15 novembre 2013

Ils attrapèrent le bac (1948) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « De nåede færgen »

Ils attrapèrent le bac(Court métrage de 11 minutes) Un couple arrive par le bac sur une moto. Ils n’ont que 45 minutes pour attraper un second bac à 70 kms de là et doivent donc rouler très vite pour y parvenir…
Après l’échec de Vampyr (1932), Carl Theodor Dreyer retourne au Danemark pour y exercer son ancien métier de journaliste. Ce n’est que dix ans plus tard, en 1942, qu’il recommence à tourner, signant au cours de la décennie deux longs métrages et plusieurs courts métrages documentaires. Ils attrapèrent le bac est une commande de la Sécurité routière dans le cadre d’une campagne contre la vitesse excessive sur la route. C’est tout de même une adaptation, celle d’un court roman de l’écrivain danois Johannes V. Jensen, Prix Nobel de littérature 1944. Ils attrapèrent le bac Nous suivons le couple sur la moto, doublant toutes les autres voitures, prenant souvent de grands risques. Le montage est assez riche et rapide avec de très nombreux plans différents remarquablement bien utilisés. La réalisation est précise. Dreyer apporte une petite touche d’étrangeté avec cette voiture mystérieuse difficile à doubler dont la capote arrière est ornée d’un motif de squelette semblable à une gigantesque araignée. Il apporte aussi une petite note d’humour lorsque la moto se trompe de route : la caméra s’arrête au carrefour, laissant la moto s’éloigner dans la mauvaise direction, attendant patiemment qu’elle revienne. D’une base simple, Dreyer a fait un film assez complet et riche. Ils attrapèrent le bac est considéré comme étant l’un des meilleurs courts métrages de Dreyer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joseph Koch
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Theodor Dreyer sur le site IMDB.
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Remarque :
* L’homme qui conduit la moto est Joseph Koch, un pilote professionnel. C’est son épouse qui est derrière lui.

14 novembre 2013

Vampyr (1932) de Carl Theodor Dreyer

Autre titre : L’étrange aventure de David Gray

VampyrLe jeune David Gray passe la nuit dans l’auberge du petit village de Courtempierre. Il va assister et participer à de biens étranges évènements… Vampyr est le premier film parlant de Dreyer. C’est, avec le Nosferatu de Murnau et le Dracula de Browning, l’un des films fondateurs du genre fantastique, rayon vampires. Dreyer est partisan de la suggestion, il ne montre pas, persuadé que « l’effroyable ne se trouve pas dans les choses autour de nous mais dans notre propre subconscient ». Ayant opté au départ pour une image très contrastée, le réalisateur fut agréablement surpris lorsqu’un grave problème technique donnât aux premières bobines une atmosphère grise et brumeuse. Judicieusement, il choisit de la garder ; cette image grise un peu confuse renforce le sentiment d’irréalité et d’étrangeté, elle décuple les effets de transparence qu’il utilise largement. Vampyr Vampyr est un film d’atmosphère, à la fois fantastique et poétique. Plusieurs scènes sont assez remarquables mais on retient plus particulièrement celles où le héro se dédouble et la vision subjective lorsqu’il est transporté dans un cercueil. Malgré un petit succès d’estime, l’échec commercial du film fut tel que Dreyer retournât au Danemark exercer son ancien métier de chroniqueur judiciaire. Il ne recommencera à tourner que dix ans plus tard. Vampyr jouit aujourd’hui d’une très grande réputation (que l’on peut trouver légèrement surestimée), il reste l’un films majeurs sur le plan de la suggestion, il est celui qui sait montrer l’invisible.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Julian West, Maurice Schutz, Rena Mandel, Sybille Schmitz
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Remarques :
* L’acteur principal, Julian West n’est autre que le producteur du film. Ce sera son unique film. Le fait qu’il ne soit pas acteur professionnel donne à son personnage une allure somnambulique qui ajoute encore à l’étrangeté et au mystère.
* Le film est adapté d’un roman de Sheridan Le Fanu.
* L’orthographe du titre ne correspond à aucune langue. On pense qu’il s’agit d’une erreur du distributeur qui aurait oublié le « e » final.
* Assez paradoxalement, le film parlant Vampyr est moins « bavard » que le film précédent de Dreyer, muet celui-là, La Passion de Jeanne d’Arc. Le fait que le film soit tourné simultanément en trois langues (allemand, français et anglais) a forcé le réalisateur à réduire considérablement les dialogues pour limiter les coûts.

5 novembre 2013

Paris, Texas (1984) de Wim Wenders

Paris, TexasSous le soleil brûlant du désert à la frontière mexicaine, un homme marche avec détermination sous le regard des vautours. Il parvient enfin à une station service isolée où il s’écroule d’épuisement. Soigné, l’homme refuse de parler. Grâce à une carte de visite trouvée sur lui, on appelle son frère… Paris, Texas est un très beau film, l’un des plus beaux qui soient. Il s’en dégage une sensation de plénitude et on peut s’interroger sur son origine : est-ce la superbe photographie ? Le caractère contemplatif de l’image ? La justesse des situations et des dialogues ? La force et le naturel du jeu des acteurs ? L’inoubliable musique de Ry Cooder ? La modernité empreinte de classicisme du cinéma de Wenders ? C’est certainement tout cela à la fois. Le scénario a été écrit par Sam Shepard en collaboration étroite avec Wim Wenders. L’histoire est forte tout en restant simple, celle d’un homme à la recherche d’une vie qu’il a volontairement quittée. Le jeu d’Harry Dean Stanton est particulièrement intense, l’acteur s’étant en partie identifié avec son personnage. Quelque trente ans après sa sortie, Paris, Texas garde toute sa séduction. Comme pour tous les grands films, le temps semble ne pas avoir de prise sur lui.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell, Aurore Clément, Hunter Carson
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Voir les livres sur Wim Wenders

Remarques :
* Wim Wenders raconte que, lorsque Sam Shepard a du s’absenter pour le tournage du film Country de Richard Pearce, c’est avec Kit Carson (le père du jeune acteur Hunter Carson) qu’il a fait les derniers ajustements de scénario.
* Pour la musique, c’est Wim Wenders qui a eu l’idée de la guitare seule jouée au bottleneck. Ry Cooder l’a composée et jouée face à l’image, « comme un musicien dans le cinéma muet » précise Wenders.
* Lorsque Harry Dean Stanton feuillette l’album photo, ce sont les photos de ses propres parents qui sont dans l’album.
* Paris, Texas est un film allemand mais la version originale en anglais.
* Paris, Texas achève la « période américaine » de Wim Wenders, une série de films où le cinéaste montre une certaine fascination (ou du moins une attraction) pour les Etats-Unis.
* Palme d’Or à Cannes en 1984.

Paris, TexasNastassja Kinski et Harry Dean Stanton dans Paris, Texas de Wim Wenders.

22 septembre 2013

Faust (1926) de F.W. Murnau

Titre original : « Faust – Eine deutsche Volkssage »

FaustLe démon Méphistophélès se targue auprès de l’archange Gabriel de pouvoir corrompre l’esprit du vieux docteur Faust et l’asservir. Pour le prouver, il descend lui-même sur terre et va proposer à Faust de retrouver sa jeunesse… Le Faust de Murnau est l’adaptation la plus remarquable de cette légende créée par Goethe. C’est le dernier film allemand de Murnau (1), pour lequel il a bénéficié de moyens colossaux de la part de l’UFA qui désirait frapper un grand coup sur le marché américain. Le perfectionnisme du réalisateur se ressent à tous les niveaux. L’image est assez remarquable, avec de superbes scènes en clair-obscur et de très beaux effets de brumes qui créent une atmosphère forte. Les effets spéciaux montrent aussi une certaine perfection (pour l’époque, bien entendu) ; certaines scènes sont particulièrement saisissantes, telle celle où Méphistophélès étend sa grande cape noire sur la ville de Faust ; Faust la scène de vol (réalisée avec des maquettes) est, quant à elle, magique. L’histoire est un peu réduite, sans doute un peu trop centrée sur l’histoire d’amour entre Faust et Gretchen. On peut aussi regretter le jeu parfois excessif d’Emil Jannings (2) et se demander si le personnage de la tante était bien nécessaire (3). Mais cela n’altère en rien sa valeur : Faust est, par la puissance évocatrice de son atmosphère fantastique, l’un des films les plus importants du cinéma muet.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gösta Ekman, Emil Jannings, Camilla Horn, Wilhelm Dieterle, Yvette Guilbert
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Remarque :
Lorsque Wilhelm Dieterle (qui interprète ici le frère de Gretchen) émigrera aux Etats Unis en 1930, il prendra le nom de William Dieterle pour faire une belle carrière de réalisateur (voir les films de William Dieterle chroniqués sur ce blog).

(1) Murnau ira s’installer aux Etats Unis avant même la sortie du film.
(2) A noter que Emil Jannings avait déjà interprété le rôle de Méphistophélès au théâtre.
(3) Le personnage de la tante de Gretchen est interprété par l’actrice française Yvette Guilbert et son inclusion était surtout destinée au public français. L’UFA voulait vraiment faire de Faust un succès international.

Principales autres adaptations du mythe de Faust :
Faust et Marguerite de Georges Méliès (1897)
La Damnation du Docteur Faust de Georges Méliès (1904)
La beauté du diable de René Clair (1950) avec Gérard Philipe et Michel Simon
Doctor Faustus de Richard Burton et Nevill Coghill (1967) avec Richard Burton et Elizabeth Taylor
Faust d’Alexandre Sokurov (2011)

10 juillet 2013

Je suis curieuse (1967) de Vilgot Sjöman

Titre original : « Jag är nyfiken »

1e partie : « Je suis curieuse – Version jaune (Jag är nyfiken – en film i gult) »
2e partie : « Je suis curieuse – Version bleue (Jag är nyfiken – en film i blått) »
Titre français de la 2e partie « Elle veut tout savoir »

Je suis curieuse Je suis curieuseInitialement prévu pour être un film de 3 h30, Je suis curieuse du suédois Vilgot Sjöman est sorti sur les écrans en deux parties : Version jaune et Version bleue. C’est un film à fort contenu politique qui reflète bien les remises en cause et les questionnements en cette fin des années soixante. Le film est très libre dans son contenu mais aussi dans sa forme puisque, si le thème général est l’éveil politique de Lena, une jeune femme de 22 ans, le film mêle réalité et fiction : Vilgot Sjöman peut ainsi apparaître en train de préparer ou de monter son film ou encore les acteurs peuvent prolonger leur relation dans la vie réelle. La première partie, Version jaune, est la plus complète et la mieux équilibrée. Elle aborde plusieurs thèmes politiques, les inégalités de salaires, la non-violence, l’égalité des sexes, la libération sexuelle. En parallèle, nous voyons Lena vivre une aventure avec un homme (qui vote à droite) qui lui cache qu’il a déjà un enfant et qu’il vit en couple. La seconde partie, Version bleue, est plus axée sur la libération dans un sens large, notamment sexuelle, mais aussi sur le plan des religions et des prisons. Le film doit beaucoup à son actrice principale, Lena Nyman. Il faut la voir avec son micro arpenter les rues de Stockholm pour demander avec candeur aux passants : « La société suédoise est-elle une société de classes ? »… ou encore interroger à l’aéroport les voyageurs de retour d’Espagne pour leur demander si cela les avait dérangé de passer leurs vacances dans un pays dirigé par un dictateur… Je suis curieuseJamais agressive mais tout de même obstinée, elle parvient par son naturel et sa candeur à toujours obtenir des réponses ou, au moins, des tentatives de réponse. Sur le plan de la sexualité, le film a pu paraître impudique, abordant largement la question sans tabou, avec liberté et naturel. Vu un demi-siècle plus tard, Je suis curieuse reste un film très intéressant, non seulement (et de façon évidente) sur le plan historique et sociologique, mais aussi pour mesurer à quel niveau ces questionnements restent actuels ou pas, ouvrant ainsi la voie à une réflexion philosophique plus large.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lena Nyman, Vilgot Sjöman, Börje Ahlstedt, Peter Lindgren
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Remarques :
* Le jaune et le bleu sont les deux couleurs du drapeau suédois.

* Assez étrangement, en France, le film ne fit que peu d’effet quand il est sorti, en janvier 1968 (pour la première partie) et en septembre 1968 (pour la seconde). Il n’en fut pas de même aux Etats-Unis où il rencontra un vif succès mais ce sont les scènes de nudité (totale ce qui était alors extrêmement rare en dehors des films pornographiques) qui alimentèrent le bouche à oreille : c’est un film que l’on allait voir ostensiblement pour montrer son ouverture d’esprit. En outre, Vilgot Sjöman ne fait à aucun moment montre d’anti-américanisme (mis à part, quelques mentions très rapides de la guerre au Vietnam).

* Olaf Palme apparaît dans le film, il est interviewé (par le réalisateur) sur l’inégalité des salaires et la non-violence. Il était alors ministre des transports. Martin Luther King et le poète russe Evgueni Evtouchenko sont vus dans des documents d’époque.

* La Suède de 1967 est dirigée par les sociaux-démocrates (socialistes modérés) depuis les années trente. Tage Erlander était alors chef du gouvernement depuis 1946. Olaf Palme lui succédera en 1969. Le gouvernement social-démocrate avait pris un certain nombre de mesures dans les années cinquante et soixante pour réduire les inégalités sociales et accroitre la protection sociale. Le pays était considéré comme l’un des plus avancés en ce domaine.

* Vilgot Sjöman a beaucoup travaillé au théâtre avec Bergman, ce qui laisse supposer qu’il a su parfaitement diriger Lena Nyman. En Suède, l’actrice a reçu le prix de la meilleure actrice aux Guldbagge Awards en 1968 pour cette interprétation.

5 juillet 2013

Bruegel, le moulin et la croix (2011) de Lech Majewski

Titre original : « The Mill and the Cross »

Bruegel, le moulin et la croixCe film du polonais  Lech Majewski nous permet de plonger littéralement dans l’univers d’un tableau peint par Bruegel en 1564. Il s’agit du tableau Le Portement de la croix, un tableau qui, avec ses quelque 500 personnages, reste difficile à interpréter sur le plan du symbolisme. Adapté d’un livre du critique d’art Michael Francis Gibson, le film Bruegel, le moulin et la croix met en scène une journée d’une douzaine de personnages du tableau Bruegel, Le Portement de la croix en utilisant habilement différentes techniques : images réelles, images de synthèse, personnages filmés sur fond vert puis incrustés. Le travail sur les costumes est remarquable. Le film comporte très peu de paroles, les personnages agissant généralement dans un mutisme plutôt grave. Le résultat est réussi, l’ensemble est très beau, prolongement de l’esthétisme du tableau. C’est une façon séduisante d’étudier un tableau, de nous faire pénétrer son univers étonnant et d’essayer de mieux le comprendre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rutger Hauer, Michael York, Charlotte Rampling
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Remarque :
* Bruegel n’avait que 35 ans au moment où il a peint ce tableau. L’acteur Rutger Hauer, qui en a presque le double, est donc très âgé pour le rôle.

26 juin 2013

La Taupe (2011) de Tomas Alfredson

Titre original : « Tinker Tailor Soldier Spy »

La taupe1973, en pleine guerre froide, le chef des services secrets britanniques est mis sur la touche à la suite de l’échec d’une mission en Hongrie. Son plus proche adjoint, lui aussi congédié, est rappelé peu après par le ministère pour enquêter sur la présence d’une taupe, un agent double, au plus haut niveau du MI6… La Taupe est l’adaptation d’un roman de John Le Carré paru en 1974, le premier d’une trilogie consacrée à l’espion George Smiley interprété ici par Gary Oldman. Le film est une production anglo-franco-allemande réalisée par le suédois Tomas Alfredson. Par son style, il est très différent des films actuels qui misent tout sur l’action. La taupe renoue brillamment avec les grands films d’espionnage, reposant sur une intrigue solide et montrant une belle profondeur en insistant sur les rapports humains. Ici, l’important n’est pas tant de savoir qui est la taupe (nous savons dès le début qu’il s’agit de l’un des quatre chefs du MI6 et finalement peu importe que ce soit l’un ou l’autre) mais de savoir comment Smiley va pouvoir l’amener à se démasquer. Car l’écheveau est rendu difficile à démêler par les mises en scène du KGB, les agents doubles et les agents retournés. Gary Oldman compose un personnage très fort, vraiment étonnant, d’un flegme qui frise l’impassibilité, d’une froideur perçante (1). Tout aussi remarquable est l’atmosphère régnant dans l’enceinte du MI6 (surnommé « le Cirque ») : des bureaux vieillots et marqués par une envahissante bureaucratie. Nous sommes loin de l’univers de James Bond ! A l’image de son personnage principal, le rythme du film est très posé ce qui nous permet de bien suivre son cheminement. A l’opposé des films agités et tapageurs, La Taupe est un film remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gary Oldman, John Hurt, Colin Firth, Benedict Cumberbatch, Mark Strong, Toby Jones, Ciarán Hinds
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Remarque :
John Le Carré fait une apparition en tant que figurant dans la scène de la fête de Noël.

(1) Gary Oldman dit avoir basé son jeu sur l’une des phrases du livre où Ann, la femme de George, dit de lui : « George est comme un reptile qui baisse sa température pour qu’elle soit la même que celle la pièce dans laquelle il se trouve. » Effectivement, le personnage tel qu’il est joué par Gary Oldman évoque un reptile par certains aspects, extrêmement économe.

15 juin 2013

Barbara (2012) de Christian Petzold

BarbaraDans l’Allemagne de l’Est de 1980, une doctoresse trentenaire est mutée dans un petit hôpital de province après avoir fait un séjour en détention pour avoir cherché à obtenir un visa de sortie. Elle reste distante envers ses collègues, craignant la police secrète et ses informateurs… Christian Petzold est l’un des meilleurs talents de la nouvelle génération de cinéastes allemands, ce film Barbara le démontre magistralement. Il en a écrit lui-même le scénario, une histoire qui mêle habilement le contexte politique de la RDA avec une histoire sentimentale et qui constitue un bel hymne à la vie. Christian Petzold ne théorise pas, le climat de surveillance constante est ici montré dans son expression la plus quotidienne, sans scène spectaculaire, une description assez épurée mais très authentique. Barbara est aussi un portrait de femme, très fermée et froide de prime abord et qui va s’ouvrir très lentement pour parvenir à une autre vision de la vie à laquelle elle aspire. Cette femme est remarquablement incarnée par la belle et longiligne Nina Hoss qui fait montre d’une grande présence à l’écran. Barbara est un film sans artifice. Il y a beaucoup de sensibilité et de délicatesse dans le regard de Christian Petzold.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Rainer Bock
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23 avril 2013

Les Trois Lumières (1921) de Fritz Lang

Titre original : « Der müde Tod »

Les trois lumières(Film muet) Au Moyen-âge, un homme tout vêtu de noir, à la silhouette longiligne et au visage émacié, s’installe à la table d’un couple d’amoureux. A l’insu de la jeune fille, le jeune homme et l’homme tout en noir disparaissent peu après. Elle se lance à sa recherche… Der müde Tod (traduction littérale : La Mort lasse) est le premier film important de Fritz Lang, tourné juste avant Docteur Mabuse. Son scénario est signé par sa future femme, Théa von Harbou, qui a puisé son inspiration dans des contes et ballades germaniques. Original et riche, le film montre toute la créativité du couple. Il se compose en trois histoires très différentes encadrées par un prologue et un épilogue. La Mort met en effet la jeune femme à l’épreuve dans trois environnements, Bagdad, Venise et la Chine, où la mort est à chaque fois administrée par un symbole de pouvoir. « L’amour est aussi fort que la mort » lit-elle dans le Cantiques des cantiques mais c’est surtout contre le pouvoir qu’elle doit se battre à chaque fois et si la Mort est lasse, c’est face à la cruauté des hommes. S’inscrivant dans le courant expressionniste, le film est également original dans sa forme, riche de ses références picturales et agrémenté d’effets spéciaux. Malgré la pluralité de ses composantes, Les Trois Lumières forme un ensemble très cohérent, une véritable oeuvre de création d’un grand cinéaste.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lil Dagover, Walter Janssen, Bernhard Goetzke
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Voir les autres films de Fritz Lang chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Douglas Faibanks a acheté les droits d’exploitation aux Etats Unis de Der müde Tod et en a retardé la sortie. Il s’est inspiré des effets spéciaux de la partie chinoise pour son film Le Voleur de Bagdad. Der müde Tod n’est ainsi sorti aux Etats Unis qu’en 1924 plusieurs mois après le film de Faibanks.

19 avril 2013

Carnage (2011) de Roman Polanski

CarnageDans un square de Brooklyn, un enfant de 11 ans blesse l’un de ses camarades de jeu lors d’une bagarre. Les parents se retrouvent peu après, avec l’intention de régler l’incident de manière civilisée. La rencontre va prendre un tour inattendu… Sa filmographie le prouve, Roman Polanski a une prédilection pour les huis clos, particulièrement ceux où la tension devient si forte qu’elle révèle des traits de la personnalité normalement cachés. Carnage est adapté d’une pièce de Yasmina Reza qui en a coécrit l’adaptation avec le cinéaste. Unité de lieu, un appartement newyorkais, et unité de temps, le film se déroule sans ellipse, en temps réel donc, sur 1h15 de temps. La situation évolue sans cesse, les échanges très urbains du début ne résistent pas à la tension qui s’installe, nous glissons d’une situation à une autre de façon assez subtile, des rapports de force se créent et s’évanouissent tout aussi rapidement. Carnage est assez remarquable par son écriture, d’autant plus que l’humour est assez présent, c’est une comédie. De nombreux passages sont même jubilatoires. Sous le vernis d’une civilité plus ou moins forcée, des sentiments resurgissent, plus triviaux, empreints d’un certain cynisme. Nul doute qu’après son assignation à résidence, l’adaptation de cette pièce qui fustige les bien-pensants d’une fausse largeur d’esprit n’était pas pour déplaire à Roman Polanski. C’est en tout cas très brillant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz, John C. Reilly
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Remarque :
La pièce de Yasmina Reza Le Dieu du Carnage a d’abord été jouée en France en 2008 (avec Isabelle Huppert) puis à Broadway en 2009.