2 décembre 2016

Trois couleurs: Blanc (1994) de Krzysztof Kieslowski

Trois couleurs: BlancPour mariage non consommé, Dominique divorce de son mari Karol, un coiffeur polonais qui se retrouve ainsi seul, sans argent, sans logement dans un pays dont il maitrise mal la langue. Pire encore, elle s’arrange pour qu’il soit recherché par la police pour avoir incendié son salon de coiffure. Il parvient à rentrer clandestinement en Pologne où il va tenter de se refaire… Que Trois couleurs: Blanc, deuxième film de la trilogie de Krzysztof Kieslowski, ait pour thème l’égalité n’est pas évident à première vue. Et pour cause : le propos du cinéaste est plutôt de montrer que l’égalité n’existe pas, que nous en parlons tous mais qu’en réalité personne n’en veut. Mais, même en prenant en compte cette intention, la démonstration ne paraît guère évidente : il démontre plutôt que la cruauté engendre une cruauté encore plus forte et qu’une passion peut prendre la forme d’un long calvaire. Faut-il voir dans la scène finale (qui n’était pas originalement prévue) une certaine forme de rédemption ? Blanc est par certains aspects un film tragi-comique : son personnage principal est attachant par son côté balourd, il fait sourire parfois mais son cynisme finit par écarter toute sympathie/empathie à son égard. Le film est moins flamboyant que Bleu sur le plan esthétique, malgré l’omniprésence de la couleur blanche (il faut bien avouer que le blanc, du fait de sa faible palette de variations, se prête moins aux recherches esthétiques). Blanc est une variation bien étrange sur le thème de l’égalité.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Zbigniew Zamachowski, Julie Delpy, Janusz Gajos
Voir la fiche du film et la filmographie de Krzysztof Kieslowski sur le site IMDB.

Voir les autres films de Krzysztof Kieslowski chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Krzysztof Kieslowski

Remarque :
* A l’audience, en début de film, on aperçoit brièvement Juliette Binoche ouvrir par erreur une porte, lien discret avec le film précédent, Bleu.

Blanc
Julie Delpy dans Trois couleurs: Blanc de Krzysztof Kieslowski.

Blanc
Zbigniew Zamachowski dans Trois couleurs: Blanc de Krzysztof Kieslowski.

10 juillet 2013

Je suis curieuse (1967) de Vilgot Sjöman

Titre original : « Jag är nyfiken »

1e partie : « Je suis curieuse – Version jaune (Jag är nyfiken – en film i gult) »
2e partie : « Je suis curieuse – Version bleue (Jag är nyfiken – en film i blått) »
Titre français de la 2e partie « Elle veut tout savoir »

Je suis curieuse Je suis curieuseInitialement prévu pour être un film de 3 h30, Je suis curieuse du suédois Vilgot Sjöman est sorti sur les écrans en deux parties : Version jaune et Version bleue. C’est un film à fort contenu politique qui reflète bien les remises en cause et les questionnements en cette fin des années soixante. Le film est très libre dans son contenu mais aussi dans sa forme puisque, si le thème général est l’éveil politique de Lena, une jeune femme de 22 ans, le film mêle réalité et fiction : Vilgot Sjöman peut ainsi apparaître en train de préparer ou de monter son film ou encore les acteurs peuvent prolonger leur relation dans la vie réelle. La première partie, Version jaune, est la plus complète et la mieux équilibrée. Elle aborde plusieurs thèmes politiques, les inégalités de salaires, la non-violence, l’égalité des sexes, la libération sexuelle. En parallèle, nous voyons Lena vivre une aventure avec un homme (qui vote à droite) qui lui cache qu’il a déjà un enfant et qu’il vit en couple. La seconde partie, Version bleue, est plus axée sur la libération dans un sens large, notamment sexuelle, mais aussi sur le plan des religions et des prisons. Le film doit beaucoup à son actrice principale, Lena Nyman. Il faut la voir avec son micro arpenter les rues de Stockholm pour demander avec candeur aux passants : « La société suédoise est-elle une société de classes ? »… ou encore interroger à l’aéroport les voyageurs de retour d’Espagne pour leur demander si cela les avait dérangé de passer leurs vacances dans un pays dirigé par un dictateur… Je suis curieuseJamais agressive mais tout de même obstinée, elle parvient par son naturel et sa candeur à toujours obtenir des réponses ou, au moins, des tentatives de réponse. Sur le plan de la sexualité, le film a pu paraître impudique, abordant largement la question sans tabou, avec liberté et naturel. Vu un demi-siècle plus tard, Je suis curieuse reste un film très intéressant, non seulement (et de façon évidente) sur le plan historique et sociologique, mais aussi pour mesurer à quel niveau ces questionnements restent actuels ou pas, ouvrant ainsi la voie à une réflexion philosophique plus large.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lena Nyman, Vilgot Sjöman, Börje Ahlstedt, Peter Lindgren
Voir la fiche du film et la filmographie de Vilgot Sjöman sur le site IMDB.

Remarques :
* Le jaune et le bleu sont les deux couleurs du drapeau suédois.

* Assez étrangement, en France, le film ne fit que peu d’effet quand il est sorti, en janvier 1968 (pour la première partie) et en septembre 1968 (pour la seconde). Il n’en fut pas de même aux Etats-Unis où il rencontra un vif succès mais ce sont les scènes de nudité (totale ce qui était alors extrêmement rare en dehors des films pornographiques) qui alimentèrent le bouche à oreille : c’est un film que l’on allait voir ostensiblement pour montrer son ouverture d’esprit. En outre, Vilgot Sjöman ne fait à aucun moment montre d’anti-américanisme (mis à part, quelques mentions très rapides de la guerre au Vietnam).

* Olaf Palme apparaît dans le film, il est interviewé (par le réalisateur) sur l’inégalité des salaires et la non-violence. Il était alors ministre des transports. Martin Luther King et le poète russe Evgueni Evtouchenko sont vus dans des documents d’époque.

* La Suède de 1967 est dirigée par les sociaux-démocrates (socialistes modérés) depuis les années trente. Tage Erlander était alors chef du gouvernement depuis 1946. Olaf Palme lui succédera en 1969. Le gouvernement social-démocrate avait pris un certain nombre de mesures dans les années cinquante et soixante pour réduire les inégalités sociales et accroitre la protection sociale. Le pays était considéré comme l’un des plus avancés en ce domaine.

* Vilgot Sjöman a beaucoup travaillé au théâtre avec Bergman, ce qui laisse supposer qu’il a su parfaitement diriger Lena Nyman. En Suède, l’actrice a reçu le prix de la meilleure actrice aux Guldbagge Awards en 1968 pour cette interprétation.