14 février 2020

Le Roi des rois (1961) de Nicholas Ray

Titre original : « King of Kings »

Le Roi des rois (King of Kings)Que Nicholas Ray ait pu diriger une version de la vie du Christ a de quoi nous surprendre. C’est le producteur Samuel Bronston qui est allé le chercher en remplacement de John Farrow (1). Le scénario prend des libertés avec la Bible et met l’accent sur l’oppression du peuple par Hérode avec l’appui des romains. Le personnage de Barrabas, habituellement simple criminel condamné à mort, devient un guérillero qui s’active à provoquer un soulèvement armé et cherche l’appui de Jésus. Le film se situe dans le sillon de la vogue des péplums (l’affiche américaine ci-contre est fortement inspirée de celle de Ben-Hur) et les scènes de foules ou de légions romaines impressionnent avec leurs innombrables figurants. La musique de Miklos Rozsa contribue également à donner de l’ampleur. L’ensemble est très bien équilibré, sans excès malgré une coloration américaine assez marquée, due principalement à la distribution. Le film fut assez critiqué à sa sortie et ce n’est que bien plus tard que ce Roi des rois de Nicholas Ray fut reconnu comme l’une des meilleures adaptations de la vie du Christ au cinéma.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jeffrey Hunter, Robert Ryan, Hurd Hatfield, Ron Randell, Viveca Lindfors, Brigid Bazlen, Harry Guardino, Rip Torn, Frank Thring, Royal Dano
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Remarques :
* La narration en voix off, dite par Orson Welles, a été écrite par Ray Bradbury (ni l’un ni l’autre ne sont crédités au générique).
* A sa sortie, beaucoup raillèrent l’apparence trop juvénile de Jésus. Jeffrey Hunter avait pourtant l’âge requis (33 ans) mais il est vrai que les représentations courantes étaient celles d’un homme d’apparence plus âgée. A noter que Cecil B. DeMille, en 1927, avait pris un acteur qui avait 50 ans. Les autres films, pour la plupart, s’arrangeaient pour ne pas montrer son visage.

(1) Le projet était initialement prévu pour être dirigé par John Farrow. Fervent catholique, il voulait n’utiliser que les écrits de la Bible comme dialogues. Son scénario fut jugé impossible à tourner et le producteur Samuel Bronston le remplaça par Nicholas Ray.

Le Roi des rois (King of Kings)Jeffrey Hunter est Jésus dans Le Roi des rois (King of Kings) de Nicholas Ray.

Le Roi des rois (King of Kings)Le Roi des rois (King of Kings) de Nicholas Ray.

Le Roi des rois (King of Kings)Robert Ryan est Jean le Baptiste dans Le Roi des rois (King of Kings) de Nicholas Ray.

Le Roi des rois (King of Kings)Répression du soulèvement du peuple.
Dessin très proche d’une scène du film Le Roi des rois (King of Kings) de Nicholas Ray.

Homonyme :
Le Roi des rois (King of Kings) de Cecil B. DeMille (1927)

7 juin 2018

Le Roi des rois (1927) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The King of Kings »

Le Roi des roisThe King of Kings de Cecil B. DeMille met en scène certains épisodes de la vie de Jésus depuis la conversion de Marie-Madeleine jusqu’à la Résurrection. Il s’agit du deuxième grand film biblique de Cecil B. DeMille, quatre ans après Les Dix Commandements. Le réalisateur va s’investir totalement dans ce grand projet, considérant qu’il œuvre pour un grand dessein. Cecil B. DeMille est croyant mais pas dogmatique ; il prend ainsi quelques libertés avec les Evangiles, notamment en accentuant fortement la fourberie de Judas et de Caïphe. Le début est inattendu, montrant avec insistance (et en couleurs !) Marie-Madeleine en riche et puissante femme fatale. The King of Kings est conçu pour marquer profondément l’esprit des spectateurs et Cecil B. DeMille utilise tout son savoir-faire dans des effets visuels étonnants (telle la sortie des sept péchés capitaux de Marie-Madeleine) ou dans l’éclairage (Jésus est inondé de lumière de telle sorte que la lumière semble provenir de son corps) ou encore dans les scènes à grand spectacle (le tremblement de terre lors de la Crucifixion) et les grands mouvements de foule. La fin du film, la Résurrection,  est également en Technicolor. The King of Kings  est un film d’une grande force. Il a été brillamment restauré en 2017 par Lobster Film. (film muet, 155 mn)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: H.B. Warner, Jacqueline Logan, Ernest Torrence, Joseph Schildkraut, Dorothy Cumming
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Remarques :
* Le choix de H.B. Warner pour interpréter Jésus fut difficile à imposer. Que l’acteur ait plus de 50 ans au lieu de 30 était facilement compensé par une excellente forme physique. Bien plus problématique était sa solide réputation de coureur de jupons. Cecil B. DeMille s’en sortit en faisant ajouter des clauses de bonne moralité à son contrat : l’acteur ne devait rien faire pendant le tournage qui puisse ternir son image biblique (interdiction de fréquenter des night-clubs, d’aller à la plage ou même de rouler en décapotable) et, pendant cinq ans, ne devait accepter aucun rôle jugé préjudiciable à cette image sacrée.
* Les acteurs Rudolph Schildkraut (Caïphe) et Joseph Schildkraut (Judas) sont père et fils.
* The King of Kings fut le premier film diffusé au Grauman’s Chinese Theater à Hollywood.

Le Roi des rois
La résurrection de Lazare : H.B. Warner dans Le Roi des rois de Cecil B. DeMille.

Le Roi des rois
Marie-Madeleine en femme fatale : Jacqueline Logan dans Le Roi des rois de Cecil B. DeMille (séquence en couleurs).

Le Roi des rois

Le Roi des rois
Jésus face à Ponce-Pilate et Caïphe : H.B. Warner, Victor Varconi et Rudolph Schildkraut dans Le Roi des rois de Cecil B. DeMille.

2 décembre 2017

La Plus Grande Histoire jamais contée (1965) de George Stevens

Titre original : « The Greatest Story Ever Told »

La Plus grande histoire jamais contéeLa vie de Jésus Christ…
Produit et réalisé par George Stevens, La Plus Grande Histoire jamais contée a bénéficié d’un budget important (20 millions de dollars soit 160 millions de 2017), d’une longue préparation et d’un plateau abondamment fourni en stars. Le résultat est épouvantable. Obsédé par l’idée de donner de la grandeur à son film, George Stevens n’a réussi à lui donner que de la lourdeur. Il n’y a là aucun souffle, aucune flamme. On s’ennuie même. Beaucoup de scènes ne sont d’ailleurs pas montrées mais racontées par des personnages (« on dit qu’il a multiplié les pains », « on dit qu’il a marché sur l’eau » …), astuce normalement plutôt utilisée par les films à petit budget ! Le défilé d’acteurs connus est presque grotesque et que le tournage ait été fait dans l’Ouest américain saute aux yeux ; on s’attend à tomber sur John Wayne à tout moment (en fait, il faut attendre la fin du film pour qu’il apparaisse et dise son unique réplique). De toute évidence, George Stevens n’est pas Cecil B. DeMille! L’âge d’or des péplums étant, de plus, révolu, le film fut un flop commercial, l’un des plus grands flops de l’histoire du cinéma.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Max von Sydow, Charlton Heston, Martin Landau, José Ferrer, Carroll Baker, Van Heflin, Telly Savalas, John Wayne
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Remarques :
* Le tournage fut terminé en 1963 et George Stevens mit plus d’un an à le monter. La première version distribuée totalisait 225 minutes. Devant le peu de succès auprès du public, la durée fut rapidement réduite à 127 minutes. Le film est ressorti sur DVD dans une version de 191 minutes en 2001 (version visionnée ici).

* Non crédités au générique, David Lean a dirigé quelques scènes d’intérieur avec Claude Rains et José Ferrer alors que Jean Negulesco a dirigé la scène de la Nativité.

* Sur l’unique réplique de John Wayne « Truly, this man was the Son of God », une légende (certainement fausse mais amusante) circule depuis la sortie. Après plusieurs prises peu convaincantes, Stevens lui dit « Duke, il nous faut quelque chose de plus. Lève les yeux vers lui et donne-nous de la crainte. » (« Duke, what we need in this line is something more. Look up at the man and give us some awe. ») Wayne acquiesce et, à la prise suivante, lève les yeux vers la croix et dit : « Awww, truly this man was the Son of God. »
A noter que la version finale de cette réplique n’est guère plus brillante, on se demande vraiment comment un metteur en scène peut laisser une réplique si mal dite dans un film. Elle est tellement mauvaise qu’elle est sur Youtube

La Plus Grande Histoire jamais contée
Max von Sydow (dont c’est le premier film américain) dans La Plus Grande Histoire jamais contée de George Stevens.

26 mai 2017

L’Évangile selon saint Matthieu (1964) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Il vangelo secondo Matteo »

L'évangile selon saint MatthieuQu’un réalisateur athée et marxiste comme Pasolini porte la vie du Christ à l’écran peut étonner. Le cinéaste venait d’écoper de quatre mois de prison avec sursis pour outrage à la religion pour son moyen métrage Rogopag (La Ricotta) l’année précédente. Que son film reçoive cette fois le Grand prix de l’Office Catholique International du Cinéma (OCIC) surprend encore plus. En revanche, les foudres sont venus des milieux intellectuels parisiens. Pasolini reste en effet très proche des textes. Bien entendu, on pourrait dire qu’il en fait une interprétation politique : il donne le rôle du Christ à un syndicaliste espagnol et ne manque pas d’appuyer les différences de classes entre le peuple et les pharisiens. Mais le propos va beaucoup plus loin que cela : bien qu’il soit athée, Pasolini réédifie/reconstruit le « sacré ». Il faut être un très grand cinéaste pour parvenir à surmonter ce qui serait une contradiction pour beaucoup. Son film acquiert en outre une dimension poétique et philosophique qui naît en partie de son esthétique. Pasolini imprime en nous une forte sensation d’humilité et de dénuement. Les décors en sont les premiers artisans (nous sommes loin des spectacles hollywoodiens) mais cela passe aussi par les corps qui ont une présence étonnante. La musique est superbe et omniprésente, un cocktail inattendu composé d’une bonne dose de Bach (La Passion selon Saint Matthieu, bien-sûr) avec un soupçon de Mozart, de Prokofiev, de Webern, et aussi de blues et de Missa Luba congolais.  Aussi étonnant que cela puisse paraître, L’Évangile selon saint Matthieu est l’un des films les plus aboutis de Pasolini, qui démontre ainsi qu’il n’est pas un cinéaste à ranger dans une petite case.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Enrique Irazoqui, Mario Socrate
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Remarques :
* Pasolini a en outre réalisé un petit documentaire de 40 mn Repérages en Palestine pour « L’Évangile selon saint Matthieu ». On le voit visiter la Palestine accompagné d’un jésuite progressiste, Don Andrea Carraro. Le réalisateur se désole de ne trouver aucun lieu qui ne soit pas marqué par la modernité mais il s’imprègne des lieux. Ses discussions avec Don Andrea sont intéressantes : bien qu’ils soient fondamentalement opposés, il y a une grande convergence.
* Au final, Pasolini a tout tourné en Italie du Sud où il a trouvé les lieux vierges de toute civilisation qu’il désirait.
* La mère du Christ âgée est interprétée par Susanna Pasolini, la mère du cinéaste.

L'Évangile selon saint Matthieu
Enrique Irazoqui dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini.

L'Évangile selon saint Matthieu
Un quartier semi-troglodytique de la ville italienne de Matera sert de cadre pour le village de Nazareth dans L’Évangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (lire le commentaire de Jacques C. ci-dessous pour plus d’explications).

5 juillet 2013

Bruegel, le moulin et la croix (2011) de Lech Majewski

Titre original : « The Mill and the Cross »

Bruegel, le moulin et la croixCe film du polonais  Lech Majewski nous permet de plonger littéralement dans l’univers d’un tableau peint par Bruegel en 1564. Il s’agit du tableau Le Portement de la croix, un tableau qui, avec ses quelque 500 personnages, reste difficile à interpréter sur le plan du symbolisme. Adapté d’un livre du critique d’art Michael Francis Gibson, le film Bruegel, le moulin et la croix met en scène une journée d’une douzaine de personnages du tableau Bruegel, Le Portement de la croix en utilisant habilement différentes techniques : images réelles, images de synthèse, personnages filmés sur fond vert puis incrustés. Le travail sur les costumes est remarquable. Le film comporte très peu de paroles, les personnages agissant généralement dans un mutisme plutôt grave. Le résultat est réussi, l’ensemble est très beau, prolongement de l’esthétisme du tableau. C’est une façon séduisante d’étudier un tableau, de nous faire pénétrer son univers étonnant et d’essayer de mieux le comprendre.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rutger Hauer, Michael York, Charlotte Rampling
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Remarque :
* Bruegel n’avait que 35 ans au moment où il a peint ce tableau. L’acteur Rutger Hauer, qui en a presque le double, est donc très âgé pour le rôle.

21 décembre 2012

La fin du monde (1931) d’Abel Gance

La fin du mondeJean, acteur, écrivain et poète, et son frère Martial, astronome nobélisé, sont amoureux de la même femme. Jean veut se retirer pour son frère qui refuse ce sacrifice. Martial découvre qu’une comète va heurter la terre dans 114 jours. La panique s’empare de la population. Martial parvient à faire proclamer la République Universelle… La fin du monde est le premier film parlant d’Abel Gance. Après La Roue et Napoléon, le réalisateur se lance à nouveau dans une très grande fresque prévue pour durer trois heures. Il y tient lui-même le rôle principal. Hélas, malgré tout le génie qu’il a pu montrer dans ses productions en cinéma muet, Abel Gance ne parvient pas à maitriser le parlant dès cette première production : le jeu des acteurs est épouvantablement théâtral. La fin du mondeDe plus, le scénario fait montre d’une naïveté presque puérile et s’empêtre dans le romanesque et dans un essai de créer un Christ moderne. Le film sera amputé de moitié avant même sa sortie et c’est donc une version de 105 minutes qui sera commercialisée. La fin du monde reste toutefois intéressant à visualiser car il témoigne des ambitions d’Abel Gance, véritable auteur de cinéma.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Abel Gance, Colette Darfeuil, Victor Francen
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Remarque :
La fin du monde Après une projection en 1964, Abel Gance déclarera : « C’est un désastre. Je trouve tout le film exécrable, le jeu des acteurs, moi compris, ridicule, le sujet invraisemblable. Quelques séquences peuvent servir d’extraits de cinémathèque, et encore ! » (cité dans Abel Gance par Roger Icart, Ed. L’âge d’homme).

26 octobre 2011

Ben-Hur: A tale of the Christ (1925) de Fred Niblo

Ben-Hur: A Tale of the ChristBen-Hur: A Tale of the Christ est la deuxième des trois adaptations du roman de Lew Wallace. Ben-Hur raconte l’extraordinaire épopée d’un jeune juif au premier siècle de notre ère. A la même époque, Jésus fait naître un grand espoir parmi le peuple opprimé brutalement par les Romains… La toute jeune M.G.M. prenait un risque important avec cette coûteuse superproduction. Le tournage fut difficile : commencé en Italie (troublée à l’époque par la montée de Mussolini) sous la direction de Charles Brabin, il fut repris en main par Fred Niblo et fini à Hollywood. Le film est porté par un grand souffle épique avec deux grandes scènes d’anthologie : la bataille navale (qui est d’ailleurs bien plus réussie que dans la version de 1959, c’est même l’une des meilleures batailles filmées de toute l’histoire du cinéma) Ben-Hur: A Tale of the Christ et bien entendu la course de chars, sauvage et poignante. Toutes les scènes de foule sont impressionnantes, mais d’autres scènes sont très fortes, tel ce face à face entre Ben-Hur et Messala avant la course. Quelques scènes sont en couleurs, un procédé expérimental à deux couches (vert et rouge, pas de bleu) qui demandait un très fort éclairage. Grand film commercial, Ben-Hur: A Tale of the Christ fut un grand succès, l’un des plus importants de la décennie. Cette version muette est supérieure en bien des points à la version parlante de 1959.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ramon Novarro, Francis X. Bushman, May McAvoy, Betty Bronson, Claire McDowell, Kathleen Key
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Remarques :
Ben-Hur: A Tale of the Christ * La bataille navale fut tournée en Italie par B. Reeves Eason. Lorsque les vents rabattirent la fumée de l’incendie d’un bateau sur un autre, les figurants pris de panique sautèrent tous dans l’eau (la scène a d’ailleurs été gardée pour le film). Or, beaucoup de figurants avaient menti sur le fait de savoir nager. La catastrophe fut évitée de justesse…

* La M.G.M. a choisi de ne jamais montrer le Christ pour lui donner une présence plus spirituelle que charnelle. Nous voyons son bras, mais pas son corps. Dans la (courte) scène de la cène, un personnage s’est assis juste devant la table pour nous bloquer la vue !

Ben-Hur: A Tale of the Christ* Pour la course de chars, la MGM a utilisé 42 caméras, postées à des endroits différents. La course a été terrible : aucune mort de cascadeurs, heureusement, mais plusieurs chevaux sont morts (notamment dans le violent accident dans le virage). Tout Hollywood s’est porté volontaire pour faire de la figuration dans cette scène, la liste est impressionnante : John Barrymore, Lionel Barrymore, Clarence Brown, Gary Cooper, Joan Crawford, Marion Davies, Douglas Fairbanks, George Fitzmaurice, Clark Gable, Janet Gaynor, John Gilbert, Dorothy Gish, Lillian Gish, Samuel Goldwyn (!!), Sid Grauman (oui le Grauman du Grauman Theater Ben-Hur: A Tale of the Christqui avait acheté fort cher une exclusivité de diffusion), Rupert Julian, Harold Lloyd, Carole Lombard, Myrna Loy, Colleen Moore, Mary Pickford, Fay Wray… pour ne citer que les plus connus. A part Myrna Loy qui joue une esclave visible dans une tribune, il est impossible de repérer des visages connus parmi tout ce monde. Clark Gable serait un garde romain (d’autres sources parlent d’un personnage dans la foule).

* Le tournage mouvementé de Ben-Hur est raconté dans l’excellent livre de Kevin Brownlow sur le cinéma muet : La Parade est passée…

* Les trois versions de Ben-Hur :
Ben-Hur de Sidney Olcott (1907) avec Herman Rottger et William S. Hart
Ben-Hur: A Tale of the Christ de Fred Niblo (1925) avec Ramon Navarro
Ben-Hur de William Wyler (1959) avec Charlton Heston

22 septembre 2011

From the manger to the cross (1912) de Sidney Olcott

From the manger to the cross Très méconnu, Sydney Olcott est un réalisateur d’origine canadienne qui fait partie des tous premiers réalisateurs outre-Atlantique. From the Manger to the Cross (= De la crèche à la croix) est son film le plus marquant. Il reconstitue l’histoire du Christ, de Bethléem au Golgotha. Il est remarquable pour au moins deux raisons : durant un peu plus de 70 minutes, il s’agit de l’un des tous premiers longs métrages américains (1) et le film a été tourné entièrement sur les lieux mêmes, pratique totalement inédite à l’époque. Sydney Olcott s’est en effet rendu en Palestine avec une petite équipe (une traversée de plusieurs semaines) et a utilisé de nombreux figurants sur place (2)(3). From the Manger to the Cross Dans sa forme, le film est plutôt moins novateur : il est organisé en tableaux, scènes où la caméra est fixe (4) et dont le contenu est le plus souvent annoncé par un intertitre composé d’une citation de la Bible. Citer la Bible permettait d’ajouter du crédit au film (5). Les liaisons entre les tableaux sont rares. En 1912, cette forme de cinéma était sur le point de disparaître. Le point fort du film est donc l’authenticité des lieux et le soin porté aux reconstitutions ; c’est certainement pour ces raisons que le succès à l’époque fut immense. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Henderson-Bland, Gene Gauntier
Voir la fiche du film et la filmographie de Sidney Olcott sur le site IMDB.

Remarques :
* Certains tableaux sont très fortement inspirés de la Bible Tissot, série de 365 gouaches du peintre nantais James Tissot (1836-1902).
>> Voir la Bible Tissot sur le site de la B.N.F.
* Dans certaines versions, des scènes ont été ajoutées après la fin initiale (la mort du Christ sur la croix) pour montrer la résurrection. Ces images proviendraient d’un film italien datant de 1916 : « Christus » de Giulio Antamoro.

(1) D’après nos connaissances actuelles, le premier long métrage de l’histoire du cinéma serait La défense de Sébastopol du russe Vasili Goncharov (1911, 6 bobines, 100 mn).

(2) Si la vie du Christ a été portée à l’écran de très nombreuses fois (environ 70 fois), le film de Sydney Olcott est le seul à avoir été tourné en Palestine.

Première Passion (3) Le tournage de From the Manger to the Cross est raconté dans un merveilleux documentaire de Philippe Baron « Première Passion » (55 minutes). Le parcours de l’équipe de tournage est reconstitué et les lieux de tournage sont retrouvés. Un remarquable (et passionnant!) travail de recherche.

(4) On notera cependant deux panoramiques : un pour élargir le champ dans une scène avec de nombreux figurants, un autre pour suivre Judas marchant le long d’un mur.

(5) Il ne faut oublier qu’en 1912, le cinéma était encore une attraction foraine et populaire. Il était donc délicat de traiter un sujet plus sérieux et ô combien sacralisé. Avant la sortie, la Kalem Company organisa des projections privées aux membres du clergé qui trouvèrent le film approprié. Ainsi la publicité faite autour film put ensuite mentionner : « approuvé par les représentants de l’Eglise ».

>> Voir aussi un site dédié au réalisateur : Sydney Olcott, le premier oeil

25 janvier 2008

Intolérance (1916) de David W. Griffith

Titre original : « Intolerance: Love’s struggle throughout the ages »

IntoléranceLui :
Intolérance sortit un an après Naissance d’une Nation pour lequel Griffith s’était vu accusé d’encourager un certain racisme. Il voulu donc, en réponse, faire une vaste fresque contre l’intolérance à travers les âges en prenant quatre moments historiques et en les entremêlant pour créer des parallèles. Ce montage, habile et audacieux (mais engendrant toutefois une certaine confusion chez le spectateur), s’accélère pour devenir bien plus rapide vers le fin du film. Les quatre séquences sont inégales en importance dans le montage final, puisque celle sur la Passion du Christ est plus une simple évocation et celle sur le Massacre de la Saint-Barthélemy (par Catherine de Médicis en 1572) est globalement plus brève que les deux morceaux principaux : The Mother and the Law qui se déroule à l’époque actuelle en 1914 et Le Festin de Balthazar dans Babylone, en 539 avant J.C.

IntoléranceComme cela a toujours été souligné par les historiens du cinéma, Intolérance forme un ensemble hétéroclite et assez peu convaincant quant au fond (prôner la tolérance) mais les séquences babyloniennes restent l’un des plus grands spectacles qu’Hollywood ait pu créer de toute son histoire : Griffith utilisa un gigantesque plateau de 2 kilomètres de long avec des décors hauts comme une maison de six étages et des milliers de figurants. Le résultat est à la hauteur des moyens utilisés avec des scènes du siège de Babylone par Cyrus assez phénoménales.

Le film fut un échec commercial, du fait de ses faiblesses mais aussi parce qu’en 1917 les Etats-Unis entreront en guerre et les messages pacifiques n’auront plus beaucoup droit de cité. En 1919, pour récupérer un peu d’argent, Griffith sortira séparément The Fall of Babylon et The Mother and the Law. L’historien George Sadoul rapporte avoir vu The Mother and the Law ainsi monté seul et l’avoir trouvé d’une grande puissance alors que, intégré dans Intolérance, il est un peu écrasé par la magnificence de Babylone. Il faut d’ailleurs savoir que Griffith l’avait tourné avant même Naissance d’une Nation mais ne l’avait pas sorti, redoutant sans doute les effets de son message social (il montre la répression aveugle et sanglante d’une grève). Malgré son côté disparate, Intolérance a marqué l’histoire du cinéma, son influence sur les jeunes cinéastes russes comme Eisenstein est souvent citée. Il reste donc très intéressant à visionner presque un siècle plus tard.
Note : 4 eacute;toiles

Acteurs: Mae Marsh, Robert Harron, Constance Talmadge, Alfred Paget
Voir la fiche du film et la filmographie de D.W. Griffith sur le site imdb.com.
Voir les autres films de David W. Griffith chroniqués sur ce blog…

Note : Le montage initial d’Intolérance de 275 minutes a été perdu très tôt. Griffith fit des nouveaux montages pour ressortir le film en 1926 et 1933. La version que nous pouvons voir actuellement dure un peu plus de 150 minutes avec des teintures d’images un peu marquées.

Note : Dans Les trois âges (1923), Buster Keaton utilisera la même construction qu’Intolérance, plus dans un esprit de parodie que d’hommage cependant.