton de la farce. Michel Simon et Gérard Philipe ne s’entendait pas et cela se sent. Savaient-ils qu’ils jouaient dans le même film ? Michel Simon tire son épingle du jeu par la richesse de son jeu et ses envolées alors que Gérard Philipe reste assez terne. Quelques scènes sauvent l’ensemble comme la très belle (et délicate à réaliser) scène du miroir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Michel Simon, Gérard Philipe, Nicole Besnard, Simone Valère, Carlo Ninchi
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Remarques :
* La Beauté du diable est une production franco-italienne, tournée à Cinecittà.
* Le scénario et les dialogues ont été écrits par René Clair et Armand Salacrou.

La Beauté du diable
Gérard Philipe et Michel Simon dans La Beauté du diable de René Clair.

Principales adaptations du mythe de Faust :
Faust et Marguerite de Georges Méliès (1897)
La Damnation du Docteur Faust de Georges Méliès (1904)
Faust de F.W. Murnau (1926)
La beauté du diable de René Clair (1950) avec Gérard Philipe et Michel Simon
Marguerite de la nuit de Claude Autant-Lara (1955) avec Michèle Morgan et Yves Montand
Doctor Faustus de Richard Burton et Nevill Coghill (1967) avec Richard Burton et Elizabeth Taylor
Faust d’Alexandre Sokurov (2011)

17 octobre 2015

Paris qui dort (1924) de René Clair

Paris qui dort(Film muet, 35 mn) Un matin, le gardien de la Tour Eiffel se réveille en haut de sa tour et réalise qu’il n’y a aucun mouvement dans la ville. Il est rejoint par un petit groupe de personnes qui descendent d’un avion. Ils constatent que les personnes sont figées sur place, comme si le temps s’était soudainement arrêté… Paris qui dort est le premier film de René Clair alors âgé de 26 ans, une courte fable de science-fiction où il joue avec les possibilités offertes par la caméra : arrêts sur image, ralentis, accélérés. Il les met au service d’un fantastique poétique que l’on retrouvera dans plusieurs de ses films futurs. Il réalise de très belles images en hauteur sur la Tour Eiffel où il joue avec la structure métallique qui, sous l’oeil de sa caméra, devient presque abstraite. Cette abstraction est encore plus présente dans le laboratoire du savant fou, épuré au maximum. A noter également, une courte séquence d’animation explicative. Paris qui dort est une jolie fable surréaliste, très créative, un court film qui se situe à la naissance du courant avant-gardiste du milieu des années vingt, courant que l’on désigne par le terme « Avant-garde » (française principalement).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henri Rollan, Albert Préjean
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Remarque :
* L’idée de base du scénario n’est pas loin de l’esprit des films à épisodes de Feuillade du milieu des années dix. René Clair a d’ailleurs fait un peu de figuration dans quelques films de Feuillade (un peu plus tard toutefois, en 1921).
* Tourné en 1923, le film n’est sorti qu’en décembre 1924.
* Le titre « Le Rayon de la mort » semble avoir été parfois utilisé (ne pas confondre avec le film homonyme de Lev Koulechov sorti en 1925).

Paris qui dort
Albert Préjean et Henri Rollan dans Paris qui dort de René Clair.

 

11 mai 2014

Ma femme est une sorcière (1942) de René Clair

Titre original : « I Married a Witch »

Ma femme est une sorcièreA la veille d’une élection importante, un politicien ambitieux voit sa vie bouleversée par l’irruption d’une jeune femme qui s’est mis en tête de le séduire. Celle-ci est ni plus ni moins que la réincarnation d’une sorcière brûlée vive 270 ans plus tôt par le lointain ancêtre puritain du politicien… I Married a Witch est adapté d’un roman de Thorne Smith dont la série des Topper venait d’être l’objet de trois longs métrages (1). Cette histoire de sorcière facétieuse avait tout pour plaire à René Clair qui était alors aux Etats Unis. Il parvient parfaitement à mêler humour et fantastique et réalise une comédie amusante et légère qui met joliment en valeur Veronica Lake. L’année 1942 fut très favorable à l’actrice : avec ce film et les deux films noirs This Gun for Hire et The Glass Key, elle devint une star et sa coiffure fut adoptée par bon nombre de femmes américaines (2). Remarquablement bien écrit, I Married a Witch est un film très amusant et plein de fraîcheur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fredric March, Veronica Lake, Susan Hayward, Cecil Kellaway
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Remarques :
Ma femme est une sorcière * Dans un arrangement absolument unique dans l’histoire du cinéma, United Artists, qui était en manque de productions, a acheté 21 films à Paramount. I Married a Witch est le premier d’entre eux. The Crystall Ball d’Elliott Nugent (1943) et Young and Willing d’Edward Griffith (1943) sont les deux autres longs métrages d’importance (le reste se compose de 5 Harry Sherman, westerns de série B entre 1942 et 1944 et de 13 Hopalong Cassidy, westerns moyens métrages, entre 1942 et 1948).

* Le site IMDB souligne qu’aucune sorcière ne fut jamais brûlée aux Etats-Unis. Cette méthode d’exécution des sorcières était spécifique à l’Europe. Aux Etats Unis, les sorcières de Salem furent pendues.

(1) Topper (Le couple invisible) de Norman Z. McLeod (1937) avec Cary Grant ,
Topper Takes a Trip (Fantômes en croisière) de Norman Z. McLeod (1938) avec Roland Young,
Topper Returns (Le Retour de Topper) de Roy Del Ruth (1941) avec Roland Young.

(2) La coiffure de Veronica Lake, de longs cheveux blonds ondulés avec une boucle qui recouvre la partie droite du front et parfois l’oeil droit (coiffure surnommée « Peekaboo »), a été instanténément adoptée par d’innombrables jeunes femmes. Cela posa un sérieux problème car, en cette période de guerre, les femmes travaillaient souvent dans les usines d’armements où cette coiffure occasionnait des accidents. On ne cessa de demander à Veronica Lake de changer de coiffure, ce qu’elle ne fit que bien plus tard et ce qui accéléra sans doute sa perte de popularité.

10 octobre 2013

Quatorze Juillet (1933) de René Clair

Quatorze JuilletA Paris, Jean, jeune chauffeur de taxi, et la vendeuse de fleurs Anna sont voisins. Ils sont attirés l’un vers l’autre. La veille du 14 juillet, ils se font des promesses. Mais c’est alors que l’ancien amour de Jean réapparaît… Ecrit et réalisé par René Clair, Quatorze Juillet ne manque pas d’attraits. Le réalisme poétique qui marque cette période du cinéma français se manifeste ici grâce à la belle présence d’Annabella qui apporte beaucoup de fraîcheur, de douceur et de poésie au film, et grâce aussi aux décors, simples mais évocateurs. René Clair y ajoute une forte dose d’humour par les personnages secondaires (le mondain ivre, vraiment hilarant, l’autre chauffeur, la concierge, etc.) et par les disputes sans méchanceté. Cet humour préfigure ce que fera Jacques Tati plus tard. Du côté des maladresses, on peut citer l’insertion d’une histoire de petits malfrats, aussi improbable qu’inutile. D’autre part, Georges Rigaud a un beau physique de jeune premier mais son jeu reste un peu fade face à une Annabella plus rayonnante. Mais cela n’empêche pas à ce Quatorze Juillet de garder un certain charme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Annabella, George Rigaud, Raymond Cordy, Paul Ollivier, Pola Illéry
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Remarque :
La musique est signée Maurice Jaubert et le chef opérateur est Louis Page. Tous deux travailleront ensuite avec Marcel Carné, notamment sur Quai des Brumes.

8 octobre 2013

Le Million (1931) de René Clair

Le millionDeux amis artistes vivent dans un grand loft sous les toits, menacés de saisie par leurs créanciers. Mais tout va changer puisqu’ils s’aperçoivent qu’ils ont gagné un million à la loterie. Encore faut-il qu’ils retrouvent le billet… Le Million est adapté d’un vaudeville de Berr et Guillemaud. L’histoire avait séduit René Clair car elle lui rappelait celle d’Un chapeau de paille d’Italie qu’il avait tourné trois ans plus tôt en muet. Cette fois, il y avait le son. Après les errements ou expérimentations de son premier film parlant, René Clair opte pour le film musical, genre qui réussissait si bien à Lubitsch de l’autre côté de l’Atlantique. Mais ce n’est pas une opérette, René Clair a un style bien à lui qui mêle humour, inventivité et une grande fraîcheur. Le son est, cette fois, parfaitement intégré et René Clair se permet quelques fantaisies amusantes (comme mettre une bande sonore d’un match de rugby lorsque l’action tourne à la bagarre). Grâce à son ton unique, son humour et à sa grande fraîcheur, Le Million a pu traverser le temps.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Annabella, René Lefèvre, Jean-Louis Allibert, Paul Ollivier, Constantin Siroesco, Raymond Cordy
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Remarques :
* Le Million est le premier film musical français.
* On remarquera le personnage du fripier gangster à la tête d’une petite organisation de malfrats : il est difficile de ne pas penser au Docteur Mabuse et on peut supposer que c’est un clin d’oeil de René Clair à Fritz Lang.

7 octobre 2013

Sous les toits de Paris (1930) de René Clair

Sous les toits de ParisDans les quartiers populaires de Paris, un chanteur des rues rencontre et tombe amoureux d’une jeune femme roumaine. Hélas, celle-ci fréquente un petit truand qui va tout faire pour l’écarter… Sous les toits de Paris est le premier film parlant de René Clair. Pour éviter de régresser vers une forme de théâtre filmé, René Clair choisit de ne pas donner une grande place aux dialogues : il préfère donner la première place à la musique et de nombreux dialogues sont en réalité muets (avec diverses astuces pour que cela paraisse naturel, comme de filmer derrière une vitrine). Le film a ainsi un côté expérimental, apparaissant comme un entre-deux, muet et parlant à la fois. Cet aspect est le seul intérêt du film car l’histoire est très pauvre, molle et mièvre. On a souvent loué la poésie populiste des premiers films parlants de René Clair (ce fameux « réalisme poétique »), de façon plutôt exagérée en ce qui concerne Sous les toits de Paris qui paraît aujourd’hui comme ayant terriblement vieilli. A l’époque, c’est à l’étranger que le film eut le plus de succès, notamment en Allemagne et au Japon, renforçant ainsi l’image séduisante d’un Paris populaire et artistique.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Albert Préjean, Pola Illéry, Edmond T. Gréville, Bill Bocket
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29 août 2013

À nous la liberté (1931) de René Clair

À nous la libertéEmile et Louis tentent de s’évader de prison mais seul Louis y parvient. Il monte une petite affaire de phonographe et, après quelques années, se retrouve à la tête d’un complexe industriel prospère. C’est alors qu’Emile le retrouve… À nous la liberté a été écrit et réalisé par René Clair. C’est son troisième film parlant. Il s’agit d’une comédie utopiste, proche des idées de l’extrême gauche de l’époque. Assez étrangement, René Clair choisit de dénoncer les méfaits du travail à la chaîne et du capitalisme en adoptant un ton très léger. Ponctué par des chansons, le film se situe dans le réalisme poétique du cinéma français du début des années trente. S’il peut paraître appartenir à une autre époque, le film est néanmoins remarquable par sa fraîcheur, sa naïveté et aussi son inventivité. Les décors de Lazare Meerson sont d’un beau futurisme épuré (dans le style du courant Bauhaus) et la photographie est belle. La scène de la chaîne de montage est une merveille d’humour et d’invention ; il est manifeste que Chaplin s’en est inspiré pour Les Temps modernes (1). La scène finale du discours est elle aussi une merveille d’humour. La comparaison du travail à l’usine avec l’univers carcéral est une source constante d’humour, un humour qui, par moments, paraît encore ancré dans le burlesque du muet. Grâce à son utopisme poétique, À nous la liberté n’a pas perdu de son pouvoir de séduction.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henri Marchand, Raymond Cordy, Rolla France, Paul Ollivier
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Remarques :
* Si l’allusion à Charles Pathé fut parfois soulignée, elle est totalement involontaire.
* Le film est sorti en France au moment où la crise de 29 frappait durement l’Europe. Le machinisme et l’automatisation du travail étaient souvent montrés du doigt.
* Petit paradoxe : le slogan « Le travail, c’est la liberté » est resté célèbre alors qu’il est employé de façon ironique par René Clair : ses images montrent plutôt que le travail, c’est la prison.

(1) A la sortie du film de Chaplin Les Temps modernes, en 1935, la Tobis, distributeur d’À nous la liberté, a attaqué Chaplin et United Artists pour contrefaçon. René Clair n’a pas voulu s’associer à cette démarche, tout d’abord par respect envers Chaplin qu’il tenait en haute estime et aussi parce que cela le mettait mal à l’aise, s’estimant avoir été lui-même inspiré par le personnage de Charlot. L’action en justice suivit toutefois son cours et dura plus de dix ans. Un arrangement finira par être trouvé. Précision : la Tobis était une société française à capitaux allemands. En 1935, elle était contrôlée par Goebbels.

8 janvier 2012

La proie du vent (1927) de René Clair

La proie du ventPris dans une tempête au dessus d’une immense forêt slovène, un aviateur est contraint de faire un atterrissage hasardeux dans le parc d’un château isolé. Blessé, il est recueilli et soigné par la comtesse Elisabeth et son beau-frère. Peu à peu, il s’éprend de sa bienfaitrice. Mais un évènement va troubler l’idylle naissante… La proie du vent est le cinquième film de René Clair. Avec cette adaptation d’un roman d’Armand Mercier, il semble s’écarter un peu de l’avant-garde pour réaliser un film qui semble plus classique ou peut-être plus commercial. L’histoire en elle-même n’est pas très forte, c’est le traitement qu’en fait René Clair qui donne au film son intérêt. Charles Vanel en amoureux est ici à contre-emploi, puisqu’à cette époque il était spécialiste des rôles de durs. L’anglaise Lillian Hall-Davis (la comtesse) est une très belle actrice, bien mise en valeur par ce film (1). René Clair utilise habilement les objets : par exemple, pour exprimer le désarroi de son héros, au lieu de faire un gros plan sur son visage, il fait un gros plan sur ses mains qui triturent la lettre qu’il vient de lire ; ou encore, il parvient à exprimer le désir de l’aviateur au moyen d’une cigarette. La poursuite en voiture est très bien rythmée, assez haletante. Egalement très intéressante est la scène où Vanel laisse vagabonder son imagination : La proie du vent nous voyons ce qu’il pense (avec un très beau plan graphique de la chambre de la comtesse derrière un immense rideau, superbe image). Malgré tout cela, La proie du vent n’est pas à classer parmi les meilleurs films de René Clair, en grande partie à cause de la faiblesse de son scénario. Le film a été récemment restauré avec les teintes d’origine avec une musique de jazz plutôt dissociée du film.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Vanel, Sandra Milovanoff, Jean Murat, Lillian Hall-Davis, Jim Gérald
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Remarques :
Lillian Hall-Davis jouera ensuite pour Hitchcock mais sa carrière sera courte, l’actrice souffrant de neurasthénie. Lillian Hall-Davis se suicidera en 1933 à l’âge de 35 ans.