13 août 2019

Gemma Bovery (2014) de Anne Fontaine

Gemma BoveryLe parisien Martin est revenu dans sa Normandie natale pour reprendre la boulangerie paternelle d’un petit village, non loin de l’endroit où a vécu son auteur préféré Gustave Flaubert. Lorsqu’il voit arriver de nouveaux voisins anglais prénommés Gemma et Charles Bovery, il les voient tout de suite comme l’incarnation des héros du roman de Flaubert…
Gemma Bovery est adapté du roman graphique (en l’occurrence une bande dessinée avec beaucoup de texte) de l’auteure anglaise Posy Simmonds (1). C’est une comédie délicieuse et intelligente dont le rôle principal semble taillé sur mesure pour Fabrice Luchini. L’acteur reste très sobre dans son jeu tout en distillant un indéniable humour. Gemma Arterton joue très juste et montre une belle présence. A noter également Elsa Zylberstein qui est assez savoureuse dans un second rôle de nouveau riche. L’ensemble pourra paraître un peu superficiel à certains mais il constitue un divertissement bien plaisant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fabrice Luchini, Gemma Arterton, Jason Flemyng, Isabelle Candelier, Niels Schneider, Elsa Zylberstein
Voir la fiche du film et la filmographie de Anne Fontaine sur le site IMDB.

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(1) Posy Simmonds est également l’auteure de Tamara Drewe, brillamment adapté sur grand écran en 2010 par Stephen Frears avec… Gemma Arterton dans le rôle principal.

Gemma BoveryGemma Arterton et Fabrice Luchini dans Gemma Bovery de Anne Fontaine.

13 janvier 2017

Maestro (2014) de Léa Fazer

MaestroHenri, un jeune acteur qui rêve de jouer dans des films d’action, se fait engager par Cédric Rovère un monstre sacré du cinéma d’auteur. De prime abord, il est très déçu des conditions du tournage, bien plus rudimentaires qu’il ne pensait, mais n’est pas insensible au charme de sa partenaire… Maestro s’inspire de la rencontre d’Eric Rohmer et de Jocelyn Quivrin sur le tournage de Les amours d’Astrée et de Céladon (2007). Jocelyn Quivrin avait lui-même commencé à en écrire le scénario avec Léa Fazer mais le jeune acteur, disparu en 2009 dans un accident, ne put mener le projet à terme. C’est l’histoire d’une rencontre aussi improbable qu’étonnante : Rohmer, qui avait alors 86 ans, a ouvert l’esprit du jeune acteur, lui a fait découvrir la poésie et la beauté des textes littéraires. Léa Fazer nous fait bien percevoir la connivence qui s’installe peu à peu entre les deux hommes. Bien que d’un horizon différent, Michel Lonsdale fait un Rohmer très crédible (il a d’ailleurs à peu près le même âge) et Pio Marmaï s’est parfaitement identifié à son personnage. Maestro est une belle histoire de transmission.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pio Marmaï, Michael Lonsdale, Déborah François, Alice Belaïdi
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Maestro
Pio Marmaï et Michael Lonsdale dans Maestro de Léa Fazer.

Maestro
Film dans le film : Maestro de Léa Fazer.

14 février 2016

L’Évadé du bagne (1948) de Riccardo Freda

Titre italien : « I Miserabili »

Première partie : Caccia all’uomo (= Chasse à l’homme) (92 mn)
Seconde partie : Tempesta su Parigi (= Tempête sur Paris) (85 mn)

L'évadé du bagneLe succès du film d’aventures L’Aigle Noir (1946) permet à Riccardo Freda de réaliser quatre grandes adaptations littéraires. Les Misérables de Victor Hugo est la première d’entre elles. Sans s’éloigner du roman, Freda l’interprète en omettant certains passages et en développant certains autres. Comme le souligne l’historien Jacques Lourcelles, il a voulu un Jean Valjean le moins moralisant possible et l’a pour cela débarrassé de ses aspects religieux et moraux.
I MiserabiliSon héros peut certes paraître un peu plus simple, et aussi peut-être plus énigmatique, mais Freda sait insuffler un surcroît de romanesque au récit. Sans être très important, le budget lui a permit d’introduire de grandes scènes, celle de l’insurrection étant la plus spectaculaire, une scène pour laquelle il a obtenu des figurants qu’ils se battent et tombent réellement. Servi par une solide interprétation, cette adaptation (aujourd’hui assez rare) des Misérables est ainsi intéressante à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gino Cervi, Valentina Cortese, Hans Hinrich, Luigi Pavese
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Remarques :
* Les deux parties sont sorties en Italie à une semaine d’intervalle en janvier 1948.
En France, le film est sorti en une seule fois en 1952, une version de 110 minutes, sous le titre L’Évadé du bagne. Riccardo Freda ne fut pas consulté pour ce montage raccourci.

* Au tout début de la seconde partie, dans l’imprimerie clandestine, on peut voir le jeune Marcello Mastroianni.

I Miserabili
Gino Cervi (Jean Valjean) et Hans Hinrich (Javert) dans Caccia all’uomo, première partie de l’adaptation des Misérables de Riccardo Freda.

I Miserabili
Luigi Pavese (Thénardier) et Gino Cervi (Jean Valjean) dans Tempesta su Parigi, seconde partie de l’adaptation des Misérables de Riccardo Freda
.

Les grandes adaptations du roman de Victor Hugo :
Les Misérables d’Albert Capellani (1912), en 2 films pour une durée totale de 2h20
Les Misérables d’Henri Frescourt (1925) en quatre parties (muet, 8h30)
Les Misérables de Raymond Bernard (1934) en trois parties (4h40)
Les Misérables (I Miserabili) de Riccardo Freda (Italie, 1948) en deux parties (3h10), sorti en France en version raccourcie en 1952 sous le titre L’évadé du bagne (1h50).

Autres adaptations (liste incomplète) :
Les Misérables de Richard Boleslawski (USA, 1935) avec Fredric March
Les Misérables (La Vie de Jean Valjean) de Lewis Milestone (USA, 1952) avec Michael Rennie
Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958) avec Jean Gabin et Bernard Blier
Les Misérables de Glenn Jordan (UK TV, 1978) avec Richard Jordan et Anthony Perkins
Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura et Michel Bouquet
Les Misérables de Claude Lelouch (1995) avec Jean-Paul Belmondo
Les Misérables de Bille August (USA, 1998) avec Liam Neeson et Uma Thurman
Les Misérables de Tom Hooper (USA, 2012) avec Hugh Jackman et Rusell Crowe

4 juillet 2014

Léviathan (1962) de Léonard Keigel

LeviathanPaul Guéret aime Angèle, une jeune blanchisseuse. Il la suit, réussit à lui parler, lui donne rendez-vous mais elle se refuse à lui. Paul en est désespéré… Dès sa publication en 1929, le grand roman de Julien Green Léviathan a attiré plusieurs metteurs en scène et non des moindres : Marc Allégret, Georg Pabst, Robert Siodmak, Eisenstein, Cukor, Jacques Tourneur, Visconti. A chaque fois, le projet n’aboutit pas pour des raisons diverses et ce n’est qu’en 1962 que l’adaptation au grand écran verra enfin le jour sous la direction du débutant Léonard Kiegel. Il s’agit d’une histoire très sombre où les différents personnages ont de grandes frustrations et où l’amour, loin d’être un élément émancipateur, n’apporte qu’aigreur et rancoeur, voire pire encore. Pour son premier film, Léonard Kiegel parvient parfaitement à restituer l’atmosphère assez oppressante, presque morbide, du livre ; il est aidé par la présence de Julien Green qui a écrit les dialogues de cette adaptation. Louis Jourdan a laissé au vestiaire son profil de grand séducteur : son personnage est censé être quelconque, sans attrait ; il a su adapter son jeu et gagne ainsi en complexité. Face à lui, Marie Laforêt apporte une touche de sensualité et de spontanéité, elle semble entrer dans son personnage au fur et à mesure que le film avance. Mais le plus beau personnage, le plus complexe, le plus tourmenté sans doute, est celui de Madame Grosgeorges admirablement interprété par l’actrice internationale Lili Palmer (1) qui a probablement ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle fait preuve d’une très grande présence à l’écran, absolument superbe dans toutes les scènes où elle apparaît. La très belle photographie est signée Nicolas Hayer(2). Léviathan est une belle adaptation littéraire, assez puissante, qui a certainement grandement bénéficié de la participation active de Julien Green. Il fait partie de ces films qu’une mauvaise distribution à l’époque a jetés dans l’ombre alors qu’ils méritent un bien meilleur statut.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jourdan, Lilli Palmer, Marie Laforêt, Madeleine Robinson, Georges Wilson
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Remarques :
* Le film est produit par Pierre Jourdan, frère de Louis Jourdan.
* La musique utilise des extraits de La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg.
* Auparavant très difficile à visionner, Léviathan vient de ressortir restauré dans une belle édition DVD (Voir sur Amazon…) Parmi les suppléments, il faut noter la présence de scènes commentées d’une autre adaptation d’un roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, que Marcel L’Herbier a réalisée pour la télévision en 1953 avec Anouk Aimée et Alain Cuny dans les rôles principaux. Ces courtes scènes filmées (env. 15 à 20 minutes) sont les seules dont on ait la trace aujourd’hui car toutes les autres ont été interprétées en direct.

(1) Lili Palmer est une actrice d’origine allemande qui a tourné en Allemagne, en Angleterre, aux Etats Unis et en France.

(2) Nicolas Hayer est l’un des plus grands directeurs de la photographie français. Sa filmographie est impressionnante, il a travaillé pour Clouzot (Le Corbeau), Cocteau (Orphée), Duvivier, Melville, Daquin, Becker, etc.

19 juin 2014

Thérèse Desqueyroux (2012) de Claude Miller

Thérèse DesqueyrouxDans les Landes, dans les années vingt, la jeune Thérèse épouse son voisin Bernard Desqueyroux sous l’oeil bienveillant des deux familles : les deux propriétés réunies forment ainsi le plus grand domaine du département. Mais Thérèse a d’autres aspirations que rester la femme d’intérieur conformément à la norme sociale… Thérèse Desqueyroux est un roman que François Mauriac a écrit en 1927 en s’inspirant d’une affaire réelle datant du début du siècle. Il a déjà été porté à l’écran en 1962 par Georges Franju, une adaptation superbe qu’il est bien difficile de surpasser même quand on s’appelle Claude Miller. Audrey Tautou manque d’étoffe et peine à exprimer le tourment de cette jeune femme qui se débat en prenant conscience de la vie étriquée qui l’attend. Gilles Lellouche fait une meilleure prestation mais son personnage assez monolithique est, il est vrai, bien moins complexe. Il n’y a pas de tension, on ressent moins cet immobilisme de la bourgeoisie terrienne de province qui sous-tend toute cette histoire. L’approche de Claude Miller a été sans doute trop délicate, avec des images un peu trop belles. C’est hélas le dernier film du réalisateur qui était très malade lors du tournage. On aurait tant aimé pouvoir en dire du bien mais cette nouvelle version parait bien faible en comparaison de son aînée.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier
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Précédente version :
Thérèse Desqueyroux de Georges Franju (1962) avec Emmanuelle Riva et Philippe Noiret.

18 juin 2013

Madame Bovary (1949) de Vincente Minnelli

Madame BovaryAccusé d’avoir publié un roman immoral, Gustave Flaubert prend la défense de son personnage devant le tribunal et raconte l’histoire d’Emma Bovary… Pour cette adaptation littéraire, Vincente Minnelli refaçonne le personnage de Madame Bovary en accentuant son côté sentimental. Il doit aussi composer avec la censure qui est très méfiante envers cette histoire d’adultère. Pour cette raison, il doit renoncer à Lana Turner dont les précédents rôles ont été trop connotés sexuellement et opte pour la sage Jennifer Jones, actrice romantique par excellence qui saura attirer la sympathie de tous. Entre les mains de Minnelli, le roman de Gustave Flaubert devient ainsi le récit élégant d’une jeune femme victime de ses rêves d’adolescente. La scène du bal est à ce titre représentative : elle forme un éblouissant sommet à la fois pour le film et dans la vie de son héroïne. Il y a une très belle scène, très symbolique, où Emma se voit dans un miroir, entourée de prétendants. Minnelli joue d’ailleurs avec les miroirs tout au long de son récit, l’image qu’Emma se renvoie à elle-même.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jennifer Jones, James Mason, Van Heflin, Louis Jourdan, Alf Kjellin, Gene Lockhart
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Les adaptations du roman de Gustave Flaubert :
Madame Bovary par Jean Renoir (1933) avec Valentine Tessier
Madame Bovary par Gerhard Lamprecht (1937) avec Pola Negri
Madame Bovary par Vincente Minnelli (1949) avec Jennifer Jones
Madame Bovary par Claude Chabrol (1991) avec Isabelle Huppert

30 avril 2013

Thérèse Desqueyroux (1962) de Georges Franju

Thérèse DesqueyrouxAccusée d’avoir tenté d’empoisonner son mari Bernard Desqueyroux, Thérèse sort libre du tribunal : grâce au témoignage de son époux en sa faveur, elle a bénéficié d’un non-lieu. Sur le chemin du retour, elle repense à sa vie passée et prépare la confession qu’elle va lui faire pour restaurer la communication entre eux… Georges Franju a tenu à faire une adaptation fidèle du roman Thérèse Desqueyroux de François Mauriac (1). L’académicien a d’ailleurs grandement participé à l’écriture du scénario. Franju parvient ainsi à préserver l’esprit littéraire qui, par exemple, se sent nettement dans la qualité des textes de la voix-off de Thérèse et même dans les dialogues. L’histoire met en relief l’immobilisme de la bourgeoisie terrienne de province qui fera tout pour préserver les apparences et conserver l’honneur de la famille. La jeune femme est totalement seule dans ce monde. La réalisation est d’un très beau classicisme. L’interprétation d’Emmanuelle Riva, empreinte à la fois de force et de douceur, confirme qu’elle est bien l’une des plus grandes actrices du cinéma français. Face à elle, Philippe Noiret exprime de manière éclatante toute la médiocrité de son personnage. Ce Thérèse Desqueyroux de Georges Franju est une superbe adaptation littéraire.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Emmanuelle Riva, Philippe Noiret, Edith Scob, Sami Frey
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Remake :
Thérèse Desqueyroux de Claude Miller (2012) avec Audrey Tautou

(1) Pour Thérèse Desqueyroux, roman sorti en 1927, François Mauriac s’est inspiré d’une affaire réelle très similaire et datant de 1905, celle d’Henriette Canaby.

7 juin 2011

Jane Eyre (1943) de Robert Stevenson

Titre original : « Jane Eyre »

Jane EyreLui :
Le roman de Charlotte Brontë a certes été porté plusieurs fois à l’écran mais la version de Stevenson reste sans doute la plus intéressante malgré une inévitable compression du texte original. Dans l’Angleterre du début du XIXe siècle, Jane Eyre est une jeune orpheline qui a connu l’extrême rigueur des écoles de charité. Devenue adulte, elle se fait embaucher comme gouvernante dans la vaste demeure de l’énigmatique Edward Rochester… On ne sera sans doute pas étonné que la trame scénaristique soit très forte (1) mais la transposition en images l’est tout autant. On s’interroge toujours sur le rôle exact tenu par Orson Welles (2). Il est à peu près certain qu’il a été beaucoup plus qu’un acteur de Jane Eyre tant le climat, la demeure, le mystère autour de Rochester évoque son univers de prédilection. Orson Welles est en tout cas l’acteur idéal pour exprimer toute l’ambiguïté, la stature, la complexité de son personnage et Joan Fontaine, pleine de retenue, est toujours parfaite dans les grands rôles romanesque. Il en résulte un film très fort qui simplifie sans trahir l’œuvre originale.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Joan Fontaine, Margaret O’Brien, Peggy Ann Garner, John Sutton
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Remarques :
(1) A noter que l’un des deux coscénaristes est Aldous Huxley. L’auteur du Meilleur des Mondes a effectivement travaillé pour le cinéma à partir de 1940.
(2) Une chose est sûre : la Fox a proposé à Orson Welles d’apparaître au générique en tant de producteur mais Welles refusa.