17 août 2014

Le mouton à cinq pattes (1954) de Henri Verneuil

Le mouton à cinq pattesPour attirer les touristes, le maire d’une petite ville du midi décide de réunir les quintuplés Saint-Forget qui avait autrefois fait la gloire du village il y a quarante ans. C’est l’ancien docteur qui les a mis au monde qui est chargé de les retrouver… Le mouton à cinq pattes est un festival Fernandel puisque l’acteur n’y interprète pas moins de six rôles (le père et les cinq fils). Inutile de dire qu’il s’en donne à coeur-joie tout comme les scénaristes (parmi lesquels on remarque Raoul Ploquin et Henry Troyat, les dialogues étant écrits par René Barjavel) qui ont imaginé des situations très différentes pour les cinq frères. Le film prend la forme d’un film à sketches. Tout cela est amusant, bon enfant, un divertissement tous publics et très français avec une réalisation de qualité d’Henri Verneuil. Fernandel était alors au sommet de sa gloire et l’un des sketches joue d’ailleurs avec la popularité de Don Camillo.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fernandel, Édouard Delmont, Françoise Arnoul, Louis de Funès, Paulette Dubost, Andrex, Noël Roquevert
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Verneuil sur le site IMDB.

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Remarque :
On peut faire le parallèle avec Noblesse Oblige (1949) de l’anglais Robert Hamer dans lequel Alec Guinness interprétait huit rôles différents mais l’utilisation du principe est assez différente ici car Fernandel est instantanément reconnaissable. Ce n’était pas le cas d’Alec Guinness.

20 juillet 2014

Bof… Anatomie d’un livreur (1971) de Claude Faraldo

Bof... Anatomie d'un livreurUn jeune livreur de vins embauché de fraîche date ne ménage pas sa peine au travail. Son père, qui a travaillé pendant 30 ans dans une usine, décide un beau jour de ne plus aller pointer… Bof… Anatomie d’un livreur est le deuxième film de Claude Faraldo, juste avant Themroc, son film le plus connu. Il en a écrit le scénario. Le film est parfois qualifié « d’anarchisant » ce qui est un raccourci facile. Il témoigne plutôt d’un désir que l’on pouvait ressentir à cette époque de refuser d’intégrer les modèles sociaux préétablis et d’aspirer à l’amour libre, sans tabou, et à la vie en communauté. Le plus surprenant dans le film de Faraldo est que l’élément-moteur est, non pas le jeune fils, mais le père presque quinquagénaire, un ouvrier sage qui juge soudain sa vie trop morne et décide d’en changer radicalement. Avec le recul, on regarde tout cela avec bienveillance et nostalgie. Inévitablement, les idées paraissent aujourd’hui empreintes d’une certaine naïveté, parfois maladroite. On remarquera aussi que le fond reste passablement machiste. Très photogénique, le jeune Julian Negulesco (aucun lien avec Jean Negulesco) a une très belle présence. Bof… Anatomie d’un livreur est un film qui témoigne joliment des aspirations de son époque.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Julian Negulesco, Paul Crauchet, Marie-Hélène Breillat
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Remarques :
* Julian Negulesco n’a aucun lien avec le réalisateur (américain d’origine roumaine) Jean Negulesco.
* Marie-Hélène Breillat (la jeune femme qui rejoint le groupe) est la soeur de Catherine Breillat.
* L’explication de la présence du terme « Bof » dans titre n’est pas vraiment apparente. Ne pas confondre avec le terme « Bof génération » qui est un concept un peu fourre-tout apparu à la fin des années soixante dix pour désigner une génération désabusée et apolitique.

17 juillet 2014

The Place Beyond the Pines (2012) de Derek Cianfrance

The Place Beyond the PinesLuke est cascadeur à moto dans les fêtes foraines. De passage à Schenectady, il voit revenir vers lui Romina avec qui il a eu une aventure. Il découvre qu’elle vient d’avoir un fils et qu’il en est le père. Il décide de quitter son spectacle pour subvenir aux besoins de son fils et se fait engager comme mécanicien par un ancien braqueur de banques… L’histoire de The Place Beyond the Pines est en trois actes et s’étale sur deux générations. Elle mêle beaucoup de genres différents : c’est un récit romanesque, c’est un polar, c’est une tragédie, c’est un film social, c’est une histoire de vengeance. Derek Cianfrance semble avoir voulu mettre trop de choses et le résultat donne un peu l’impression d’un fourre-tout qui manque de cohérence et de profondeur. La forme, en revanche, est plus enthousiasmante avec une belle maitrise de la caméra et une réalisation moderne assez plaisante.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ryan Gosling, Bradley Cooper, Eva Mendes, Ray Liotta, Dane DeHaan
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Remarque :
Le titre n’a aucun lien direct avec l’histoire. C’est la signification en iroquois du nom de la ville où se déroule l’action et où le film a été tourné : Schenectady (état de New York).

14 avril 2014

La fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray

Titre original : « Rebel Without a Cause »

La fureur de vivreLe jeune Jim Stark est arrêté pour ivresse au beau milieu de la nuit. Au policier psychologue pour adolescents qui l’interroge, il se désole du manque d’autorité de son père… Des trois grands films de James Dean, La fureur de vivre est le plus emblématique, celui qui a, plus que les autres, créé le mythe attaché à l’acteur. En ce milieu des florissantes années cinquante, toute une jeunesse en butte à des parents incapables de les comprendre s’est identifiée à ce personnage de « rebelle sans cause ». On peut même dire que cette identification a continué de fonctionner sur plusieurs générations, de façon plus ou moins diffuse. Ce qui étonnant, c’est qu’en réalité Jim Stark ne rejette pas vraiment l’image du père, il la cherche plutôt : il reproche au sien le manque d’autorité, son incapacité à lui dire comment il se doit se comporter pour être « un homme ». La petite bande de durs qui attire ces jeunes en manque de repères a, quant à elle, franchi nettement la ligne de la délinquance. Le propos semble donc plus s’adresser aux parents qu’aux enfants, leur intimant d’être présents et de se comporter comme des parents. Si le film est devenu emblématique d’une génération mal comprise, ce n’est donc pas tant par le fond du propos mais par l’angle de vue adopté par Nicholas Ray : de façon très inhabituelle pour l’époque, il adopte en effet le point de vue des jeunes et les parents sont sur le banc des accusés. Le lyrisme de Nicolas Ray donne une indéniable force au film, même si la théâtralité peut paraître excessive. Le clou est bien entendu la scène ultra célèbre de la course de voitures sur la falaise, face au vide. La photographie est assez belle avec une utilisation de la lumière qui évoque par moments l’expressionnisme et une belle utilisation de la couleur (superbe idée du blouson rouge). Le jeu des trois acteurs principaux est très juste : contrairement à ses autres films, le jeu de James Dean ne paraît excessif à aucun moment. La fureur de vivre continue de bénéficier d’une très forte aura. Ce n’est pas le meilleur film de Nicholas Ray mais c’est en tous cas (et de loin, hélas pour ses autres films) son plus grand succès populaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Dean, Natalie Wood, Sal Mineo
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Remarques :
* Dennis Hopper, âgé alors de 19 ans à peine, tient le rôle de Goon (à noter que William Hopper, qui tient le rôle du père de Natalie Wood, n’a aucun lien de parenté avec lui).
* Sal Mineo, qui interprète Platon, est âgé de 16 ans au moment du tournage, Natalie Wood 17ans alors que James Dean a déjà 24 ans. Le film est sorti un mois après sa mort.
* La scène d’ouverture, pendant le générique, (James Dean au sol jouant avec le petit singe mécanique) n’était pas écrite. Elle a été improvisée par James Dean.
* Le scénario prévoyait une première scène où l’on voyait un père de famille se faire agresser par une bande de mauvais garçons. Pendant l’agression, il laissait tomber ses paquets de Noël dont un petit singe mécanique. Jugée trop violente par les studios, la scène fut coupée.
* Dans le plan final, l’homme qui marche vers l’entrée du planétarium est Nicholas Ray.

10 mars 2014

À l’est d’Eden (1955) de Elia Kazan

Titre original : « East of Eden »

À l'est d'EdenDans la Californie de 1917, à la veille de l’entrée en guerre des Etats Unis, un fermier rigoriste vit avec ses deux fils. Cal ne se sent pas aimé comme peut l’être son frère, il pense qu’il incarne le mal. Il a récemment découvert que sa mère n’est pas morte, comme son père a toujours affirmé, et qu’elle vit dans une ville voisine… Cette adaptation du roman de John Steinbeck À l’est d’Eden ne porte que sur une petite partie du livre. Elia Kazan ne fait pas particulièrement preuve de légèreté en en faisant une variation biblique de l’histoire de Caïn et Abel, aux effets mélodramatiques appuyés. Avec le recul, cette lourdeur semble apparaître d’autant plus. Le film doit en partie sa réputation au fait d’être le premier des trois grands films de James Dean, alors un jeune acteur peu connu de théâtre et de télévision. Très marqué Actors Studio, son jeu est assez puissant (d’autant plus puissant que le personnage de Cal avait quelque écho avec sa propre vie) À l'est d'Eden mais a le défaut d’être en décalage total avec les autres acteurs. Elia Kazan ne parvient pas à atteindre la fusion, à tel point que l’on a parfois l’impression qu’il y a deux films : celui où joue James Dean et celui où jouent les autres acteurs. Quoiqu’il en soit, À l’est d’Eden marquera les esprits pour ce portrait de James Dean en adolescent tourmenté et en rupture, désespérément en quête d’amour et dont les aspirations se heurtent au puritanisme du père.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Julie Harris, James Dean, Raymond Massey, Burl Ives, Richard Davalos, Jo Van Fleet
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Remarque :
* À l’est d’Eden est le seul des 3 films de James Dean à être sorti avant sa mort (l’accident qui lui coûta la vie eut lieu le 30 septembre 1955).

18 février 2014

J’enrage de son absence (2012) de Sandrine Bonnaire

J'enrage de son absenceAprès huit ans l’accident qui a coûté la vie de leur fils, Jacques vient revoir Mado. Contrairement à lui, Mado s’est remis de cette tragédie, elle s’est remariée et a eu un fils… J’enrage de son absence est le deuxième film réalisé par Sandrine Bonnaire, le premier film de fiction (le premier, Elle s’appelle Sabine (2007), était un film documentaire sur sa soeur autiste). Elle a écrit elle-même cette histoire de deuil si difficile à surmonter dont elle sait dépasser les côtés dramatiques pour se concentrer sur le portrait de cet homme profondément ébranlé par un double deuil, le plus récent faisant ressurgir la douleur profonde du plus ancien. William Hurt interprète son rôle en français (il y parvient fort bien), accentuant ainsi sa vulnérabilité. On peut également saluer l’interprétation d’Alexandra Lamy et du jeune garçon, Jalil Mehenni. Le tact et la délicatesse de Sandrine Bonnaire dans l’écriture et la mise en scène apparaissent de façon évidente, elle se situe assez logiquement dans la lignée des grands cinéastes pour lesquels elle a tourné même si elle n’en a pas, pour l’instant, la puissance. Le seul point que l’on puisse regretter ici est la froideur générale du film qui nous en maintient quelque peu éloigné.
Elle: 4 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: William Hurt, Alexandra Lamy, Augustin Legrand, Jalil Mehenni
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19 janvier 2014

Le Gamin au vélo (2011) de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Le gamin au véloCyril est un jeune garçon de 12 ans qui n’a qu’une idée en tête : retrouver son père qui l’a placé dans un foyer. Il rencontre Samantha qui tient un salon de coiffure et accepte de le prendre avec elle, le week-end… Trois ans après Le Silence de Lorna, les frères Dardenne poursuivent dans la voie d’un cinéma moins marqué par une forme brute et percutante tout en restant puissant. L’histoire est assez forte à l’image de l’obstination de ce garçon qui refuse de croire les explications qu’on lui a données, qui refuse même les faits. Le déroulement ne laisse aucun temps mort, avalant parfois quelques ellipses habiles. La force de l’ensemble vient aussi de l’interprétation, y compris et surtout dans les moments avec pas ou peu de paroles. La musique vient souligner quelques scènes, ce qui assez habituel chez les frères Dardenne. Le gamin au vélo est indéniablement émouvant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Thomas Doret, Cécile De France, Jérémie Renier
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5 novembre 2013

Paris, Texas (1984) de Wim Wenders

Paris, TexasSous le soleil brûlant du désert à la frontière mexicaine, un homme marche avec détermination sous le regard des vautours. Il parvient enfin à une station service isolée où il s’écroule d’épuisement. Soigné, l’homme refuse de parler. Grâce à une carte de visite trouvée sur lui, on appelle son frère… Paris, Texas est un très beau film, l’un des plus beaux qui soient. Il s’en dégage une sensation de plénitude et on peut s’interroger sur son origine : est-ce la superbe photographie ? Le caractère contemplatif de l’image ? La justesse des situations et des dialogues ? La force et le naturel du jeu des acteurs ? L’inoubliable musique de Ry Cooder ? La modernité empreinte de classicisme du cinéma de Wenders ? C’est certainement tout cela à la fois. Le scénario a été écrit par Sam Shepard en collaboration étroite avec Wim Wenders. L’histoire est forte tout en restant simple, celle d’un homme à la recherche d’une vie qu’il a volontairement quittée. Le jeu d’Harry Dean Stanton est particulièrement intense, l’acteur s’étant en partie identifié avec son personnage. Quelque trente ans après sa sortie, Paris, Texas garde toute sa séduction. Comme pour tous les grands films, le temps semble ne pas avoir de prise sur lui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell, Aurore Clément, Hunter Carson
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Remarques :
* Wim Wenders raconte que, lorsque Sam Shepard a du s’absenter pour le tournage du film Country de Richard Pearce, c’est avec Kit Carson (le père du jeune acteur Hunter Carson) qu’il a fait les derniers ajustements de scénario.
* Pour la musique, c’est Wim Wenders qui a eu l’idée de la guitare seule jouée au bottleneck. Ry Cooder l’a composée et jouée face à l’image, « comme un musicien dans le cinéma muet » précise Wenders.
* Lorsque Harry Dean Stanton feuillette l’album photo, ce sont les photos de ses propres parents qui sont dans l’album.
* Paris, Texas est un film allemand mais la version originale en anglais.
* Paris, Texas achève la « période américaine » de Wim Wenders, une série de films où le cinéaste montre une certaine fascination (ou du moins une attraction) pour les Etats-Unis.
* Palme d’Or à Cannes en 1984.

Paris, TexasNastassja Kinski et Harry Dean Stanton dans Paris, Texas de Wim Wenders.

4 août 2013

Conte des chrysanthèmes tardifs (1939) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Zangiku monogatari »

Les contes des chrysanthèmes tardifsA la fin du XIXe siècle, le jeune Kikunosuke fait partie d’une famille illustre d’acteurs du théâtre kabuki. Son jeu est jugé très mauvais par tous. Personne n’ose le lui dire, même son père, le grand Kikugorô Onoe. Seule Otoku, la jeune nounou de la famille, ose lui parler pour lui ouvrir les yeux. Il se développe alors entre eux une amitié qui se transforme rapidement en amour… Sous prétexte de mettre en scène les débuts du renommé Kikunosuke Onoe VI (1), Kenji Mizoguchi centre son film sur le destin de cette jeune femme Otoku qui se sacrifie pour que puisse se développer l’art de l’acteur (2). Conte des chrysanthèmes tardifs est ainsi un drame très émouvant, puissant par les émotions qu’il provoque chez le spectateur. Cette force ne vient pas seulement de l’histoire mais aussi de la forme que Mizoguchi développe avec maestria de film en film : les plans-séquences, la position de la caméra souvent assez haute, le cadrage, l’utilisation de plans moyens qui permet des mouvements circulaires de caméra, … c’est un film que l’on peut aussi ne regarder que pour analyser la forme, très inventive et déjà très aboutie, toujours au service de l’histoire dont elle décuple la force.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Shôtarô Hanayagi, Kakuko Mori, Kôkichi Takada, Yôko Umemura
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Remarque :
La scène la plus célèbre de Conte des chrysanthèmes tardifs : Mizoguchi met en scène le premier grand dialogue entre Otoku et Kikunosuke par un long plan-séquence, un lent traveling latéral en contre-plongée (comme si nous observions les personnages depuis une barque sur le fleuve alors qu’ils marchent sur un ponton de bois sur la rive par exemple) où nous suivons les personnages en train de marcher l’un derrière l’autre tout en se parlant. Lorsqu’ils s’arrêtent, la caméra s’arrête… avant de reprendre son mouvement lorsqu’ils reprennent leur marche. L’éclairage nocturne est superbe, détachant les visages des silhouettes. C’est sans aucun doute l’un des plus beaux plans de l’histoire du cinéma.

(1) Kikunosuke Onoe VI est ce grand acteur de kabuki que l’on peut voir dans le court métrage La Danse du lion de Yasujirô Ozu (1936).

(2) On notera aussi qu’un second personnage féminin est implicitement Kikunosuke lui-même : écrasé par la personnalité de son père, il ne parviendra à s’en libérer dans son jeu d’acteur qu’en se spécialisant dans l’interprétation de rôles féminins.

29 mars 2013

Shinjuku Mad (1970) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Shinjuku maddo »

Fou de ShinjukuSuite à l’assassinat de son fils dans le quartier de Shinjuku à Tokyo, un homme va rechercher ses meurtriers, autant pour comprendre pourquoi il est mort que pour se venger. On lui dit qu’il aurait été tué par un certain Shinjuku Mad…
Koji Wakamatsu, cinéaste underground des années soixante et soixante-dix, met ici en relief l’opposition entre deux générations. Il le fait sans se priver d’une certaine exagération : les points de références du père sont vraiment très anciennes (la Révolution Meiji, la milice d’Edo) et la jeune génération est totalement amorphe et hallucinée, entre drogue et amour libre. Mais cette exagération permet de mieux montrer la grandeur du fossé qui les sépare et l’incompréhension qui en découle. La jeune bande de Shinjuku Mad aspire fortement (et même violemment) à quelque chose de différent, sans vraiment savoir quoi, sorte de révolutionnaires convulsifs sans idéal. Il est assez surprenant, connaissant les sympathies de Wakamatsu et de son scénariste (1), de voir que c’est le père, travailleur patient, qui est le plus respecté dans cette histoire. Comme souvent, le cinéaste place une séquence en couleurs, passablement sanguinolente, au début du film et l’on peut craindre alors que le registre soit un peu trop gore mais ce n’est pas le cas par la suite. Excellente bande sonore.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toshiyuki Tanigawa
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(1) Le scénario est signé Masao Adachi qui s’engagera dans un groupe armé de l’extrême gauche japonaise peu après.