28 septembre 2012

Quand passent les cigognes (1957) de Mikhail Kalatozov

Titre original : « Letyat zhuravli »

Quand passent les cigognesA Moscou, en 1941, Veronika et Boris sont amoureux. La guerre éclate et Boris décide de s’engager volontairement au grand désespoir de sa famille et de Veronika… Quand passent les cigognes a été tourné quatre ans après la mort de Staline et marque un tournant dans le cinéma soviétique. Plus que tout autre, ce grand film romantique symbolise la libération du carcan des films de propagande et le retour à une grande créativité qui rappelle celle des années vingt. Quand passent les cigognes a effectivement en commun avec les grands films muets cette beauté formelle qui se manifeste tant dans la lumière que dans le mouvement. Les éclairages sont travaillés avec des gros plans de toute beauté, la caméra est étonnamment mobile, capable de filer, de virevolter, de suivre les personnages dans une enivrante frénésie. Les scènes remarquables sont nombreuses(1). Kalatanov maitrise parfaitement sa créativité foisonnante, tout est parfait, rien n’est gratuit. Quand passent les cigognes Son plus grand talent est de savoir mettre la virtuosité technique au service de l’histoire qui se retrouve transcendée, puissamment élevée par un lyrisme qui nous traverse et nous bouleverse. Tatiana Samoïlova est remarquable, d’abord par sa très grande beauté juvénile, mais surtout par son interprétation très complète, exprimant à la fois de la force et de la fragilité, constamment touchante. La scène finale, ahurissante par son ampleur et sa virtuosité, est émouvante, poignante, d’un lyrisme rarement égalé. Palme d’Or à Cannes, Quand passent les cigognes connut fort justement un très succès, aussi bien dans son pays qu’à l’international.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tatyana Samojlova, Aleksey Batalov, Vasili Merkuryev, Aleksandr Shvorin
Voir la fiche du film et la filmographie de Mikhail Kalatozov sur le site IMDB.

(1) « Les principaux moments de bravoure : l’adieu matinal dans l’escalier, le départ pour la guerre, le viol pendant le bombardement, la découverte de la maison détruite, la fuite après le discours de l’hôpital, la scène finale sur le quai de la gare passent le stade de la simple bravoure pour déboucher sur une beauté fort authentique. Il y a aussi un certain nombre de scènes d’intimité d’un naturel et d’une vivacité étincelants. » (J. Doniol-Valcroze)

27 septembre 2012

La flûte enchantée (2006) de Kenneth Branagh

Titre original : « The Magic Flute »

La flûte enchantéeTransposer La flûte enchantée, le célèbre opéra de Mozart, dans un univers de guerre de tranchées qui évoque la guerre de 14-18 est pour le moins surprenant. C’est d’ailleurs un peu perturbant au début mais on se laisse gagner rapidement par le spectacle que nous offre Kenneth Branagh. Il fait un usage très abondant d’images de synthèse, de vastes mouvements de camera, de plans vertigineux mais le résultat nous enveloppe et l’ensemble se révèle prenant. Si tout n’est pas toujours réussi, son film a de beaux moments de fulgurance et fourmille d’inventions visuelles. La flûte enchantée En insistant sur le côté noir et tragique de la guerre, il accentue le contraste avec l’idéalisme du récit. Le livret a été adapté et traduit en anglais, ce qui le rend plus accessible, et quelques (courts) dialogues ont été ajoutés. Belle interprétation. René Pape a une belle présence à l’écran et fait un Sarastro très charismatique avec un jeu pourtant peu expansif. La flûte enchantée de Kenneth Branagh a été éreinté assez durement par la critique française. Il méritait mieux que cela car l’approche très originale de Branagh était un pari audacieux et le résultat est un beau et foisonnant spectacle.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joseph Kaiser, Amy Carson, René Pape
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Autre version :
La flûte enchantée (Trollflöjten) d’Ingmar Bergman (1975)

26 septembre 2012

Mon oncle d’Amérique (1980) de Alain Resnais

Mon oncle d'AmériqueMon oncle d’Amérique est basé sur les recherches d’Henri Laborit sur le comportement humain qu’il voit influencé par quatre éléments : la subsistance, la récompense, la punition (qui peut engendrer la lutte ou la fuite) et l’inhibition. Alain Resnais illustre son propos avec le parcours professionnel et sentimental de trois personnages, deux hommes et une femme. La construction est élégante : récits et exposé des théories sont subtilement entremêlés, avec une belle utilisation de la voix-off ; Alain Resnais sait en outre trouver la juste distanciation pour attiser notre intérêt. Plus que le récit en lui-même, c’est ici la démarche intellectuelle qui importe mais le film reste très facilement abordable. Seul un grand réalisateur comme Alain Resnais pouvait réussir à éviter tous les travers et trouver l’équilibre parfait. Bien entendu, un tel film pourra être apprécié diversement, trop didactique pour les uns, critiquable du fait des théories exposées pour les autres (le film fut assez mal reçu par les milieux scientifiques). Mais il n’est nul besoin d’adhérer pleinement aux théories de Laborit pour apprécier le film, Mon oncle d’Amérique est enthousiasmant à la fois par sa forme et aussi en tant que film qui stimule la réflexion.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Nicole Garcia, Roger Pierre, Nelly Borgeaud, Pierre Arditi
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Remarque :
Les deux petites îles bretonnes du film Mon oncle d’Amérique sont les îles Logoden, dans le Golfe du Morbihan. L’une des deux est effectivement privée. Détail amusant : le nom Logoden est dérivé du breton Logod qui signifie « les souris ».

Mon oncle d'Amérique

25 septembre 2012

L’étrangleur de Rillington Place (1971) de Richard Fleischer

Titre original : « 10 Rillington Place »

L'étrangleur de Rillington PlaceA Londres, en 1949, John Christie habite avec sa femme au rez-de-chaussée du 10 Rillington Place. Un jeune couple, Beryl et Tim Evans, emménage au 2e étage… Une fois de plus, Richard Fleisher se livre à une reconstitution fidèle : c’est ici l’affaire Christie/Evans qui secoua l’Angleterre de l’après-guerre, une affaire qui  a contribué à l’abolition de la peine de mort dans ce pays(1). Fleisher est allé tourner sur place, peu avant la démolition du quartier, pour mieux nous faire cerner la personnalité des deux principaux personnages. Car c’est bien à la psychologie des personnages que s’intéresse Richard Fleisher. Le plus terrifiant dans cette affaire est que cet étrangleur n’agit pas de façon particulièrement intelligente, il dissimule bien mal ses crimes et pourtant il a réussi à tromper la justice, même s’il serait plus exact de dire qu’elle s’est bernée elle-même. Cette affaire soulève de nombreuses questions dont, bien entendu, celui de la peine capitale. Belles prestations d’acteurs, notamment de Richard Attenborough et de John Hurt.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood
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Remarques :
>> Un site pour en savoir plus sur l’affaire : www.10-rillington-place.co.uk (en anglais).
Ce site expose bien les différentes versions, ce qui est vérifié et ce qui ne l’est pas. Il est aussi riche en photographies d’époques. On remarquera d’ailleurs avec quel soin Richard Fleisher a reconstitué certains environnements.

>> L’étrangleur de Rillington Place est basé sur le livre de Ludovic Kennedy (paru en 1961)  dont certains points ne sont pas absolument certains. Par exemple, on ne sait toujours pas avec certitude absolue qui a tué la fillette même si la version développée ici semble la plus plausible.

(1) En Grande-Bretagne, la peine de mort a été suspendue en 1965 puis définitivement abolie. C’est en effet dans ces années-là que l’affaire fut re-éxaminée : Timothy Evans fut gracié à titre posthume en 1966 soit 16 ans après son exécution.

23 septembre 2012

La messe est finie (1985) de Nanni Moretti

Titre original : « La messa è finita »

La messe est finieAprès plusieurs années sur une île isolée(1), le jeune prêtre Don Guilo est nommé dans la banlieue de Rome. Il retrouve sa famille et ses amis qui ont bien changé et font des choix de vie qui ne lui paraissent pas bons… La messe est finie s’inscrit dans la lignée du film précédent de Nanni Moretti Bianca qui était déjà une réflexion sur la recherche du bonheur. Ici, Don Guilo doit écouter sa famille, ses amis, ses paroissiens mais il a bien du mal à avoir une influence sur eux, condamné à les regarder s’écarter de la voie du bonheur. Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, La messe est finie n’est en rien un film anticlérical, Moretti nous montre cet homme plutôt comme un idéaliste, qui devient intransigeant du fait de son impuissance à accomplir sa mission : sauver les hommes. Dans sa forme, le film peut surprendre par l’enchainement des scènes qui semblent parfois tronquées de leur dénouement mais, en réalité, ce dénouement est assez secondaire. Moretti a placé une bonne dose d’humour tout au long du film, ce qui lui évite toute pesanteur. La messe est finie n’est toutefois pas sans défaut, on ressent une certaine répétition parfois, mais ce film porte en lui une réflexion intéressante.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nanni Moretti, Margarita Lozano, Roberto Vezzosi
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(1) On reconnaît, me semble t-il, l’île de Ponza, une petite (et très belle) île située au large, à environ mi-chemin entre Rome et Naples.

22 septembre 2012

Le troisième homme (1949) de Carol Reed

Titre original : « The third man »

Le troisième hommePeu après la fin de la guerre, l’écrivain de romans populaires Holly Martins arrive à Vienne sans un sou en poche pour retrouver son ami Harry Lime qui lui a promis un emploi. Il apprend que son ami vient juste d’être tué dans un accident. Les circonstances de sa mort lui paraissent bien obscures… Adaptation d’un roman de Graham Greene, Le troisième homme a connu un grand succès populaire et cinéphilique : c’est l’un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma et certainement le film anglais le plus connu. Ce succès, il le doit à son atmosphère si particulière, pleine de mystère avec ses scènes nocturnes et ses coins sombres, beaucoup de scènes ayant été tournées sur place dans la Vienne à demi-dévastée. Il le doit aussi et surtout à la musique jouée la cithare d’Anton Karas qui eut un succès immense à l’époque, devenant ainsi un grand atout publicitaire pour le film ; elle reste aujourd’hui l’une des musiques de film les plus connues. Auprès des cinéphiles, l’aura du Troisième homme fut encore plus forte à la suite de rumeurs liées à la présence d’Orson Welles : l’acteur/réalisateur aurait, disait-on, fortement influencé le tournage et même modelé le scénario, le style général du film et la présence de Joseph Cotten appuyant ces croyances. En réalité, l’action d’Orson Welles est limitée à quelques répliques, dont sa fameuse sur le coucou suisse(1), et l’idée du plan des doigts à travers la grille. Le troisième homme montre des influences diverses, reprend certains des codes du film noir, évoque beaucoup les films d’Hitchcock dans sa période anglaise. Carol Reed fait ici un usage assez immodéré du Dutch angle(2). Même si sa réputation peut paraître excessive, Le troisième homme est un très bon film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joseph Cotten, Alida Valli, Orson Welles, Trevor Howard
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Remarque :
Le troisième homme est produit par Alexandre Korda et David O. Selznick. Ce sera la seule collaboration entre ces deux grands producteurs. Carol Reed est également coproducteur.

(1) Pour justifier ses actes odieux, Harry Lime (Orson Welles) a cette formule restée célèbre : « En Italie, pendant trente ans sous les Borgia, ils ont eu guerre, terreur, meurtres et massacres mais cette période a produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu cinq cent ans d’amour fraternel, de démocratie et de paix et qu’ont-ils produit ? Le coucou ! »
Dans ses entretiens avec Bogdanovitch, Orson Welles raconte qu’à la sortie du film, des suisses lui ont gentiment fait remarquer que le coucou n’avait pas été inventé en Suisse mais en Bavière.
On pourrait aussi lui faire remarquer qu’à l’époque de la Renaissance, l’armée suisse était l’une des plus redoutables et redoutées d’Europe (il suffit de lire Machiavel qui mentionne souvent son efficacité dans L’art de la guerre).

(2) Le terme Dutch angle (ou Dutch tilt ou German angle) désigne la technique qui consiste à pencher légèrement la caméra sur le côté pour faire un cadrage oblique et créer ainsi un sentiment d’insécurité, de léger malaise (en français, plan hollandais peut être parfois utilisé, ou même cadrage oblique).

21 septembre 2012

Les chevaliers de la table ronde (1953) de Richard Thorpe

Titre original : « Knights of the Round Table »

Les chevaliers de la table rondeDès son accession au trône grâce à l’aide de Merlin et du chevalier Lancelot, le roi Arthur fonde l’ordre des chevaliers de la table ronde et épouse Guenièvre. L’Angleterre connait enfin une ère de paix mais la fée Morgane et son fils Mordred estiment que le trône leur revient de droit… Pour reproduire le succès d’Ivanhoé l’année précédente, la MGM décide de reprendre exactement la même recette : un grand film historique confié à Richard Thorpe, tourné en Angleterre (pour utiliser les fonds bloqués dans ce pays) avec Robert Taylor et George Sanders (qui, malade, sera remplacé par l’anglais Stanley Baker). Cette fois, le film est en CinemaScope et c’est le premier pour la MGM. Le résultat est assez réussi, un beau spectacle mêlant action et romance avec des costumes colorés et une excellente musique de Miklos Rózsa. Ava Gardner n’est guère présente, l’actrice n’appréciant guère les films historiques, mais fait néanmoins une reine d’une grande beauté. Richard Thorpe montre une belle maitrise, y compris dans les scènes de grande ampleur. Les chevaliers de la table ronde est un plaisant divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Taylor, Ava Gardner, Mel Ferrer, Anne Crawford, Stanley Baker, Felix Aylmer
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Remarque :
Le château en ruine que l’on aperçoit lorsque Lancelot va mâter la révolte dans le nord (vu en arrière plan juste avant la bataille) est le château de Tintagel en Cornouailles, château souvent associé aux légendes arthuriennes.

Autres adaptations de la légende du roi Arthur :
Lancelot chevalier de la reine (Lancelot and Guinevere) de l’anglais Cornel Wilde (1963)
Merlin l’enchanteur (The Sword in the Stone) des Studios Disney (1963)
Camelot de Joshua Logan (1967) avec Richard Harris et Vanessa Redgrave
Lancelot du lac de Claude Santelli (TV, 1970) avec Gérard Falconetti et Marie-Christine Barrault
Monty Python sacré graal! (Monty Python and the Holy Grail) (1975), variation burlesque des Monty Python
Excalibur, le très beau film de John Boorman (1981)
Camelot de Marty Callner (TV, 1982) avec Richard Harris
Arthur the King de Clive Donner (TV, 1985) avec Malcolm McDowell et Candice Bergen
Lancelot (First Knight) de Jerry Zucker (1995) avec Sean Connery et Richard Gere
Le roi Arthur (King Arthur) d’Antoine Fuqua (2004) avec Clive Owen et Keira Knightley

20 septembre 2012

Danger Ahead (1926) de Scott Pembroke

Danger Ahead(muet, 20 minutes) La série des Hairbreadth Harry compte une douzaine de courts métrages comiques produits par les Weiss Brothers, entre 1926 et 1928. Danger Ahead est le deuxième d’entre eux. C’est une simple histoire de course poursuite (Hairbreadth Harry protège la jeune Belinda qui est poursuivie par le vilain Relentless Rudolph et sa bande) mais le résultat est beaucoup moins banal qu’on pourrait le croire. Les gags sont très inventifs (formidable effet où la bande *et* leur voiture se cachent derrière un simple poteau télégraphique), l’humour est particulièrement loufoque, le rythme est très enlevé, les cascades sont audacieuses, il y a beaucoup de jeux de mots dans les textes. Le vilain, interprété par Jack Cooper, est très réussi : rire sardonique, longues moustaches et une expression qui revient quand il rate son coup : « Curses! » (Malédiction!). Assez peu connu, Danger Ahead vaut la peine d’être découvert. Il déborde d’humour.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Earl McCarthy, Charlotte Merriam, Jack Cooper
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Remarque :
La série des Hairbreadth Harry est basée une bande dessinée (un comic strip paraissant dans un journal) de C.W. Kahles qui a débuté en 1906 et qui a continué jusqu’en 1939 (soit 8 ans après la mort de son créateur).

19 septembre 2012

Les Larmes amères de Petra von Kant (1972) de Rainer Werner Fassbinder

Titre original : « Die bitteren Tränen der Petra von Kant »

Les larmes amères de Petra von KantRécemment divorcée, la styliste en vogue Petra von Kant vit et travaille dans son appartement avec une assistante qui lui est entièrement dévouée. Une amie lui présente Karin. Impressionnée par sa beauté, elle lui propose de l’aider à devenir mannequin… Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France (1). C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme(2) qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margit Carstensen, Hanna Schygulla, Irm Hermann
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Remarque :
Le titre (en anglais : The Bitter Tears of Petra Von Kant) est un hommage à Frank Capra The Bitter Tea of General Yen (1933)

(1) Les larmes amères de Petra von Kant (1972) est sorti en avril 1974 en France, deux ans après sa sortie en Allemagne. Il a été suivi deux mois plus tard par Tous les autres s’appellent Ali (1974) et quelques mois plus tard par Le marchand des quatre saisons (1971). C’est dans cet ordre que le public français a découvert Fassbinder.
(2) Le tableau dont une reproduction occupe tout un mur de la chambre de Petra von Kant est Midas et Bacchus de Poussin.

18 septembre 2012

Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick

Titre original : « A clockwork orange »

Orange mécaniqueDans un futur proche, le jeune Alex et ses trois compagnons prennent plaisir à se livrer à de très violentes agressions. Il est arrêté et se propose pour suivre un traitement expérimental… A sa sortie, Orange mécanique fit forte sensation, un film superbe mais fortement dérangeant. Cette adaptation d’un roman d’Anthony Burgess arrivait à une époque où naissait une querelle entre prisons et hôpitaux : ne faut-il pas  mieux guérir la violence plutôt que la punir ? Orange mécanique apporte sa réponse en nous montrant que le libre arbitre est le bien le plus précieux et qu’il doit être préservé quel qu’en soit le prix (donc même si cela signifie de ne rien pouvoir faire contre cette violence). La forme que Kubrick donne à son film en a décuplé l’impact : par ses décors, en prenant les éléments de la pop culture de ce début des années soixante dix (habillement, décoration, art) pour les généraliser à l’ensemble de la société, mais aussi par ses superbes travellings, ses effets (ralentis), sa voix-off avec ce langage inventé, mélange d’anglais et de russe, et bien entendu par cette magnifique utilisation de la musique classique qui donne une grande dimension à de nombreuses scènes (ou parfois apportent de l’humour comme cette Ouverture de Guillaume Tell sur une scène de partouze en accéléré). Le magnétisme qui se dégage de l’interprétation de Malcom McDowell contribue également à rendre le film difficilement oubliable, même aujourd’hui quarante ans après sa sortie.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates, Warren Clarke, Adrienne Corri
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Remarques :
* Le titre Orange mécanique fait référence à l’état d’Alex après son traitement : bien qu’il ait l’apparence d’un être humain (l’orange), il n’est qu’un automate.
* Alex et ses acolytes sont censés avoir 15 ans. Malcom McDowell en avait 27 au moment du tournage et n’a nullement l’apparence d’un adolescent.