19 juin 2014

Thérèse Desqueyroux (2012) de Claude Miller

Thérèse DesqueyrouxDans les Landes, dans les années vingt, la jeune Thérèse épouse son voisin Bernard Desqueyroux sous l’oeil bienveillant des deux familles : les deux propriétés réunies forment ainsi le plus grand domaine du département. Mais Thérèse a d’autres aspirations que rester la femme d’intérieur conformément à la norme sociale… Thérèse Desqueyroux est un roman que François Mauriac a écrit en 1927 en s’inspirant d’une affaire réelle datant du début du siècle. Il a déjà été porté à l’écran en 1962 par Georges Franju, une adaptation superbe qu’il est bien difficile de surpasser même quand on s’appelle Claude Miller. Audrey Tautou manque d’étoffe et peine à exprimer le tourment de cette jeune femme qui se débat en prenant conscience de la vie étriquée qui l’attend. Gilles Lellouche fait une meilleure prestation mais son personnage assez monolithique est, il est vrai, bien moins complexe. Il n’y a pas de tension, on ressent moins cet immobilisme de la bourgeoisie terrienne de province qui sous-tend toute cette histoire. L’approche de Claude Miller a été sans doute trop délicate, avec des images un peu trop belles. C’est hélas le dernier film du réalisateur qui était très malade lors du tournage. On aurait tant aimé pouvoir en dire du bien mais cette nouvelle version parait bien faible en comparaison de son aînée.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier
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Précédente version :
Thérèse Desqueyroux de Georges Franju (1962) avec Emmanuelle Riva et Philippe Noiret.

5 juin 2014

Saya Zamuraï (2010) de Hitoshi Matsumoto

Saya ZamuraïAprès la mort de sa femme lors d’une épidémie, un samouraï a perdu le goût du combat et erre sans but, suivi par sa fille de 10 ans. Il est capturé par un seigneur qui le condamne à mort à moins qu’il ne parvienne à faire sourire son jeune fils triste qui s’est muré dans un mutisme complet. Pour cela, il a droit à un essai quotidien pendant 30 jours… Saya Zamurai est une comédie loufoque, mais très sérieusement réalisée, sur le thème et l’univers des samouraïs. Hitoshi Matsumoto fait montre d’une belle inventivité dans l’humour. Ayant animé un show télévisé d’humour dans les années 80, il est certes aguerri à la problématique de trouver un gag par jour, comme son héros. Outre les trouvailles de pitreries et d’exploits les plus absurdes, l’humour repose aussi beaucoup sur les seconds rôles qui sont très soignés : il y a d’abord la petite fille, merveilleuse dans son rôle d’insatisfaite qui houspille son père et le pousse à se ressaisir, et également les deux gardes, un malin et grand benêt qui se prennent au jeu, et aussi trois personnages rencontrés qui ponctuent l’action de dialogues inattendus. La fin est assez surprenante et Matsumoto se livre alors à un étonnant jeu d’équilibriste entre le drame et la comédie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Takaaki Nomi, Sea Kumada, Itsuji Itao, Tokio Emoto
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Remarques :
Saya Zamuraï est le troisième film de Hitoshi Matsumoto. Son premier, Big Man Japan (Dai Nipponjin), avait créé une certaine surprise à Cannes en 2007 car totalement inattendu et inclassable : il s’agit d’un homme qui se transforme en géant pour aller affronter des créatures géantes, un mélange étrange de films de monstres et de documentaire, véritable OVNI du cinéma mais qui m’a paru bien moins convaincant que celui-ci.

25 mai 2014

Au bout du conte (2013) de Agnès Jaoui

Au bout du conteLaura est une jeune fille qui veut croire au Prince Charmant. Quand elle voit apparaître Sandro dans une soirée de façon similaire à l’un de ses rêves, elle ne doute pas un instant avoir trouvé le grand Amour… Ecrit par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, Au bout du conte est une amusante comédie. Toutefois, on peut se demander s’ils n’auraient pas tenté de mettre trop de choses dans un même film : il y est question d’amour donc, mais aussi et surtout de croyances (sous toutes ses formes : contes, idéalisation, voyance, religion), de l’acceptation de l’infidélité, des enfants, de l’amitié, de la recherche du bonheur… Certes, on pourra rétorquer que tout cela compose la vie, tout simplement, mais cette profusion de thèmes donne aussi une légère impression de fatras. C’est d’autant plus dommage que la qualité de l’écriture du couple Bacri/Jaoui est toujours là, avec une indéniable justesse de trait et des traits d’humour du meilleur effet. Le son des dialogues n’est pas toujours optimal, défaut aggravé par le niveau élevé de mixage de la musique, au demeurant excellente : elle est signée par Fernando Fiszbein.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Agathe Bonitzer, Agnès Jaoui, Arthur Dupont, Jean-Pierre Bacri, Benjamin Biolay
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24 mai 2014

Oslo, 31 août (2011) de Joachim Trier

Titre original : « Oslo, 31. august »

Oslo, 31 aoûtEn ce dernier jour d’été à Oslo, Anders est en fin de cure de désintoxication. On l’autorise à aller passer une journée en ville. Il ne sait encore quel sens donner à sa vie : reprendre son ancienne activité de journaliste où il était assez brillant, retrouver ses anciens amis et petites amies, renouer avec sa famille ? … Cinquante ans après Louis Malle, le norvégien Joachim Trier adapte une nouvelle fois à l’écran le roman de Pierre Drieu la Rochelle Le Feu follet. Il parvient à le moderniser de façon étonnante et lui donne une dimension encore plus grande. Alors que chez Louis Malle, Maurice Ronet était surtout dépressif, le personnage d’Anders est ici très lucide mais, à l’heure où il peut, ou plutôt il doit, remettre toutes les pendules à zéro, il s’interroge sur le sens de l’existence, du moins de son existence. Sur une journée entière, il va être confronté à plusieurs situations susceptibles de lui apporter des réponses. Ce questionnement assez large donne une dimension philosophique au film, ce qui lui enlève au passage toute noirceur. Si on veut bien le voir ainsi, Oslo, 31 août n’est en rien déprimant. Le personnage d’Anders est certes dépressif mais reste capable d’analyse, son tort étant, entre autres, d’analyser trop froidement (d’où son constat final). Le film de Joachim Trier n’est pas sans défaut, avec quelques longueurs (notamment dans la scène d’anniversaire et dans la boite de nuit), mais comporte aussi de belles trouvailles comme celle où Anders, seul à la terrasse d’un café, écoute les conversations des tables qui l’entourent, un kaléidoscope d’exemples de sens de vie. Oslo, 31 août a l’avantage de faire partie de ces trop rares films qui portent en eux une réflexion que l’on se surprend à prolonger une fois la projection terminée.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anders Danielsen Lie
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22 mai 2014

Lincoln (2012) de Steven Spielberg

LincolnAbraham Lincoln est l’homme politique le plus admiré outre-Atlantique, il est un modèle, une inspiration pour le plus grand nombre (tous bords confondus, nous n’avons pas vraiment d’équivalent en France) car il correspond à l’idée d’une certaine grandeur de valeurs morales appliquée à une nation. Très peu de réalisateurs se sont toutefois risqués à mettre en scène sa biographie. Steven Spielberg a choisi de se concentrer sur la fin de sa vie et plus particulièrement sur le mois de janvier 1865 où Lincoln a bataillé pour faire voter par la Chambre des Représentants le XIIIe amendement, celui qui abolit l’esclavage. Il livre un film inspiré avec une interprétation impressionnante de Daniel Day-Lewis. Tommy Lee Jones est, lui aussi, assez remarquable. Certes, les tractations pour s’assurer du vote des représentants peuvent paraître un peu longues mais c’est le personnage de Lincoln qui est ici intéressant, Spielberg parvenant à restituer toute la stature de l’homme politique visionnaire.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Tommy Lee Jones
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Principales biographies d’Abraham Lincoln au cinéma :
Abraham Lincoln (1930) de David Wark Griffith avec Walter Huston
Vers sa destinée (Young Mr. Lincoln, 1939) de John Ford avec Henry Fonda
Abraham Lincoln (1940) de John Cromwell avec Raymond Massey

6 mai 2014

Main dans la main (2012) de Valérie Donzelli

Main dans la mainLorsqu’Hélène croise accidentellement Joachim, il se produit un étrange phénomène : ils sont liés l’un à l’autre par un sort qui les oblige à rester constamment l’un près de l’autre et à effectuer les mêmes gestes… Ecrit et réalisé par Valérie Donzelli, Main dans la main est un de ces films dont on aimerait qu’il soit plus réussi. En effet, sous des apparences de comédie sentimentale, il se présente comme une variation amusante sur le coup de foudre et sur l’amour fusionnel qui est ici retourné pour devenir une contrainte. C’est aussi une variation sur le thème du couple et même du « trouple » puisque chacun des deux siamois était précédemment en « faux couple », elle avec une amie fragile, lui avec une soeur possessive. Hélas, ces réflexions ne sont pas aussi poussées qu’on pourrait le souhaiter et, d’autre part, le film semble manquer quelque peu de cohérence. Main dans la main reste néanmoins assez amusant, même si le film ne réussit pas tous ses effets de fantaisie du fait d’une certaine faiblesse des dialogues. Valérie Lemercier fait une belle prestation.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm, Béatrice de Staël, Valérie Donzelli
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Remarque :
* Jérémie Elkaïm interprète « The Man I love » de George Gershwin dans la langue des signes. Il s’agit en réalité d’une chorégraphie de la danseuse Pina Bausch.

30 avril 2014

Effets secondaires (2013) de Steven Soderbergh

Titre original : « Side Effects »

Effets secondairesJonathan Banks est un psy new yorkais qui a parmi ses patientes une jeune femme dépressive à tendance suicidaire. Il lui prescrit un nouveau médicament dont il assure, moyennant finance, la promotion. Or celui-ci semble avoir des Effets secondaires et quelques jours plus tard la jeune femme tue son mari dans une crise de somnambulisme… Le problème d’Effets secondaires, c’est qu’il est difficile d’en parler sans déflorer certains de ses effets. Donc, mon conseil serait d’arrêter là la lecture de ce billet et de ne rien lire d’autre sur le film avant de l’avoir vu. En effet, le film change assez soudainement de genre en plein milieu et, lorsque l’on ne s’y attend pas, l’effet de surprise est vraiment réussi. Le vrai sujet du film de Soderbergh est ainsi la manipulation, du déjà vu pourra-t-on objecter, sauf qu’ici le propos est bien plus subtil qu’à l’accoutumée et l’intrigue est intelligemment construite et développée. Le film a une indéniable capacité à nous surprendre. Rooney Mara fait une belle prestation empreinte ambivalence, parfois presque maléfique. Effets secondaires est un film très réussi. Souhaitons que le prochain film de Soderbergh, qui devrait être le dernier de sa filmographie, le soit tout autant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rooney Mara, Jude Law, Catherine Zeta-Jones, Channing Tatum
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Remarques :
* Steven Soderbergh a annoncé que Effets secondaires serait l’avant-dernier film de sa carrière.
* Le scénario est signé Scott Z. Burns qui avait également signé le scénario de Contagion (2011).
* Soderbergh a monté le film au fur et à mesure qu’il le tournait.

29 avril 2014

Artémis, coeur d’artichaut (2013) de Hubert Viel

Artémis, coeur d'artichautArtémis est une jeune étudiante en lettres modernes à l’université de Caen, plutôt solitaire, préférant la compagnie des animaux. Elle se lie pourtant d’amitié avec Kalie Steaux (noter le jeu de mots) à qui elle propose de devenir sa colocataire. Elles prennent la voiture pour faire une virée dans le Nord-Cotentin… Moyen métrage de 60 minutes, Artémis, coeur d’artichaut est une amusante transposition dans notre monde moderne du mythe d’Artémis, déesse grecque de la chasse, et de sa nymphe Callisto. Ce portrait de deux jeunes filles a un très fort parfum de Nouvelle Vague (Rozier, Rohmer, Godard) par son style très libre, sa fraicheur et une grande spontanéité. Il nous montre deux caractères opposés qui s’attirent : comme dans la mythologie, Artémis est chaste et réservée alors que Kalie est plutôt dévergondée avec les garçons qu’elle rencontre. Le jeune réalisateur Hubert Viel interprète le rôle du « narrateur omniscient » (qui, tout omniscient qu’il est, se retrouve tout de même un peu dépassé par les évènements). L’image est en noir et blanc, granuleuse, cédant un peu à la vogue de l’effet « vintage » (filmé en super 8). Même s’il est bien entendu loin d’être parfait, Artémis, coeur d’artichaut retrouve une liberté de ton que l’on pouvait croire perdue et, comme pour la Nouvelle Vague, sait éviter tout élitisme et rester ainsi très accessible à un public large.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Frédérique Barré, Noémie Rosset
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Remarques :
* Hubert Viel dit s’être inspiré plus particulièrement des Hymnes de Callimaque. Callimaque de Cyrène est un poète grec (305-240 av. J.-C.) qui, outre ses poèmes et écrits sur la littérature, a écrit des Hymnes sur Apollon, Zeus, Artémis, … Dans la mythologie, c’est Actéon qui est transformé en cerf par Artémis parce qu’il l’avait aperçue nue au sortir du bain.
* Le film a obtenu le grand prix du festival du moyen métrage de Brive.

27 avril 2014

Vous n’avez encore rien vu (2012) de Alain Resnais

Vous n'avez encore rien vuUn dramaturge a laissé des instructions très précises à exécuter après sa mort. Il demande à une douzaine d’acteurs qui ont tous joué dans les versions successives de sa pièce Eurydice de venir dans sa maison. Là, une bande vidéo enregistrée du dramaturge leur demande de visionner une mise en scène de la même pièce par une jeune troupe de comédiens… Quel que soit le jugement que l’on porte sur Vous n’avez encore rien vu, il est indéniable qu’Alain Resnais avait encore, à 89 ans, les moyens de nous surprendre. L’idée est fondre en seul film plusieurs interprétations d’une même pièce de Jean Anouilh (1). Abolissant la frontière de l’écran, les acteurs présents interviennent pour donner leur propre version. Ce sont ainsi trois versions qui se s’entrecroisent et se superposent, Resnais ayant fait l’assemblage final qu’au moment du montage. Le début n’est pas tout à fait convaincant, le film étant alors presque irritant mais, alors qu’une version s’impose d’elle-même, le film gagne en intensité. On mesure alors tout le talent du couple formé par Pierre Arditi et Sabine Azéma qui nous font totalement oublier qu’ils ont trois fois l’âge de leurs personnages et rendent bien pâles les autres interprètes. Mais on se retrouve alors à regarder une pièce de Anouilh et c’est un peu la limite de l’exercice : l’assemblage des trois versions est un beau challenge de réalisation et surtout de montage mais cela apporte t-il au spectateur autre chose qu’une comparaison ? Certes, cela montre qu’une histoire forte peut s’affranchir du temps et même de l’espace mais on peut le prouver avec une seule mise en scène épurée. Surprenant et étonnant, Vous n’avez encore rien vu nous laisse sur des impressions un peu mitigées mais reste un plaisir à regarder.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Arditi, Sabine Azéma, Mathieu Amalric, Lambert Wilson, Anne Consigny, Anny Duperey, Hippolyte Girardot, Michel Piccoli, Denis Podalydès, Michel Robin, Michel Vuillermoz
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Remarque :
La jeune troupe est la Compagnie de la Colombe. Cette partie a été entièrement filmée et mise en scène par Bruno Podalydès de façon totalement indépendante. Alain Resnais n’en a vu les images qu’au moment du montage.

(1) Il s’agit de la pièce Eurydice, écrite par Jean Anouilh en 1942, sous l’Occupation. Le film s’inspire également de la pièce Cher Antoine ou l’amour raté (écrite en 1969) pour la partie du dramaturge mort qui réunit ses principaux acteurs dans sa demeure.

Vous n'avez encore rien vu
Lambert Wilson, Anne Consigny, Mathieu Amalric, Sabine Azéma et Pierre Arditi dans Vous n’avez encore rien vu de Alain Resnais.

24 avril 2014

Like Someone in Love (2012) de Abbas Kiarostami

Like Someone in LovePour payer ses études, Akiko se prostitue sans que son petit ami le sache. Fatiguée et en période d’examens, c’est à contrecoeur qu’elle accepte d’aller passer la nuit chez un client à l’autre bout de Tokyo… Abbas Kiarostami ne peut plus tourner dans son pays, l’Iran. Après avoir réalisé son film précédent en Italie, il tourne Like Someone in Love au Japon : ainsi on ne pourra l’accuser de s’être trop occidentalisé, dit-il. C’est un film plus profond qu’il n’en a l’air. On peut considérer que la clé est dans le titre car c’est un film sur les faux-semblants, sur l’illusion. Cela commence dès le début où Akiko parle au téléphone à son petit ami (belle scène en fausse caméra subjective) et reste ensuite une constante dans tous les rapports de la jeune fille avec les autres personnages. Le client, professeur âgé, est bien entendu lui aussi dans l’illusion. Le petit ami est le seul personnage incapable du moindre faux semblant, mais il est rétrograde. Il symbolise le Japon ancien dans cette opposition sous-jacente entre deux faces du Japon. La forme du film est assez remarquable. Kiarostami joue avec les trompe l’oeil et les reflets (quel plan superbe quand ils repartent le lendemain matin, les reflets de deux ponts sur le pare brise dévoilant tour à tour un personnage ou l’autre !) et utilise à merveille les lieux clos et étroits : une bonne partie du film se déroule à l’intérieur d’une voiture (lieu que Kiarostami affectionne et maitrise parfaitement, on peut même parler de virtuosité). Like Someone in Love est un très beau film, seule la fin paraît maladroite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tadashi Okuno, Rin Takanashi, Ryô Kase
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Remarques :
* La chanson Like Someone in Love est un classique du jazz qui a été écrit par Jimmy van Heusen et Johnny Burke pour la comédie musicale Belle of the Yukon de William A. Seiter (1944) avec Randolph Scott. Quelques mois plus tard, Bing Crosby l’a reprise pour en faire un hit. Dans le film de Kiarostami, c’est la version d’Ella Fitzgerald (1957) que l’on entend (de l’album du même nom chez Verve).
Peinture de Chiyoji Yazaki
* Le choix du tableau, objet d’une discussion sur les ressemblances, n’est pas anodin : il s’agit d’une peinture de Chiyoji Yazaki de 1900 « Training a Parrot » (= leçon à un perroquet). Yazaki est un peintre japonais qui a voyagé en Europe et aux Amériques. Influencé par les impressionnistes, il a introduit le style occidental de la peinture à l’huile au Japon. Donc, le tableau se place bien dans les deux lignes directrices du film : l’illusion (le perroquet) et l’opposition entre deux mondes, deux cultures.