5 février 2014

Le Festin de Babette (1987) de Gabriel Axel

Titre original : « Babettes gæstebud »

Le festin de BabetteNous sommes à la fin du XIXe siècle, dans un petit hameau isolé de la côte danoise. La française Babette a fui Paris après la répression qui a suivi la Commune de 1871 et s’est réfugié ici. Elle est servante chez deux soeurs très pieuses, filles d’un défunt pasteur qui avait su unir la petite communauté. Quinze plus tard, grâce à une somme d’argent presque tombée du ciel, Babette va préparer pour le village un repas « à la française »… Le Festin de Babette fait partie de ces films totalement à part, uniques en leur genre, ceux que l’on n’oublie pas. L’histoire est inspirée d’une nouvelle de la danoise Karen Blixen (1). Elle est mise en scène avec beaucoup de retenue et de douceur, et aussi une certaine austérité à l’image de ses personnages qui sont tout à leur dévotion, à la recherche d’un certain ascétisme jusque dans leurs paroles. Les deux soeurs communiquent entre elles presque exclusivement par des regards. Cela n’empêche pas l’humour d’être présent, notamment dans toute la séquence du repas. L’ensemble fait penser à certains films de Dreyer (2). Au-delà du regard porté sur cette petite communauté qui semble hors du monde, Le Festin de Babette est un film sur la grâce, cette grâce indéfinissable mais aussi insaisissable : les deux voyageurs venus du monde extérieur ont bien perçu cette grâce mais, incapables de la saisir pour s’en emparer, ils en sont restés perturbés à jamais. Le Festin de Babette serait ainsi un film plutôt contemplatif : tout comme nous savourons des yeux ce repas unique, cette belle fable pose plus de questions (notamment sur le sens que nous donnons à notre vie) qu’elle ne donne de solutions. Le petit discours du général en fin de repas est représentatif de notre propre confusion : lui qui venait chercher des réponses va repartir encore plus troublé mais comme nourri (!) d’une dimension supplémentaire. L’interprétation est parfaite, sans éclat inutile. Oui, Le Festin de Babette fait bien partie de ces films à nul autre pareil. Il semble, lui aussi, avoir été touché par la grâce.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel, Jarl Kulle, Jean-Philippe Lafont, Bibi Andersson
Voir la fiche du film et la filmographie de Gabriel Axel sur le site IMDB.

(1) Karen Blixen (1885-1962) est également l’auteure de Out of Africa (porté à l’écran par Sidney Pollack) et de Une histoire immortelle (porté à l’écran par Orson Welles).
(2) Le visage de l’un des personnages, une femme du village, ressemble vraiment beaucoup à Mathilde Nielsen dans Le Maître du logis (1925) de Carl Dreyer (cliquer pour voir l’affiche). Il s’agit probablement d’un hommage.

2 février 2014

Les lignes de Wellington (2012) de Valeria Sarmiento

Titre original : « Linhas de Wellington »

Les lignes de WellingtonDurant l’automne 1810, les troupes napoléoniennes envahissent le Portugal et se heurtent à la résistance des portugais aidés par l’armée britannique. Bien que Wellington ait remporté une première victoire, il préfère se retirer vers Lisbonne en employant la technique de la terre brûlée afin d’attirer les français affaiblis vers l’endroit le plus fortifié. La population est forcée de suivre… Les lignes de Wellington est au départ une commande de la région de Torres Vedras. Mis en chantier par Raoul Riuz, le projet fut repris par son épouse Valeria Sarmienti après le décès du réalisateur chilien. Sans avoir bénéficié de moyens importants, cette ambitieuse production s’étale sur 2h30 et nous fait suivre de multiples trajectoires individuelles. Dans ce long exode, des personnages émergent du récit et nous sautons de l’un à l’autre. Ils sont pratiquement tous du côté anglo-portugais, les quelques scènes montrant l’armée française soulignent souvent la brutalité et la sauvagerie de ses soldats envers la population (ce qui est certainement réel car cette brutalité est hélas commune à toutes les armées conquérantes). Fait inhabituel pour un film de guerre, une grande importance est donnée aux femmes qui jouent ici un rôle souvent décisif avec souvent beaucoup de cran. Au-delà des trajectoires individuelles, le film nous fait porter un regard sur la nature de la guerre en elle-même, la façon dont elle modifie la population, les mentalités ou encore sur sa suprématie, sur l’amertume d’une victoire. Les lignes de Wellington est un film d’un très beau classicisme avec une superbe distribution. Il est très réussi.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Malkovich, Marisa Paredes, Nuno Lopes, Melvil Poupaud, Carloto Cotta, Jemima West, Elsa Zylberstein, Vincent Perez, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Michel Piccoli, Mathieu Amalric
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Remarque :
Les lignes de Wellington existe sous deux formes :
– film de 145 mn pour le cinéma
– Série TV de 3 x 55 mn (donc un peu plus longue) pour la télévision.

29 janvier 2014

Les Amants passagers (2013) de Pedro Almodóvar

Titre original : « Los amantes pasajeros »

Les amants passagersA la suite d’une erreur malencontreuse, l’avion Madrid-Mexico est contraint de tourner en rond en attendant qu’une piste se libère pour un atterrissage d’urgence. A son bord, un équipage très gay tente de distraire les passagers de la classe affaires (la classe économique ayant été mise sous sédatif par sécurité)… Cela faisait longtemps que Pedro Almodovar n’avait réalisé une comédie pure. Les Amants passagers est un film totalement farfelu mais parfaitement maitrisé. Les personnages sont typés à l’extrême, on ne peut pas dire qu’Almodovar fasse preuve de mesure… mais pourtant il ne tombe jamais dans la facilité et reste toujours à un excellent niveau d’humour. Cette comédie déjantée est, il est vrai, parfaitement écrite. Il se passe beaucoup de choses dans cet avion où stewards et pilotes sont obsédés par les hommes, l’alcool et la drogue. Pas vraiment de message ici : même si Almodovar évoque quelques problèmes modernes comme la corruption et que l’on pourra toujours dire que cet avion qui tourne en rond est une allégorie de nos pays en crise, Les Amants passagers est surtout une comédie pure devant laquelle il faut se laisser aller. Ce type d’humour totalement loufoque ne fera pas l’unanimité toutefois…
Elle: 2 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Javier Cámara, Carlos Areces, Raúl Arévalo, Antonio de la Torre, Lola Dueñas, Cecilia Roth
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20 janvier 2014

Parade (1974) de Jacques Tati

ParadeUltime film de Jacques Tati, Parade rend hommage au monde du spectacle et à ses saltimbanques. Même s’il peut en avoir en partie la forme, Parade n’est pas du cirque filmé ni même un film sur le cirque : il s’agit d’un spectacle créé spécialement pour ce film produit pour et par la télévision suédoise. Jacques Tati est en quelque sorte le Monsieur Loyal du spectacle, il assure certaines liaisons et nous gratifie de quelques sketches savoureux, reprenant notamment des mimes avec lesquels il a démarré dans les années trente. Mais l’essentiel du spectacle est assuré par plusieurs groupes d’artistes, toute une bande de joyeux lurons qui se montrent particulièrement inventifs dans leurs gags. Il y a bien entendu quelques moments plus faibles mais l’ensemble est de très bon niveau avec nombre de belles trouvailles. Parade a été tourné presqu’entièrement en vidéo (seules quelques transitions ont été filmées en 16 ou 35mm) puis transféré sur support film. Tati utilise largement les plans larges avec quelques gros plans, parfois sur le public qui participe au spectacle. Parade est un film à part dans la filmographie de Jacques Tati : c’est indéniablement un film de Jacques Tati, tout à fait dans l’esprit du cinéaste-humoriste, mais il est différent. Evidemment moins abouti et moins travaillé, il n’en reste pas moins un superbe hommage au spectacle vivant et à l’humour. Insensible au temps (à part l’habillement des spectateurs, très flower power…), il continue de nous faire passer un vrai bon moment.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jacques Tati
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Artistes : Karl Kossmayer, les Vétérans, les Sipolas, Pia Colombo, Michel Brabo, Pierre Bramms, les Williams.

19 janvier 2014

Le Gamin au vélo (2011) de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Le gamin au véloCyril est un jeune garçon de 12 ans qui n’a qu’une idée en tête : retrouver son père qui l’a placé dans un foyer. Il rencontre Samantha qui tient un salon de coiffure et accepte de le prendre avec elle, le week-end… Trois ans après Le Silence de Lorna, les frères Dardenne poursuivent dans la voie d’un cinéma moins marqué par une forme brute et percutante tout en restant puissant. L’histoire est assez forte à l’image de l’obstination de ce garçon qui refuse de croire les explications qu’on lui a données, qui refuse même les faits. Le déroulement ne laisse aucun temps mort, avalant parfois quelques ellipses habiles. La force de l’ensemble vient aussi de l’interprétation, y compris et surtout dans les moments avec pas ou peu de paroles. La musique vient souligner quelques scènes, ce qui assez habituel chez les frères Dardenne. Le gamin au vélo est indéniablement émouvant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Thomas Doret, Cécile De France, Jérémie Renier
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14 janvier 2014

L’Atlantide (1932) de Georg Wilhelm Pabst

Titre allemand : « Die Herrin von Atlantis »
Titre anglais : « The Mistress of Atlantis »

L'AtlantideLe Lieutenant Saint-Avit raconte comment, lors d’une mission dans le désert deux ans plus tôt, lui et le Capitaine Morhange ont été attirés dans une embuscade par des Touareg qui les ont emportés dans un lieu tenu secret. Ils y sont retenus prisonniers par la reine Antinéa… Onze ans après Jacques Feyder, Georg Wilhelm Pabst adapte le célèbre roman L’Atlantide de Pierre Benoît peu avant de quitter l’Allemagne. Son adaptation montre sa filiation avec l’expressionisme allemand, ce qui rend le film assez beau dans sa forme : les décors sont chargés d’évocation et le jeu avec les ombres et la lumière est assez remarquable. L'Atlantide Hélas, sur le plan de l’histoire en elle-même, le film est loin d’être aussi convaincant. Brigitte Helm est une reine monolithique et rigide qui n’exprime que peu de choses, et certainement pas la sensualité nécessaire au rôle. Pierre Blanchar, de son côté, surjoue en permanence ses émotions et son romantisme désespéré peine à nous atteindre. Cette adaptation de L’Atlantide est souvent présentée comme étant la meilleure. Personnellement, je lui préfère la version de Jacques Feyder, plus développée.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Brigitte Helm, Pierre Blanchar, Jean Angelo, Vladimir Sokoloff
Voir la fiche du film et la filmographie de Georg Wilhelm Pabst sur le site IMDB.
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L'Atlantide Remarques :
* L’actrice qui interprète la journaliste est Gertrude Pabst, la femme de Georg Wilhelm Pabst.
* Jean Angelo interprétait déjà le Capitaine Morhange dans la version de Jacques Feyder.
* Au début des années trente, c’est-à-dire aux débuts du parlant, les films destinés à une exploitation internationale étaient tournés simultanément en deux voire trois langues. Pabst a ainsi tourné trois versions, une allemande, une française et une anglaise. Beaucoup d’acteurs jouent dans les trois versions, à commencer par Brigitte Helm.
Les acteurs qui diffèrent :
Lieutenant Saint-Avit : Heinz Klingenberg (D), Pierre Blanchar (FR), John Stuart (EN)
Capitaine Morhange : Gustav Diessl (D), Jean Angelo (FR), Gustav Diessl (EN)
L’excentrique Hetmar de Jitomir : Vladimir Sokoloff (D), Vladimir Sokoloff(FR), Gibb McLaughlin(EN).
* A lire :  une analyse intéressante sur Atlantide-films

L’Atlantide au cinéma (adaptations directes du roman de Pierre Benoît uniquement) :
L’Atlantide de Jacques Feyder (1921)
L’Atlantide de Georg Wilhelm Pabst (1932) (3 versions : allemande, française et anglaise)
L’Atlantide de Gregg C. Tallas (1949) avec Maria Montes et Jean-Pierre Aumont
L’Atlantide de Giuseppe Masini et Edgar G. Ulmer (1961) avec Jean-Louis Trintignant
Atlantis, le continent perdu (Atlantis, the Lost Continent) de George Pal (1961)
L’Atlantide de Bob Swaim (1992) avec Tchéky Karyo

30 décembre 2013

Sugar Man (2012) de Malik Bendjelloul

Titre original : « Searching for Sugar Man »

Sugar ManSearching for Sugar Man raconte une histoire incroyable. Ce documentaire du suédois Malik Bendjelloul nous fait suivre l’enquête de deux fans sud-africains pour retrouver la trace du chanteur américain Sixto Rodriguez (d’un style proche de Bob Dylan) dont les deux seuls disques furent extrêmement populaires en Afrique du Sud dans les années soixante dix, en pleine époque de la lutte contre l’Apartheid. Le chanteur ignorait tout de ce succès et personne n’avait d’information sur lui. Le documentaire a été tourné avec très peu de moyens, le réalisateur utilisant même son Iphone pour tourner les scènes « vintage ». Bien monté, le film nous étonne sans arrêt, parvenant à créer un véritable mythe. Alors qu’il avait tout pour être confidentiel, Searching for Sugar Man a connu un certain succès après avoir été primé à Sundance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Malik Bendjelloul sur le site imdb.com.

Remarques :
* Les deux disques de Sixto Rodriguez furent réédités en 2008 mais ce n’est qu’après la sortie du documentaire qu’ils commencèrent à se vendre très bien. Ils le méritent d’ailleurs. Depuis, le chanteur donne de nombreux concerts partout dans le monde.
* Le film oublie de dire que Sixto Rodriguez connut également un grand succès en Australie, succès qui n’était pas inconnu du chanteur puisque qu’il y fit deux grandes tournées en 1979 et 1981. Il est vrai que dire cela casse le mythe… C’est le seul reproche, somme toute assez mineur, que l’on puisse faire à ce documentaire.

> Lire l’article : La vie après Sugar Man sur Rolling Stone…

15 novembre 2013

Ils attrapèrent le bac (1948) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « De nåede færgen »

Ils attrapèrent le bac(Court métrage de 11 minutes) Un couple arrive par le bac sur une moto. Ils n’ont que 45 minutes pour attraper un second bac à 70 kms de là et doivent donc rouler très vite pour y parvenir…
Après l’échec de Vampyr (1932), Carl Theodor Dreyer retourne au Danemark pour y exercer son ancien métier de journaliste. Ce n’est que dix ans plus tard, en 1942, qu’il recommence à tourner, signant au cours de la décennie deux longs métrages et plusieurs courts métrages documentaires. Ils attrapèrent le bac est une commande de la Sécurité routière dans le cadre d’une campagne contre la vitesse excessive sur la route. C’est tout de même une adaptation, celle d’un court roman de l’écrivain danois Johannes V. Jensen, Prix Nobel de littérature 1944. Ils attrapèrent le bac Nous suivons le couple sur la moto, doublant toutes les autres voitures, prenant souvent de grands risques. Le montage est assez riche et rapide avec de très nombreux plans différents remarquablement bien utilisés. La réalisation est précise. Dreyer apporte une petite touche d’étrangeté avec cette voiture mystérieuse difficile à doubler dont la capote arrière est ornée d’un motif de squelette semblable à une gigantesque araignée. Il apporte aussi une petite note d’humour lorsque la moto se trompe de route : la caméra s’arrête au carrefour, laissant la moto s’éloigner dans la mauvaise direction, attendant patiemment qu’elle revienne. D’une base simple, Dreyer a fait un film assez complet et riche. Ils attrapèrent le bac est considéré comme étant l’un des meilleurs courts métrages de Dreyer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joseph Koch
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Theodor Dreyer sur le site IMDB.
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Remarque :
* L’homme qui conduit la moto est Joseph Koch, un pilote professionnel. C’est son épouse qui est derrière lui.

14 novembre 2013

Vampyr (1932) de Carl Theodor Dreyer

Autre titre : L’étrange aventure de David Gray

VampyrLe jeune David Gray passe la nuit dans l’auberge du petit village de Courtempierre. Il va assister et participer à de biens étranges évènements… Vampyr est le premier film parlant de Dreyer. C’est, avec le Nosferatu de Murnau et le Dracula de Browning, l’un des films fondateurs du genre fantastique, rayon vampires. Dreyer est partisan de la suggestion, il ne montre pas, persuadé que « l’effroyable ne se trouve pas dans les choses autour de nous mais dans notre propre subconscient ». Ayant opté au départ pour une image très contrastée, le réalisateur fut agréablement surpris lorsqu’un grave problème technique donnât aux premières bobines une atmosphère grise et brumeuse. Judicieusement, il choisit de la garder ; cette image grise un peu confuse renforce le sentiment d’irréalité et d’étrangeté, elle décuple les effets de transparence qu’il utilise largement. Vampyr Vampyr est un film d’atmosphère, à la fois fantastique et poétique. Plusieurs scènes sont assez remarquables mais on retient plus particulièrement celles où le héro se dédouble et la vision subjective lorsqu’il est transporté dans un cercueil. Malgré un petit succès d’estime, l’échec commercial du film fut tel que Dreyer retournât au Danemark exercer son ancien métier de chroniqueur judiciaire. Il ne recommencera à tourner que dix ans plus tard. Vampyr jouit aujourd’hui d’une très grande réputation (que l’on peut trouver légèrement surestimée), il reste l’un films majeurs sur le plan de la suggestion, il est celui qui sait montrer l’invisible.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Julian West, Maurice Schutz, Rena Mandel, Sybille Schmitz
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Remarques :
* L’acteur principal, Julian West n’est autre que le producteur du film. Ce sera son unique film. Le fait qu’il ne soit pas acteur professionnel donne à son personnage une allure somnambulique qui ajoute encore à l’étrangeté et au mystère.
* Le film est adapté d’un roman de Sheridan Le Fanu.
* L’orthographe du titre ne correspond à aucune langue. On pense qu’il s’agit d’une erreur du distributeur qui aurait oublié le « e » final.
* Assez paradoxalement, le film parlant Vampyr est moins « bavard » que le film précédent de Dreyer, muet celui-là, La Passion de Jeanne d’Arc. Le fait que le film soit tourné simultanément en trois langues (allemand, français et anglais) a forcé le réalisateur à réduire considérablement les dialogues pour limiter les coûts.

5 novembre 2013

Paris, Texas (1984) de Wim Wenders

Paris, TexasSous le soleil brûlant du désert à la frontière mexicaine, un homme marche avec détermination sous le regard des vautours. Il parvient enfin à une station service isolée où il s’écroule d’épuisement. Soigné, l’homme refuse de parler. Grâce à une carte de visite trouvée sur lui, on appelle son frère… Paris, Texas est un très beau film, l’un des plus beaux qui soient. Il s’en dégage une sensation de plénitude et on peut s’interroger sur son origine : est-ce la superbe photographie ? Le caractère contemplatif de l’image ? La justesse des situations et des dialogues ? La force et le naturel du jeu des acteurs ? L’inoubliable musique de Ry Cooder ? La modernité empreinte de classicisme du cinéma de Wenders ? C’est certainement tout cela à la fois. Le scénario a été écrit par Sam Shepard en collaboration étroite avec Wim Wenders. L’histoire est forte tout en restant simple, celle d’un homme à la recherche d’une vie qu’il a volontairement quittée. Le jeu d’Harry Dean Stanton est particulièrement intense, l’acteur s’étant en partie identifié avec son personnage. Quelque trente ans après sa sortie, Paris, Texas garde toute sa séduction. Comme pour tous les grands films, le temps semble ne pas avoir de prise sur lui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell, Aurore Clément, Hunter Carson
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Remarques :
* Wim Wenders raconte que, lorsque Sam Shepard a du s’absenter pour le tournage du film Country de Richard Pearce, c’est avec Kit Carson (le père du jeune acteur Hunter Carson) qu’il a fait les derniers ajustements de scénario.
* Pour la musique, c’est Wim Wenders qui a eu l’idée de la guitare seule jouée au bottleneck. Ry Cooder l’a composée et jouée face à l’image, « comme un musicien dans le cinéma muet » précise Wenders.
* Lorsque Harry Dean Stanton feuillette l’album photo, ce sont les photos de ses propres parents qui sont dans l’album.
* Paris, Texas est un film allemand mais la version originale en anglais.
* Paris, Texas achève la « période américaine » de Wim Wenders, une série de films où le cinéaste montre une certaine fascination (ou du moins une attraction) pour les Etats-Unis.
* Palme d’Or à Cannes en 1984.

Paris, TexasNastassja Kinski et Harry Dean Stanton dans Paris, Texas de Wim Wenders.