12 juillet 2012

Dans ses yeux (2009) de Juan José Campanella

Titre original : « El secreto de sus ojos »

Dans ses yeuxEn 1974, à Buenos Aires, Benjamin Esposito enquête pour le parquet dans une affaire de viol suivi de meurtre d’une jeune femme. Vingt cinq ans plus tard, alors qu’il vient de prendre sa retraite, il décide d’écrire un roman sur cette affaire qui l’a marqué durablement… En adaptant un roman d’Eduardo Sacheri, l’argentin Juan José Campanella a réalisé un film policier d’un très beau classicisme. L’histoire de Dans ses yeux est rapidement prenante avec des personnages très proches de nous. Le film est une subtile combinaison, à la fois intimiste et spectaculaire, faisant même preuve parfois de grande virtuosité comme dans cet époustouflant plan-séquence du stade (1). Mais si le film fait montre de beaucoup de perfection, c’est probablement dans le déroulement du récit qu’elle est la plus manifeste, avec des ruptures qui relancent constamment notre intérêt et maintiennent une certaine tension. Dans ses yeux impressionne vraiment par sa réalisation et par son irréprochable dosage.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ricardo Darín, Soledad Villamil, Guillermo Francella, Pablo Rago, Javier Godino
Voir la fiche du film et la filmographie de Juan José Campanella sur le site IMDB.

(1) Le plan démarre par un vue aérienne en approche à 500 m d’un stade que l’on va survoler en rase-mottes alors que le match est en cours. La caméra continue au dessus des tribunes pour « atterrir » juste à côté du personnage principal. C’est époustouflant car aucune coupure n’est détectable. Et ce n’est pas fini car la scène continue par une course poursuite dans les couloirs, toujours sans changement de plan. En tout, ce plan, dont la réalisation est vraiment parfaite, dure 5 minutes ½.
Détails de réalisation sur le site CG Society (en anglais)…

15 mai 2012

Avant l’aube (2011) de Raphaël Jacoulot

Avant l'aubeLe jeune Frédéric est en stage de réinsertion dans un luxueux hôtel isolé dans les montagnes pyrénéennes enneigées. Sans le vouloir, il comprend que le patron de l’hôtel cache le fait que son fils a percuté mortellement l’un des clients… Avant l’aube est le deuxième long métrage de Raphaël Jacoulot. Cet étrange rapprochement entre une famille bien bourgeoise et un jeune au passé trouble n’est pas sans rappeler Chabrol. Il est original pour au moins deux raisons : d’abord une belle utilisation des splendides décors enneigés des Hautes-Pyrénées, cette neige qui elle aussi cache et se fait complice, et ensuite, la relation étroite qui se noue entre le patron de l’hôtel (Jean-Pierre Bacri) et son employé (Vincent Rottiers). La complicité muette évolue en une relation de plus complexe, avec d’un côté un père déçu par son fils et de l’autre un enfant qui n’a jamais eu de père. Le rythme, très lent dans la première moitié, s’accélère peu à peu. Avant l’aube n’est pas un film parfait, il y a beaucoup d’imprécisions, mais il est porté par une atmosphère et même une délicatesse qui le rend assez attirant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Bacri, Vincent Rottiers, Ludmila Mikaël, Sylvie Testud
Voir la fiche du film et la filmographie de Raphaël Jacoulot sur le site IMDB.

Remarque :
Les dialogues sont hélas assez souvent à la limite de l’intelligible.

21 mars 2012

En marge de l’enquête (1947) de John Cromwell

Titre original : « Dead Reckoning »

En marge de l'enquêteDe retour de la guerre, deux militaires officiers et frères de combat sont en route pour Washington pour y être décorés de la plus haute distinction. C’est alors que l’un des deux s’enfuit et disparaît sans laisser de traces. Intrigué, son ami tente de le retrouver et découvre une bien sombre affaire… En marge de l’enquête est une tentative de Columbia de reproduire les succès d’Humphrey Bogart à la Warner (1), tel Le Grand Sommeil. Le scénario n’est pas signé Raymond Chandler mais il pourrait l’être tant il est dans le même esprit et la jeune Lizabeth Scott calque son jeu sur celui de Lauren Bacall et reprend même sa voix un peu rauque. Le film est d’un grand classicisme dans le sens où y figurent tous les composants typiques du film noir : femme fatale, histoire embrouillée qui réserve bien des surprises, des sbires cogneurs, du chantage, des meurtres, … En marge de l’enquête n’en est pas moins très bien fait avec un Bogart toujours aussi parfait. Alors il ne faut surtout pas bouder son plaisir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Lizabeth Scott, Morris Carnovsky, Charles Cane, William Prince
Voir la fiche du film et la filmographie de John Cromwell sur le site IMDB.

(1) Humphrey Bogart avait été prêté à Columbia par la Warner pour un film.

Remarques :
* Le plan le plus remarqué du film a été le plan final, cette très belle symbolisation de la mort avec le parachute. C’est très probablement la première représentation de la mort à la première personne.

Harry Truman et Lauren Bacall * En dehors de la voix de Lizabeth Scott, il y a une autre allusion à Lauren Bacall dans Dead Reckoning : dans le train, quand les deux amis réalisent qu’ils vont être décorés par le Président, l’un d’eux dit à l’autre « Peut-être qu’il te laissera t’asseoir sur son piano ». C’est une allusion à une photo qui avait fait grand scandale en 1945 où l’on voyait Harry Truman (alors vice-président) assis devant un piano au sommet duquel est assise Lauren Bacall. La photo a été prise au National Press Club lors d’un cocktail où Charles Enfield, du service de la publicité de Warner Bros, avait poussé l’actrice à s’asseoir sur le piano.

5 mars 2012

Holiday (2010) de Guillaume Nicloux

HolidayUn couple de parisiens accompagnés d’une belle-mère arrive dans un hôtel de province pour le week-end. Celui-ci va se révéler être un peu moins paisible que prévu… Holiday est une comédie policière, variation ou parodie des films à énigmes de type Agatha Christie : un meurtre commis dans un lieu fermé. L’ensemble est complètement loufoque (c’est le bon côté du film) mais un peu lourdement appuyé sur le sexe, tombant dans la facilité et le manque de finesse (c’est le mauvais côté du film). Le scénario a la fâcheuse tendance à mettre bout à bout des situations sans vraiment lier l’ensemble, cherchant plus à faire des effets. Il y a cependant quelques bonnes trouvailles. Holiday fait passer un bon moment mais finalement on a un peu trop l’impression d’un film qui tombe dans la facilité.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Darroussin, Judith Godrèche, Josiane Balasko, Marc Rioufol
Voir la fiche du film et la filmographie de Guillaume Nicloux sur le site IMDB.

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8 février 2012

Electra Glide in Blue (1973) de James William Guercio

Titre français parfois utilisé : « Dérapage contrôlé »

Electra Glide in BlueMotard de la police routière de l’Arizona, John Wintergreen rêve de devenir détective. Quand un vieil homme se suicide dans une cabane isolée, il voit là l’occasion de se distinguer et déclare contre tous qu’il s’agit d’un meurtre. Un inspecteur de la Criminelle lui donne raison et le prend comme acolyte… Electra Glide in Blue est un film qui fut mal reçu à sa sortie, notamment à Cannes où il a été présenté. Il faut dire que le propos de James William Guercio, plus connu comme musicien et producteur (1), est un peu difficile à cerner : il renvoie dos à dos la communauté hippie, qu’il montre soit comme vivant dans la fange soit tirant de bons profits du trafic de drogue, et les policiers qu’il montre comme corrompus ou incapables. Ce type de propos désenchanté plaît beaucoup plus aujourd’hui et Electra Glide in Blue est aujourd’hui souvent considéré comme un film important montrant le déclin d’une certaine Amérique. Le fait qu’il ait été très peu exploité en France contribue à lui donner de l’attrait et un début de statut de film-culte… L’ensemble est toutefois confus et quelque peu décousu. Le fait qu’il s’amuse à retourner certaines situations de Easy Rider n’arrange pas les choses. En grand admirateur de John Ford, James William Guercio donne une atmosphère de western moderne à son film et tourne à Monument Valley. Il a parfaitement su contrecarrer son manque d’expérience en s’entourant de grands professionnels ce qui permet à la photographie d’être assez belle.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Blake, Billy Green Bush, Mitch Ryan, Jeannine Riley, Elisha Cook Jr.
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Remarques :
(1) James William Guercio fut guitariste, notamment avec Frank Zappa, puis producteur de Blood Sweat & Tears et du groupe Chicago. On retrouve d’ailleurs plusieurs membres de Chicago : Peter Cetera (Bob Zemko), Lee Loughnane (le hippie avec les cochons), Walter Parazaider (Loose Lips), Terry Kath (le tueur). A noter aussi, au sein de la communauté hippie, un figurant du nom de Nick Nolte.

10 janvier 2012

Quai des Orfèvres (1947) de Henri-Georges Clouzot

Quai des OrfèvresIssue de milieux modestes, la chanteuse Jenny Lamour est bien décidée à faire une belle carrière dans le music-hall. Elle accepte un rendez-vous avec un producteur libidineux qui lui fait miroiter un contrat. Elle déclenche ainsi la colère de son mari jaloux, Maurice, qui profère des menaces de mort à l’endroit du producteur… Quai des Orfèvres est le premier film tourné par Clouzot après la Libération (1). Il revient au genre policier et adapte à nouveau un roman de Stanislas-André Steeman (2). Mais ici, ce n’est pas tant l’intrigue policière qui est le point fort du film, c’est la peinture des personnages dans leur environnement sentimental et social. Les quatre personnages principaux, très différents, sont des personnages complexes, à plusieurs facettes, dont le comportement est régi des forces parfois contradictoires. Grand perfectionniste, Clouzot les replace dans leur élément naturel qu’il décrit avec force détails. La photographie est superbe, Simone Renant et l’éclatante Suzy Delair en sont les premières bénéficiaires. Louis Jouvet est très juste dans son jeu. Quai des Orfèvres dépasse le simple cadre du film policier. C’est un film très humaniste.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Louis Jouvet, Simone Renant, Bernard Blier, Suzy Delair, Pierre Larquey, Charles Dullin
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28 novembre 2011

Les liaisons coupables (1962) de George Cukor

Titre original : « The Chapman Report »

Les liaisons coupablesLe Dr Chapman et son équipe se rendent à Los Angeles pour réaliser une enquête sur vie sexuelle des femmes américaines… Les liaisons coupables est basé sur un best-seller d’Irving Wallace (1). George Cukor dresse le portrait de quatre femmes qui sont insatisfaites de leur mariage ou de leur vie sexuelle. Ces quatre personnages féminins sont volontairement très typés. Le film provoqua la colère de la Ligue pour la Vertu qui parvint à faire opérer de nombreuses coupes et à faire ajouter une fin, plus morale (2). Cukor est bien servi par quatre actrices de talent, dont la jeune Jane Fonda et l’anglaise Claire Bloom qui fait une belle interprétation de nymphomane névrosée. Les liaisons coupables Les acteurs masculins sont en revanche plus ternes. La photographie est superbe, un très beau Technicolor. Les liaisons coupables est généralement mal considéré. C’est assez injuste car, malgré ses coupes, il ne manque pas de charme, ni d’intérêt. Cukor a su éviter toute vulgarité et a même donné une certaine élégance par sa mise en scène.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Shelley Winters, Jane Fonda, Claire Bloom, Glynis Johns, Efrem Zimbalist Jr., Harold J. Stone
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(1) Le roman d’Irving Wallace était basé sur les Kinsey Reports, une vaste enquête dont les résultats furent publiés dans deux livres parus en 1948 et 1953 qui firent scandale.
(2) La dernière scène, où le Dr Chapman et son assistant citent le chiffre de 85% de mariages heureux comme résultat de l’enquête, a été ajoutée sous la pression de la Legion of Decency (Ligue pour la Vertu) afin de montrer que les « déviances » montrées dans le film étaient loin d’être la norme.