22 mai 2014

Lincoln (2012) de Steven Spielberg

LincolnAbraham Lincoln est l’homme politique le plus admiré outre-Atlantique, il est un modèle, une inspiration pour le plus grand nombre (tous bords confondus, nous n’avons pas vraiment d’équivalent en France) car il correspond à l’idée d’une certaine grandeur de valeurs morales appliquée à une nation. Très peu de réalisateurs se sont toutefois risqués à mettre en scène sa biographie. Steven Spielberg a choisi de se concentrer sur la fin de sa vie et plus particulièrement sur le mois de janvier 1865 où Lincoln a bataillé pour faire voter par la Chambre des Représentants le XIIIe amendement, celui qui abolit l’esclavage. Il livre un film inspiré avec une interprétation impressionnante de Daniel Day-Lewis. Tommy Lee Jones est, lui aussi, assez remarquable. Certes, les tractations pour s’assurer du vote des représentants peuvent paraître un peu longues mais c’est le personnage de Lincoln qui est ici intéressant, Spielberg parvenant à restituer toute la stature de l’homme politique visionnaire.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Tommy Lee Jones
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Principales biographies d’Abraham Lincoln au cinéma :
Abraham Lincoln (1930) de David Wark Griffith avec Walter Huston
Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, 1939) de John Ford avec Henry Fonda
Abraham Lincoln (1940) de John Cromwell avec Raymond Massey

28 mars 2014

Citizen Kane (1941) de Orson Welles

Citizen KaneLe magnat de la presse Charles Foster Kane vient de mourir. Un journaliste enquête sur sa vie pour découvrir le sens de ses dernières paroles : « Rosebud »… Toujours cité parmi les plus grands films de toute l’histoire du cinéma, Citizen Kane est probablement, avec Naissance d’une Nation de Griffith, celui qui a eu le plus d’influence sur les autres réalisateurs. Véritable condensé de créativité, Citizen Kane fait suite à une décennie, celle des années trente, où le cinéma hollywoodien s’est fortement normalisé. Grâce au succès de son émission radiophonique La Guerre des Mondes, une adaptation du roman H.G. Wells tellement bien mise en scène qu’elle jeta la panique dans une partie de l’Amérique, le jeune Orson Welles va bénéficier, à 25 ans et pour son premier film, de ce dont tout réalisateur rêve sans jamais l’obtenir : une carte blanche totale. Entièrement libre, il va bousculer toutes les règles. Il sait toutefois s’entourer de quelques professionnels aguerris, notamment Herman J. Mankiewicz (le frère aîné de Joseph L. Mankiewicz) à l’écriture du scénario et Gregg Toland, talentueux directeur de la photographie.

La construction est totalement inhabituelle : non seulement tout le film est un flashback (1) mais en plus les dix premières minutes nous donnent en quelque sorte le sommaire du film qui se construit ensuite autour de cinq récits précis de la part de cinq personnes différentes (2). L’autre grande innovation de Citizen Kane est dans l’utilisation d’une grande profondeur de champ : Orson Welles désire que tout soit net pour être proche de la vision humaine et, pour ce faire, non seulement il utilise des objectifs grands-angles mais en plus il réalise certains trucages de superposition qui lui permettent par exemple de placer des objets nets au tout premier plan. Le placement de la caméra est aussi très original avec des plongées spectaculaires mais surtout des contre-plongées (la caméra étant parfois placée dans un trou dans le sol). Combinées aux grands- angles, ces contre-plongées nous permettent de voir largement les plafonds alors que l’usage était jusqu’alors de tourner sans plafond (ne serait-ce qu’à cause du système des éclairages). L’utilisation de l’ombre et la lumière est aussi remarquable, un personnage pouvant être totalement en ombre chinoise avant de faire quelques pas pour apparaître en pleine lumière.

C’est sans doute sur le fond que le film paraît le plus faible : si le personnage de Kane est inspiré du magnat de la presse Randolf Hearst et si le propos est de montrer la puissance de l’argent et la faiblesse des hommes ainsi que le caractère multiforme d’une vérité qui serait dès lors inatteignable, la démonstration manque parfois de fil directeur en semblant s’égarer dans ses ramifications multiples. Le propos reste toutefois fort et marquant, suffisamment en tous cas pour que Randolph Hearst fasse tout pour saborder la carrière du film et qu’il y parvienne. Citizen Kane a en effet été un échec commercial malgré un accueil enthousiaste du public et de la critique, les exploitants de salle préférant éviter de se mettre à dos les journaux de Hearst. Avec le recul, Citizen Kane apparaît comme un tournant dans l’histoire du cinéma, Orson Welles apportant un souffle nouveau de créativité et remettant au premier plan la notion d’auteur-réalisateur.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Joseph Cotten, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead, Everett Sloane
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(1) Comme pour toutes les autres innovations de Citizen Kane, Orson Welles n’a pas inventé le flashback. The Power and the Glory de Preston Sturgess (1933) entre autres avait déjà l’ensemble du récit encapsulé dans un flashback. Il en est de même pour les fameux plafonds… Orson Welles n’a d’ailleurs jamais prétendu avoir tout inventé. Ce qui est remarquable, c’est d’avoir tant d’innovations dans un seul et même film.

(2) Au départ du projet, les récits devaient porter sur les mêmes évènements, chacun nous donnant une version différente, ce qui aurait été encore plus novateur. Ce procédé narratif sera celui de Rashômon de Kurosawa quelque dix ans plus tard. L’idée a toutefois été gardée en partie car certains évènements sont racontés plusieurs fois.

13 novembre 2013

Au nom du peuple italien (1971) de Dino Risi

Titre original : In nome del popolo italiano

In nome del popolo italianoLe juge Bonifazi (Ugo Tognazzi) est chargé de l’enquête sur la mort soudaine d’une call-girl. Particulièrement motivé à lutter contre la corruption, il est bien décidé à ne pas lâcher prise quand il découvre que la jeune femme était en relation avec Santenocito (Vittorio Gassman) un industriel véreux et magouilleur… Le scénario d’Au nom du peuple italien a été écrit par un tandem de choix, les scénaristes Age (Agenore Incrocci) et Furio Scarpelli. Cette bouffonnerie sociale est un habile mélange de film politique et de comédie, porté par un magnifique face à face entre deux grands acteurs. Le film est étonnamment lucide dans le constat porté sur l’Italie de ce début des années soixante-dix : après le réveil difficile de l’Après-guerre, le miracle économique repose sur une certaine corruption avec pour conséquence pollution excessive et malfaçons généralisées. Mais le film de Dino Risi va beaucoup plus loin : peut-on, sous le couvert d’une cause moralement juste, aller au-delà des lois ? C’est la question qu’il pose dans son étonnante fin, qui montre en outre avec quelle promptitude les vieux démons de l’Italie peuvent ressortir. Il pose aussi la question du rôle des juges, question qui sera si fondamentale deux ou trois décennies plus tard. Tout ce propos et ces questionnements sont enrobés dans une comédie brillante aux dialogues savoureux, c’est là le grand art de la comédie italienne.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman, Yvonne Furneaux
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2 août 2013

The Dictator (2012) de Larry Charles

The DictatorLa république du Wadiya, en Afrique du Nord, est dirigée par l’Amiral Général Aladeen, dictateur mégalomane qui fait exécuter tous ceux qui lui déplaisent. Sa haine farouche de l’Occident le pousse à développer l’arme atomique « à des fins pacifiques ». Il doit venir s’en expliquer à l’ONU et arrive ainsi à New York avec son oncle et chef de la police secrète qui complote contre lui… The Dictator est le troisième film de l’humoriste Sacha Baron Cohen. Sur le plan de la forme, on peut regretter qu’il ait abandonné le style de Borat, ce style si particulier de faux documentaire. Il est ici sur une formule plus classique, donc plus scénarisée. Son humour, en revanche, est toujours aussi débridé, outrancier et sans limite : il peut se moquer de tout, souvent assez habilement d’ailleurs car il ne tombe jamais dans le total mauvais goût même quand il s’aventure en dessous de la ceinture. La plupart des gags sont vraiment excellents. Son dictateur est un mélange de plusieurs personnages réels : beaucoup de Kadhafi, un peu de Saddam Hussein et une pointe de plusieurs autres despotes. En commun avec Borat, il y a ce regard assez caustique sur l’Amérique telle qu’elle est perçue par un outsider, une vision qui fait ressortir tous les travers et contradictions de cette civilisation modèle. Son discours final est en ce sens amusant et édifiant. Ce contenu sous-jacent donne à l’humour de Sacha Baron Cohen du corps et une certaine dimension.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sacha Baron Cohen, Anna Faris, Jason Mantzoukas, Ben Kingsley
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Remarque :
Le titre The Dictator fait bien entendu référence au grand classique de Charles Chaplin The Great Dictator (Le dictateur, 1940). De plus, on remarquera l’analogie entre le discours final susmentionné et le grand et vibrant discours humaniste de Chaplin à la fin de son film. Pour le reste, la comparaison est, on s’en doute, difficile.

10 juillet 2013

Je suis curieuse (1967) de Vilgot Sjöman

Titre original : « Jag är nyfiken »

1e partie : « Je suis curieuse – Version jaune (Jag är nyfiken – en film i gult) »
2e partie : « Je suis curieuse – Version bleue (Jag är nyfiken – en film i blått) »
Titre français de la 2e partie « Elle veut tout savoir »

Je suis curieuse Je suis curieuseInitialement prévu pour être un film de 3 h30, Je suis curieuse du suédois Vilgot Sjöman est sorti sur les écrans en deux parties : Version jaune et Version bleue. C’est un film à fort contenu politique qui reflète bien les remises en cause et les questionnements en cette fin des années soixante. Le film est très libre dans son contenu mais aussi dans sa forme puisque, si le thème général est l’éveil politique de Lena, une jeune femme de 22 ans, le film mêle réalité et fiction : Vilgot Sjöman peut ainsi apparaître en train de préparer ou de monter son film ou encore les acteurs peuvent prolonger leur relation dans la vie réelle. La première partie, Version jaune, est la plus complète et la mieux équilibrée. Elle aborde plusieurs thèmes politiques, les inégalités de salaires, la non-violence, l’égalité des sexes, la libération sexuelle. En parallèle, nous voyons Lena vivre une aventure avec un homme (qui vote à droite) qui lui cache qu’il a déjà un enfant et qu’il vit en couple. La seconde partie, Version bleue, est plus axée sur la libération dans un sens large, notamment sexuelle, mais aussi sur le plan des religions et des prisons. Le film doit beaucoup à son actrice principale, Lena Nyman. Il faut la voir avec son micro arpenter les rues de Stockholm pour demander avec candeur aux passants : « La société suédoise est-elle une société de classes ? »… ou encore interroger à l’aéroport les voyageurs de retour d’Espagne pour leur demander si cela les avait dérangé de passer leurs vacances dans un pays dirigé par un dictateur… Je suis curieuseJamais agressive mais tout de même obstinée, elle parvient par son naturel et sa candeur à toujours obtenir des réponses ou, au moins, des tentatives de réponse. Sur le plan de la sexualité, le film a pu paraître impudique, abordant largement la question sans tabou, avec liberté et naturel. Vu un demi-siècle plus tard, Je suis curieuse reste un film très intéressant, non seulement (et de façon évidente) sur le plan historique et sociologique, mais aussi pour mesurer à quel niveau ces questionnements restent actuels ou pas, ouvrant ainsi la voie à une réflexion philosophique plus large.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lena Nyman, Vilgot Sjöman, Börje Ahlstedt, Peter Lindgren
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Remarques :
* Le jaune et le bleu sont les deux couleurs du drapeau suédois.

* Assez étrangement, en France, le film ne fit que peu d’effet quand il est sorti, en janvier 1968 (pour la première partie) et en septembre 1968 (pour la seconde). Il n’en fut pas de même aux Etats-Unis où il rencontra un vif succès mais ce sont les scènes de nudité (totale ce qui était alors extrêmement rare en dehors des films pornographiques) qui alimentèrent le bouche à oreille : c’est un film que l’on allait voir ostensiblement pour montrer son ouverture d’esprit. En outre, Vilgot Sjöman ne fait à aucun moment montre d’anti-américanisme (mis à part, quelques mentions très rapides de la guerre au Vietnam).

* Olaf Palme apparaît dans le film, il est interviewé (par le réalisateur) sur l’inégalité des salaires et la non-violence. Il était alors ministre des transports. Martin Luther King et le poète russe Evgueni Evtouchenko sont vus dans des documents d’époque.

* La Suède de 1967 est dirigée par les sociaux-démocrates (socialistes modérés) depuis les années trente. Tage Erlander était alors chef du gouvernement depuis 1946. Olaf Palme lui succédera en 1969. Le gouvernement social-démocrate avait pris un certain nombre de mesures dans les années cinquante et soixante pour réduire les inégalités sociales et accroitre la protection sociale. Le pays était considéré comme l’un des plus avancés en ce domaine.

* Vilgot Sjöman a beaucoup travaillé au théâtre avec Bergman, ce qui laisse supposer qu’il a su parfaitement diriger Lena Nyman. En Suède, l’actrice a reçu le prix de la meilleure actrice aux Guldbagge Awards en 1968 pour cette interprétation.

11 février 2013

L’Exercice de l’État (2011) de Pierre Schöller

L'exercice de l'ÉtatL’Exercice de l’État nous propose une vision d’un monde que l’on connait finalement assez peu. Pierre Schöller nous montre non pas les petites manœuvres politiciennes, les luttes intestines mais plutôt une image plus réelle, plus quotidienne pourrait-on presque dire, de l’exercice du pouvoir : comment un ministre, doté de convictions et qui, à priori, désire rester intègre, va gérer un projet de réforme importante sur laquelle il va certainement devoir se rétracter et comment la réalité vient s’immiscer par ses évènements, ses imprévus. Assez intelligemment, Pierre Schöller a choisi un ministre de second plan (les transports) et s’arrange pour que le bord politique ne soit pas clairement évident. Il s’est documenté sur les mécanismes de décision, nous montrant bien comment le ministre travaille avec son chef de cabinet et ses proches conseillers. Cet aspect rend le film attrayant car il nous montre de l’intérieur un monde auquel nous n’avons accès. En revanche, le défaut de L’Exercice de l’État est sans doute de ne proposer que cela, la réflexion sur le pouvoir restant finalement assez limitée. La tension est bien créée, elle reste constante tout au long du film. Pierre Schöller fait preuve d’une belle maitrise de la mise en scène et l’interprétation d’Olivier Gourmet est parfaite ; il est soutenu par des seconds rôles fort bien tenus.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Laurent Stocker, Sylvain Deblé, Didier Bezace
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23 juillet 2012

L’argent de la vieille (1972) de Luigi Comencini

Titre original : « Lo scopone scientifico »

L'argent de la vieilleTous les ans, une riche américaine vient passer quelques jours dans une somptueuse villa de Rome. Elle a pour habitude de jouer aux cartes avec un couple habitant le bidonville situé au pied de la colline. La vieille dame leur donne à chaque début de soirée un million de lires qu’ils perdent invariablement mais ils nourrissent l’espoir de gagner un jour… L’argent de la vieille est un film ambivalent à plus d’un titre. D’abord, sous couvert d’une comédie, le film a un contenu politique puissant ; ensuite, à l’aide d’un cas très particulier, il propose une vision on ne peut plus générale. Ce que l’on peut prendre au départ comme le gentil passe-temps d’une vieille dame est donc en réalité un jeu cruel dont les dés sont pipés, parabole sur les différences de classe entre riches et pauvres, capitalisme américain contre vieille Europe. Il faut tout l’art d’un grand metteur en scène pour parvenir à ce subtil équilibre entre les multiples composantes mises en œuvre, entre la comédie et le drame, entre la légèreté et la profondeur. Le film est très prenant. Les personnages sont hauts en couleur, avec de très nombreux seconds rôles très typés mais sans excès. Comencini dit avoir soigné les personnages des enfants, les seuls à ne pas tomber dans le panneau et desquels vient la solution ultime et radicale (qui est bien entendu une image : c’est le capitalisme qu’il faut tuer selon Comencini). L’argent de la vieille connut un beau succès. Il paraît toujours aussi actuel aujourd’hui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Silvana Mangano, Joseph Cotten, Bette Davis, Mario Carotenuto
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Remarques :
* Oublié par les distributeurs, L’argent de la vieille n’est sorti en France qu’en 1977.
* Le scénario a été écrit par Rodolfo Sonego qui s’est inspiré d’un fait divers dont il avait été lui-même le témoin.
* Joseph Cotten a un rôle plutôt réduit : « Est-ce que mon dos a bien joué? » demandait-il à Comencini sur le tournage.

19 juillet 2012

L’enjeu (1948) de Frank Capra

Titre original : « State of the Union »

L'enjeuFroide et calculatrice, l’héritière d’un groupe de presse s’allie avec un sénateur républicain pour faire élire un candidat à l’élection présidentielle. Celui-ci, intègre et aux idéaux nobles, est d’abord réticent mais se laisse convaincre… Sous couvert de comédie, L’enjeu est une critique assez profonde du monde politique, de ses manœuvres et tractations. Le film fait penser à Mr Smith goes to Washington et à Meet John Doe, que Frank Capra a signés quelques années plus tôt, mais le propos est ici plus pessimiste car l’homme politique en question n’est pas un rêveur un peu naïf mais un homme de grande conviction et un orateur talentueux. Le constat est sans appel : impossible de ne pas se laisser corrompre par les politiciens combinards et de conserver un certain idéal politique. Le tandem Spencer Tracy / Katharine Hepburn fonctionne une fois de plus à merveille avec des dialogues assez relevés et des personnages qui ne sont pas exagérément typés. On peut se demander si le propos n’est pas toujours aussi actuel quelque soixante années plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Spencer Tracy, Katharine Hepburn, Van Johnson, Angela Lansbury, Adolphe Menjou, Lewis Stone
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Remarques :
* Au moment où le film a été tourné, Harry Truman (démocrate) était presque au terme de son mandat et sa réélection paraissait totalement improbable. Pour cette raison, le choix d’un candidat républicain était alors d’une actualité criante. (Truman fut toutefois réélu en novembre 1948).

* Le film est adapté de la pièce State of the Union qui fut un succès à Broadway entre 1945 et 1947, écrite par Howard Lindsay et Russel Crouse. La critique du monde politique était semble t-il moins acerbe dans la pièce.

* Le personnage central de L’enjeu (joué par Spencer Tracy) peut paraître quelque peu inspiré de l’homme politique américain Wendell Willkie. Ce grand patron a d’abord soutenu activement le parti démocrate dans les années trente avant de rejoindre le parti républicain par opposition au New Deal de Roosevelt. Il est alors choisi pour être le candidat républicain à l’élection présidentielle de 1940. Battu par Roosevelt, il tentera de se présenter à nouveau en 1944. Ses positions libérales et progressistes surprenaient au sein d’un parti de plus en plus conservateur.

* La vie est belle (1946) et L’enjeu (1948) furent les deux seuls films produits par la Liberty Films, société indépendante formée par Frank Capra, William Wyler, George Stevens et Samuel Briskin.

19 octobre 2011

Black sunday (1977) de John Frankenheimer

Titre français (vidéo) : « Un dimanche terrifiant »

Black SundayLe groupe terroriste Septembre Noir prépare un attentat particulièrement meurtrier le jour de la finale du Super Bowl à Miami. Un agent israélien est sur leurs traces… Black Sunday est adapté d’un roman de Thomas Harris. On peut s’étonner de la clairvoyance du sujet, 25 ans avant le 11 septembre. Probablement faut-il plutôt déplorer que le propos soit toujours si actuel et que rien n’ait vraiment évolué depuis. Comme le roman, le film est un thriller politique que Frankenheimer filme avec une certaine efficacité mais sans éviter, hélas, certaines longueurs (le film dure 2h25). Il parvient néanmoins à installer une tension assez forte notamment dans les scènes d’action, sans chercher le spectaculaire. Pour les scènes montrant un stade plein, le réalisateur a tourné durant une vraie compétition de football américain. Marthe Keller est étonnante par la détermination qu’elle met dans son personnage. Sur le fond, le propos de Black Sunday est simple, même simpliste, assez manichéen, plutôt belliciste. Malgré la réussite de certaines scènes, l’ensemble déçoit plutôt.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Shaw, Bruce Dern, Marthe Keller, Fritz Weaver
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Remarques :
Thomas Harris est également l’auteur des romans Le Silence des Agneaux, Red Dragon (adapté deux fois au cinéma : Manhunter et Red Dragon) et Hannibal.

30 juillet 2011

Solo (1970) de Jean-Pierre Mocky

Solo De passage à Paris, un violoniste, voleur de bijoux à ses heures, tente de revoir son jeune frère étudiant. Il découvre qu’il commet des attentats contre la société de l’argent… Solo de Jean-Pierre Mocky est l’un des premiers films de l’après-Mai 68 sur le thème du rejet de la société bourgeoise. Alors que Godard et d’autres montrent une contestation qui s’appuie sur la dialectique, Jean-Pierre Mocky est sur une ligne plus dure : ses étudiants sont n’ont pas une réflexion très développée, ce sont des francs-tireurs, adeptes d’une action violente, tout en restant très naïfs. Mocky traite le sujet à la façon d’un film policier, une longue traque dans la nuit. Deux couleurs ressortent : le rouge et le noir. Le rythme est assez rapide, la tension ne faiblit pas. Jean-Pierre Mocky incarne ce grand frère qui tente de faire revenir son frère à la raison tout en rejetant, lui aussi, le cadre étroit que lui offre la société. Solo est une belle œuvre originale et désespérée.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Mocky, Sylvie Bréal, Anne Deleuze, Denis Le Guillou, René-Jean Chauffard
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Remarques :
A noter également : la musique composée par Georges Moustaki.
Certains décors ont été réalisés par Françoise Hardy.